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Rois d'Israël et de Juda : Jéroboam et les deux veaux d'or

Rois d'Israël et de Juda : Jéroboam et les deux veaux d'or

Après avoir été à l'apogée de sa prospérité sous le règne de Salomon, le royaume d'Israël connut un schisme, et cela juste après que Roboam, son fils, fut monté sur le trône. Roboam ayant refusé d'alléger le joug de fer que Salomon avait posé sur les épaules de son peuple, dix des tribus de l'alliance se désolidarisèrent de l'autorité du jeune roi et firent sécession. Le royaume s'en trouva ainsi coupé en deux. Roboam ne régnerait plus, désormais, que sur les tribus de Juda et de Benjamin. Il est fort probable que cette rébellion contre l'autorité royale avait été envisagée, voire préméditée, car cette division avait déjà été annoncée par Achija de Silo à un certain Jéroboam, serviteur de Salomon. Le prophète, ayant rencontré Jéroboam sur le chemin de Jérusalem, déchira son manteau neuf en douze morceaux devant lui. Par ce geste symbolique, il lui annonçait ainsi que Dieu "arracherait le royaume des mains de Salomon" (1 Rois 11:31) et qu'il donnerait à Jéroboam dix des douze tribus. Salomon eut vent de cette rencontre et chercha à faire mourir Jéroboam qui "s'enfuit en Egypte auprès de Schischak, roi d'Egypte, jusqu'à la mort de Salomon" (1 Rois 11:40). Schischak semblait visiblement très hospitalier envers les ennemis du roi hébreu (1 Rois 11:14 à 20). Lorsqu'il apprit la mort de Salomon, Jéroboam se souvint de la prophétie d'Achija de Silo et revint en Israël, à Sichem, où Roboam devait être couronné par "tout le peuple" (1 Roi 12:1). Jéroboam, ancien préposé aux corvées sur les tribus d'Ephraïm et de Manassé (1 Rois 11:28), à la tête d'une délégation, demanda au nouveau roi d'alléger les charges et les impôts exigés par Salomon, mais Roboam refusa, durcissant même le ton et promettant de rendre le joug encore plus dur que celui de son père. Mal lui en prit. Ses paroles déclenchèrent un mouvement de révolte. Dix des tribus se soulevèrent et proclamèrent leur indépendance. Jéroboam (futur roi d'Israël) avait autrefois occupé les fonctions de préposé aux travaux, ayant sous ses ordres, les équipes d'ouvriers des deux plus grandes tribus d'Israël : Manassé et Ephraïm (ceux de la maison de Joseph; 1 Rois 11:28). À la mort de Salomon, il fut rappelé pour plaider la cause du peuple devant le nouveau roi, Roboam. Jéroboam disposait donc d'une certaine popularité auprès de ceux dont il avait autrefois dirigé les travaux. Un critère qui pesa lourd dans la balance lorsque les israélites sécessionistes décidèrent de nommer un roi à leur tête. Le choix d'Éphraïm et de Manassé influença certainement le choix des autres tribus. Jéroboam vit alors la prophétie d'Achija de Silo se réaliser sous ses yeux (1 Rois 11:29 à 32)

Lorsque survint la sécession des dix tribus du Nord, à Sichem, seule la tribu de Juda demeura fidèle à Roboam (1 Rois 12:17, 20). Qu'en est-il de la tribu de Benjamin ? Pourquoi n'est-elle pas citée ici ? Il se peut qu'il y ait eut, pour elle, un temps d'hésitation, mais le récit nous dit plus loin que celle-ci s'était jointe à celle de Juda (1 Rois 12:22, 23). Il est vrai que la taille de cette tribu était fortement réduite depuis la période des Juges. Il s'en fallut même de peu pour qu'elle ne disparaisse dans un bain de sang, suite à une vendetta intertribale (Juges 21:6, 17). Benjamin conservait cependant encore des soldats d'élite entièrement dévoués au roi de Juda, son protecteur (1 Rois 12:21). Un lien particulier unissait leurs ancêtres éponymes, les fondateurs de ces deux tribus. Juda s'était même porté garant pour son jeune frère auprès de son père (Genèse 43:8, 9), allant jusqu'à être prêt à subir l'esclavage pour le protéger (Genèse 44:33). Ce lien avait subsisté depuis lors. Comme si les descendants de Juda se sentaient toujours impliqués par l'engagement de leur aïeul envers le petit dernier de la famille. Au pays de la vendetta, les codes d'honneur font office de loi. 

Royaumes et territoires

Deux royaumes subsistaient désormais côte à côte. Dix tribus d'un côté et deux de l'autre. Un partage fort peu équitable. Mais en réalité, les choses ne sont pas si simples. Au Sud, le royaume de Juda formé des deux tribus alliées. Dans le royaume du Nord, les tribus confédérées. La tribu de Dan ainsi qu'une demi-tribu de Manassé partagent des frontières communes avec les territoires de Juda et de Benjamin. Le territoire d'Ephraïm (sur lequel se trouve la ville de Béthel, là où se trouvait le premier veau d'or) partage quant à lui ses frontières avec les tribus de Dan, de Benjamin et de la demi-tribu de Manassé. Plus haut, dans le Nord du pays, on trouve les territoires d'Issaccar, de Zabulon, de Nephtali et d'Aser. Avec, tout en haut, à hauteur du Mont Hermon, un petit territoire appartenant également à la tribu de Dan. Territoire que s'étaient approprié des guerriers danites à l'époques des Juges (Juges 18:27 à 31). La ville s'appelait autrefois Laïs, mais les danites la renommèrent Dan (Juges 18:29). Un culte fut alors rendu à une divinité "délocalisée" alors que le culte de l'Eternel se pratiquait à Silo (Juges 18:30, 31). Ce n'est pas par hasard que Jéroboam choisit ce lieu en particulier pour y mettre l'un des deux veaux d'or. C'était comme un écho à une vieille rivalité opposant culte païen et service lévitique à l'Eternel. C'est là, à Dan, que Jéroboam fit dresser le deuxième veau d'or (1 Rois 12:29, 30). Jéroboam dira à Israël : "Israël, voici ton dieu qui t'a fait sortir d'Egypte" (1 Rois 12:28). Le texte hébreu dit : "tes dieux (eloheka)" au pluriel. Faut-il y voir une incitation au polythéisme de la part de Jéroboam ? Plus probablement, cette dualité lui permettait d'unifier les deux pôles de son royaume sous une même religion dont il demeurait l'instigateur et le pourvoyeur. Une manœuvre à la fois religieuse et politique pour garder unifié un royaume qui s'était bâti initialement sur une division. Il transgressait cependant le deuxième commandement (Exode 20:4, 5) en instaurant, comme objet d'adoration, la représentation d'un dieu égyptien. Une manœuvre qui devrait avoir des répercussions sur toute la royauté à venir au royaume d'Israël. A tel point que cela porta, plus tard, le nom de "péché de Jéroboam" (1 Rois 15:34 / 1 Rois 16:19, 26). Une façon peu recommandable de passer à la postérité. Jéroboam devint ainsi le type même du roi apostat. L'enceinte du sanctuaire de Dan fut découverte en 1966 par les archéologues. Le sanctuaire qui y avait été dressé par Jéroboam avait été rénové et agrandi au cours des règnes d'Achab et de Jéroboam II, au 8ième et 7ième siècles avant notre ère. 

Mais revenons aux dix tribus. À l'époque de la conquête de Canaan, trois tribus avaient décidé de s'installer à l'Est du Jourdain. Ainsi, Ruben, Gad et la première demi-tribu de Manassé occupaient chacune un territoire assez vaste de l'autre côté du fleuve frontalier (Josué 13:7 à 32). Ruben, le territoire face à la Mer Morte, de l'autre côté de laquelle se trouvait le territoire de Juda. La région de Galaad était occupée par la tribu de Gad, et au Nord se trouvait la deuxième demi-tribu de Manassé. Quant à Siméon et Lévi, fils de Jacob et de Léa, ils s'étaient autrefois rendus coupables d'une vendetta sur les habitants de la ville de Sichem pour le viol de leur sœur Dina (Genèse 34:2, 13, 26). A cause de cela, Jacob, sur son lit de mort, les déshérita (Genèse 49:5 à 7). Il appela prophétiquement sur eux la dispersion parmi les autres tribus d'Israël. "Je les séparerai (akhaleqem) dans Jacob, et je les disperserai (va'afitstem) dans Israël" (Genèse 49:5 à 7b). Ce n'est pas ici le sujet, mais je m'arrête un instant sur cette phrase car elle permet de comprendre la situation de Siméon et de Lévi à cette heure. "Akhaleqem" signifie "diviser, partager, répartir, assigner, distribuer, recevoir une portion en héritage", mais aussi "être éparpillé". Jacob leur avait également prédit qu'ils seraient "va'afitsem" (dispersés, répandus au loin". Comme de la poussière dans la main qui s'envole et est emportée par le vent. Voilà ce que seraient les descendants de Lévi et de Siméon. Leurs descendants hériteront malgré tout de villes et de villages. Siméon hérita de quelques possessions enclavées à l'extrême sud du territoire de Juda (Josué 19:1 à 9). La ville de Beer Scheba faisait autrefois partie de ces villes (Josué 19:2). Quant aux lévites, des villes leur furent assignées sur tout le territoire d'Israël. Toutefois, leurs fonctions d'enseignants de la Thora nécessitait leur présence sur tout le territoire (Lévitique 21:1 à 8). Cette "Diaspora" répondait donc, malgré tout, à un besoin (Josué 13:14). Un tirage au sort déterminant les "périodes d'astreintes" durant lesquelles chaque famille de lévites envoyait une délégation, à Jérusalem, pour exercer les fonctions sacerdotales (Luc 1:5, 8, 9 / 1 Chroniques 24:1 à 19). Après que Jéroboam ait destitué les lévites de leurs fonctions (2 Chroniques 11:14) pour établir un culte idolâtre avec des "prêtres laïcs" (1 Rois 12:31), ceux-ci descendirent sur le royaume de Juda avec tous ceux qui désiraient rester fidèle au culte de l'Eternel (2 Chroniques 11:16) fortifiant ainsi le royaume de Juda et son roi, Roboam* (2 Chroniques 11:17).

La guerre qui opposa Jéroboam à Roboam dura toute la vie de ce dernier (2 Chroniques 12:15b). Au début de son règne, Jéroboam avait fortifié la ville de Sichem, sur la montagne d'Ephraïm. Il fit de même de l'autre côté, avec Pénuel, sur le territoire de Gad, de l'autre côté du Jourdain, assurant ainsi la frontière Sud de son territoire avec des places fortes (1 Rois 12:25). Mais il redoutait également un éventuel ennemi à l'intérieur de ses frontières. Jéroboam craignait que le peuple ne veuille retourner sous la domination de Roboam et à la "maison de David" (1 Rois 12:26). Le Temple était à Jérusalem et c'est à ce culte qu'Israël était attaché. Les dix tribus sécessionnistes s'étaient désolidarisées du pouvoir royal en place, pas du culte national, ni du Dieu d'Israël. A l'approche des fêtes de l'Eternel, le peuple s'apprêtait à monter à Jérusalem comme de coutume. Pour endiguer la ferveur religieuse du peuple, Jéroboam usa d'un stratagème en fabriquant deux veaux d'or qu'il plaça aux deux extrémités de son royaume, à Bethel au Sud, à la frontière du territoire de Benjamin, et l'autre dans la ville de Dan, tout au Nord. A l'époque où les guerriers danites s'installèrent dans cette ville dont ils venaient de massacrer les paisibles habitants, le culte de l'Eternel était rendu au Tabernacle, à Silo (Juges 18:27 à 31), au Nord de Béthel, sur le territoire d'Ephraïm (Juges 21:19). Mais à ce jour, c'était à Jérusalem qu'était rendu le culte à l'Eternel. 

*Pour pouvoir brosser un tableau complet des événements relatés, il est parfois nécessaire de lire, en parallèle, les livres des Rois et ceux des Chroniques (2 Chroniques 12:15). 

Mauvaise stratégie

Jéroboam avait agi en stratège avisé en fortifiant militairement son territoire, mais il avait aussi agi en insensé en instaurant une religion idolâtre. Son long séjour en Egypte auprès du Pharaon avait érodé sa foi dans le Dieu d'Israël. Pour le peuple d'Israël aussi, ces veaux d'or évoquaient des souvenirs mitigés (Exode 32:4). Il fit également construire "une maison de hauts lieux" et fit nommer, parmi le peuple, "des sacrificateurs qui n'appartenaient pas à la maison de Lévi" (1 Rois 12:31). "Quiconque en avait le désir" pouvait devenir prêtre de cette nouvelle religion. "Jéroboam... créa de nouveaux prêtres des hauts lieux pris parmi tout le peuple. Quiconque en avait le désir, il le consacrait prêtre des hauts lieux" (1 Rois 13:33). 

Le texte fait même mention d'une fête célébrée "le quinzième jour du huitième mois" (1 Rois 12:33). Selon Godet (Bible Annotée), Jéroboam aurait transposé la fête des Tabernacles du septième mois au huitième, tout en gardant le jour. Peut-être était-ce une manœuvre pour démarquer le peuple d'Israël des fêtes de l'Eternel qui se déroulaient à Jérusalem (1 Rois 8:2). Cela n'est pas sans rappeler une certaine Eglise qui changea la date de la fête de la Pâque pour se démarquer ouvertement de la fête juive de Pessah qui était pourtant la fête initiale. Une démarche qui rappelle cet autre texte où il est écrit : "Il espérera changer les temps et la loi" (Daniel 7:25). Rappelons que ce texte de Daniel fait référence à la "quatrième bête" (Daniel 7:23) qui est identifiée comme étant l'empire romain. L'attitude de Jéroboam s'est donc inscrite dans cette même démarche, probablement motivée par le même état d'esprit. Cette date évoque quelque chose qui nous est peut-être plus familier : La "reine du ciel" n'est-elle pas célébrée le 15 Août, le "quinzième jour du huitième mois" ? Date à laquelle était rendu un culte idolâtre à "Bethel" (la maison de Dieu). Mais un événement devait venir troubler l'une des cérémonies à laquelle officiait Jéroboam lui-même (1 Rois 13:1 à 6). L'imprécation prononcée par le prophète de Dieu venu à lui s'accomplit comme il l'avait dit et l'autel se fendit en deux (1 Rois 13:5). Le roi, qui était monté sur les degrés de l'autel pour offrir des sacrifices, demeura la main tendue au dessus de l'autel qui venait de se briser, alors que se répandait partout autour la cendre de ses sacrifices idolâtres (verset 5). Un texte du Livre des Nombres donne le détail des sacrifices offerts durant la fête des Tabernacles  (qui durait huit jours, Nombres 29:12 à 39). Si cette fête du "huitième mois" est bien un simulacre de la fête de l'Eternel, la destruction de l'autel est plus que significative. Elle témoigne de la profonde désapprobation de Dieu (1 Rois 16:26). Le texte nous dit que cette date avait été choisie "selon son bon gré" (1 Rois 12:33), mais il se peut également qu'elle ait correspondu avec une fête païenne quelconque. Cela correspondrait alors à une démarche syncrétiste alliant fête de l'Eternel et fête païenne. Une démarche dont s'est fortement inspirée la dite Église tout au long de son histoire. s'inscrivant, par cela, dans une continuité de "la voie de Jéroboam"

L'endurcissement de Jéroboam, malgré l'avertissement du prophète, causa sa perte (1 Rois 13:34). Il avait pourtant été choisi par Dieu pour exercer la royauté, mais ses craintes le conduisirent à l'idolâtrie, moins cependant par conviction que par stratégie pour préserver l'unité de son royaume. L'intervention du prophète ne produisit, chez Jéroboam, pas la moindre once de repentance. Il continua dans sa voie idolâtre, recrutant ses prêtres parmi le peuple (1 Rois 13:33). Ce fut, pour la famille de Jéroboam et ses proches (sa maison), une grave occasion de péché contre Dieu qui devait provoquer une totale destruction de celle-ci. Il demeura cependant vingt-deux ans sur le trône, jusqu'à sa mort, et son fils Nadab régna à sa place (1 Rois 14:20). Quant au prophète de Dieu qui vint à Jéroboam, il fut entraîné dans la désobéissance par un autre prophète. Son histoire est racontée plus en détail dans l'article "L'histoire tragique d'un prophète de Juda". 

Les veaux d'or

Pour comprendre l'origine de ces veaux d'or, il nous faut nous intéresser aux origines de ce roi idolâtre. Jéroboam était "fils de Nébath, Ephratien, de Tséréda (1 Rois 11:26)". Son père, Nébath, était originaire du territoire d'Ephraïm. Mais Tséréda (appelée également "Tsarthan"), le village d'où était issu Jéroboam, se situait aux alentours de Jizreel, près des villes de Beth Shéan et d'Adam (Josué 3:16 / 1 Rois 4:12), dans le territoire de Manassé (Josué 16:9 / 17:9). Or, le deuxième livre des Chroniques nous dit que c'est dans cette région que Salomon fit autrefois fabriquer les ustensiles qui devaient servir au Temple de Jérusalem, y compris l'autel d'airain, la mer de métal fondu et les "figures de bœufs" qui devaient lui servir de support (2 Chroniques 4:1 à 3). Le texte dit plus loin  que "le roi les fit fondre dans la plaine du Jourdain, dans un sol argileux, entre Succoth et Tséréda. Salomon fit tous ces ustensiles en grande quantité" (2 Chroniques 4:17, 18). Jéroboam était donc originaire de la région où Salomon fit faire les ustensiles de bronze qui devaient servir au Temple, ainsi que des "figures de bœufs". Celles-ci durent l'inspirer pour faire fabriquer les veaux d'or, substituts qui devaient lui servir à canaliser la foi du peuple d'Israël. Jéroboam avait longtemps séjourné en Egypte après que Salomon ait voulu le faire mourir (1 Rois 11:40). C'est également en Egypte qu'Aaron trouva l'inspiration pour créer le veau de fonte qui fit chuter Israël. Le mot "egel" (veau) vient de "agol" (rond, ce qui est de forme ronde), en référence au disque solaire qui se trouvait entre les cornes du veau égyptien. "Et Aaron dit au peuple : Israël, voici ton dieu qui t'a fait sortir du pays d'Egypte" (Exode 32:4). Et de même que des prêtres officiaient en Egypte auprès de faux dieux, Jéroboam institua un nouvel ordre de prêtres "laïcs" qui n'étaient pas issus de la tribu de Lévi. Cette dérive spirituelle semble avoir déjà été prévue depuis bien longtemps. Pour bien le comprendre, il nous faut faire un saut dans le passé,  l'époque de Josué, alors que le peuple campait encore aux alentours d'une ville nommée Sichem. Celle-ci deviendrait plus tard la capitale du royaume d'Israël. Cela, le peuple l'ignorait encore, mais Josué entrevoyait déjà les événements qui se produiraient bien après son départ. Il lui fallait cependant mettre Israël en garde. 

"Josué assembla toutes les tribus d'Israël à Sichem, et il convoqua les anciens d'Israël" (Josué 24:1). Or, que nous dit le Livre des Rois "Roboam se rendit à Sichem car tout Israël était venu à Sichem pour le faire roi" (1 Rois 12:1). C'est à Sichem que Josué fit ce fameux discours (Josué 24) qui débutait par ces mots : "Ainsi parle l'Eternel, le Dieu d'Israël... vos pères... servaient d'autres dieux" (Josué 24:2). Plus loin, Josué dira : "Faites disparaître les dieux qu'ont servis vos pères de l'autre côté du fleuve et en Egypte et servez l'Eternel !"(Josué 24:14). Alors, pleins de bonne foi, les israélites jurèrent : "Loin de nous la pensée de servir d'autres dieux" (verset 16). Mais Josué n'était pas dupe de cette ferveur émotionnelle. Il leur répondit : "Vous n'aurez pas la force de servir l'Eternel ! … Lorsque vous abandonnerez l'Eternel et que vous servirez des dieux étrangers, il reviendra vous faire du mal et il vous consumera" (versets 19, 20). La réalisation ultime de cette parole devait se produire lorsque les populations du royaume du Nord devaient être exilées par les Assyriens en l'an 722 avant notre ère. 

Orphelin

L'Ecriture nous dit que la mère de Jéroboam était veuve à sa naissance (1 Rois 11:26). Ce détail est important. Comment vécut-il cette absence de père ? La notion de royauté était intimement liée à la filiation et à la paternité. Abija était le fils de Roboam. Roboam était le fils de Salomon qui était lui-même le fils de David. Roboam et Abija s'inscrivaient tous deux dans une lignée directe trouvant son origine dans le grand roi David. Jéroboam, lui, était orphelin de père. Celui-ci fut-il métallurgiste ? Une profession tout à fait honorable. Mais aux yeux d'un prince de sang royal, le fils d'un métallurgiste ne pouvait être reconnu comme un égal, un éventuel alter-égo. Quant à sa mère, elle était appelée Tseruw'ah, ce qui signifie "lépreuse".  Ce n'était probablement pas son nom mais la façon dont on devait la nommer : "la veuve lépreuse" (tserouw'ah isha almanah). Les lépreux étaient mis à l'écart de la communauté, cette maladie étant fort contagieuse. Mais le mot 'lèpre' est utilisé de façon générale, dans la Bible, pour désigner toutes formes de maladies touchant à la peau. Il est donc fort probable que la mère de Jéroboam souffrait d'une maladie de peau sans que celle-ci soit provoquée par le bacille de Hansen sous sa forme la plus connue (Lévitique 13:13). Le père de Jéroboam était donc mort avant sa naissance et il avait été élevé par sa mère lépreuse. Qui aurait pensé qu'un jour cet enfant deviendrait roi sur dix des tribus du peuple d'Israël ? 

Deux règnes

Roboam et Jéroboam occupaient donc tous deux une fonction royale, mais leur statut différait pourtant. Le premier l'était par la naissance, le second par appel divin. Il paraitrait normal que ce dernier prévale, mais cependant Roboam était un descendant de la maison de David, ce qui lui donnait une légitimité que ne pouvait revendiquer Jéroboam. Ce dernier n'avait pas de lignée. David n'en avait, certes, pas non plus, mais il avait été oint par le prophète Samuel lui-même. Il détenait son autorité de celui-là même qui instaura la monarchie en Israël. Roboam se tenait sur le trône, à Jérusalem, la ville de Dieu. Là où se trouvait le Temple bâtit par son père, le roi Salomon, son prédécesseur. Jéroboam, après avoir sécurisé ses frontières, après avoir militarisé la zone qui séparait désormais les deux royaumes, tenta d'instaurer une spiritualité de remplacement pour pallier au manque d'un authentique sanctuaire de l'Eternel. Ce sera l'érection des veaux d'or. Jéroboam tenta de fédérer les tribus autour d'un simulacre du Dieu vivant. Il ne fit que réintroduire un culte ancien qui poussa autrefois Moïse à briser les tables de la loi. Jéroboam avait ramené d'Egypte ses dieux étrangers. Le royaume avait pourtant été arraché des mains de Salomon l'idolâtre (1 Rois 11:5) pour lui être donné (1 Rois 11:11). La maison royale devait cependant demeurer à Jérusalem. Les deux royaumes seraient désormais obligés de vivre côte à côte, et ce, jusqu'à ce qu'un ennemi venu de l'extérieur ne vienne leur ravir ce qu'ils avaient reçu de droit divin. 

Roboam et Jéroboam incarnent deux modes de gouvernance à la fois semblables et très différents. L'un est un prince oriental, né dans un palais, ayant bénéficié d'une éducation raffinée, rompu à la diplomatie, familier des grands de ce monde. Ayant eu les meilleurs précepteurs, les meilleurs professeurs. Ayant joui d'une vie facile, confortable, aisée, protégée. L'autre est issu d'un milieu que l'on qualifierait aujourd'hui de "défavorisé". Orphelin de père. Une mère mise au banc de la société à cause d'une maladie des plus handicapante. Jéroboam a toutefois vécu à la cour du Pharaon, en Égypte. Dans son propre pays, son origine modeste lui suscite cependant le plus grand mépris de la part de son principal adversaire, le roi Roboam, qui ne voit en lui qu'un serviteur rebelle à son maître, impropre à gouverner ce qui n'est, en définitive, qu'un "Etat sécessionniste" sans aucune légitimité. Aujourd'hui encore, ces deux modes de gouvernance demeurent présents au sein des nations. De tous temps, des hommes se sont hissés jusqu'aux plus hautes sphères du pouvoir. Issus de milieux modestes ou sortant diplômés de grande écoles. Certains grandirent dans des palais, d'autres dans la rue. Mais après tout, qu'importe. Qu'ils aient été élus ou qu'ils aient grandi avec la perspective de devoir un jour occuper les plus hautes fonctions de l'Etat, ce qui déterminera la qualité de leur investiture sera d'une part leurs convictions, et d'autre part leurs motivations. L'homme passe mais la fonction reste. Des peuples entiers seront alors à la merci de leur bon vouloir. Il soutiendra cependant son trône par la manifestation de sa bonté (Proverbes 20:28), et l'affermira par la justice (Proverbes 25:5 / 29:4). Mais n'est-ce pas là la manifestation des attributs du Roi des rois ? Il est et demeure le modèle à imiter pour tout homme, quel qu'il soit, qui doit, de par ses fonctions, exercer une quelconque forme d'autorité. 

Roboam, roi de Juda, était de filiation royale. Fils de Salomon, petit-fils de David, son statut était établi et fondé. Jéroboam, lui, avait été serviteur de Salomon. Le mot "ebed" peut même être traduit par "esclave". Il n'avait donc, au commencement, qu'un statut subalterne, alors que Roboam avait été élevé à la cour de l'un des plus puissants rois de son époque. Roboam se savait destiné à la fonction royale. Jéroboam l'apprit un jour, brutalement, de la bouche d'un prophète. C'est là deux statuts tout aussi légitimes l'un que l'autre, sauf que Roboam l'était par filiation naturelle. Cela suffisait à légitimer son règne ainsi que son pouvoir aux yeux de son peuple. Quand bien même celui-ci serait-il dissident, cela n'enlevait rien à son statut royal. Roboam sait qu'il est parfaitement à sa place, à Jérusalem. Jéroboam n'a pas la même assurance. Il sait que ce choix est un choix divin qui ne peut être contesté. De plus, bien que les tribus l'aient choisi, lui, pour être leur roi, elles demeurent cependant toujours fidèles au culte rendu à Jérusalem, fief de l'ennemi. Dieu aurait-il omis ce détail ? Impensable ! Quel était son plan ? Nous l'ignorons. Celui-ci aurait très certainement été révélé si Jéroboam ne s'était pas corrompu par l'idolâtrie. Il ne put donc bénéficier de l'action divine pour asseoir son autorité royale sur le territoire qui lui avait été assigné. Cette faute grave le priva de la bénédiction et de la protection divine, et causa sa perte. Il ne fut cependant pas destitué. Et son fils Nadab bénéficia de ce statut de "fils de roi" que lui-même avait peut-être tant envié (1 Rois 14:20). Il fut cependant le dernier de ce qui aurait pu être une dynastie fondée par celui qui l'avait instaurée initialement. Mais le péché de Jéroboam allait causer non seulement sa propre perte, mais également l'extinction de sa descendance. 

L'enfant mourra 

"Ce fut là une occasion de péché pour la maison de Jéroboam, et c'est pour cela qu'elle a été exterminée et détruite de dessus la terre. Dans ce temps-là, Abija, fils de Jéroboam, tomba malade" (1 Rois 13:34 / 14:1). A ne pas confondre avec Abija, roi de Juda. Jéroboam avait un fils, Abija (dont le nom signifie "l'Eternel est un père"). La mort de cet enfant allait être le signe annonciateur des événements à venir. L'expression "Dans ce temps-là" fait probablement référence à ce qui est décrit au chapitre précédent (1 Rois 13:33, 34) et qui est mentionné comme "une occasion de péché pour la maison de Jéroboam". L'auteur du récit nous dit que c'est à cause de ces choses (mentionnées au verset 33) que la famille de Jéroboam "a été exterminée et détruite de dessus la surface de la terre" (verset 34). Jéroboam envoya la mère de l'enfant auprès du prophète Achija, à Silo. Ce même Achija qui avait annoncé à Jéroboam qu'il serait roi sur Israël (1 Rois 14:2), mais dont il n'avait pas suivi les recommandations (1 Rois 11:38).  L'épouse du roi était chargée par son mari de se faire passer pour une faible femme (1 Rois 11:31 / 14:2). Elle lui apporte, pour cela, une simple offrande (1 Rois 14:3), ce qui était de coutume lorsque l'on allait consulter le prophète (1 Samuel 9:7, 8). Mais avant même que la femme de Jéroboam n'entre dans la maison d'Achija, l'Eternel avait parlé au prophète et l'avait averti du subterfuge (1 Rois 14:5). Celui-ci, devenu très âgé, était devenu aveugle, mais lorsqu'elle passa le pas de sa porte, il sut que c'était elle (1 Rois 14:6)

C'étaient des paroles d'une grande dureté qu'il avait à annoncer à cette femme (1 Rois 14:6 à 16). Achija est chargé de lui faire part de toutes les paroles de l'Eternel. C'étaient des paroles de condamnation pour laquelle aucune requête ne serait recevable. C'était un arrêt irrévocable condamnant tous mâles (littéralement "machtin bekir" - celui qui urine contre un murde la famille. Mais le plus terrible que cette femme ait eu à entendre, c'est que son enfant, celui pour lequel elle était allée auprès du prophète pour lui demander la guérison, allait mourir. Cet enfant, ce fils, était encore en bas âge. Il n'était pas encore en mesure de se "tenir devant un mur", mais il était, en quelque sorte, les prémices de tous les mâles de la famille qui allaient mourir après lui. Achija lui annonça également que Dieu établirait un autre roi sur Israël qui exterminerait la maison de Jéroboam (1 Rois 14:14). Achija poursuivit en annonçant également le futur exil du peuple d'Israël (qui se produira avec l'invasion assyrienne, verset 15). Et cela se produirait à cause du péché que Jéroboam avait fait commettre à Israël (verset 16). La déportation en Assyrie aura lieu en l'an 722, sous le règne d'Osée, roi d'Israël (2 Rois 18:9 à 12). On peut imaginer que la femme de Jéroboam devait être commotionnée par un tel message. Elle était allée auprès du prophète pour quémander la guérison de son fils et elle revenait avec un décret d'extinction de sa famille, de la condamnation de son mari, et de ce qui devait être pour elle la pire des choses : la conviction intérieure que ce qu'avait dit le prophète allait se produire. Son enfant allait mourir. A peine avait-elle franchi le seuil de sa maison que son enfant mourut. Elle entendit probablement les cris de la servante qui veillait le petit enfant. Quoi de plus affreux pour une mère ? L'enfant fut enterré, et tout Israël (des représentants des dix tribus) était présent. La mort de cet enfant préfigurait ce qui devait suivre, mais en assurait également l'accomplissement. Comme le dit Achija : "L'Eternel établira sur Israël un roi qui exterminera la maison de Jéroboam ce jour-là. Et n'est-ce pas déjà ce qui arrive ?" (1 Rois 14:14). Tout ce que Dieu avait dit par la bouche du vieux prophète allait s'accomplir et Jéroboam le savait maintenant. 

Le reproche qui est fait à Jéroboam est d'avoir gravement péché contre Dieu en institutionnalisant cette religion païenne au niveau national. Cela, même Salomon ne l'avait pas fait. En cela, Jéroboam avait péché "plus que tous ceux qui ont été avant" (1 Rois 14:9). Personne avant lui ne commit un péché aussi grave. Cette faute fut donc appelée "péché de Jéroboam". Toute nation qui, par la suite, institua un culte idolâtre (par la reproduction d'une quelconque divinité), tout en prétendant rendre un culte au Dieu unique, se rendit coupable de ce même "péché de Jéroboam". Bien plus tard, un empereur romain nommé Constantin allait faire identiquement la même chose, au quatrième siècle de notre ère, avec le christianisme dans l'empire. Jéroboam avait pourtant reçu de Dieu des promesses favorables (1 Rois 11:35, 37). Dieu avait promis à Jéroboam "une maison stable" (une dynastie royale issue de lui, 1 Rois 11:38). A cause de son idolâtrie, le premier roi d'Israël perdit tout (1 Samuel 2:30, 31). L'auteur conclut par ce qui semble être presque une épitaphe (1 Rois 14:19, 20). Presque ironiquement, le récit de sa vie s'achève par ces mots : "Et Nadab, son fils, régna à sa place" (1 Rois 14:20b). A peine Nadab était-il monté sur le trône que déjà la malédiction reposait sur lui (1 Rois 14:10, 11). Les fins de règne ne sont que rarement à l'image de leurs débuts. Mais combien de chefs d'Etats, de présidents, de dictateurs n'eurent-ils pas des fins bien misérables ? Quelle a été leur vie ? C'est une lourde responsabilité que d'être à la tête d'un pays pour le gouverner. L'immunité ne prévaut que durant la durée du mandat, et seulement devant les hommes. Tous, quel que soit leur statut, auront, un jour, à rendre compte de leurs actes devant leur Créateur. Même les plus puissants de ce Monde. 

Jéroboam avait régné durant vingt-deux ans sur Israël (1 Rois 14:20). "Il y eut guerre entre Roboam et Jéroboam tant que vécut Roboam" (1 Rois 15:6). Le conflit se poursuivit avec Abija, fils de Roboam. Affaibli par la maladie dont il souffrait, Jéroboam connut plusieurs défaites contre Abija. "Jéroboam n'eut plus de force du temps d'Abija, et l'Eternel le frappa et il mourut" (2 Chroniques 13:20).

Il était une fois deux pasteurs…

En me plongeant dans ces écrits, le souvenir d'une histoire survenue bien des années auparavant me revint à l'esprit. C'était il y a bien des années, mais est-ce si loin déjà ? Parmi ceux qui me liront, peut-être s'en trouvera-t-il pour y voir une similitude avec leur propre histoire. Comme une réminiscence, comme l'un de ces souvenirs dont l'évocation réveille de vieilles blessures. En s'écrivant, elle est venue se greffer sur le texte du Livre pour en épouser les formes. Cette histoire, en vieillissant, a pris la patine de l'universalité. C'est celle de deux pasteurs que, par commodité, je nommerai pasteurs Roboam et Jéroboam. Pasteur Roboam, fraîchement diplômé de l'Ecole Biblique, revint dans sa ville natale pour prendre la succession de son père, Pasteur Salomon. Ce dernier étant sur le point de prendre sa retraite, il tenait à ce que ce soit son fils qui prenne la relève. L'église était prospère, et sa famille également. Dans la famille de Pasteur Roboam, on était pasteur de génération en génération. Pasteur Salomon tenait son église et savait y faire régner l'ordre et la discipline. Les membres de l'assemblée voyaient plutôt d'un bon œil l'arrivée du jeune homme. Quelques membres vinrent le trouver pour lui demander, avec prudence et respect, s'il envisageait d'adoucir un peu la discipline de fer qui régnait lorsque son père était en fonction. Le jeune pasteur demanda un temps de réflexion de quelques jours. Il prit l'avis des anciens de l'assemblée qui lui conseillèrent d'écouter les demandes car elles étaient, à leurs yeux, légitimes. Le jeune pasteur se tourna alors vers ses camarades de classes et leur demanda leur avis. Ceux-ci optèrent pour une attitude inverse. A leurs yeux, la discipline ne pouvait jamais être assez stricte. Le jeune pasteur prêta l'oreille à ses camarades plutôt qu'aux anciens de l'assemblée. Lorsque ces derniers vinrent à lui pour l'interroger sur sa décision, celui-ci répondit qu'il leur promettait d'être encore plus intransigeant que son père ne l'avait été. Après s'être concertés, les anciens décidèrent d'un commun accord de donner leur démission. Ils quittèrent l'assemblée, non sans remords mais conscients de faire ce qui était le mieux. Beaucoup les suivirent. Et une division nette et brutale scinda en deux clans ce qui fut autrefois une assemblée unie. Quelques membres de longue date auraient considéré comme une trahison de partir ainsi. Ils restèrent. Non sans regrets. Apprenant la nouvelle, Pasteur Jéroboam, qui avait servi autrefois sous les ordres de Pasteur Salomon, reprit contact avec les anciens. Ceux-ci, en manque de pasteur, lui demandèrent s'il ne voudrait pas reprendre en main l'assemblée. Pasteur Jéroboam accepta. La nouvelle fit grand bruit. La réaction de Pasteur Roboam fut virulente. Comment lui, un rétrograde, pouvait-il prétendre devenir le pasteur d'une assemblée dissidente, dont les membres, qui plus est, appartenaient à son père ? Mais Pasteur Jéroboam savait depuis longtemps qu'il lui revenait de devenir le berger de cette assemblée. Il avait d'ailleurs eu le malheur d'en parler un jour au Pasteur Salomon qui l'avait sévèrement réprimandé, lui interdisant de répéter à qui que ce soit ce qu'il venait de lui dire. Son fils Roboam serait son successeur.

Une dure rivalité s'installa entre les deux pasteurs. Les membres des deux communautés continuaient à se fréquenter. Mais la pastorale voyait d'un très mauvais œil ce qui venait de se produire, sommant Pasteur Roboam de récupérer ses ouailles le plus rapidement possible et par tous les moyens. Lors des fêtes organisées par l'église de Roboam, il arrivait que des membres nostalgiques revinssent au culte. Jéroboam, craignant de voir son église se vider de ses membres, chercha un moyen d'égayer les réunions en y apportant quelque forme moderne, quelque invité charismatique (au sens littéral du terme). Mais à force de chercher le "surnaturel", du feu étranger entra dans son assemblée. Lui-même en était friant. Il ne sut pas exercer suffisamment son discernement. Et peu à peu, la véritable onction qui était sur son pastorat s'estompa. Il voulut alors pallier à ce manque en cherchant, plus encore, sensations fortes et "manifestations". "Voici le Dieu qui t'a sorti de l'Egypte du Monde" disait-il. Mais peu à peu, le feu véritable qui brûlait en lui s'éteignit. Pasteur Jéroboam avait, sur sa vie, un véritable appel. Mais lui n'était pas passé par l'Ecole Biblique. Il avait servi humblement Pasteur Salomon pendant des années. Il l'avait regardé opérer. Il était un homme de terrain. Il savait parler aux gens, aux jeunes, aux couples, mais il lui manquait l'étoffe, la prestance que prodigue le sentiment d'être légitimé dans sa fonction. Aux yeux des autres pasteurs diplômés, il n'était pas à la hauteur de la fonction. Qui plus est, il s'était arrogé un titre qu'il ne pouvait légalement revendiquer. Il n'était, à leurs yeux, qu'un imposteur. Qui plus est, il avait cautionné une division dans l'une de leurs assemblées. Ce n'était pour eux qu'un Spartacus. Un serviteur devenu le chef d'une troupe de rebelles. Mais Pasteur Jéroboam avait un fils, Abijam. Devenu vieux, alors que nombre des membres de son assemblée étaient finalement retournés dans l'église de Pasteur Roboam, Jéroboam appela son fils, fraîchement diplômé de l'Ecole Biblique, et il lui confia l'assemblée dont il avait été le pasteur pendant dix-sept ans. Pasteur Abijam avait grandi dans une assemblée où brûlait le feu étranger depuis sa plus tendre enfance. Il s'y était chauffé. Il ne tenait pas à l'éteindre. Ce feu-là brûla encore longtemps, jusqu'à ce qu'un jour il faille fermer les portes de l'assemblée. Il y avait trop longtemps que l'on y adorait d'autres dieux. Ceux-ci aiment les feux étrangers. S'ils ne les allument pas, ils se nourrissent de ceux qui sont déjà allumés. 

L'exemple à éviter

L'apôtre Paul écrit aux Corinthiens : Ces choses sont arrivées pour nous servir d'exemples" (1 Corinthiens 10:6). De quoi l'apôtre parle-t-il ici (1 Corinthiens 10:7) ? De l'épisode du veau d'or (Exode 32:1 à 8). Et Paul ajoute un peu plus loin : "Ces choses leur sont arrivées pour servir d'exemples et elles ont été écrites pour notre instruction" (1 Corinthiens 10:11). Ces choses, ce sont "les expériences du désert" et tout ce dont Israël s'est rendu coupable contre Dieu. Faut-il en conclure que ce qui est arrivé aux Hébreux devraient nous servir d'exemples à nous qui sommes "sous la grâce" ? A l'époque de Roboam et de Jéroboam, les Hébreux connaissaient ces récits relatés par Moïse dans les textes de l'Exode et des Nombres. Pour eux aussi, "ces choses avaient été écrites pour leur servir d'exemples". Les Corinthiens en ont-ils plus bénéficié que les Hébreux ? Si Paul se donne la peine de relever ce sujet, c'est que l'on ne peut l'affirmer totalement. Les Corinthiens, mais aussi les… En réalité, tout le monde est concerné par ce que dit l'Ecriture. Et celui qui croit en sa pleine inspiration est non seulement concerné, mais également responsable de ce que cela peut éveiller en lui. 

Jéroboam avait fait fabriquer deux veaux d'or qu'il plaça à des endroits stratégiques sur son territoire (1 Rois 12:28, 29). "Le peuple alla devant l'un des veaux" (1 Rois 12:30). Ont-ils vraiment cru Jéroboam lorsqu'il dit à Israël :" Israël, voici ton dieu qui t'a fait sortir du pays d'Egypte" (verset 28) ? Et que croyaient les Corinthiens pour que Paul se sente obligé de faire référence à cet épisode ? Doit-on voir une similitude entre la situation des Corinthiens et celle des Hébreux ? Les Corinthiens n'étaient pas des Hébreux et n'adoraient pas des dieux égyptiens, du moins pour la plupart. Par contre, il devait être possible d'opérer un glissement entre l'une et l'autre pratique idolâtre. Le récit mentionné ici dans le Livre des Rois a, lui aussi, été rédigé "pour nous servir d'exemple". Dans ce cas, la réitération du péché du veau d'or pourrait bien avoir encore quelque chose à nous dire, aujourd'hui, à nous qui ne sommes ni Hébreux, ni Corinthiens, mais à qui la Parole de Dieu "parle encore" (Hébreux 11:4). Quant à Roboam et Jéroboam, ils eurent des fils qui eurent des fils… Il fallut rien de moins qu'un exil définitif pour que l'idolâtrie soit totalement éradiquée du milieu du peuple qui connut pourtant de profondes réformes. Ces choses se sont réellement produites, et elles sont encore susceptibles de nous servir d'exemples. Quant aux Pasteurs Roboam et Jéroboam, on ne peut que déplorer que, bien souvent, l'Histoire se répète. Et la leur ne fait pas exception. 

 

JiDé

Rois d'Israël et de Juda : Jéroboam et les deux veaux d'or
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