Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Pas un seul trait de lettre

Pas un seul trait de lettre

"Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir. Car je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront pas, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota, un seul trait de lettre jusqu'à ce que tout soit arrivé" (Matthieu 5:17, 18). 

Mot à mot

Si, lorsque nous rédigeons un texte destiné à une tierce personne, nous attachons généralement beaucoup d'attention à l’orthographe des mots, il semblerait que notre Seigneur ait fait de même en son temps. A la différence que l'hébreu utilise un autre alphabet que le nôtre, et que le grec, dans lequel furent ultérieurement traduits les Évangiles, use lui aussi d'un alphabet différent. Les évangélistes Matthieu et Luc nous rapportent tous deux ces paroles de Jésus, avec cependant une petite nuance, un détail que Matthieu est seul à relever. Luc, en effet, ne fait pas mention du "iota" (Luc 16:17), lettre grecque équivalente du "yod" hébreu, la plus petite lettre de l'AlephBeth (l'Alphabet hébreu). On comprend généralement bien le fait que le texte mentionne "la plus petite lettre de l'alphabet", mais la seconde partie passe généralement inaperçue. Ce "trait de lettre" ("keraia" en grec, "ketarîm" en hébreu) semble si peu significatif qu'il ne retient généralement pas l'attention qu'il mérite. Pourtant, celui-ci revêt une importance considérable quant à la compréhension du texte biblique. Sans ce "trait de lettre", il se pourrait même que nous n'ayons jamais eu accès aux textes de la Bible tels que nous les connaissons aujourd'hui, traduits dans nos langues respectives. Vu l'importance de celui-ci, il me semblait judicieux de lui consacrer un article. Mais comme à chaque fois que l'on s'attelle à "creuser" le texte biblique, celui-ci ne se prive pas de livrer de nouveaux "trésors dans le sable".

Mais en quoi ces "traits de lettres" ont-ils une importance aussi significative ? Ces "ketarîm" qui habillent le texte hébreu n'ont été ajoutés que tardivement dans l'histoire afin d'en faciliter la lecture, le texte initial ayant été rédigé sans les voyelles, tel que l'on écrit l'hébreu aujourd'hui, en Israël. Si l'usage de cette ponctuation se révèle tardive, le Seigneur Jésus semble cependant l'intégrer au texte au même titre que les lettres qui composent les Écritures elles-mêmes. Jésus donne à cette ponctuation une valeur égale aux textes eux-mêmes. Ce fait suffit pour lui accorder la plus grande attention, celle-ci devant subsister aussi longtemps que "la terre et le ciel". Il dit ainsi : "Car je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront (grec : parerchomai) pas, il ne disparaîtra (parerchomai) pas de la loi un seul iota, un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé". 

Il est intéressant de noter que Jésus souligne la pérennité de l'Écriture dans un contexte eschatologique ("tant que le ciel et la terre subsisteront... jusqu'à ce que tout soit arrivé"). Ce simple fait donne immédiatement à ce "keraia" une toute autre dimension. Je reviendrai plus loin sur l' aspect eschatologique du texte.

Le Massiah et les secrets du Monde

Ce mot "keraia" signifie, en grec, "une petite corne, l'extrémité de quelque chose, un sommet, une pointe". Ce mot aurait pour origine "kéras", ce qui désigne "une extrémité pointue dans une forme", mais aussi "la corne d'un animal, un vaillant et puissant sauveur, l'auteur d'une délivrance, d'un salut". Bien que le vocabulaire utilisé soit grec, Jésus parle ici du texte hébreu, langue dans laquelle ont été rédigées les Écritures ("la Loi et les Prophètes" auxquels il fait allusion). Ainsi, lorsqu'il est fait mention de "traits de lettre", il est également fait allusion au graphisme très particulier des lettres hébraïques du texte biblique. On parle ici de "pointe au sommet", de "petite corne", mais plus encore, "keraia" fait allusion à la "corne d'un animal", ce qui, dans la symbolique biblique, fait allusion à la force physique, ainsi que d'un "vaillant et puissant sauveur, l'auteur d'une délivrance, d'un salut". Voilà une définition qui fait étonnamment penser au Massiah, au Seigneur Jésus-Christ lui-même ! Luc écrit : "Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il nous a... suscité un puissant Sauveur (kerias sotérias)", que l'on peut également traduire par "une corne de salut" (Luc 1:69).   

