Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Au-delà des Proverbes : La femme querelleuse et l'esprit de Madian

"Mieux vaut habiter à l'angle d'un toit que de partager la demeure d'une femme querelleuse" (Prov. 21:9).

"Et Séphora prit une pierre tranchante et coupa le prépuce de son fils et le jeta à ses pieds et dit : Certes, tu m'es un époux de sang" (Exode 4:25).

Si Moïse fut l'homme "le plus patient sur Terre" (Nombres 12:3), sa vie conjugale ne fut cependant pas de tout repos. On peut être d'un caractère aimable et conciliant, être marié à un conjoint querelleur peut rendre la vie fort difficile. Ce passage de l'Exode évoque un différent qui opposa Moïse à son épouse Séphora (de son vrai nom Tsipora, "petit oiseau"), fille du sacrificateur du peuple de Madian auprès duquel il avait trouvé refuge après s'être enfui d'Egypte. Jethro, le sacrificateur de Madian, était un homme paisible, sage et de bon conseil. Il donna sa fille Tsipora (Séphora) comme épouse à Moïse. Tsipora signifie "petit oiseau", mais le temps démontrera que la douce voix chantante de Tsipora pouvait également se faire entendre autrement. Tsipora, l'épouse de Moïse, était avant tout une Madianite. Le mot "Madian" (prononcer "madiane") signifie "dispute, querelle".

Tsipora s'était opposée à ce que leur fils soit circoncis comme l'exigeait le rite abrahamique auquel Moïse se référait, mais lorsqu'elle vit que Dieu voulait faire mourir Moïse (Ex. 4:24), elle circoncit elle-même son fils. Furieuse d'avoir été obligée de pratiquer une chose qu'elle réprouvait fortement, elle "toucha les pieds" de Moïse avec le prépuce de Gerschom et dit à Moïse : "Tu es pour moi un époux de sang". On peut imaginer les paroles de Tsipora à Moïse : "Tu m'a obligée à faire à mon fils quelque chose que je réprouve, et je ne te le pardonnerai jamais ! Ce sang sera toujours entre nous ! Alors tiens ! Le voilà, le prépuce de ton fils ! C'est ce que tu voulais, tu l'as eu !" On peut imaginer qu'après cette nuit, les relations entre les époux furent plutôt tendues.

Selon la tradition rabbinique, Jethro, beau-père de Moïse et sacrificateur de Madian,, aurait exigé que leur premier-né fasse partie de son clan, et donc qu'il ne soit pas circoncis. Son deuxième fils, lui, sera circoncis conformément au rite abrahamique. Mais pour que Moïse puisse se rendre en Egypte pour accomplir sa mission, il fallait que ses deux fils soient circoncis. Si Dieu avait voulu faire mourir Moïse, c'est parce qu'il n'avait pas obéi à ce commandement mais il avait cédé aux exigences de son beau-père et de sa femme. C'est bien évidemment le risque lorsque l'on épouse une personne qui n'appartient pas "au peuple de Dieu" : celui d'être confronté à des situations où l'obéissance au Seigneur s'oppose aux exigences de la belle-famille. 

Lorsque Tsipora lance à son mari "époux de sang", elle utilise en réalité un Pluriel ("époux de sangs" - "damim"). L'utilisation du Pluriel, lorsque l'on parle du sang dans les textes bibliques, peut revêtir deux significations. La première est lorsque l'on fait référence à un acte particulièrement sanglant (par exemple lorsqu'il est fait mention du meurtre d'Abel par Caïn). Ce peut être un meurtre particulièrement violent, un massacre. La deuxième, c'est lorsque l'on parle des générations à venir. On fait alors allusion aux "sangs" de ceux qui viendront après, les générations futures ("la vie est dans le sang" - Lév. 17:11). Lorsque Tsipora vient toucher les pieds de Moïse, ses mains sont encore maculées du sang de son fils. Pour elle, son mari l'a acculée à commettre un acte répugnant. Tsipora utilise donc un Pluriel pour parler "des sangs" de son fils. Mais, comme cela arrive à plusieurs reprises dans l'Ecriture, une parole prononcée a, en elle, une portée qui dépasse son  sens initial. "Les sangs" de Gerschom sont ceux de son prépuce, mais bien au delà, ce sont ceux de toutes les générations qui vont venir après lui, toutes les générations de lévites qui serviront Dieu dans le futur Temple et qui, de par ce fait, devaient être circoncis. 

On peut penser que de se marier n'implique que les deux époux et leurs familles respectives, mais c'est oublier que d'un couple naîtra une descendance qui portera, ou non, les valeurs de ses parents. Il est déjà difficile de transmettre à ses enfants des valeurs que l'on a en commun entre époux, combien plus quand les avis divergent. Et si ces valeurs s'opposent diamétralement, laquelle l'emporta ? Et combien de couples, comme Moïse et Tsipora, connaîtront-ils des conflits parce qu'ils ne se réfèrent pas aux mêmes codes de conduite ? Tsipora ne demeura-t-elle pas un temps chez son père avec ses enfants avant de retrouver son mari (Ex. 18:1 ,2) ? Une séparation provisoire ne résoudra pas, à long terme, une divergence de vues.

J'en viens donc au Proverbe cité plus haut, dont voici la version Darby : "Mieux vaut habiter l'angle d'un toit qu'une femme querelleuse et une maison en commun" (Proverbes 21:9, Darby). Ces deux versions (celle de Segond et celle de Darby) sont complémentaires et expriment une idée semblable. La version Segond nous parle "de partager la demeure d'une femme querelleuse". Or, s'il est une chose difficile, c'est bien de vivre auprès de quelqu'un qui aime pratiquer la querelle. Pour certains, et c'est même propre à certaines familles, c'est presque un mode de vie, c'est devenu un fonctionnement. Dans un tel contexte, il est difficile d'envisager pouvoir partager quoi que ce soit, étant donné que le partage sous-entend, tout au moins, une entente cordiale. Or, il est évident que le mariage suppose que les époux aient entre eux bien plus que des relations cordiales. La version Darby apporte "une pierre à l'édifice" en donnant une légère variante : "une femme querelleuse et une maison en commun". Là, ça se complique ! Il arrive que cette "cohabitation" finisse par une séparation. Mais la séparation d'un couple qui a "une maison en commun" et dont l'un des époux est "querelleur" peut s'avérer être fort difficile. On peut alors  regretter le temps où l'on vivait dans une chambre mansardée au sixième étage sans ascenseur (version moderne de "l'angle du toit"). Qui plus est, quand des enfant sont nés de cette union qui fut belle autrefois, les choses se compliquent encore. 

Moïse, avant d'arriver au pays de Madian (le pays de la querelle), avait vécu quarante ans en Egypte ("Mitsraïm" signifie "double enfermement, à l'étroit"). Après avoir vécu "à l'étroit" (il grandit et vécut quand même au palais de Pharaon !), il connut ensuite "le pays de la querelle". Effectivement, le contraste est marquant entre le palais royal et la tente de berger, entre la maison familiale et la chambre mansardée du sixième où l'on peut se sentir effectivement un peu "à l'étroit". 

"Pour qui les ah ? Pour qui les hélas ? Pour qui les disputes (midyan) ? Pour qui les plaintes ? Pour qui les blessures sans raison ? Pour qui les yeux rouges ?" (Prov. 23:29). Que de souffrances pourraient être évitées. Un esprit conciliant peut arrondir les angles, mais une personne querelleuse n'a besoin que d'un prétexte, fut-il fallacieux, pour chercher à provoquer une dispute. Mais les disputes, les plaintes, les blessures et les larmes pourraient être évitées si l'amour vrai était réellement présent au sein du couple. D'où l'importance de bien apprendre à connaître la personne que l'on veut épouser, car le joli chant d'oiseau d'une Madianite peut très vite se transformer en cris aigus. 

Le beau-père de Moïse était un homme sage, posé et de bon conseil, et qui plus est, il aimait son beau-fils, mais bien qu'il soit un descendant d'Abraham par Kétoura, sa seconde épouse (Gen. 25:2), il ne pratiquait pas la circoncision (Gen. 17:9 à 11). Un mariage contracté avec une personne appartenant à un clan familial où les principes bibliques ne sont pas appliqués forcera un jour ou l'autre le conjoint qui est au Seigneur à faire des compromis. S'il s'y refuse, cela amènera automatiquement des conflits avec la belle-famille, voir avec le conjoint lui-même si celle-ci (ou celui-ci) partage l'opinion des siens. 

Tsipora était fille d'un homme influent au sein de son clan. Moïse a acquis, de par son mariage, une position dans le "peloton de tête". Il retrouve un peu du prestige qu'il a connu en Egypte, toutes proportions gardées, bien sûr. Il continue donc d'évoluer dans un milieu influent mais, peut-être justement à cause de cela, il est tenu de se plier à certaines règles qui sont contraires à ses valeurs. Épouser une personne qui évolue dans un milieu où les principes de vie bibliques ne sont pas appliqués mènera tôt ou tard à une confrontation de ses propres valeurs. Et bien que Moïse ait été habitué, dès son plus jeune âge, à commander, à se faire respecter, il évoluait là dans un cadre où il était seul avec ses principes. Bien que les Madianites soient des cousins des Hébreux, ils n'en étaient pas moins exclus de l'alliance contractée entre Dieu et Abraham. Moïse se sentait Hébreu de par sa naissance, mais pour les Madianites, il était aussi un égyptien (Ex. 2:19). De même qu'un futur conjoint peut également porter le nom de chrétien, s'il n'a pas connu "la circoncision du cœur" (Romains 2:29), il n'est pas non plus entré dans la Nouvelle Alliance en Jésus-Christ. Quel sera l'esprit qui influencera le conjoint dont le cœur n'a pas été changé, transformé par la nouvelle naissance ? Ce sera l'esprit de Madian, l'esprit de querelle et de dispute. Alors, avec le temps, "les noms d'oiseaux*" pourraient bien remplacer les mots tendres et les gazouillis des premiers émois. Imaginons que Moïse et Tsipora se soient séparés, les enfants auraient probablement accompagné leur mère, ils seraient devenus Madianites, et leurs enfants, plus encore. On leur aurait parlé d'un grand-père égyptien qu'ils n'ont pas connu. Un grand-père qui était un peu "mystique" et se croyait investi d'une mission divine. Il était reparti dans son pays, en Egypte ou ailleurs. Bien évidemment, il n'en fut pas ainsi. Pas pour Moïse et Tsipora. Mais pour beaucoup de ceux qui, un jour, se sont marié avec un conjoint dont le cœur n'était pas entier au Seigneur, voir ne l'était pas du tout, ce scénario a très bien pu se dérouler ainsi. 

"Pour qui les ah ? Pour qui les hélas ?" Pour qui  les yeux rouges de larmes quand le remord vient frapper à la porte du cœur et que la conscience tente en vain d'évoquer une alliance passée ? Une alliance que l'on portait autrefois à son doigt.

Mesdames, "que votre beauté réside dans votre être intérieur, dans le charme impérissable d'un esprit doux et paisible" (1 Pierre 3:4, Parole Vivante). Messieurs, "témoignez à vos épouses beaucoup d'affection, ne laissez pas l'amertume ou le ressentiment envahir vos cœur et détruire votre union" (Colossiens 3:19, Parole Vivante).

"Que le mariage soit honoré de tous" (Hébreux 12:4).

 

* L'expression "noms d'oiseaux" signifie "insultes, grossièretés".

 

JiDé

Au-delà des Proverbes : La femme querelleuse et l'esprit de Madian
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :