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Ézéchiel et la vision du Temple : Les terres du prince


Nous poursuivons ici la lecture du récit de la vision qu'eut Ézéchiel, celle d'un temple nouveau dont la description lui est donnée avec force détails. Description qu'il lui faudra présenter aux exilés de Babylone, ses contemporains. Le chapitre quarante-cinq poursuit le compte-rendu du discours que Dieu adresse à Ézéchiel, et qui a débuté au chapitre précédent (44:5). Cette portion du discours concerne les différentes aires consacrées au prince, aux lévites, aux sacrificateurs et à la "ville". De forme carrée (pour le prince, le Temple et la ville), ou rectangulaire (pour les sacrificateurs et les lévites), les aires qui leur sont attribuées sont délimitées sans que l'unité de mesure ne soit mentionnée. Les versions Segond, Martin et Ostervald (entre autres) mentionnent les dimensions en "cannes", alors que les versions Semeur et Darby font le choix de la "coudée". La Kings James, quant à elle, utilise le mot "reeds" (roseaux, cannes). Les traductions "ajoutent" donc au texte une unité de mesure différente selon leur appréciation. Une telle disparité modifie cependant considérablement la conception que l'on peut se faire de la topologie des lieux. 

Tirage au sort

"Lorsque vous partagerez le pays en héritage par le sort…" (45:1). Dieu parle ici à Ézéchiel d'une répartition des territoires entre tribus par tirage au sort. La chose est énoncée comme si elle avait déjà été entendue. C'est effectivement ainsi que devait se dérouler l'attribution des portions de territoires, en Canaan, entre les tribus (Nombres 26:55 / 33:54). Cependant, une modification "de taille" intervient ici. La superficie des portions allouées aux douze tribus était proportionnelle au nombre de leurs membres. Ézéchiel  présente, quant à lui, une répartition égale, quel qu'en soit le nombre (chapitre 48). On retrouve un mode de calcul équivalent dans le livre de l'Apocalypse (Apocalypse 7:4)

À prendre avec mesure

Ainsi, le texte dit, littéralement : "une partie sainte du pays qui sera de cinq mille et de dix mille, saint il sera sur toute la surface de son territoire" ("à l'intérieur de ses limites, de ses frontières", si l'on reprend une définition du mot "gebouwlah"). L'absence d'unité de mesure dans le texte original laisse donc la place à une "interprétation" qui peut considérablement en modifier la compréhension. Surtout si on tente de le calquer sur les territoires de l'Israël actuel. Si l'on choisit la canne comme unité de mesure, nous avons un territoire tribal de soixante-quinze kilomètres de large de l'Est à l'Ouest pour trente kilomètres du Nord au Sud. si au contraire, on opte pour la coudée, nous obtenons un espace large de quatorze kilomètres sur cinq.

Israël dispose actuellement d'un littoral long d'environ deux cents soixante-dix kilomètres. Selon la répartition des territoires attribués aux tribus (y compris celle de Lévi), et si l'on tient compte des mesures fournies en "cannes", on obtiendrait approximativement un littoral d'une longueur de trois cents quatre-vingt dix kilomètres, et de soixante-quinze kilomètres d'Est en Ouest. La frontière Nord d'Israël avec le Liban est de quatre-vingt kilomètres environ. Ce qui correspond assez bien à la mesure fournie par Ézéchiel, en tenant compte que cette partie du pays constitue la plus étroite. Dans sa partie la plus large, l'Israël actuel mesure environ cent quarante kilomètres de largeur pour une longueur maximale d'environ quatre cents soixante-dix kilomètres en longueur. Le territoire national que décrit Ézéchiel est donc plus étroit que la pays actuel (sa largeur serait légèrement supérieure à la région frontalière du Liban), par contre, il serait sensiblement plus long puisqu'il serait approximativement une fois et demi plus long que le territoire actuel. Cependant, la largeur du pays n'atteindrait plus la Mer Morte. Faut-il alors envisager une "bande de circulation" sur toute la longueur du pays qui soit propriété nationale ? On voit ici le désir du prophète qui est de présenter une répartition équitable entre les tribus. Toutes disposant d'un territoire égal à ses voisines. 

En comparaison, "vingt cinq mille cannes" (Ézéchiel 45:2) correspondrait (approximativement) à la distance entre la Mer Morte et Beer Scheba, ou entre Tibériade et Rosh Ha Nikra (à la pointe Nord du pays, à la frontière du Liban). Une distance de dix mille cannes correspondrait, quant à elle, à la distance entre Jérusalem et Jéricho. Par contre, une longueur de territoire de "vingt cinq mille coudées" correspondrait à la distance entre l'Aéroport Ben Gourion et la ville de Tel Aviv. Dans le contexte géopolitique actuel au Proche-Orient, de telles considérations peuvent être lourdes de sens. Il faut toutefois se rappeler que la distribution de ces territoires se fera dans un contexte apaisé, celui du règne messianique durant lequel régnera Yeshoua Ha Massiah, le Seigneur Jésus-Christ. D'autre part, ne faut-il pas plutôt voir, dans cette répartition au cordeau, un message symbolique annonçant une répartition équitable de la surface habitable ? Aujourd'hui, la répartition de la population se fait plus par le pays d'origine que par une notion d'appartenance tribale. Celle-ci ne pouvant être, pour la plupart des habitants, clairement définie.  

Le droit du sol

"C'est la portion sainte du pays, elle appartiendra aux sacrificateurs qui font le service du sanctuaire, qui s'approchent de l'Eternel pour le servir, c'est là que seront leurs maisons, et ce sera un sanctuaire pour le sanctuaire" (Ézéchiel 45:4). Contrairement à la période préexilique (Nombres 35:1 à 8 / Josué 21:1 à 42), les lévites et les sacrificateurs disposeront de territoires délimités (45:1 à 4). Avant l'exil, la postérité de Lévi ne possédait que des villes, disséminées sur les territoires des autres tribus. Ézéchiel, qui est sacrificateur, apporte cette bonne nouvelle à ses frères. Dans un temps futur de rétablissement, les lévites et les sacrificateurs disposeront de territoires bien à eux. L'étendue de ceux-ci dépend bien évidemment de ce qui a été évoqué ci-dessus. Le territoire qui leur est attribué est plus petit que ceux de leurs frères. Cependant, la subsistance des fils de Lévi sera fournie par les offrandes. Il ne leur est donc pas nécessaire de disposer de surfaces cultivables. De nos jours, l'industrialisation et la modernité ont considérablement modifié les modes de vie des israéliens. Les cultures occupent cependant encore une place prépondérante dans l'économie du pays. "Les temps du Messie" apporteront, très certainement, de considérables changements que l'on ne peut encore évaluer. Ézéchiel, quant à lui, s'en réfère au contexte de son époque. Même s'il est totalement inspiré pour rédiger ce texte, il n'en demeure pas moins limité dans sa compréhension de ce que pourrait être un futur aussi éloigné pour ses contemporains. 

Les territoires attribués au prince sont répartis équitablement à l'Ouest et à l'Est de la ville (45:7). Au verset 8, la locution "le prince" se mue en "les princes", évoquant une fonction transmissible sur la durée. Il ne pourra "ajouter maison à maison et champ à champ" (Esaïe 5:8), mais devra se contenter du territoire qui lui est attribué. "Ce sera sa terre, sa propriété en Israël, et mes princes n'opprimeront plus mon peuple, mais ils laisseront le pays à la maison d'Israël, selon ses tribus" (Ézéchiel 45:8). "Ce sera un pays où la justice habitera" (2 Pierre 3:13 /  Jérémie 22:1 à 5). 
 

Une justice équitable

Dieu s'adresse alors aux "princes" du peuple (45:9) leur ordonnant de mettre fin à leurs exactions comme la rapine et le vol. Les unités de mesures doivent être règlementées afin d'être identiques pour tout le monde (45:10 à 12). Les unités mentionnées sont celles de l'époque d'Ézéchiel. Leurs équivalents exacts ne peuvent être définies précisément. Peut-on envisager que durant la période messianique, celles-ci pourraient être remises en usage pour se conformer au texte biblique ? Ézéchiel parle de "balances de justice" (moz'nê sedeq), d'un "épha de justice" (we êphat sedeq) et d'un "bath de justice" (û bat sedeq), ce qui entend l'application d'une réglementation des poids et mesures. Le but étant, avant tout d'éviter toute fraude quelle qu'elle soit. La pratique du "deux poids deux mesures" doit être proscrite (Lévitique 19:35, 36). Cela entend également de proscrire les régimes de faveur, les pots-de-vin, les dessous de table et toute forme de tromperie (Deutéronome 25:13 à 16). Il n'y aura plus d'extorsion de fonds (1 Rois 4:6 / 1 Rois 12:11) ni d'abus de pouvoir et d'expropriations (1 Rois 21:7). L'usage des biens propres est également limité (46:16 à 18). La justice sociale sera instaurée et maintenue par un système de valeurs inviolables (45:10 à 14). Le prince devra y veiller. Il lui sera également confié des responsabilités religieuses et cérémonielles (45:16, 17). Cette partie du discours s'achève sur ce point crucial (45:17). La justice sociale est un thème récurrent chez les prophètes (Michée 6:10, 11 / Esaïe 11:9). La notion de libéralité pour une répartition égale des biens se retrouve dans les préoccupations de l'apôtre Paul (1 Corinthiens 16:1 à 4). Ce principe est censé demeurer en vigueur dans l'Eglise de Christ. 

Les recommandations se poursuivent sur des sujets sacrificiels et cérémoniels (45:18 à 25). Si "le quatorzième jour du premier mois" (mois de Nisan) est le premier jour de la fête de Pessah (la Pâque, 45:21, Deutéronome 16:1 à 8), la date du "quinzième jour du septième mois" est celle du premier jour de la fête de Souccoth ("Tabernacles" ou "cabanes", 45:25, Lévitique 23:34, 39). À la fête de Pessah (Pâque), ainsi qu'à la fête de Souccoth, le prince aura une fonction sacrificielle (45:22, 25), ce qui est une innovation. Les fonctions civiles et sacerdotales étant, jusque là, séparées. Cela introduit cependant une information, que confirme la résidence permanente  du "prince" au sein des territoires lévitiques. Le "prince" devra être d'origine lévitique, de la descendance de Tsadok. Il ne peut en être autrement. Il exercera même une fonction autrefois réservée au Grand Sacrificateur (45:22). En introduisant le cérémonial sacrificiel dont le prince sera chargé lors de ces deux fêtes, le texte élargit considérablement ses fonctions. Dans le cadre de ces fêtes centrales, le prince cumulera autorités religieuse et civile, celles-ci étant, pour l'occasion, occupées par une seule et même personne (45:23), ce qui n'est autrement possible que par le Messie. Cependant, une modification de régime nécessite une modification rituelle. Les sacrifices et offrandes seront différents de ce que prescrit la loi mosaïque (Nombres 28:16 à 24). 

"Le premier mois", le mois de Nisan (45:18) est appelé "mois des épis" (abib). Or, c'est également le nom du lieu où Ézéchiel va débuter son ministère auprès des exilés, à Tel Abib (Ézéchiel 3:15). C'est en souvenir de ce texte du livre d'Ézéchiel que, le 11 Avril 1909, la petite communauté qui s'installa à proximité de la ville de Jaffa nomma l'endroit "Tel Aviv" (La colline du Printemps). Cette révélation grandiose, décrite par le prophète, s'inscrit dans le cadre de l'exil sur lequel Ézéchiel revient régulièrement (Ézéchiel 1:1 / 3:15, 23 / 10:15, 20 / 43:3). Le fleuve Kébar représente la toile de fond sur laquelle s'inscrit la révélation. "Kébar" signifie "Ce qui est passé" (Ecclésiaste 1:10, 3:15), comme un rappel constant de la période préexilique, les prescriptions de ce nouveau temple trouvant leur origine dans cette loi mosaïque sur laquelle s'est fondée la foi du peuple d'Israël. Après avoir mesuré l'espace occupé, Ézéchiel s'emploie à décrire la manière dont le temps s'y écoule. Si les journées seront ponctuées par les sacrifices offerts, les années s'écouleront au rythme des fêtes et des célébrations. La fête de Pâque a toujours été commémorative (Exode 12:14). La fête de Pentecôte (Shevouot) n'est pas mentionnée. Le nombre des fêtes de l'Eternel sera-t-il réduit à deux : celle de Pâque et celle des Tabernacles ? Si l''Eglise a totalement occulté cette dernière, celle-ci demeurera cependant en vigueur lors du règne messianique. Tout comme on notera également l'absence de Grand Sacrificateur. On peut facilement imaginer l'importance de ce temple au sein de ces futures célébrations et la place centrale qu'il y occupera.  

Le sacrifice du taureau

Chaque année, le premier jour du mois de l'année (le premier nisan, Exode 12:1, 2 / Esther 3:7), les sacrificateurs seront chargés de sacrifier un taurillon ("par ben baquar", dans le texte. Littéralement "un jeune taureau fils de taureau"). "Baqar" veut dire également "s'informer, chercher, considérer, examiner, réfléchir". Le psalmiste utilise ce mot lorsqu'il parle d'"admirer(baqar) son Temple" (Psaume 27:4 / Marc 13:1, 2). Le sacrifice de ce taurillon a donc également un sens éducatif. L'animal sera sacrifié pour faire "l'expiation du sanctuaire" (45:18). Son sang sera mis sur les linteaux (mezuwzot) des portes. Le mot "mezuwzah" vient d'une racine qui signifie "mettre en évidence". L'évangéliste Marc voulait attirer l'attention de Jésus sur la beauté du Temple "mise en évidence" par certaines de ses pierres, mais le Seigneur utilisera cette réflexion et l'admiration de son disciple pour donner un enseignement sur la destinée de ce Temple (Marc 13:2). Ce qui amènera ses disciples à l'interroger sur les temps futurs (versets 3, 4). Toute symbolique biblique possède une fonction éducative. 

Ce rite du sacrifice du taureau sera répété "le septième jour du mois pour ceux qui pèchent involontairement ou par imprudence" (45:20). Il est intéressant de noter que l'on est ici face à une instruction divine sur un sacrifice devant servir à "couvrir" le péché involontaire afin de "purifier la maison" (45:20). Les autels ont disparu du Temple et ont été remplacés par une "table" (41:22) qui évoque plutôt la communion avec le Seigneur (1 Corinthiens 11). Cette évocation rappelle que les recommandations de l'Eternel devaient se perpétuer de générations en générations. "Vous conserverez le souvenir de ce jour" (Exode 12:1, 2, 11, 14). Ce n'est cependant plus un agneau qui est offert, mais un taurillon. Le sacrifice de celui-ci fut pratiqué le jour de l'intronisation d'Aaron et de ses fils dans la fonction de sacrificateur (Exode 29:1 à 14). Cette fonction étant attribuée aux descendants d'Aaron à perpétuité (Exode 29:9), mais limitée ici à la descendance de Tsadok uniquement (Ézéchiel 44:15), et non à celle d'Abiathar. Le protocole lévitique a cette double fonction. Il est à la fois sacrificiel et pédagogique. La suite des prescriptions sera abordée dans un prochain article.

La "visite guidée" se poursuit dans le prochain article, "Ézéchiel et la vision du Temple : Service et sacrifices (septième partie). 
 

JiDé
 

 

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