Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Jésus et les vendeurs du Temple


Jésus chassant les marchands du temple, c'est l'un des épisodes les plus connus des Évangile. Il nous est dit que "La Pâque des Juifs était proche, et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de pigeons, et les vendeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, ils les chassa tous hors du temple, ainsi que les brebis et les bœufs, il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons (ce que l'on vendait aux plus pauvres) : Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic. Ses disciples se souvinrent qu'il est écrit : Le zèle de ta maison me dévore" (Jean 2:13 à 17).

Que s'est-il produit ce jour-là ? Pourquoi Jésus a-t-il agi de la sorte ? Qu'est-ce qui a pu à ce point mettre le Seigneur en colère ? Pour comprendre cet épisode, il nous faut nous replacer dans le contexte de l'époque. Nous sommes aux environs de l'an 30 de notre ère. Quarante-six années ont été nécessaires au roi Hérode pour faire du temple, restauré sous Néhémie, le splendide édifice qu'il est à ce jour. Les travaux se sont achevés vers l'an 26 environ, soit à peine quelques années avant que Jésus ne débute son ministère. On peut donc comprendre la stupéfaction de ceux à qui Jésus a dit : "Détruisez ce temple, et en trois jours je le relèverai. Les Juifs* dirent : Il a fallu quarante-six ans pour bâtir ce temple et toi en trois jours tu le relèveras !" (Jean 2:19, 20). Mais le texte ajoute que Jésus "parlait du temple de son corps" (verset 21). Jésus sera crucifié, il ressuscitera le troisième jour. Près de quarante années plus tard, le temple sera détruit et rasé par les légions de Rome. Jusqu'à ce jour, il n' a pas été rebâti. "C'est que la montagne de Sion est ravagée. C'est que les renards s'y promènent" (Lamentations 5:18)

*L'expression "les Juifs", ou plus exactement "les Judéens", est utilisée par l'auteur qui est, lui, Galiléen. Il ne s'agit nullement d'une opposition entre "Juifs" et "disciples de Jésus". 

Un pouvoir corrompu

"La Pâque des Juifs était proche, et beaucoup de gens du pays montèrent à Jérusalem avant la Pâque" (Jean 11:55)

À cette époque, le parti des Hérodiens se partage le pouvoir avec celui des Sadducéens dont sont issus le Grand-Prêtre et les principaux sacrificateurs. Le pouvoir politique et religieux de l'époque est profondément corrompu. Une situation qui s'était déjà produite à plusieurs reprises dans l'histoire du peuple hébreu et contre laquelle s'étaient insurgés de nombreux prophètes. En accord avec le pouvoir en place, les principaux sacrificateurs ont instauré un commerce fructueux qui leur a permis de s'enrichir rapidement. Ce commerce est fondé sur la vente d'ovins et de bovins destinés aux sacrifices et vendus aux pèlerins venus à Jérusalem pour faire leurs sacrifices rituels. Le principe en lui-même est conforme avec la loi divine et c'est en cela qu'il est particulièrement pernicieux. Les pèlerins venaient parfois de loin pour offrir des sacrifices au temple. Certains de Galilée, d'autres de contrées lointaines, parfois du fin fond de la diaspora (Actes 2:5). Quelques-uns, résidant à proximité, amenaient leurs propres bêtes, mais la plupart achetaient les animaux qu'ils voulaient offrir en sacrifice aux marchands de Jérusalem.

"Il (Jésus) trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis" (Jean 2:14). La présence de ces animaux dans le temple était légitime en soi. Elle permettait d'acheter à prix d'argent un animal équivalent au sacrifice qu'ils désiraient offrir (Lévitique 22:17 à 19). Cependant, pour qu'une bête soit reçue par les sacrificateurs, il fallait qu'elle soit "sans défaut et sans taches" selon qu'il est écrit : "Si un homme offre à l'Eternel du gros ou du menu bétail en sacrifice, en sacrifice d'action de grâce, soit pour l'accomplissement d'un vœu, soit comme offrande volontaire, la victime sera sans défaut afin qu'elle soit agréée. Il n'y aura, en elle, aucun défaut" (Lévitique 22:21). Or, c'est justement sur cette exigence légale que va se bâtir un "commerce illégal". Avant qu'une bête ne soit offerte en sacrifice au temple, celle-ci devait être examinée afin de déterminer si elle était "sans défaut". Or, toute bête qui ne provenait pas du cheptel de l'un de ces fameux "marchands du temple" était systématiquement écartée, déclarée "non conforme". Toute personne désirant offrir à l'Eternel un sacrifice animal devait ainsi l'acheter à l'un de ces marchands qui profitaient de leur monopole pour augmenter leurs prix de façon éhontée. Cette exaction relevait purement et simplement de l'escroquerie. Même les pigeons (qui étaient "l'offrande du pauvre") étaient vendus plus chers que leur véritable valeur (Jean 2:16), obligeant ainsi les pauvres à se "saigner à blanc" pour pouvoir les acheter. Une grande majorité de la population ne possédait que des revenus modestes. Beaucoup étaient pauvres, voire très pauvres. Il était donc prévu, par la loi mosaïque, que cette tranche de population puisse offrir des sacrifices à des prix qui leur soient accessibles. Ainsi, il est écrit : "Si il est pauvre et que ses ressources soient insuffisantes, il prendra aussi deux tourterelles ou deux pigeons, selon ses ressources" (Lévitique 14:21, 22). Mais dans ce système abusif, même les pigeons atteignaient des prix exorbitants. C'est contre ce racket que Jésus va s'insurger. 

Pour les plus démunis qui n'étaient pas en mesure de payer le prix d'un pigeon ou d'une tourterelle, la loi mosaïque prévoyait "une offrande de farine" (Lévitique 5:11). Mais ces marchands sans scrupules utilisaient, pour certains, des balances faussées et des poids truqués, désobéissant ouvertement à ce commandement qui dit : "Vous ne commettrez pas d'iniquité ni dans les jugements, ni dans les mesures de dimension, ni dans les poids, ni dans les mesure de capacité. Vous aurez des balances justes, des poids justes, des éphas justes et des hins* justes. Je suis l'Eternel votre Dieu" (Lévitique 19:35, 36 / Proverbes 16:11). Amos condamne ouvertement l'usage de ces balances truquées : "Nous diminuerons l'épha, nous augmenterons le prix, nous falsifierons les balances pour tromper... et nous vendrons la criblure du froment" (Amos 8:5, 6). Cependant, "deux sortes de poids, deux sorte d'épha, sont l'un et l'autre en abomination à l'Eternel" (Proverbes 20:10). 

*Éphas et hins sont des mesures de volumes. 

Le sacrifice du pauvre

"La Pâque des Juifs était proche et Jésus monta à Jérusalem. Il trouva dans le temple les vendeurs de bœufs, de brebis et de pigeons, et les changeurs assis. Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous hors du temple, ainsi que les brebis et les bœufs, il dispersa la monnaie des changeurs, et renversa les tables; et il dit aux vendeurs de pigeons : Otez cela d'ici, ne faites pas de la maison de mon Père une maison de trafic" (Jean 2:13 à 16).

Jésus s'adresse tout particulièrement à une certaine catégorie de marchands. Ceux qui vendaient aux plus pauvres. Peut-être eut-il alors une pensée pour ses parents Marie et joseph qui, lorsqu'ils vinrent présenter leur fils nouveau-né au temple, offrirent eux aussi deux de ces oiseaux en sacrifice (Luc 2:21 à 24), "comme cela est prescrit dans la loi du Seigneur" (Luc 2:24 / Lévitique 12:8). Un passage de l'Évangile de Luc qui nous donne une information sur la condition modeste de ce couple qui pratiquait scrupuleusement tout ce que prescrivait la loi de Moïse (Luc 2:24, 27, 39). C'est un aspect de la vie de ce couple qui est souvent occulté. Pourtant, Luc insiste, à plusieurs reprises, sur la façon dont les parents de Jésus respectèrent scrupuleusement et dans tous les détails les exigences de la loi mosaïque. Sans cela, Jésus aurait pu être totalement discrédité. Son autorité rabbinique aurait pu être contestée autant par le pouvoir religieux que par les membres du peuple, voire par ses propres disciples. Et plus encore, sa messianité ne pouvait être pleinement reconnue que par une stricte conformité avec les exigences de la loi mosaïque. Ce passage de l'Évangile de Luc revêt donc une importance cruciale. Ses parents pouvaient ainsi fournir un "certificat de naissance" en bonne et due forme. 
 


Les marchands... du temple

Lorsque l'on parle du temple, il ne s'agit bien évidemment pas du bâtiment principal, comme on le dépeint parfois. Le temple d'Hérode est alors un édifice couvrant une grand superficie à ciel ouvert avec un périmètre intérieur et extérieur, des bâtiments annexes, des salles de stockage, un long préau appelé "galerie de Salomon" où Jésus a d'ailleurs enseigné. Mais la cour de ce temple était devenue une "foire aux bestiaux". Certains commentateurs pensent que, progressivement, les marchands s'étaient multipliés dans l'enceinte et que, petit à petit, il s'étaient rapprochés du bâtiment central, jusqu'à s'installer sur ses marches. Il est intéressant de noter au passage que bien que cet imposant édifice (d'ailleurs d'une grande beauté) ait été l'œuvre d'un roi impie (Hérode le Grand), le temple, et toute la superficie qu'il occupe, est appelé, par Jésus : "La maison de mon Père" (Jean 2:16)

