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Daniel : Jusqu'au temps de la fin (chapitre 12)

Daniel : Jusqu'au temps de la fin (chapitre 12)

Ce dernier chapitre du livre de Daniel ouvre une large perspective vers l'avenir. Relativement court (13 versets), il est cependant très dense de par son contenu, clôturant une suite de trois chapitres qui forment un tout. Daniel, appelé Beltshatsar (Balatsou oussour*), en précise lui-même la date : le "vingt-quatrième jour du premier mois" de l'année, selon le calendrier hébraïque (Daniel 10:4). Soit au mois de Nissan (Mars / Avril). L'introduction de ce récit (Daniel 10:1) est de la main du rédacteur-compilateur de ce livre (l'ouvrage a été rédigé à quatre mains). Très probablement le secrétaire particulier de Daniel qui, en tant qu'homme d'État de haut rang, disposait, à son service, d'un personnel qualifié. Daniel est alors fort âgé. Il se trouve sur les bords du Tigre (le fleuve Hiddékel) lorsqu'il reçoit cette dernière vision. Très probablement la dernière de son existence, ce que laisse supposer le verset 13. Cette grande et glorieuse vision constituerait donc une sorte d'ultime révélation "à la fin de ses jours" (Daniel 12:13). Il est fort probable que la compilation des textes composant ce livre ait été réalisée après la mort de Daniel. Le cadre étant posé, voyons maintenant le contenu de ce récit. 

*À ne pas confondre avec le roi babylonien Belshatsar (Bel sar oussour). 

Ecrit pour le Futur 

Les quatre premiers versets de ce chapitre 12 clôturent le discours de l'ange  ("l'homme vêtu de lin et ayant sur les reins une ceinture d'or") qui s'adresse à Daniel (Daniel 10:5, 6). Le prophète dit ensuite avoir vu "deux autres hommes qui se tenaient debout, l'un en deçà du fleuve (Hiddékel), et l'autre au delà du bord du fleuve" (Daniel 10:4 / 12:5). L'un d'eux s'adressa au principal interlocuteur de Daniel "qui se tenait au dessus des eaux du fleuve" (12:6) pour l'interroger. Il lui fut répondu des paroles mystérieuses que Daniel ne comprit pas. Daniel l'interrogea alors à ce sujet. Cette rencontre, de même que le livre, s'achèvent sur des paroles  qui concernent un tout aussi mystérieux avenir qui lui est promis. L'ange avait dit à Daniel être venu pour lui faire connaître "ce qui doit arriver dans la suite des temps, car la vision concerne encore ces temps-là" (Daniel 10:14).

Une époque bien définie qui correspond à cette "suite des temps" dont il avait été question précédemment (Daniel 10:14). Il est cependant à noter que Daniel 12:1 fait mention d'un "temps" (eth) qui désigne à la fois une période, une époque, mais également la destinée d'un homme ou d'un peuple, alors que Daniel 10:14 parle d'une "suite de jours" (ha'yamîm) dont "la vision concerne encore ces jours-là (lay'yamîm)". Le préfixe "lamed" indiquant une direction, on pourrait dire également "vers ces jours-là", comme on dirait : "On va vers des jours difficiles". L'ange annonce donc à Daniel que son peuple se dirige tout droit vers ce qui lui est annoncé. L'ange ne donne pas seulement, à Daniel, une information sur "les choses à avenir", il lui annonce également que la destinée de son peuple est de connaître l'accomplissement de ces choses dans un temps défini. Les "informations" fournies par les Écritures sont souvent comme les "visions". Elles ont plusieurs facettes, tout comme les "êtres vivants" qu'avait vu Ézéchiel (Ézéchiel 1:5 à 10). Il faut en faire le tour avant de pouvoir en retirer une compréhension globale. Nos traductions ne rendent, malheureusement, pas toujours les finesses du vocabulaire utilisé par les auteurs de la Bible, nous privant ainsi de précieuses informations, nécessaires à une juste compréhension du texte.

"En ce temps-là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple". Micaël est une autorité dans la hiérarchie angélique (Daniel 10:13). À la fois "chef" (prince) et défenseur du peuple d'Israël (Daniel 10:21 / 12:1) appelé à intervenir en sa faveur dans un temps à venir. L'ange qui s'adresse à Daniel lui parle à la fois d'un "temps à venir" et des événements qui y sont étroitement liés. Ce sera une époque de détresse extrême, telle qu'il n'y en avait jamais eu auparavant (Daniel 12:1). À l'époque où Daniel reçoit cette vision, rien de semblable n'a encore jamais eu lieu. Nombreux commentateurs identifient cette "période" comme étant la "Grande Tribulation". "En ce temps-là", ceux qui sont du peuple de Daniel et qui seront inscrits dans le livre de vie seront sauvés (malat). Le sens initial de ce mot est d'échapper à la mort, mais la suite du texte peut laisser entendre qu'il pourrait également s'agir de "salut éternel". Il y est fait mention de la résurrection des morts et de la destinée éternelle, puis, des récompenses accordées aux "Justes" qui auront enseigné la vérité et la justice (12:3). Daniel sera parmi eux (12:13). Ainsi, lorsqu'il est dit à Daniel : "Et toi, marche vers ta fin", l'ange lui parle de la fin de son existence sur cette Terre. "Et tu seras debout" évoque le moment de la résurrection des Justes (parmi lesquels sera Daniel). "Tu te reposeras" concerne le temps qui va s'écouler entre le jour de son décès et celui de sa résurrection. "Pour ton héritage" lui assure une récompense (12:13). "À la fin des jours"la "fin des temps" ("lequets ha yaminin". Littéralement "à la pointe des jours"). Comme le dit le livre des Proverbes : "Le fruit du Juste est un arbre de vie" (Proverbes 11:30). En quelques mots, c'est à la fois sa mort prochaine, sa résurrection future, sa rétribution glorieuse et la vie éternelle qui lui sont annoncés.  

En ce temps-là

Je reprends, ici, la fin du chapitre 11 et le début du chapitre 12. "Il (le roi impie dont il est question dans la dernière section du chapitre 11) dressera les tentes de son palais entre les mers, vers la glorieuse et sainte montagne, puis il arrivera à la fin sans que personne lui soit venu en aide. En ce temps là se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple, et ce sera une époque de détresse telle qu'il n'y en a pas eu depuis que les nations existent jusqu'à cette époque. En ce temps-là, ceux de ton peuple qui seront trouvés inscrits dans le livre de vie seront sauvés" (Daniel 11:45 / 12:1). Il n'est pas facile de définir, dans ce chapitre, quand et où s'achève la description de l'empire grec, et débute celui de Rome. En réalité, ces deux périodes sont des archétypes de schémas historiques qui devaient se reproduire (et se sont reproduits) à plusieurs reprises dans l'Histoire. Il est donc fort probable qu'au travers des siècles passés, les lecteurs du livre de Daniel aient reconnu (ou cru reconnaître) des événements qui leur étaient contemporains. Il se peut même que des événements à venir présentent, un jour, des similitudes frappantes avec ce qu'avait annoncé ce prophète du sixième Siècle avant notre ère. À ce sujet, commentateurs et biblistes défendent chacun leurs opinions et leurs interprétations.

L'expression "En ce temps-là" (12:1) concernerait le siège de Jérusalem par l'empereur romain Vespasien, secondé par son fils, Titus. Le texte nous dit que ce "roi impie", que l'on désigne également, prophétiquement, comme étant l'Antéchrist, "dressera les tentes de son palais entre les mers (la Mer Morte et la Méditerranée) vers la glorieuse et sainte montagne" (le Mont du Temple). En l'an 66, l'empereur romain Vespasien dispose ses légions autour de Jérusalem pour en faire le siège. Des nouvelles de la capitale de l'empire, lui annonçant que son autorité était contestée, l'obligèrent à retourner à Rome. C'est son fils, le général Titus, qui poursuivra le siège jusqu'à son achèvement, en l'an 70. C'est "en ce temps-là", lorsque les armées romaines camperont pour faire le siège de Jérusalem, que "se lèvera Micaël, le grand chef, le défenseur des enfants de ton peuple" (le peuple juif), lorsque Jérusalem sera en danger, l'ange protecteur de ce peuple (celui de Daniel), se lèvera pour le défendre. Mais il se peut également qu'il soit question ici d'un siège de la ville de Jérusalem dans un temps à venir. 

Avant de poursuivre, il me faut mentionner un fait qui a toute son importance pour la compréhension des textes prophétiques. Ceux-ci ont généralement un double accomplissement. Ils ont préalablement un accomplissement "historique" (qui généralement s'est déjà produit dans le passé) et un accomplissement "eschatologique" qui doit se produire dans le futur). Jérusalem a déjà été assiégée mais le texte nous parle ici d'un temps futur, plus lointain encore puisque il est écrit que "Ce sera une époque de détresse  telle qu'il n'y en a pas eu de semblable depuis que les nations existent" (Daniel 12:1). Une telle affirmation permet d'envisager son ampleur. "En ce temps-là" sera une période de détresse inégalée. Matthieu écrit : "Car alors la détresse sera si grande qu'il n'y en a pas eu de pareille depuis le commencement du monde jusqu'à présent, et qu'il n'y en aura jamais" (Matthieu 24:21). Depuis quand les nations existent-elles ? Depuis l'époque des fils de Noé (Genèse 10:32). Mais Jésus remonte bien plus loin encore. Depuis "le commencement du Monde" et donc, depuis l'apparition de l'humanité sur la Terre, ce qui inclut l'humanité pré-diluvienne qui connut pourtant une éradication complète de sa population. 

Résurrection des Justes et des injustes 

Le discours de "l'homme vêtu de lin" s'achève à la toute fin du livre de Daniel, en faisant allusion à la résurrection des morts, des justes et des injustes (Daniel 12:2, 13). Cette foi en la résurrection a perduré jusqu'à l'époque apostolique. Tout au moins dans le parti religieux des Pharisiens. Les Sadducéens (le parti religieux alors au pouvoir, et dont faisait partie le Grand Sacrificateur) n'adhéraient pas à cette croyance (Actes 23:8). Convoqué devant le Sanhédrin, Paul, qui était du parti des Pharisiens (Actes 23:6), affirme avoir "en Dieu cette espérance qu'il y aura une résurrection des justes et des injustes" (Actes 24:15). Sa foi en une future résurrection des morts étant scripturairement fondée sur "tout ce qui est écrit dans la loi et les Prophètes et ayant en Dieu cette espérance" (Actes 24:14, 15). Et notamment, sur ce texte de Daniel (Daniel 12:2, 3). La résurrection des Justes (les saints de l'Ancienne Alliance) devant avoir lieu après la Grande Tribulation, lorsque Jésus séparera "le bon grain de l'ivraie" (Matthieu 13:38, 40). La première résurrection étant pour les saints de la Nouvelle Alliance (l'Église). Paul développe ce sujet dans sa première épître aux Corinthiens (1 Corinthiens 15:12 à 58), faisant écho aux paroles de Daniel (Daniel 12:3), Jésus dit à ce sujet : "Alors les justes resplendiront comme le soleil dans le royaume de leur Père" (Matthieu 13:43). 

Pour ce qui est des "récompenses", il lui est dit que "Ceux qui auront été intelligents brilleront comme la splendeur du ciel, et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à perpétuité" (Daniel 12:3 / Matthieu 5:12). Qu'est-ce à dire ? En quoi "l'intelligence" aurait-elle un quelconque rapport avec les récompenses dans le Ciel ? Les Écritures disposent d'un vocabulaire très varié pour désigner "la sagesse" et "l'intelligence" sous toutes leurs déclinaisons. Le mot "sakal" désigne ici "la prudence, la compréhension, la perspicacité, la capacité d'attention". On pourrait y ajouter "un esprit doté de discernement et de pénétration des choses difficiles"

"Ceux qui auront été intelligents brilleront (zahar) comme la splendeur du ciel..." (Daniel 12:3). Le mot "zahar" signifie "réprimander, reprendre, corriger, enseigner, avertir". Ceux qui auront eu de la perspicacité, qui pénétreront les choses en profondeur avertiront, reprendront, instruiront ceux qui ne disposent pas de cette vigilante sagacité d'esprit. Mais au figuré, "zahar" signifie également "envoyer de la lumière". En relisant la description de l'ange qui s'adresse à Daniel, on comprend mieux la raison pour laquelle il s'adresse à lui sous cette apparence (Daniel 10:6). "La lumière brille dans les ténèbres, mais les ténèbres ne l'ont pas reçue" (Jean 1:5). La parole prophétique appelle, avertit, met en garde. "Si mon peuple sur qui est invoqué mon Nom prie, s'humilie, et cherche Ma face et se détourne de ses mauvaises voies, je l'exaucerai des cieux, je lui pardonnerai son péché, je guérirai son pays...". C'est ce qu'a fait Daniel lorsqu'il s'est mis à intercéder avec ferveur (Daniel 9:3)

"Ceux qui auront été intelligents brilleront (zahar) comme la splendeur (zohar) du ciel..." (Daniel 12:3). Il y a ici un jeu de mots. "Zohar" ayant pour racine le mot précédent. "Ce qui a de l'éclat, qui est brillant" (ne parle-t-on pas d'un "esprit brillant" ?). On retrouve ce mot "zohar" chez Ézéchiel, lorsqu'il décrit la vision d'une manifestation de la Personne divine (Ézéchiel 8:2). Ce contemporain de Daniel, lui aussi en exil, voit, en vision, l'idolâtrie qui s'est infiltrée jusque dans les chambres du Temple (Ézéchiel 8:3 à 16). Dans les Écritures, le choix des mots n'est jamais anodin. Le mot "zohar" n'apparaît que dans ces deux textes. Il est donc significatif. "Zahar" signifie également "instruire, enseigner, éclairer, expliquer". Ézéchiel l'utilise à plusieurs reprises pour désigner le fait "d'avertir" (quelqu'un) et son corollaire, celui de "se détourner" (de ce dont la personne a été avertie). Les "perspicaces" comprendront et avertiront le peuple d'Israël de la gravité de l'idolâtrie pratiquée dans la Maison de Dieu. Le texte de Daniel aurait-il quelque chose à dire à son peuple, aujourd'hui ?... 

"Ceux qui auront été intelligents brilleront (zahar) comme la splendeur (zohar) du ciel (raqiya)...". "Raqiya", c'est l'étendue céleste, le firmament. Ceux qui enseigneront, qui reprendront, corrigeront, avertiront, brilleront comme des astres dans l'obscurité du ciel. Faut-il y voir là une métaphore entre "obscurité" et "lumière" ? Entre l'obscurantisme religieux et idolâtre, et la foi dans le Dieu créateur qui a étendu la voûte étoilée au dessus des hommes ?  Et l'ange poursuit en disant : "Et ceux qui auront enseigné la justice à la multitude brilleront comme les étoiles, à toujours et à perpétuité" (Daniel 12:3b). Plus littéralement : "Ceux qui ont fait des justes comme les étoiles pour toujours et à jamais". Dans une interprétation libre, on pourrait comprendre : "Ceux qui auront formé des disciples solidement ancrés dans la foi, pour que ceux-ci brillent à leur tour, pour avertir et enseigner". On peut y voir la splendeur glorieuse des "Justes" de l'Ancienne Alliance comme de la Nouvelle Alliance (Genèse 15:5 / Hébreux 11:12). Chacune de ces étoiles du ciel porte un nom (Psaume 147:4), et le nôtre est écrit dans les cieuxce qui nous donne, dit Jésus, une occasion de nous réjouir (Luc 10:20)
 


Message secret 

Daniel reçoit l'ordre de sceller le livre et de tenir secret son contenu "jusqu'aux temps de la fin" (Daniel 12:4). L'apôtre Jean nous apprend que ce rouleau de livre est scellé de sept sceaux (Apocalypse 5:1). Seul le Seigneur Jésus est trouvé digne, sur la Terre et dans le Ciel, de le décacheter (Apocalypse 5:5, 9). Cependant, si le mot grec "Apocalupsis" signifie "Révélation", celle-ci ne se fera que par étapes (Apocalypse 6:1 à 8:1). "Toi, Daniel (cette responsabilité lui incombe personnellement), tiens secrètes (satham) ces paroles, et scelle (chatham) le livre jusqu'au temps de la fin. Plusieurs alors le liront, et la connaissance augmentera" (Daniel 12:4). Il y a un jeu de mots entre le fait de "tenir secrètes" les choses révélées et celui de les "sceller"Le verbe "satham" désigne l'action de "boucher un puits avec des pierres" (Genèse 26:15 / 2 Rois 3:19). Le secret a été "emmuré". Cette portion du livre de Daniel devait être maintenue scellée "jusqu'aux temps de la fin". L'apôtre Jean, qui y fait implicitement référence, nous dit que seul le Seigneur Jésus est digne d'ouvrir les sceaux qui y ont été apposés (Apocalypse 5:1 / 6:1). Comme le dit l'Ecclésiaste : "Il y a un temps pour tout, un temps pour toute chose sous les cieux... un temps pour se taire et un temps pour parler... (Dieu) a fait toute chose belle en son temps; même il a mis dans leur cœur (des hommes) la pensée de l'éternité, bien que l'homme ne puisse saisir l'œuvre que Dieu fait, du commencement jusqu'à la fin" (Ecclésiaste 3:1, 7, 11). 

Le livre de Daniel est une compilation de différents écrits, et donc, différents rouleaux de livres. Le "livre de Daniel", tel que nous le connaissons (sous sa forme codex) couvre plus de 70 ans de la vie du personnage biblique. Le récit de sa dernière vision sera donc écrit sur un support neuf. Il "ouvre un nouveau cahier", en quelque sorte. Or, l'ange demande à Daniel de sceller le livre (Daniel 12:4). Ce rouleau, qui doit être cacheté, a été rédigé la troisième année du règne du roi Cyrus le Perse (Daniel 10:1), soit à la période la plus tardive de la vie de son auteur. Les trois derniers chapitres du livre de Daniel (les chapitres 10, 11 et 12) forment ainsi un document à part, sur un seul rouleau (sans le chapitrage bien évidemment). C'est ce document (dans lequel ne sont pas inclus les 9 premiers chapitres) que doit sceller Daniel. Seule cette portion ne devait trouver son explication que dans "les temps de la fin". Voilà qui est déjà beaucoup plus clair.

La connaissance augmentera  

  "Plusieurs, alors, le liront (shuwt", Daniel 12:4). "Shuwt" : "aller çà et là, aller et venir, parcourir, lire". On peut donc comprendre ces mots de différentes manières. Chouraqui l'a traduit : "Les multitudes erreront mais la connaissance augmentera". On peut le comprendre dans le sens où la multitude de ceux qui chercheront à comprendre "iront çà et là", d'un endroit à un autre, d'un lieu d'enseignement à un autre, vers "une multitude de docteurs" (2 Timothée 4:3), mais sans pour cela en trouver la véritable signification. Darby traduit : "Plusieurs erreront çà et là" (Daniel 12:4, version Darby). Il reprendra cette locution en traduisant Matthieu : "Vous errez, ne connaissant pas les Ecritures" (Matthieu 22:29, version Darby). La dernière partie de cette phrase me semble de la plus grande importance : "ne connaissant pas les Ecritures". C'est cette méconnaissance qui amènera ces gens dans l'errance. D'où la nécessité de les étudier et de les connaître afin de ne pas être, comme dit l'Ecriture : "Flottant, emportés à tout vent de doctrine par la tromperie des hommes, par leur ruse dans les moyens de séduction" (Ephésiens 4:14). 

"Toi, Daniel, tiens secrètes (satham) ces paroles" (verset 4).  "Satham" : "boucher, combler, se fermer, tenir secret"Ce mot était principalement utilisé pour parler de sources d'eau qui étaient obstruées, comme par exemple les puits d'Isaac dans lesquels les Philistins avaient jeté des pierres (Genèse, chapitre 26). On retrouve cette locution mentionnée comme méthode d'obstruction en 2 Rois 3 ou en 2 Chroniques 32, avec l'idée d'empêcher l'accès (Lamentations 3:8). L'ange utilise ce vocable dans le sens de "tenir secret". Mais, à la lumière de ces précédentes définitions, on peut se faire une idée plus exacte de ce dont il s'agit. Le contenu de ce livre est censé faire augmenter la "connaissance". Prioritairement des "choses dernières", mais nombre de commentateurs y voient également la multiplication des connaissances technologiques et scientifiques de notre époque, principalement du vingtième Siècle qui fut particulièrement prolifique à cet égard. Ne parle-t-on pas d'un "puits de science" pour une personne fort instruite ? Le "puits" est le lieu d'où provient la connaissance et la révélation des choses cachées. Mais ce "puits" peut être bouché. La lecture de la Bible fut, longtemps, interdite au profane. Elle était réservée à une caste religieuse (qui ne la connaissait pas plus pour autant). Le "puits" de la connaissance de la Parole de Dieu a été "bouché" par ces "Philistins", ennemi du peuple de Dieu, prétendant être les seuls à savoir la lire et l'interpréter. Une telle manœuvre cachait, en réalité, un désir d'occulter ce que disaient les Ecritures de leurs pratiques idolâtres et de leur interprétation paganiste du christianisme authentique. Mais, dans les derniers temps, la lecture de la Bible se démocratisa, devenant accessible à tous, pour le plus grand bonheur des peuples affamés de cette manne spirituelle, de ce pain du ciel qui leur révélait enfin la vérité. Vérité que l'oligarchie religieuse avait pris soin de leur dissimuler pendant si longtemps. "Et la connaissance (da'ath) augmentera". "Da'ath", c'est à la fois le sens moral (le terme est utilisé pour parler de l'arbre de la connaissance - da'ath - du Bien et du Mal dans le Jardin d'Eden), et l'intelligence manuelle (Exode 31:3, 31) ou intellectuelle (Job 15:2). Cela peut également désigner le domaine scientifique (Psaume 139:6), ainsi que le fait d'avoir du bon sens (Proverbes 1:4), et d'autres choses encore… Mais si leurs connaissances ont largement augmenté durant le vingtième Siècle jusqu'à nos jours, les scientifiques ont rarement la "crainte de l'Eternel". Pourtant, il est écrit : "La crainte de l'Eternel est le commencement de la science (da'ath) et les insensés méprisent la sagesse et l'instruction" (Proverbes 1:7)

"Et la connaissance augmentera (rabah)". "Rabah" : le fait de croître, d'augmenter en quantité en et qualité". C'est le temps également de voir croître "la connaissance, la compréhension des choses dernières". Il est aussi écrit : "Toute la révélation est pour vous comme les mots d'un livre cacheté que l'on donne à lire à un homme qui sait lire en disant : Lis donc cela ! Et qui répond : je ne peux pas car il est cacheté; ou comme un livre que l'on donne à un homme qui ne sait pas lire, en disant : Lis donc cela ! Et qui répond : je ne sais pas lire" (Esaïe 29:11, 12). Le lecteur, l'étudiant peut avoir les connaissances, les compétences, les outils nécessaires pour une exégèse sérieuse du texte biblique, mais si le texte est "scellé", il ne pourra le comprendre avant le temps fixé. Si, au contraire, le contenu du livre est accessible mais que le lecteur ne dispose pas d'un minimum de compétence pour comprendre le texte, l'étudier et l'interpréter, il se retrouve dans la situation de celui qui "ne sait pas lire"

Une autre traduction, plus littérale, donne : "ils chercheront çà et là des nombreux et augmentera la connaissance". On peut donc le comprendre dans le sens où effectivement la connaissance augmentera, mais également le nombre de personnes qui chercheront à comprendre les Ecritures, et plus particulièrement les prophéties bibliques. Le mot "da'ath", comme je l'ai dit plus haut, revêt des aspects très divers, des formes d'intelligence très différentes les unes des autres. Et ce n'est que l'un des nombreux mots pour désigner cette facette de l'âme humaine, quand celle-ci se prête à l'action souveraine de l'Esprit de Dieu. Concise, l'Ecriture dit, en peu de mots, ce qui requerrait des ouvrages entiers de commentaires pour en aborder tous les aspects. Chaque lecteur ou étudiant de l'Ecriture trouvera, en écho de son âme, la révélation, la compréhension nouvelle qui l'interpelle. L'Ecriture peut être éblouissante pour celui qui se laisse toucher par sa lumière.

D'une rive à l'autre  

Dans sa vision, Daniel remarque que les deux anges se tiennent chacun d'un côté du fleuve. Ce fleuve, c'est l'Hiddékel qui coulait "à l'orient de l'Assyrie", et qui irriguait le Jardin d'Eden (Genèse 2:14). Ce cadre nous informe sur la situation de Daniel à l'heure où il reçoit cette vision. Il n'est plus à la cour de Darius, à Babel (Babylone), mais très probablement à celle de Cyrus le Perse, auquel se réfère le rédacteur (Daniel 10:1)

"Toi Daniel... Moi, Daniel..." (Daniel 12:4, 5). Il y a, dans ces mots, quelque chose d'infiniment personnel. Il dit plus haut : "Moi, Daniel, je vis seul la vision, et les hommes qui étaient avec moi ne la virent pas... je restai seul, et je vis cette grande vision..." (Daniel 10:7, 8). Mais voilà que Daniel voit deux êtres angéliques ayant une apparence humaine : "Et moi, Daniel, je regardai, et voici, deux autres hommes se tenaient debout, l'un en-deçà (hennah) du bord du fleuve, et l'autre au-delà (saphah) du bord du fleuve" (Daniel 12:5). "Hennah" signifie "ici, là, jusqu'à présent, jusqu'ici". Ce mot contient une notion de temps qui n'est pas étrangère à ce qui va suivre. Cet ange qui se tient "en-deçà du fleuve" incarne une période de temps d'une durée déterminée, qui s'achève ou qui est en train de s'achever. Cet ange se tient sur la même rive du fleuve que Daniel. Il s'incarne, en quelque sorte, dans le Présent. L'autre ange se tient de l'autre côté du fleuve. Sa position symbolise le Futur et les événements à venir. Mais "Saphah", c'est à la fois "la rive", la lèvre", et "la parole qui est dite". On retrouve ce cas de figure lorsque Moïse s'approche du bord du Nil pour parler à Pharaon (Exode 7:15). Ces deux anges incarnent donc "un temps déterminé, celui de la parole révélée". Une "Parole" qui s'incarne dans le moment présent pour révéler ce qui va arriver. 

Le livre de Daniel a été écrit "à quatre mains". Certains passages sont à la première personne du singulier (ce qui a été rédigé par Daniel), d'autres sont de la main du rédacteur-compilateur qui, lui, parle à la troisième personne). 
 


Un temps, des temps et la moitié d'un temps

 Les anges qui se tenaient sur les rives du fleuve se parlèrent entre eux et l'homme vêtu de lin donna le délai de l'accomplissement des temps annoncés : "un temps, des temps et la moitié d'un temps (lèmoèd moadim wahêtsi)" (Daniel 12:7). La TOB traduit : "Ce sera une période, deux périodes et la moitié d'une période". Certaines traductions mentionnent : "Un temps, deux temps et la moitié d'un temps", mais le texte original hébreu ne mentionne pas ce chiffre. "Lè mowed mowadîm" pourrait se traduire de diverses manières, sans qu'il en soit précisé le nombre. Darby traduit par "un temps déterminé". On retrouve cette expression dans l'Apocalypse (Apocalypse 12:14). Daniel l'avait déjà utilisée dans une précédente vision (Daniel 7:25). Selon de nombreux commentateurs, cela correspondrait aux "quarante-deux mois" (Apocalypse 11:2 / 13:5), aux "1260 jours" (Apocalypse 12:6), ou encore à "la moitié de la semaine" (Daniel 9:27). Période qui correspondrait à la deuxième partie de la "soixante-dixième semaine d'année". La "Grande Tribulation" devant durer "sept ans". Beaucoup de choses ont été écrites sur ce sujet. Je ne m'y attarderai pas. Outre ses correspondances avec le livre de l'Apocalypse, cette expression présente plus d'une particularité. 

"Lèmoèd moadim wahêtsi". Le mot "moèd" ("moadim" au pluriel) désigne moins "un temps qu'"un lieu". Dans les Écritures, ces deux mots désignent très majoritairement "la Tente d'Assignation" (140 références) et "les fêtes de l'Eternel" (29 références) comme la Pâque (Nombres 29:2) ou la fête des Tabernacles (Deutéronome 31:10), ou encore le Nouvel-An religieux (Exode 40:2). Les fêtes de l'Eternel (moadim) sont "des temps de convocation" et de "rassemblement" (Osée 12:9), mais également de réjouissance (Nombres 10:10 / Zacharie 8:19). Et c'est Dieu lui-même qui a fixé ces dates sur le "calendrier" (Nombres 9:2, 3, 7), car ce "calendrier divin" est calqué sur l'ordre créationnel. "Moèd" fixe également "les époques de l'année" depuis la Création du Monde (Genèse 1:14 / Psaume 104:19). Il fixe "les cycles animaliers" (Jérémie 8:7). Le "moèd" détermine certaines "naissances" (Genèse 18:14 / 2 Rois 4:16, 17) ou un rendez-vous amical (1 Samuel 20:35). Job y voit le destin ultime de chaque être humain, ce qu'il appelle poétiquement "le rendez-vous de tous les vivants" (Job 30:23). Le moèd désigne autant le lieu où seront célébrées les fêtes de l'Eternel, le Temple, (2 Chroniques 2:4) que les fêtes elles-mêmes. Sa Dédicace (Jean 10:22 / 2 Chroniques 2:4), ou le temps de sa destruction par ses ennemis (Psaume 74:4). Car il y a un temps de jugement (Psaume 75:3) et un temps de pitié pour Sion (Psaume 102:14). Un temps de complot (Daniel 11:27) et un temps marqué pour la fin (Daniel 8:19). Il désigne une époque fixée (Daniel 11: 29, 35) et le temps où une prophétie doit trouver son accomplissement (Habacuc 2:3). Et enfin, preuve que les mots ont chacun une place spécifique dans les Écritures, la dernière occurrence du mot "moèd" est dans le livre du prophète Zacharie où il est fait mention des fêtes de l'Eternel durant les temps messianiques (Zacharie 8:19)

"Un temps, des temps et la moitié d'un temps". Cette phrase énigmatique est encore loin d'avoir révélé son véritable sens. Les mots nous en donnent néanmoins une meilleure compréhension. Ces "moadim" sont donc très probablement des "temps fixés", correspondant aux fêtes de l'Eternel. Celles-ci durent généralement sept jours puisqu'elles ont été instituées sur un modèle cosmologique (Psaume 104:19 / Genèse 11:14). "Une fête de l'Eternel (moèd), des fêtes de l'Eternel (moadim), et la moitié d'une". "Wa hê si" ("et la moitié d'un"). Il s'agirait donc de la "moitié de la fête". Soit après trois jours et demi (comme dans Apocalypse 11:9, 11). Un événement doit donc se produire dans un "lieu saint" du Judaïsme au beau milieu d'une fête juive. Il est à noter que le mot "moèd" n'est utilisé qu'une seule fois pour parler du Temple, alors qu'il est mentionné 140 fois pour nommer "la tente d'Assignation", appelée également "Tente de la Rencontre", le lieu où Moïse rencontrait Dieu lors du périple du peuple d'Israël dans le désert. La Bible est toujours très précise dans l'usage de son vocabulaire. Il me semble donc nécessaire de faire usage de beaucoup de prudence avant de tirer des conclusions trop hâtives. Nombre de commentateurs considèrent que ces "temps" sont des années. L'expression "lè'mowed mowadim wahêtsi" est donc librement traduite par : "Une année, deux années, et une demi année", mais l'usage général de cette expression ne le justifie pas, cette expression faisant explicitement référence à des temps bien définis dans le calendrier hébraïque.

Pour compliquer un peu les choses, le livre de Daniel fait référence à cette période à deux reprises, et en deux langues différentes. La première est en araméen : "ad iddan we iddanin ou pelag" (Daniel 7:25), l'autre est en hébreu : "Lèmoèd moadim wahêtsi" (Daniel 12:7). Mais lorsque, dans ce passage, il est écrit qu'il "espérera changer les temps et la loi", le mot "temps" est "zeman" et non "moèd". La notion de "temps" est donc abordée de deux façons différentes dans ce même verset. Toutes ces particularités démontrent la complexité d'un tel texte, et force à l'humilité. Cette même expression se retrouve également dans le livre de l'Apocalypse, mais cette fois, en grec ! On peut y lire : "trephetai ekei kairon kai kairous kai hemsy karou" ("elle sera nourrie un temps, des temps et la moitié d'un temps") en parlant de "la femme dans le désert" (Apocalypse 12:14). Le livre de l'Apocalypse a, très probablement, été rédigé initialement en hébreu, puis traduit en grec. C'est cette dernière version qui nous est parvenue. L'expression "Lèmoèd moadim wahêtsi" correspond donc, très probablement, à celle rédigée initialement par l'auteur de l'Apocalypse. Il nous faut donc tenir compte de la signification hébraïque de ces termes pour interpréter les écrits de Jean. Mais il nous faut également tenir compte du sens des mots grecs, le Saint-Esprit (qui a inspiré les auteurs bibliques et les a conduits dans la rédaction de ceux-ci) ayant tenu à ce que ces textes nous parviennent dans cette langue. La version grecque vient ainsi compléter le sens de cette expression que l'on retrouve donc rédigée, dans la Bible, en trois langues différentes. Ce qui n'est pas courant. Voyons maintenant ce que nous dit le texte grec : 

"Ekei" (dans un lieu, ici, en l'occurrence, "le désert"). "Kairos" (kairon) désigne "une période indéfinie mais limitée dans le temps, dont la durée peut varier en fonction des circonstances". "Hemisou" désigne effectivement la moitié de quelque chose, mais dans une notion de temps, il désigne plutôt la moitié d'un jour* (Apocalypse 11:9, 11). On ne trouve donc pas ici une période strictement définie comme dans les autres textes auxquels on l'associe (sauf pour la demi-journée). Pour parler du temps "chronologique", le grec utilise le mot "chronos". Le "kairos" du verset 14 du douzième chapitre de l'Apocalypse se distingue de la précision du verset 6 de ce même chapitre, parce qu'il dépend de circonstances extérieures qui ne sont ni connues du lecteur, ni définies par le texte. La complexité de celui-ci nous force à nous interroger. À l'étudier attentivement, en lui laissant la liberté de nous en dire plus que ce que nous croyons en avoir compris. 

Le Massiah dans le texte 

Le texte fourmille de détails, et on ne peut s'arrêter sur tous, mais l'un d'eux mérite cependant notre attention. Le verset 7 du chapitre 12 mentionne (pour la troisième fois dans le livre de Daniel, la deuxième fois dans ce chapitre) l'expression "l'homme vêtu de lin". Or, cette dernière occurrence est précédée d'un mot qui n'apparaît pas dans les traductions : "èt", composé des lettres aleph tav. Ce mot a généralement une fonction grammaticale, mais il apparaît également, à de nombreuses reprises, dans les textes originaux sans que sa présence ne soit justifiée. Les Sages d'Israël se sont beaucoup interrogés sur la raison de sa présence et surtout sur sa signification. Le fait que ce mot soit composé de la première et de la dernière lettre de l'Alphabet hébreu, l'AlephBeth, le revêtirait ainsi d'un double sens. Tout d'abord, il symboliserait la somme des Écritures (le Tanach,"l'Ancien Testament"). Il représenterait également la Personne du Massiah (le Messie, Christos en grec)Dans le livre de l'Apocalypse, le Seigneur Jésus se présente d'ailleurs lui-même comme "l'Alpha et l'Omega" (respectivement première et dernière lettre de l'Alphabet grec). Comme je l'ai dit plus haut, le livre de l'Apocalypse a très probablement été rédigé, initialement, en hébreu. Les mots que prononça le Seigneur furent donc : "ani (ou Anokhi) Aleph Tav" (Je Suis l'Aleph et le Tav). L'apôtre Jean confirme donc bien cette interprétation rabbinique du mot "èt". Ainsi, la présence de ce petit mot précédent la locution "l'homme vêtu de lin", dans ce verset du chapitre 12, pourrait fort bien attester de l'identité messianique de ce mystérieux personnage. Le fait que ce mot n'apparaisse qu'avec la troisième mention de "homme vêtu de lin" est forcément significative. Daniel n'a-t-il véritablement compris l'identité de ce personnage qu'à ce moment-là ? On peut l'envisager. Il est donc probable que cet "homme vêtu de lin" soit bien le Messie en personne. Une certaine exégèse "christologique" évoque de nombreuses "théophanies" dans les textes de "l'Ancien Testament" qui ne sont, pour la plupart, que des manifestations angéliques (aussi glorieuses soient-elles). L'étude des textes nécessite une grande prudence dans ce domaine. Un mystère plane encore sur la véritable identité de ce personnage. Mais Daniel a-t-il pu l'identifier lui-même ? Aurions-nous plus de sagesse que Daniel ? 

Quel en sera l'achèvement ?  

Daniel, rédigeant le compte-rendu de cette vision glorieuse, écrit : "j'entendis mais ne compris pas" (verset 8). Désireux de comprendre et de connaître "la fin, l'aboutissement, le déroulement final des événements", il demande à l'ange messager de lui en donner le délai. "Mon seigneur, quelle sera l'issue (acharith) de ces choses ?" (Daniel 12:8). Pour comprendre le sens de cette question que Daniel pose à l'ange, il nous faut nous arrêter un instant sur le mot "acharith", traduit ici par le mot "issue". Que signifie-t-il exactement ?

"Acharith" désigne effectivement "l'issue, la fin, l'achèvement" de quelque chose. Dans un sens prophétique, il désigne une période bien spécifique appelée les "derniers temps" qui peuvent couvrir une très longue période. L'expression peut également désigner différentes sections de celle-ci (Genèse 49:1; Nombres 24:14 à 24). Le mot est identique en araméen. En Daniel 2:28, par exemple (qui est rédigé dans cette langue), il est question de la succession des empires dans "la suite des temps" (achariyth), que Nabucadnetsar a vu dans son songe. Ce mot désigne également une  époque où le peuple d'Israël retournera à son Dieu (Deutéronome 4:30). C'est aussi le "jour" de la destruction de l'ennemi numéro 1 du peuple d'Israël : Amalek (Nombres 24:20). Ce mot peut s'avérer être rassurant, comme lorsque Dieu dit : "il y a de l'espérance pour ton avenir" (Jérémie 31:17).  "Acharith" contient "une notion de temps avec l'idée d'un achèvement" et fait référence à d'autres "temps" déjà mentionnés dans le livre (Daniel 8:23 / 10:14 / 11:4). La dernière référence de ce mot dans les Écritures se trouve dans le livre de Michée. Il y est fait mention de "la suite des temps" ("be'aharith hayamim", Michée 4:1), une allusion directe aux temps messianiques.

"Ces paroles seront tenues secrètes (satham) et scellées (chatham) jusqu'au temps de la fin (èts qèts)" (Daniel 12:9). Ces mots font écho à ceux de l'ange Gabriel prononcés précédemment (Daniel 12:4) mais ce n'est qu'aux "temps de la fin" que "ceux qui ont de l'intelligence (sakal) comprendront". Malgré sa grande perspicacité, Daniel ne pourra avoir accès à son explication. Il lui est cependant demandé de le transmettre à son tour pour la "génération dernière". C'est l'apôtre Jean qui, quelques cinq siècles plus tard, en recevra la révélation. Celle-ci sera en partie relatée dans son Apocalypse. C'est aussi le temps de la révélation, du dévoilement (en grec "apocalupsis"). Ainsi Dieu dit également à Jérémie : "Vous le comprendrez dans la suite des temps" (Jérémie 23:20), ce qui nous projette directement au début de l'ère chrétienne (à l'époque du quatrième empire, annoncé dans le songe du roi babylonien). La question de Daniel : "Mon seigneur, quelle sera l'issue (acharith) de ces choses ?" prend ainsi une dimension de grande ampleur. On comprend alors fort bien que ce grand homme de Dieu qu'était Daniel ne pouvait en saisir toute la portée. Mais ce n'est ni pour lui, ni même pour sa génération qu'il lui fut révélé ces choses, mais pour nous qui sommes arrivés "à la suite des temps".  

L'abomination de la désolation  

Le verset 11 du chapitre 12 fait mention de ce que l'ange appelle "l'abomination du dévastateur" (en hébreu : shikouts shomem)ce qui est généralement associé à la profanation du Temple, une première fois par Antiochus Épiphane, et une seconde fois par les Romains, en l'an 70 de notre ère, lorsque les légions plantèrent leurs emblèmes à l'endroit où se trouvait auparavant le Saint des saints (Daniel 9:27 / 11:31). Aux versets 11 et 12, Il est également fait mention de deux périodes déterminées de respectivement 1290 et 1335 jours. Nombre de commentateurs ont estimé qu'il fallait considérer ces deux périodes en "jours d'années" selon le principe énoncé dans les Ecritures : "un jour pour une année" (Nombres 14:34 / Ezéchiel 4: 5, 6). Cela a donné lieu à des spéculations sur des événements historiques dont certains coïncident effectivement avec ces durées de temps. Cependant différents calculs aboutissent également à différents événements. L'ange va ainsi parler à Daniel d'une période de temps définie (verset 11)"le temps où cessera le sacrifice perpétuel et où sera dressée l'abomination du dévastateur, il y aura mille deux cent quatre-vingt dix jours" (quarante-trois mois) Et ajoute à cela une parole encore plus énigmatique (verset 12), en mentionnant une autre période de "mille trois cent trente cinq jours" (quarante-quatre mois et demi). Cette période sera une période d'attente et d'espérance pour les Justes ("Heureux celui qui attendra...", verset 12). L'ange conclut son message en s'adressant à Daniel, lui assurant qu'il sera présent pour recevoir la récompense de son service, pour "recevoir son héritage à la fin des jours" (verset 13), lorsque les récompenses célestes seront attribuées à chacun, selon ses mérites. 

On comprend, à la lecture du message que l'ange délivre à Daniel, que les puissances des ténèbres se sont liguées contre lui pour l'empêcher d'arriver jusqu'à son destinataire (Daniel 10:12 à 14). Ce message, que clôture le chapitre 12, concerne "ce qui doit arriver (au peuple de Daniel) dans la suite des temps car la vision concerne encore ces temps-là" (Daniel 10:14). Ce point est crucial pour comprendre les prophéties de Daniel, et plus particulièrement cette portion du livre. C'est prioritairement pour "le peuple de Daniel" (le peuple juif) que cette révélation lui a été faite, même si, par extension, ces prophéties concernent le devenir des nations. 

Il me faut dire un mot sur cette étrange expression "l'abomination du dévastateur" (Daniel 12:11). Elle apparaît par trois fois dans le livre de Daniel. Jean-Marc Thobois avait fait remarquer que ces trois locutions présentaient toutes une "faute" différente. L'une d'orthographe, l'autre de grammaire, et la troisième de conjugaison. Les Écritures étant pleinement inspirées, à la lettre près (le texte original, non les traductions), ces "fautes" ne sont nullement accidentelles. Elles sont là pour attirer notre attention. Jean-Marc disait, avec un zeste d'humour : "Le Saint-Esprit (qui a inspiré ces textes sacrés) ne fait pas de fautes d'orthographe". Le Seigneur Jésus fera mention de ces passages de Daniel en disant : "C'est pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation, dont a parlé le prophète Daniel, établie en lieu saint, Que celui qui lit fasse attention" (Matthieu 24:15 / Marc 13:14). Pourquoi Jésus dit-il : "Que celui qui lit fasse attention" ?  Il fait en réalité référence à ces "particularités" du texte qui ne pouvait échapper à un lecteur exercé et qui sont étroitement liées aux événements qui doivent se produire à l'époque où cela arrivera. En l'an 70 de notre ère, lorsque le Temple fut rasé et que les emblèmes des légions romaines furent plantés à l'endroit même où se trouvait auparavant le Lieu très saint, les disciples de Jésus se rappelèrent ces paroles du Maître. Cette "abjection" annonçait ainsi des choses qui avaient été écrites et annoncées dans le livre de Daniel.


Le temps de la fin 

Dans ce texte, il est fait mention des "temps de la fin" (verset 4, 9) mais également de celle, prochaine, du prophète lui-même (verset 13). Mais quel est ce "temps de la fin" dont parle l'Ecriture ? Quand commence-t-il ? Cette notion est parfois mal comprise et mal interprétée. Pour pouvoir la définir, il n'existe qu'un seul moyen. S'en référer aux Ecritures. Or, que disent-elles ? Une fois encore, c'est ce texte même de Daniel 12 qui nous en donne l'explication. Il nous faut, tout d'abord, déterminer la période à laquelle il débute. Je me référerai pour cela à deux versets-clefs du chapitre 12. "En ce temps-là" (verset 1) et "Depuis le temps où cessera le sacrifice perpétuel et où sera dressée l'abomination du dévastateur" (verset 11). Le premier passage "en ce temps-là", est directement lié à la seconde partie du chapitre 11 (à partir du verset 21). Le verset 31 du chapitre 11 parle également de faire cesser le sacrifice perpétuel et de dresser "l'abomination du dévastateur". On sait que cela s'est produit durant les périodes d'occupation grecque et romaine. Ce "temps-là" dont parle l'ange (Daniel 12:1) concerne ici la dernière période dont il est fait mention dans le chapitre 11, soit la période de l'empire romain. Jésus, lorsqu'il enseigne ses disciples sur ces "temps de la fin" reprend d'ailleurs cet épisode en disant : "C'est pourquoi, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel établie en lieu saint, que celui qui lit (les prophéties) fasse attention" (Matthieu 24:15). On peut donc en conclure que ces "temps de la fin" ont déjà commencé, il y a bien longtemps, lorsque le Temple de Jérusalem fut détruit par les légions de l'Empire, celles-ci ayant planté leurs emblèmes à l'endroit même où se trouvait le Lieu Très-Saint. Ces emblèmes de légions portaient généralement le symbole de la divinité protectrice de la légion. "L'abomination de la désolation" ne tenant pas tant à la destruction du Temple lui-même qu'à la démarche intentionnelle de planter, à cet endroit précis, les emblèmes de divinités païennes (ce sujet est abordé en détails dans l'article "L'abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel", sur ce blog)Ces "temps de la fin" ont déjà commencé, il y a bien longtemps, lorsque le Temple de Jérusalem fut détruit par les légions romaines. Nous sommes, encore aujourd'hui, dans ces "temps". Le Temple ne fut plus jamais reconstruit depuis, mais il le sera, car une antique prophétie doit se réaliser par lui. 

Résurrection des morts 

Si le texte fait mention des "temps de la fin" (Daniel 12:4, 9), il fait également allusion à celle de Daniel lui-même (Daniel 12:13). Comme je l'ai mentionné plus haut, la croyance en une future résurrection des morts n'est pas l'apanage de l'enseignement apostolique de la Nouvelle Alliance. Cette foi s'enracine, au contraire, dans une tradition très ancienne qui remonte, tout au moins, à l'époque patriarcale. Abraham croyait que Dieu était assez puissant pour ressusciter son fils Isaac qu'ils s'apprêtait à sacrifier sur l'autel (Hébreux 11:19). Cette foi lui avait été transmise par ses pères, et elle tirait très certainement son origine d'une période très reculée de l'Histoire humaine. L'enlèvement d'Hénoc était déjà une préfiguration de cette perspective future, comme une possibilité d'échapper à cette immuable destinée de la race humaine. Ainsi, cette espérance s'est-elle transmise d'une génération à l'autre, jusqu'à Abraham, et d'Abraham à sa postérité, à tous ceux qui se revendiquent de la "postérité d'Abraham par la foi" et qui adhèrent à cette même espérance. Une espérance qui constitue, encore aujourd'hui, l'un des piliers de l'enseignement apostolique. Enseignement lui-même fondé sur celui du Seigneur Jésus-Christ, le Messie d'Israël. C'est l'espoir de cette même résurrection qui est ici transmise à Daniel. Nous qui fondons notre espérance sur la véracité de ce qu'affirment les Écritures, nous partageons cette même foi qui fut celle de notre père Abraham, et celle du prophète Daniel à qui fut confiée la révélation contenue dans ce livre. Néanmoins, si la Parole de Dieu nous instruit et nous informe sur tout ce que nous devons savoir, elle ne nous révèle cependant pas tout sur ce qu'elle contient. Si la Révélation est progressive, elle ne sera véritablement complète qu'à la toute fin de ces temps qui sont, aujourd'hui, les nôtres. 

Deux nombres mystérieux

Il y a également, dans ce chapitre, deux nombres mystérieux sur lesquels on s'est beaucoup interrogé et que l'on a commenté de diverses manières. Il est fait mention d'une période de 1290 jours "depuis le temps où cessera le sacrifice perpétuel et où sera dressée l'abomination du dévastateur" (Daniel 12:11b) et "Heureux celui qui attendra, et qui arrivera jusqu'à mille trois cent trente-cinq jours !" (Daniel 12:12). Cette première période devait débuter au moment où "cessera le sacrifice perpétuel". Or, cela s'est produit à deux reprises. La première, lors de la guerre des Maccabées, et la seconde : à la fin du siège de Jérusalem, en l'an 70. C'est l'historien romain Flavius Josèphe qui le raconte dans sa "Guerre des Juifs". Il relate le siège de Jérusalem par les légions de Titus, et dans son récit, il mentionne le fait que tous les animaux qui étaient dans la ville avaient été consommés depuis un certain temps, et la nourriture venait à manquer. Il n'était donc, bien évidemment, plus possible, aux sacrificateurs du Temple, d'offrir les sacrifices rituels. C'est "le temps où cessera le sacrifice perpétuel" annoncé par Daniel. Il faut également tenir compte du fait que lorsque Daniel est à Babylone, la ville est détruite, et plus aucun sacrifice n'y est offert à l'Eternel. Or, l'ange lui parle d'une période future. Daniel comprend donc qu'il viendra un temps où les sacrifices seront à nouveau offerts, mais que ce temps aura à nouveau une fin, et que les sacrifices seront, à nouveau, interrompus.

Actuellement, tout est prêt pour la reconstruction d'un nouveau Temple, à Jérusalem. Les ustensiles, les vêtements sacerdotaux, les différents objets usuels sont fabriqués et fin prêts à l'usage. Des descendants des cohanîm sont formés en vue de l'exercice de la sacrificature. Mais Daniel 9:27 nous dit "qu'il (l'impie) fera une solide alliance avec plusieurs pour une semaine (littéralement "une septaine") et durant la moitié de la semaine (de la septaine) il fera cesser les sacrifice et l'offrande..." (Daniel 9:27). Cet "impie" (que l'on identifie généralement à l'Antéchrist) mettra fin à l'exercice de la sacrificature dans le  futur Temple. Cette dernière étape serait la réalisation finale de cette prophétie de Daniel. Celle-ci devant se produire après une période de 42 mois, 1260 jours ou 3 années et demi. Cette période de 1290 jours devant débuter au moment où cessera le sacrifice perpétuel. La difficulté est ici de déterminer de quelle "interruption" il s'agit... Daniel parle d'une période future, il nous faut déjà écarter la destruction de Jérusalem par les Babyloniens. Mais d'autres "interruptions" ont eut lieu par la suite. Ne pouvant déterminer, avec certitude, la date de départ, il nous est également difficile de situer cette période dans le temps. Bien des calculs ont été faits, des hypothèses (parfois brandies comme des certitudes) ont été avancées (avec parfois un peu trop d'assurance). La rationalité occidentale aime à tout expliquer, refusant de laisser la place au mystère, à l'inexpliqué, et préférant élever en dogme ce qui ne demeure pourtant que des suppositions. Mais un nombre est également mentionné, plus mystérieux encore...

Pour beaucoup de lecteurs de la Bible, le nombre 1335 demeure mystérieux, et sa présence dans le texte biblique a suscité (et suscite encore) bien des interrogations et supputations. Pour comprendre ce texte, il nous faut prendre en compte quelques éléments constitutifs du déroulé prophétique de l'Histoire d'Israël. L'un de ces principes est mentionné à la fois dans le livre des Nombres : "Une année pour chaque jour" (Nombres 14:34), et celui d'Ezéchiel : "Un jour pour chaque année" (Ézéchiel 4:6). Lorsque Daniel rédige ces dernières phrases de son livre, il ignore tout des événements qui vont ponctuer l'histoire de la terre d'Israël. Il ignore également qu'une puissance montante (dont il a peut-être entrevu la venue) va couvrir de son ombre ces nombreux territoires appartenant alors à l'empire Perse. Il s'agit de l'Islam. En 1517, la terre d'Israël est intégrée au Califat de l'empire Ottoman. Cette occupation durera 400 ans. Une occupation qui ne pouvait cependant pas empêcher les prophéties bibliques de s'accomplir en leur temps (Esaïe 60:22b). En effet, l'Écriture prévoit que la terre d'Israël doit revenir à son propriétaire à chaque jubilé. Ainsi, il est écrit : "Et vous sanctifierez la cinquantième année, vous publierez la liberté dans le pays pour tous ses habitants, ce sera pour vous le Jubilé, chacun de vous retournera dans sa propriété. La cinquantième année sera pour vous le jubilé" (Lévitique 25:10, 11). Ainsi, selon ce que dit l'Écriture, le pays d'Israël aurait dû être rendue au peuple d'Israël à la fin du jubilé. Elle le sera effectivement, mais seulement 400 ans plus tard, lorsque le Général britannique Allenby, parti d'Égypte, reprit ce territoire aux Turcs, en 1917, soit... huit jubilés plus tard ! Cette année-là, Jérusalem, qui était aux mains des Ottomans depuis quatre siècles, tomba aux mains des Anglais. Or, l'année 1917 correspond, selon le calendrier musulman, à l'année... 1335 !

Les Anglais souhaitaient rendre leur terre aux Juifs, mais ils ne voulaient pas agir sans être préalablement soutenus dans cette démarche par les Etats-Unis. La déclaration Balfour fut donc présentée au Président W. Wilson qui l'accueillit favorablement. C'était le 16 Octobre 1917. Or, c'est justement à cette date que prenait fin l'année 1335* du calendrier musulman. Ainsi pouvait s'accomplir cette antique prophétie de l'Ecriture : "Dans cette même année du Jubilé, chacun de vous retournera dans sa propriété. Ce qu'il a vendu restera entre les mains de l'acquéreur (ou le possesseur) jusqu'à l'année du jubilé, il retournera dans sa propriété, et l'acquéreur (le possesseur) en sortira" (Lévitique 25:13, 28). À partir de cette date, un mouvement de Retour allait débuter. Plus tard, devant l'ampleur de celui-ci, les Britanniques tenteront d'endiguer le flux grandissant d'Olim**, ce qui donna lieu à la création de mouvements de résistance, sévèrement réprimés par l'armée britannique. En 1947, soit trente ans plus tard, les Anglais se retirèrent, de ce que l'on appelait alors la Palestine, sur la pointe des pieds. Israël devenait un État indépendant, réalisant une autre prophétie : "Un pays peut-il naître en un jour ? (Esaïe 66:8). Heureux furent ceux qui surent attendre jusqu'à cette année 1335 du calendrier Ottoman, car ils ont pu contempler la délivrance de Jérusalem !  

* Pour une description détaillée (quoique romancée) de ces événements, je recommande la lecture du livre de Jonathan Cahn : "L'oracle ou les mystères jubilaires révélés".  

** de migrants. 

En résumé

Le livre de Daniel, tel que nous le lisons aujourd'hui, n'a pas été rédigé de façon chronologique. Les chapitres 1 à 4 relatent la présence de Daniel auprès du roi Nabucadnetsar. Le récit du règne de son petit-fils, Belshatsar débute au chapitre 7, se poursuit au chapitre 8 et s'achève au chapitre 5, qui lui-même s'achève par la prise de pouvoir par Darius le Mède qui vient d'envahir la ville de Babylone. Ce qui permet à l'auteur du livre de poursuivre, au chapitre 6, par le récit du début de règne du roi Mède Darius, auprès de qui Daniel va servir au palais. On retrouve Daniel au chapitre 9, toujours sous le règne de Darius le Mède. Les Mèdes et les Perses sont alors alliés. Plus tard, la Médie sera englobée dans l'immense empire Perse. Darius va prendre Babylone, renverser Belshatsar et monter sur le trône de ce qui va devenir la province perse de Babylonie, en 539 avant notre ère. Cyrus le Perse monte sur le trône impérial en 537. L'empire Perse est alors à son apogée. Il couvre des territoires allant de l'Est de l'Europe jusqu'aux frontières de l'Inde et de la Grèce continentale à la Lybie. Les trois côtes dans la gueule de l'ours, qui le symbolise dans le chapitre 7, représentent les trois continents sur lesquels cet empire étendit ses frontières. Ou peut-être les trois "côtes" des trois mers sur lesquelles la Perse règne alors : l'Adriatique, la Mer Noire, et la Méditerranée. C'est au cœur de cet immense empire que l'ange va se révéler à Daniel. Mais si la paix semble instaurée dans l'empire, des combats se jouent dans les lieux célestes (Daniel 10:13, 20), préfigurant ceux qui étaient encore à venir sur la terre (chapitre 11), et qui s'achèveront par une période de "grande détresse" (Daniel 12:1) que l'on attribue généralement à ce que l'on a appelé "la grande tribulation"

Un long parcours

La rédaction, à la troisième personne du Singulier, identifie l'introduction de ce récit comme étant de la main du secrétaire de Daniel. "Une parole fut révélée à Daniel" (Daniel 10:1). Le rédacteur ne date plus l'événement selon le règne de Darius, mais selon celui de Cyrus, ce qui laisse supposer que Daniel sert maintenant à la cour du roi Achéménide. Après cette courte introduction, il rend la parole au personnage principal du livre : "Moi, Daniel..." (Daniel 10:2). Les trois derniers chapitres du livre se déroulent "le vingt-quatrième jour du premier mois" (Daniel 10:4), soit au mois de Nissan (en Mars / Avril). Bien que Daniel ait servit près de soixante-dix ans auprès de divers monarques, dans une terre qui demeura pour lui, jusqu'à la fin, une terre d'exil, il conserva son identité juive et sa conception du temps selon la façon dont l'enseignent les Ecritures (Exode 12:1, 2). Il a vécu toute sa vie à la cour des rois Nabucadnetsar, Nabonide, Belshatsar, Darius le Mède (à Babylone), et Cyrus (probablement à Suse).

C'est un jeune prince de sang royal qui franchit la porte d'Ishtar, à Babylone (Daniel 1:3). Il n' a alors tout au plus que dix-sept ans. Au chapitre 10, c'est un vieillard, qui a fait une longue carrière d'homme d'Etat, qui reçoit cette dernière révélation, ô combien glorieuse, de la bouche de l'ange messager. On peut, sans trop l'affirmer, qu'il s'agit probablement de l'ange Gabriel. Ses rapports d'égalité avec l'ange Micaël peuvent le laisser supposer (Daniel 10:21/11:1). Les derniers mots de l'ange à Daniel laissent imaginer que le vieux prophète est proche de son départ pour la Cité Céleste (Daniel 12:13). Une longue existence, durant laquelle se sont succédés élévations et dangers de mort imminente. Preuve que la vie dans les palais n'était dénuée ni de luxe, ni de dangers de déplaire aux monarques en fonction. Tout pouvait basculer, en un instant, d'un lit d'ivoire à une paillasse humide au fond d'un sombre cachot. Une parole de trop, un geste inconsidéré et la vie pouvait se transformer en cauchemar.

 Il y aurait encore tellement de choses  à dire, de textes à approfondir et à sonder plus profondément. Une vie d'études n'y suffirait probablement pas, tant ce livre est riche. Riche comme la vie de ce puissant homme de Dieu que fut Daniel. Il vécut cependant la quasi totalité de son existence en exil. Lorsque, sous le rège de Cyrus, les premiers convois de Juifs prirent la route du Retour vers la terre d'Israël, Daniel était alors trop âgé pour entreprendre le voyage. L'aurait-il fait s'il avait été plus jeune ? L'ange ne l'aurait alors pas trouvé sur les rives du fleuve Hiddékel mais dans un palais restauré de Jérusalem. Quels souvenirs a-t-il gardé de la cité de Sion ? L'âge avançant, ses souvenirs durent s'estomper peu à peu. Que lui en restait-il ? Les quelques images du palais où il avait grandi n'avaient plus rien à voir avec la cité en ruine que découvrirent Esdras, Néhémie, ainsi que les prophètes Zacharie et Aggée. La ville était à l'abandon depuis soixante-dix ans. Tout était à refaire. D'autres hommes s'en chargeraient. Daniel avait achevé sa course, comme le dit l'apôtre Paul (2 Timothée 4:7). Il aurait pu faire siennes les paroles du Seigneur : "Je t'ai glorifié sur la terre, j'ai achevé l'œuvre que tu m'as donné de faire" (Jean 17:4)

Un livre pour aujourd'hui

Il serait difficile de résumer le livre de Daniel, tant il est riche de récits et d'enseignements. La rigueur de cet homme, son courage et sa détermination demeurent des exemples de force de caractère et de foi. Ce livre est à la fois une source d'inspiration et d'espoir. Un livre à lire et à relire car, de siècles en siècles, son message reste toujours aussi puissant. Si chaque génération a pu y trouver un reflet de son époque, il me semble que la nôtre le peut plus encore. La géopolitique de notre 21ème Siècle nous présente une répartition des forces en présence fort différente de ce qu'elle pouvait être à l'époque de Daniel, bien que l'Iran (qui portait encore le nom de " Perse" jusqu'en 1935) y joue encore un rôle crucial. La lecture d'ouvrages comme "Le choc des civilisations" de Samuel Huntington (dont on dit qu'il fut longtemps le livre de chevet de l'ancien secrétaire d'État, Henri Kissinger), demeure une référence en la matière pour une juste compréhension des rapports de forces entre puissances internationales, dans le Monde. Plus récemment, "Le grand échiquier" du politologue Zbigniew Brzezinski, conseiller du président Jimmy Carter, est devenu, à son tour, un ouvrage de référence pour comprendre la politique internationale aujourd'hui. Mais les événements se précipitent. Les choses évoluent à grands pas. L'économie mondiale est de plus en plus complexe, et les chefs d'États les plus puissants aujourd'hui ne seront peut-être plus au pouvoir lors de l'achèvement final de l'Histoire. Qui seront-ils ? Le Retour du Seigneur est fort proche. Mais dans quel état sera le Monde lorsqu'il reviendra ? Puissions-nous, nous aussi, "être debout" pour "recevoir notre héritage à la fin des jours"

 

JiDé

Daniel : Jusqu'au temps de la fin (chapitre 12)
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