Le mot grec "keraia" est riche de sens, mais son équivalent en hébreu ne l'est pas moins. Le mot "Kétarîm" (appelé aussi "taguîm") se traduit par "couronnes"Ce mot est utilisé dans le livre d'Esther pour désigner la couronne de la reine Vashti qui fut posée sur la tête de la reine Esther. Les Sages d'Israël ont fait un rapprochement entre "keter" (ketarîm au singulier) et le mot "setar" (ce qui est caché), car si les rabbins reconnaissent ignorer l'origine de ces fioritures qui "couronnent" les lettres de l'Écriture, selon eux, celles-ci contiennent les secrets du Monde entier. C'est ce qu'affirmait Rabbi Ishmaël lorsqu'il enseignait son fils au méticuleux métier de scribe. Celui-ci lui dit : "Mon fils, lorsque tu recopies la Thora, n'en omet aucune lettre et n'en ajoute aucune car elles contiennent le Monde entier". Ainsi, le prophète Daniel dira : "Il (Dieu) révèle ce qui est profond et caché (keter)". Les secrets du Monde sont là, au cœur des mots où chaque lettre, où la moindre ponctuation est porteuse d'un secret.

Tant que le ciel et la terre ne passeront pas

"Car je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront (grec : parerchomai) pas, il ne disparaîtra (parerchomai) pas de la loi un seul iota, un seul trait de lettre, jusqu'à ce que tout soit arrivé". Ainsi, selon ce que dit le Seigneur et ce que le vocabulaire grec et hébreu nous permet de comprendre, ces "traits de lettre" semblent liés à l'ordre du Monde et même au maintien de son existence et de son bon fonctionnement. La définition du mot "parerchomai" permet de progresser dans la compréhension de ce que nous dit le Seigneur. 

"Parerchomai" désigne "une action qui s'avance dans le temps" et peut se traduire par "s'éloigner, passer, disparaître", mais aussi par "négliger, transgresser, omettre". Matthieu, reproduisant les paroles de Jésus, écrit : "Cette génération ne passera pas que tout cela n'arrive" (Matthieu 24:34), ainsi que : "Le ciel et la terre passeront mais mes paroles ne passeront pas". "Les disciples s'étant approchés de leur maître, lui dirent : L'heure est déjà avancée (parerchomai)". Oui, si les paroles du Seigneur demeurent, "l'heure est déjà avancée" à l'horloge prophétique. Pierre écrit que "les cieux passeront (parerchomai - 2 Pierre 3:10)", et l'apôtre Jean, parlant de temps encore à venir, dira : "Le premier ciel et la première terre avaient disparus (parerchomai)" (Apocalypse 21:1)

Si le Seigneur souligne ainsi fortement la pérennité de ces "traits de lettre", il met en garde contre le fait de "négliger" ou "d'omettre" ceux-ci. C'est ce contre quoi rabbi Ishmaël mettait en garde son fils : "... n'en omet aucune lettre et n'en ajoute aucune car elles contiennent le Monde entier".
 


Ces ketarîm sont des lettres voyelles qui habillent et ponctuent le texte. Il est donc plus aisé maintenant de comprendre le sens profond des paroles du Seigneur lorsqu'il dit : "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la Loi ou les Prophètes. Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir" (Matthieu 5:17). Encore une fois, si le texte qui nous est parvenu a été rédigé en grec, le Seigneur a, lui, prononcé ces paroles en hébreu. Or, cette phrase, dans sa construction, permet de déduire que Jésus a utilisé deux mots techniques propres à l'enseignement des rabbins (ce que Jésus était). Mais avant cela, voyons ce que dit le grec : "Ne croyez pas que je sois venu pour abolir (kataluo)...". "Kataluo" signifie "abolir, désunir, détruire, démolir". Ensuite il ajoute : "Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir (pleroo)". "Pleroo" signifie "remplir à ras bord, faire abonder, compléter, rendre parfait, amener au bout, accomplir". Pris dans sa globalité, ce texte de Matthieu pourrait donc signifier que Jésus est venu, non pour abolir quoi que ce soit dans les Écritures mais, au contraire, pour amener à son plein accomplissement tout ce qui y est écrit, dans les moindres petits détails, pour apporter, à ce qui est annoncé, ce qui sera le "couronnement" de son oeuvre. C'est ce que Jésus a fait lorsqu'il était parmi nous. Il a pleinement accompli tout ce qui avait été annoncé le concernant, mais il a également vécu une vie d'homme pleinement conforme aux Écritures comme aux exigences de la Parole de Dieu. 

Lekaiem et levatel

"Je suis venu non pour abolir mais pour accomplir". Le mot "abolir" (traduit en grec par "kataluo") se dit en hébreu "levatel". Ce mot, utilisé par les rabbins, est un terme technique qui signifie "abolir, tordre le sens des Écritures". Le mot "accomplir" se dit, lui, "lekaiem", ce qui peut se traduire par "accomplir" dans le sens de "réaliser pleinement". On ne peut légitimement tordre le sens des Écritures. Leurs textes sont immuables mais doivent être interprétés pour notre temps. C'est ce que les Sages d'Israël ont appelé la Halakhah. Selon les rabbins, lorsque l'on fait une mauvaise ou une fausse interprétation des Écritures, c'est comme si on les  "détruisait". C'est ce que dit l'apôtre Pierre lorsqu'il parle de "personnes ignorantes et mal affermies qui tordent le sens (des écrits de Paul) comme celui des autres Écritures, pour leur propre ruine" (2 Pierre 3:16).

C'est malheureusement ce que font certains enseignants lorsqu'ils utilisent les Écritures pour défendre un point de vue personnel, une doctrine quelconque. Ils ne cherchent pas à savoir ce que dit le texte mais s'en servent pour illustrer leur point de vue, leur interprétation. Comme dit Pierre, ils en "tordent le sens... pour leur propre ruine". Une telle façon de faire ne peut qu'avoir des conséquences funestes. Il est certain que de traduire les textes originaux dans une autre langue laisse une grande part à l'interprétation. Comme le dit le proverbe : "Traduire, c'est trahir". D'où la difficulté du choix des mots. Un rendu trop littéral rendrait le texte incompréhensible. De plus, les "langues vivantes" évoluent, des versions comme celles d'Ostervald ou Martin ne sont plus aussi lues aujourd'hui qu'elles purent l'être autrefois, à leur époque. Si la Bible Chouraki a trouvé un public de lecteurs fervents, elle demeure cependant un peu hermétique pour beaucoup. Considérée aujourd'hui comme la traduction francophone la plus littérale, cette version a trouvé un large public. Néanmoins, le choix des mots français reflète cependant une décision personnelle de l'auteur de la traduction. On parle même parfois, en souriant, de "Chourakisme" lorsque l'auteur fait usage de néologisme. Ce que certains considéreront comme un choix judicieux paraîtra, pour d'autres, une trop libre interprétation. Et faut-il parler de ces très nombreuses traductions dans le monde anglophone dont certaines versions se font le support de nouvelles doctrines ? Le nombre de mouvements religieux issus du monde évangélique s'est accru considérablement depuis quelques décennies, et plusieurs d'entre eux ont entrepris de faire rédiger une nouvelle "traduction", plus conforme à l'interprétation que se font leurs leaders des Écritures.

Mais je me souviens qu'étant enfant, on me parlait de la Bible, et puis d'une autre version appelée "protestante" qui, me disait-on, était "un peu différente". Effectivement, des "différences" apparaissaient de façon flagrante à celui qui prenait la peine de comparer les deux. Étrangement, dans cette version que l'on m'assurait être "la bonne", il y avait un passage qui n'était rédigé que dans "l'autre", la "version protestante". Ce passage était celui-ci : "Tu ne te feras pas d'images taillées, ni de représentation quelconque des choses qui sont dans les cieux... Tu ne te prosterneras pas devant elles" (Exode 20:4). La raison pour laquelle ce passage de l'Écriture avait été proprement occulté était facile à comprendre. Cette pratique, condamnée par Dieu lui-même, était l'un des fondement du mouvement religieux qui était à l'origine de cette "traduction" dite "officielle". Il ne s'agissait plus ici d'un simple "trait de lettre", mais de phrases entières qui n'étaient tout simplement pas mentionnées. Une omission lourde de sens puisqu'elle servait à dissimuler un interdit divin. Un interdit qui frappait l'une des pratiques les plus abominables que les Écritures puissent condamner : le culte des idoles. Ainsi, il est écrit : "Vous renverserez leurs autels, vous briserez leurs statues, vous abattrez leurs idoles, et vous brûlerez au feu leurs images taillées" (Deutéronome 7:5). Et nombre de passages de l'Écriture vont dans ce sens. Il est donc difficile de prétexter une "omission involontaire".

Un plein accomplissement 

J'ai dit plus haut que ce texte revêtait un aspect eschatologique. Lorsque Jésus parle ici des Écritures, il fait allusion au Tanach (l'Ancien Testament), bien évidemment, puisque le Nouveau Testament n'est pas encore rédigé. Hormis les livres de Luc (Évangile et Actes) et les lettres de Paul qui ont été écrits en grec, les autres textes du Nouveau Testament ont été rédigés en hébreu (plusieurs de ces lettres étant d'ailleurs destinées à des communautés de Juifs devenus disciples de Yeshoua). Le dernier livre qui sera rédigé, c'est celui de l'Apocalypse de Jean. Cet ouvrage viendra "couronner" ce chef d'oeuvre littéraire qu'est la Bible. C'est principalement dans ce livre que Yeshoua révèle à son peuple ce qu'il adviendra "dans la suite des temps". Le Seigneur met en garde celui qui voudrait "ajouter" ou "retrancher quelque chose de ce livre" de l'Apocalypse (Apocalypse 22:18, 19). Mais cet avertissement s'étend à toutes les Écritures, au contenu complet de la Bible. L'auteur de cette "omission" dont il est fait mention ci-plus haut n'a pas dû tenir compte des avertissements de l'apôtre Jean. Comme je l'ai dit, on ne peut légitimement tordre le sens des Écritures. Si, comme l'affirment les rabbins, une fausse interprétation des Écritures équivaut à une tentative de destruction de celles-ci, qu'en est-il lorsque des passages sont tout simplement amputés d'une partie de leur contenu ? Il ne s'agit manifestement plus ici de "personnes ignorantes et mal affermies". 

"Car je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront pas, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota, un seul trait de lettre jusqu'à ce que tout soit arrivé". L'Écriture nous relate les paroles que Dieu adressa à Moïse quand celui-ci était sur la montagne : "L’Éternel dit à Moïse : écris ces paroles car c'est conformément à ces paroles que je traite alliance avec toi et avec Israël" (Exode 34:27). L'Alliance contractée entre Dieu et son peuple avait été gravée dans la pierre par le doigt de Dieu. Moïse mit par écrit tout ce que Dieu lui avait enseigné. Plus tard, les Prophètes consignèrent à leur tour par écrit les messages, oracles et prédictions inspirées "par l'Esprit de Christ qui était en eux" (1 Pierre 1:11). C'est de ces "Écrits" dont parle le Seigneur lorsqu'il fait mention de "la Loi et les Prophètes" (Matthieu 5:17) dont "il ne disparaîtra pas un seul yod, un seul keter jusqu'à ce que tout soit arrivé" (Matthieu 5:18).  
 

JiDé

Pas un seul trait de lettre
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :