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L'apôtre Paul, juif et pharisien.

L'apôtre Paul, juif et pharisien.

Un jeune homme destiné à un bel avenir

L'une des figures emblématiques de ce que l'on appelle communément le "Nouveau Testament" est, sans conteste, l'apôtre Paul. Le jeune homme qui porte encore le nom de Sha'oul (Saul) est né à Tarse*, en Cilicie (l'actuelle Turquie), et appartenait à la tribu de Benjamin. Une tradition fort ancienne dit que la famille de Saul aurait quitté la ville de Gischal en Galilée lorsque les Romains s'en emparèrent, ou peut-être la famille a-t-elle émigré pour des raisons commerciales, comme beaucoup d'autres familles juives. La famille de Saul semble avoir été nombreuse et influente. Certains de ses membres ont été en Christ avant lui (Romains 16:7, 11). Sa famille entretenait des relations avec les hautes autorités de Jérusalem puisque le neveu de Paul, le fils de sa sœur qui vivait à Jérusalem, eut vent d'un complot qui se tramait contre lui (Actes 23:16). Saul était peut-être membre du Sanhédrin, ou tout au moins était-il à son service (Actes 26:10). Saul semble venir d'une famille en vue à Jérusalem, jouissant de privilèges et d'un certain statut social (Philippiens 3:4 à 7). Le jeune homme avait été élevé dans la tradition la plus stricte et la plus rigide du parti des Pharisiens (Actes 26:5). Il jouissait également, de par sa naissance, du statut de citoyen romain (Actes 22:25), ce qui lui sauva parfois la vie.  

La ville de Tarse, où Saul a grandi, était un centre intellectuel et culturel important à cette époque. Selon Alexander Hislop, la ville aurait été bâtie par le roi Sénachérib sur le modèle de Babylone. Elle aurait été également le lieu de la rencontre entre Marc-Antoine le Romain et Cléopâtre, la reine égyptienne. Après la guerre de Philippes, Marc-Antoine y établit sa capitale, celle de l'empire romain d'Orient. On comprend mieux les mots de l'apôtre Paul lorsqu'il dit être "citoyen d'une ville qui n'est pas sans importance" (Actes 21:39). A cette époque, le stoïcisme y était en vogue. Les parents de Saul l'envoyèrent, très tôt, étudier à Jérusalem (Actes 22:3). Il y apprit également le métier de fabricant de tentes (Actes 18:3), la toile de Cilice étant fort réputée pour son imperméabilité. Saul fit une formation "en alternance", entre étude de la Thora et des traditions aux pieds de Gamaliel, petit-fils de l'illustre rabbin Hillel, et l'apprentissage du métier de faiseur de tente. Aux pieds de Gamaliel, Saul apprit l'art d'argumenter et de commenter les Ecritures, mais il apprit également les subtilités des interprétations rabbiniques. Aux pieds de ses maîtres, il reçut une formation des plus complètes. Saul était animé d'un zèle excessif pour la tradition de ses pères (Galates 1:14). Imprégné de culture juive, brillant, doué, membre d'une famille en vue, il s'apprêtait à remplir de hautes fonctions et à devenir membre des cercles décisionnels de la cité. Mais son zèle amer et sa haine des chrétiens le poussa à persécuter les Juifs qui avaient reconnu Jésus comme leur Messie. Sa rencontre avec le Seigneur sur la route de Damas allait totalement transformer l'inquisiteur en apôtre de la foi. Après s'être joint à l'Assemblée des disciples de Yeshoua, ceux-là même qu'il avait persécuté auparavant, son avenir était fort compromis, mais celui de l'apôtre Paul allait passer à la postérité. 

Saul devenu Paul

Le récit de ses voyages missionnaires est relaté en détail dans le "livre des Actes", rédigé par l’évangéliste Luc. Les lettres qu'il a écrites de sa main, ou avec l'aide d'un secrétaire, occupent également une place importante dans le Canon biblique. Son travail d'évangélisation missionnaire permit à un grand nombre de païens d'entrer dans le Royaume de Dieu. Son œuvre est considérable et il fut regardé, par les apôtres fondateurs, comme l'un des leurs. Ceux-ci lui donnèrent "la main d'association" (Galates 2:9). Le "quatorzième apôtre" (le treizième étant Matthias - Actes 1:26) fut pleinement reconnu dans son rôle "d'apôtre des païens" (Galates 2:8). En effet, "les apôtres et les frères qui étaient en Judée apprirent que les païens avaient reçu la parole de Dieu" (Actes 11:1). Saul de Tarse prit donc rapidement le nom de Paul (Actes13:9). L'usage du double nom hébreu/romain ou hébreu/grec était chose courante. Dans les Ecritures, Il est fait mention d'un "Yoseph Bar Sabba surnommé Justus" (Actes 1:23), de "Yohanan surnommé Marcos" (Actes 12:12), ainsi que d'un certain "Yeshoua surnommé Justus" (Colossiens 4:11). Etant citoyen romain (Actes 22:25 à 29), il est fort possible que Saul ait eu pour deuxième prénom celui de "Paulus" (peut-être également hellénisé en "Paulos"). Les premières communautés implantées en Asie Mineure et en Grèce étaient composées de Juifs, de Grecs et de païens issus des nations. L’Évangile se répandait "comme une traînée de poudre" et un grand nombre de non-juifs devinrent disciples de Yeshoua.

Question d'interprétation

L'enseignement des apôtres est alors scrupuleusement fondé sur les Ecritures (ce que l'on nomme aujourd'hui "l'Ancien Testament"). Le Nouveau Testament n'est, quant à lui, pas encore écrit. La première Épître (probablement celle de Jacques - Yaacov de son vrai nom) n'est rédigée que vers l'an 45 tout au moins. Les opinions divergent quant à la datation de leur rédaction, mais on peut estimer raisonnablement que les Écrits de ce qui est désormais la "Nouvelle Alliance" sont rédigés entre l'an 45 et l'an 69 environ. Aucune mention de la destruction du Temple de Jérusalem n'apparaissant dans les Écrits du Nouveau Testament, on peut donc conclure, comme le fait le Professeur Flusser de l'Université de Jérusalem, que le dernier ouvrage a être rédigé, l'Apocalypse, le fut avant cet événement majeur. 

Avec le temps, le nombre de païens ayant intégré les rangs des disciples de Yeshoua s'étant accru, ceux-ci prirent progressivement la direction de l'Eglise. Les premières générations de disciples ayant disparu, l'Eglise institua progressivement des dogmes qui discréditèrent les Juifs qui n'avaient pas reconnu Yeshoua comme le Massiah. Progressivement, l'idée que celui qui devenait chrétien perdait automatiquement sa judaïté s'imposa. Si tel était le cas, il devait en être de même pour Paul. Mais est-ce vraiment le cas ? Le titre de cet article peut présenter un semblant de réponse. Mais qu'en dit le principal intéressé ? Paul lui-même semble être d'un tout autre avis. Alors comment une telle idée a-t-elle pu s'imposer dans les Eglises dont les membres lisaient les Ecritures et en professaient l'inspiration par le Saint-Esprit ? Ces mêmes Ecritures ne nous ont-elles pas laissé un exemple à suivre ? Celles-ci ne font-elles pas mention de Juifs de Bérée qui "reçurent la parole avec beaucoup d'empressement et (qui) examinaient chaque jour dans les Ecritures si ce qu'on leur disait était exact" (Actes 17:11) ? Ces Béréens ont laissé, aux générations à venir, un exemple à suivre. Malheureusement, bien des filtres sont venus se poser sur les Ecritures. Ainsi, l'apôtre Paul écrit : "Quand on lit Moïse (à la synagogue), un voile est jeté sur leur cœur" (de ceux qui entendent la lecture de la Thora - 2 Corinthiens 3:15). Il dit ailleurs : "Si notre Évangile est voilé, il est voilé pour ceux qui périssent" (2 Corinthiens 4:3). Et Il conclut : "Mais lorsque les cœurs se convertissent au Seigneur, le voile est ôté" (2 Corinthiens 3:16). Il ne faut cependant pas omettre ce fait, souligné par le Seigneur lorsqu'il parlait avec la femme Samaritaine : "Le salut vient des Juifs" (Jean 4: 22). Il faut donc faire ce constat que l'Eglise elle-même s'est parfois couverte d'un voile pour ne lire, dans les Ecritures, que ce qu'elle voulait bien croire et comprendre. On peut lire et relire les Ecritures un grand nombre de fois, si l'on ne s'est pas départi de ces filtres et de ces "grilles" de lectures dogmatiques, on ne fera que se conforter dans une opinion déjà bien implantée. "J'ai bien relu attentivement le texte, c'est bien ce qui est écrit !" ai-je entendu un jour. Mais est-ce vraiment ce qui est "écrit", ou ce qui est "compris, interprété" ? Il y a là une différence de taille, d'où la nécessité d'une exégèse rigoureuse, à défaut de quoi l'on risque de "tordre les Ecritures", comme c'est la coutume de quelques uns. Ainsi, l'apôtre Pierre écrit : "C'est ce qu'il (Paul) fait dans toutes les lettres où il parle de points difficiles à comprendre, dont les personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens comme celui des autres Ecritures pour leur propre ruine" (2 Pierre 3:16). 

Que dites-vous que je suis ?

C'est volontairement que  j'ai repris, en intitulé de ce paragraphe, ces mots du Seigneur Jésus lui-même car ils me semblent tout à fait appropriés à ce qui va être abordé ici. Lorsque Jésus pose la question à ses disciples : "Qui dit-on que je suis ?" (Mattieu 16:15), ceux-ci lui répondent : "Les uns disent que tu es Jean-Baptiste, les autres, Elie, les autres Jérémie, ou l'un des prophètes" (Matthieu 16:14). Le Seigneur demandera alors à ses disciples : "Et vous, qui dites-vous que je suis ?" A quoi Pierre répondit : "Tu es le Massiah, le Fils du Dieu vivant" (Matthieu 16:15). J'ai tenté ici, dans cet article, de brosser un rapide portrait de ce jeune homme nommé Saul qui devint, après la rencontre avec le Massiah, l'apôtre Paul. Mais alors, celui-ci, comme beaucoup le pensent, a-t-il cessé d'être juif ? A-t-il renoncé volontairement à sa judéité, ou l'a t-il perdue de par sa "conversion" à Jésus-Christ ? De ce fait, un juif qui deviendrait chrétien perdrait automatiquement sa judéité ? Les deux sont-ils incompatibles ? Le but de cet article n'est pas de défendre une opinion contre une autre mais de chercher à comprendre ce que dit vraiment l'Ecriture, car c'est elle qui fait autorité. Si nous professons croire en l'autorité plénière de ce que dit la Bible, alors il nous faut nous conformer à ce qu'elle dit et non à la façon dont on croit la comprendre.

Ni juif ni grec

"Il n'y a plus ni juif ni grec" argumentent certains, désirant prouver que la judéité n'est plus de mise après la "conversion" à Jésus-Christ. Dans ce cas, que faut-il penser de la suite lorsque Paul ajoute : "Il n'y a plus ni homme, ni femme" (Galates 3:28) ? Le fait de reconnaître Yeshoua comme le Massiah, le Seigneur Jésus-Christ, a-t-il pour conséquence de faire disparaître le genre Masculin/Féminin ? Si cela n'est pas le cas, alors on ne peut raisonnablement pas penser que cela le soit pour un Juif ou pour un membre des nations (qu'il soit grec ou autre). Donc, l'usage de ce verset pour justifier cette position vis à vis d'une hypothétique déjudaïsation à la "conversion" n'est pas honnêtement soutenable. Il y a là, manifestement, une distorsion de l'Ecriture, comme le souligne l'apôtre Pierre. Et ce n'est malheureusement pas le seul exemple. Il est, à mon sens, déplorable que des personnes reconnues comme étant mandatées pour enseigner la Parole de Dieu puissent ainsi soutenir des interprétations qui vont à l'encontre d'une exégèse authentique. Mais plus encore, contre le simple bon sens d'une personne capable de lire deux phrases consécutives et d'en comprendre le sens. Juste parce que cela justifie une prise de position antisémite enseignée depuis les "pères de l'Eglise". Au fil du temps, l'Eglise institua progressivement des dogmes qui discréditèrent les Juifs qui n'avaient pas reconnu Yeshoua comme le Massiah. Ces Juifs que, pourtant, l'apôtre Paul lui-même appelle "mes frères, mes parents selon la chair qui sont israélites, à qui appartiennent l'adoption, la gloire, et les alliances, et la loi, et le culte, et les promesses" (Romains 9:3, 4). Paul est ici on ne peut plus clair. 

Lorsqu'il est fait mention des "alliances" au Pluriel, il faut entendre la "Nouvelle" comme "l'Ancienne", l'une comme l'autre appartenant toutes deux au peuple d'Israël (Jérémie 31:31 à 34). "Voici, les jours viennent, dit l'Eternel, où je ferai avec la maison d'Israël et la maison de Juda une alliance nouvelle" (Jérémie 31:31). Il n'est nullement ici question d'une alliance avec les nations, ni avec une certaine catégorie de personnes issues des nations. Il est clairement stipulé que cette "Nouvelle Alliance" sera traitée avec "la maison d'Israël et la maison de Juda". Il est bien ici fait mention de deux entités : deux "maisons" nommément citées comme la maison d'Israël et la maison de Juda. Ceci correspondant aux deux royaumes qui formaient autrefois le royaume d'Israël. La Judée-Samarie et Juda. Aucune Alliance n'a jamais été traitée entre les nations et Dieu. Toutes les Alliances mentionnées dans les Ecritures l'ont été entre Dieu et le peuple d'Israël, hormis des Alliances individuelles, comme par exemple avec Noé, avec Abraham, ou avec David. Ou encore avec la race humaine, mais cette alliance-là (l'alliance noachique) concernait seulement la promesse de ne plus détruire l'humanité par un Déluge (Genèse 9:16).

Alors, Paul a-t-il renié sa judéité ? Le titre de cet article peut présenter un semblant de réponse. Paul lui-même semble être d'un tout autre avis. Il dira : "Je suis juif, né à Tarse, en Cilicie, mais j'ai été élevé dans cette ville (à Jérusalem) et instruit aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi de nos pères" (Actes 22:3). Paul se défend devant le sanhédrin parce qu'il professe sa foi en Yeshoua qu'il reconnait explicitement comme étant le Massiah d'Israël. Nos versions mentionnent généralement les mots "Jésus-Christ" (Yesous Christos), mais si l'on tient compte du contexte typiquement juif dans lequel se déroulent ces événements, on ne peut que concevoir l'usage de la langue hébraïque ainsi que de la mention spécifique de "massiah", qui est le terme approprié dans ce contexte. L'expression "Yesous Christos" ne sera utilisée que plus tardivement par les non-juifs d'origine grecque. Donc, Paul dit explicitement "je suis juif", et non pas "j'étais juif". Ce qui démontre bien que l'apôtre n'a nullement renoncé à sa judaïté, et personne dans le Sanhédrin ne lui conteste cette identité bien qu'il ait adhéré à l'enseignement de Jésus (Actes 21:39 / 22:3)

Il existe une théorie qui prétend que Paul n'aurait renoncé à sa judéité que progressivement, ayant été peu à peu "éclairé" sur le véritable sens du christianisme. C'est oublier le fait que, après sa rencontre avec Yeshoua sur la route de Damas, Paul se rendit en Arabie et y vécut quatorze années. Ce sont ces années de préparation au ministère qui fondèrent, une fois pour toutes, les convictions inébranlables qui seront les siennes jusqu'au dernier jour de sa vie (Galates 1:17 / 2:1). De plus, si Paul dit être "pharisien et fils de pharisien", il faut de même tenir compte du fait que l'apôtre n'a nullement renié son appartenance à ce parti religieux après sa rencontre avec Yeshoua. Parti religieux qui professait la foi en la résurrection des morts, croyance qu'ils partageaient avec les disciples de Yeshoua. Paul le Pharisien conserva sa judéité jusqu'à sa mort, de même qu'il sut revendiquer sa citoyenneté romaine lorsque cela lui était nécessaire. Cette même citoyenneté romaine qui lui octroya le droit de mourir décapité et non crucifié. Ainsi donc, si Paul n'a ni perdu ni renoncé à sa judéité, si au contraire il n'a cessé de la revendiquer, la théorie de la substitution a tenté de déjudaïser les Ecritures. Elle a fait de même avec les personnages bibliques. Bien des lecteurs de la Bible, sincères au demeurant, adoptent cette théorie sans le savoir. Mais on ne peut dénaturer la Bible de son identité et de ses origines, pour ensuite tenter d'en appliquer les principes. Comme l'a dit un jour Jean-Marc Thobois : "Dieu n'a traité aucune alliance avec les nations". Ce sont, au contraire, aux membres de ces nations à entrer dans l'Alliance Nouvelle (une Alliance Renouvelée) que Dieu a traitée avec Israël. Et cela, l'apôtre Paul l'avait bien compris. 

JiDé

 

Notes

* "Le Nouveau Testament, un livre juif"  traduction originale de David H. Stern. 

Tarse : ville d'origine de l'apôtre Paul. Le mot "tarse", en français, désigne la partie écailleuse de la patte d'un oiseau qui se trouve entre la cuisse et les griffes. 

L'apôtre Paul, juif et pharisien.
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