Israël avait déjà connu, de par le passé, des périodes de corruption particulièrement sévères et les Prophètes s'étaient insurgés contre de telles pratiques. Ainsi, à l'époque du roi Sédécias, "Tous les chefs des sacrificateurs et le peuple multiplièrent les transgressions selon toutes les abominations des nations et ils profanèrent la maison de l'Eternel qu'il avait sanctifiée à Jérusalem. L'Eternel, le Dieu de leur pères, donna de bonne heure à ses envoyés la mission de les avertir, car il voulait épargner son peuple et sa propre demeure. Mais ils se moquèrent des envoyés de Dieu, ils méprisèrent ses paroles et ils se raillèrent de ses prophètes jusqu'à ce que la colère de l'Eternel contre son peuple devienne sans remède. Alors, l'Eternel fit monter contre eux le roi des Chaldéens" (2 Chroniques 36:14 à 17). Quelques quarante années après que Jésus eut chassé les marchands du temple, les légions romaines firent le siège de Jérusalem. La ville fut rasée et le temple détruit. Tout comme il le fut par les Babyloniens en 586 avant notre ère (les Chaldéens représentant la classe dirigeante en Babylonie)L'un de ces prophètes, Sophonie, chargé d'avertir le peuple, avait dit alors de la part de l'Eternel : "Malheur à la ville rebelle et souillée (Jérusalem), à la ville pleine d'oppresseurs (les Romains)... ses chefs (les Hérodiens) au milieu d'elle sont des lions rugissants; ses juges (les principaux sacrificateurs) sont des loups du soir" (Sophonie 3:3). Jérémie s'était également insurgé contre les pratiques illicites dans le temple : "Car les enfants de Juda ont fait ce qui est mal à mes yeux, dit l'Eternel; Ils ont placé leurs abominations dans la maison sur laquelle mon Nom est invoqué, afin de la souiller" (Jérémie 7:30). Au temps de Jésus, les marchands du Temple avaient fait de même. 

Exilé sur l'île de Patmos, l'apôtre Jean reçut un message du Seigneur pour l'église de Laodicée (qui s'était enrichie par son commerce). Il lui dit : "Si tu ne changes pas (d'attitude), j'agirai, je viendrai et j'ôterai ton chandelier de sa place" (Apocalypse 2:5). Et de même que, en -586, Nabucadnetsar, roi de Babylone, emporta avec lui le trésor du temple après l'avoir pillé (2 Chroniques 36:7), en l'an 70, les Romains emportèrent avec eux, à Rome, la grande ménorah qui se trouvait dans le temple d'Hérode qui venait d'être rasé. Cette scène est représentée sur un bas relief sculpté, dont l'image est maintenant célèbre. La menace qui planait sur l'église de Laodicée avait trouvé son plein accomplissement à Jérusalem : "J'agirai, je viendrai et j'ôterai ton chandelier de sa place". Dans ce texte de l'Apocalypse, Jésus fait ainsi directement allusion à ce double épisode de l'histoire d'Israël, passé et futur*. 

*L'Apocalypse ne fait aucunement mention de cet épisode crucial de l'histoire de la Judée et du peuple hébreu, il est donc fort probable que ce livre ait été rédigé avant la destruction du temple de Jérusalem par les Romains. 

Entre Dieu et Mammon 

"Ayant fait un fouet avec des cordes, il les chassa tous du temple" (Jean 2:15). Ces marchands avaient ignoré ce commandement : "Vous révèrerez mon sanctuaire. Je suis l'Eternel" (Lévitique 19:30). Le message des Prophètes ne cesse de se faire entendre à ceux qui agissent avec iniquité : "Mais l'Eternel est Dieu en vérité, il est un Dieu vivant et un roi éternel; la terre tremble devant sa colère et les nations ne supportent pas sa fureur" (Jérémie 10:10)"Qui résistera devant sa fureur ? Qui tiendra contre son ardente colère ?" (Nahoum 1:6). C'est aussi contre ces pratiques iniques que Jésus s'est insurgé. 

L'apôtre Paul dit bien que "la cupidité est une (forme) d'idolâtrie" (Colossiens 3:5). À Timothée, il écrit : "Mais ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l'amour de l'argent est une racine de tous les maux, et quelques uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments". L'apôtre Paul écrit à Timothée : "Sois un modèle pour les fidèles, en paroles, en conduite, en charité, en foi, en pureté" (1 Timothée 4:12). Si faire partie du peuple de Dieu demande une probité, une droiture et une équité au dessus de tout soupçon, ces qualités sont d'autant plus requises pour ceux qui enseignent ou aspirent à devenir enseignants de la Parole de Dieu. Malheureusement, "certains d'entre eux se sont éloignés de la foi" (1 Timothée 6:21), "de tels hommes ne servent pas Christ mais leur propre ventre, et par des paroles douces et flatteuses ils séduisent les cœurs simples" (Romains 16:18). Lorsque l'on constate que certains prédicateurs-vedettes se sont considérablement enrichis au détriment des plus pauvres du peuple de Dieu dans l'Église, on est en droit de se demander si ceux-ci n'ont pas fait de la Maison de Son Père "une caverne de voleurs". Ne sont-ils pas passés maîtres dans l'art de vendre une méthode ou des formes de "sacrifices" pour plaire à Dieu ? "Sacrifices" qui leur sont demandés sous forme "d'offrandes". Même les plus pauvres de ces personnes abusées sont incitées à donner "au-delà de leurs moyens". Le "prix du pigeon" se doit tout de même "d'honorer le prédicateur". Comme le dit l'Ecclésiaste : "Il n'y a rien de nouveau sous le soleil".
 

JiDé

 

 

Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :