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Ezéchiel : prophète ou sacrificateur ?

Ezéchiel : prophète ou sacrificateur ?

Ézéchiel le prophète était-il sacrificateur, ou le sacrificateur Ézéchiel devint-il prophète ? Un peu les deux. Le livre qui porte son nom débute par une particularité : la mention d'une "trentième année" sans qu'il soit fait mention d'un fait historique qui y soit lié (ce qui était ordinairement le cas lorsqu'une date était évoquée).

"La trentième année, le cinquième jour du quatrième mois, comme j'étais parmi les captifs du fleuve du Kébar, les cieux s'ouvrirent et j'eus des visions divines. Le cinquième jour du mois, c'était la cinquième année de la captivité du roi Yoakin, la parole de l’Éternel fut adressée à Ézéchiel, fils de Buzi le sacrificateur dans le pays des Chaldéens, près du fleuve Kébar, et c'est là que la main de l’Éternel fut sur lui" (Ézéchiel 1:1 à 3).

Selon Maïmonide et Nahmanide, cette "trentième année" ferait mention de l'âge d’Ézéchiel lorsqu'il rédigea son livre. Ézéchiel a trente ans et cela fait cinq ans qu'il a été déporté avec Yoakin, le roi de Juda, ainsi qu'avec toute la noblesse de Jérusalem et toute la sacrificature qui a survécu au siège. Il avait donc vingt-cinq ans lorsqu'il fut déporté. Mais avant de poursuivre, il nous faut nous arrêter sur deux textes du livre des Nombres :

"Les fils de Kéhath parmi les enfants de Lévi, selon leurs familles, selon les maisons de leurs pères. Depuis l'âge de trente ans et au dessus jusqu'à lâge de cinquante ans, tous ceux qui sont propres à exercer quelque fonction dans la tente d'assignation" (Nombres 4:2, 3 - idem pour les fils de Guerchom, de Merari).

"Voici ce qui concerne les lévites, depuis l'âge de vingt-cinq ans et au dessus, tout lévite entrera au service de la Tente d'assignation pour y exercer sa fonction. Depuis l'âge de cinquante ans, il sortira de fonction et ne servira plus... il ne fera plus de service" (Nombres 8:24 à 26).

Pourquoi cette différence d'âge ? Y a t-il là une contradiction ? Pas du tout ! Tout mâle issu de la tribu de Lévi était appelé dès le huitième jour après sa naissance, à servir l’Éternel. A l'âge de cinq ou six ans, chaque enfant mâle commençait à être formé en vue de servir plus tard dans le Temple, à Jérusalem. Mais ils ne rentraient en fonction qu'à l'âge de vingt-cinq ans, et ce, non comme sacrificateur, mais comme lévite. Pendant cinq année, ces jeunes gens allaient se former auprès des sacrificateurs en vue d'un jour le devenir eux-mêmes (ceci explique les mentions différentes d'entrée en fonction ; les différentes fonctions de lévites sont mentionnées en 1 Chroniques 9: 25 à 34).

A l'âge de cinquante ans, tout sacrificateur cessait ses activités en tant que tel et devenait un "consultant" pour la jeunesse qui s'était levée durant toute la durée de leur sacrificature. Il se "reconvertissait" comme formateur, enseignant pour la jeune génération.

Mais quel rapport avec Ézéchiel ? Comme nous l'avons vu, Ezechiel avait vingt-cinq ans lorsqu'il fut déporté. L'âge auquel il aurait dû entrer en fonction comme lévite. Il en a trente lorsque les cieux vont s'ouvrir devant lui, faisant de ce jeune exilé un prophète de la sacrificature céleste.

Cinq années viennent de s'écouler depuis sa déportation. Ézéchiel n'a donc pas pu exercer ses fonctions au Temple, tout comme l'avait fait Buzi, son père. Peut-être que celui-ci comptait bientôt se retirer de ses fonctions, se réjouissant déjà de voir son fils perpétuer le culte à l’Éternel dans la ville du grand Roi. Mais voilà, un événement dramatique est venu perturber cet ordre immuable. La ville de Jérusalem a été prise et ses captifs ont été déportés. Ces cinq années qui viennent de s'écouler, auraient permis à Ézéchiel de se former à sa future fonction de sacrificateur. Mais à l'âge de trente ans, alors qu'il devrait entrer en fonction, Ézéchiel est en exil. Il n' a pu ni se former, ni servir. A trente ans, il est un sacrificateur sans sacrificature.

Ézéchiel fait plusieurs fois mention d'un fleuve auprès duquel se sont installés les exilés : le Kébar. Comme Ézéchiel se trouve en territoire chaldéen, on pourrait s'attendre à ce que ce nom soit chaldéen lui aussi, or, Kébar est un mot hébreu qui veut dire : "ce qui est passé". L'Ecclésiaste (en hébreu : Qoéleth : le rassembleur de maximes) utilise ce mot "kébar" lorsqu'il écrit : "ce qui est passé (kébar) c'est ce qui sera" (Ecclésiaste 3:15). C'est en effet la perspective qu’Ézéchiel peut avoir de son avenir et de son futur. Ce fleuve a été le décor quotidien des exilés, mais également des visions d’Ézéchiel. En effet, lorsque le prophète décrit les choses merveilleuses qu'il voit en esprit, il mentionne également ce fleuve comme un arrière-plan qui est là pour lui rappeler sa triste condition d'exilé. Ces cinq années d'exil préfigurent les années qui vont venir. Bien que les Cieux se soient ouverts devant lui, les yeux d’Ézéchiel ne peuvent que contempler cette inéluctable perspective que lui impose son exil.

L'introduction de son livre mentionne la date du cinquième jour du quatrième mois, c'est donc le mois de Tammuz (juin - juillet). Nous sommes donc en été. Cinq jours viennent de s'écouler depuis le début du mois, cinq jours longs comme cinq années. Le livre des Nombres (Bamidbar) mentionne un principe que l'on retrouve peut-être ici : celui "d'un jour pour une année" (Nombres 14:34). Peut-être Ézéchiel devait-il normalement entrer en fonction le premier Tammuz ? Quel fut donc le désarroi de ce jeune homme promu à un si digne et saint service... Et puis, cinq jours se passent. Au cinquième jour, les Cieux s'ouvrent. Ézéchiel le sacrificateur exilé devient Ézéchiel le prophète.

Allons maintenant un peu plus loin, dans le livre d’Ézéchiel, au chapitre 40.

"La vingt-cinquième année de notre captivité, au commencement de l'année, le dixième jour du mois, quatorze ans après la ruine de la ville, en ce même jour, la main de l’Éternel fut sur moi et il me transporta dans le pays d'Israël. Il m'y transporta dans des visions divines" (Ézéchiel 40:1, 2).

"La vingt-cinquième année de notre captivité". Si Ézéchiel avait vingt-cinq ans lorsqu'il a été déporté, il a donc maintenant cinquante ans. Il y a donc vingt ans qu'Ézéchiel exerce son ministère prophétique parmi les exilés. Mais comme nous l'avons vu, cinquante ans est l'âge auquel les sacrificateurs se retiraient de leurs fonctions. Or, Ézéchiel n'a jamais pu exercer ses fonctions en tant que tel, dans le Temple de Jérusalem. Il est probable qu'il a vu s'approcher cette datte fatidique avec beaucoup de tristesse mais aussi avec résignation. Une fois l'âge de cinquante ans atteint, il SAIT qu'il ne sera JAMAIS sacrificateur. Pour lui, tout est terminé. Bien qu'il ait rempli avec zèle son ministère prophétique, le sacrificateur Ézéchiel sait qu'il ne remplira jamais ses fonctions en tant que tel. Ézéchiel, le prophète au cœur de sacrificateur, n'accomplira jamais sa destinée. Du moins, pas celle qu'il avait envisagée. Celle qu'on lui destinait. Il sait que même s'il lui était possible de retourner à Jérusalem, et qu'il puisse y trouver le Temple intact, il ne pourrait servir, ne fut-ce même comme lévite. Mais, cette vingt-cinquième année, Ézéchiel est transporté, en esprit, en Israël, à Jérusalem, devant un Temple. Mais ce Temple est un Temple céleste. Alors que tout espoir est perdu pour lui de pouvoir un jour contempler le Temple dans lequel il aurait aimé servir, Dieu l'amène à contempler un Temple plus grand et plus glorieux. Un autre prophète, Aggée, dira : "la gloire de cette dernière maison sera plus grande que celle de la première" (Aggée 2 : 9) - le terme "Ahahon" que traduit le mot "dernière" est également utilisé pour "les choses à venir" ou "les choses dernières", ce qui souligne l'aspect messianique et eschatologique de ce terme.

Il est intéressant de noter que dans la tradition juive, le nombre cinquante symbolise à la fois la Délivrance mais aussi la révélation des choses cachées. N'est-ce pas à la fête de Shavouot (Pentecôte veut dire "le cinquantième" parce que cette fête se déroule cinquante jour après la Pâque) qu'à eu lieu la révélation du mystère caché de l'Eglise ?

Mais le texte d’Ézéchiel est assez précis quant à la date à laquelle il reçoit cette vision : "au commencement de l'année, le dixième jour du mois". L'année juive commence en mars/avril, au mois de Nissan. Ézéchiel date donc sa vision le dix Nissan, et il ajoute une petite expression que l'on retrouve tout au long des Écritures : "le jour même". Expression qui a toute son importance car elle attire l'attention sur un fait : cette date correspondant exactement avec un autre événement qui s'est produit à une époque ultérieure mais à la même date.

Voici ce que Dieu dit à Moïse : "ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il sera pour vous le premier des mois de l'année... le dixième jour du mois, on prendra un agneau pour chaque famille... vous le garderez jusqu'au quatorzième jour de ce mois et toute l'assemblée d'Israël l'immolera entre les deux soirs" (Exode 12 : 1 à 3, 6).

Ce texte n'est rien d'autre que l'institution de la fête de la Pâque, célébrée le quatorzième jour du premier mois de l'année, c'est à dire le quatorze Nissan.

Ézéchiel savait pertinemment ce qu'était ce "dixième jour du mois", celui où l'on choisit l'agneau pour la fête. Et c'est justement ce "dixième jour" que Dieu choisit pour lui donner la vision du Temple Céleste, car comme le dira plus tard l'apôtre Jean : "l'Agneau est son Temple" (Apocalypse 21:22). Mais un autre événement a eu lieu un dix Nissan : la traversée du Jourdain du peuple d'Israël qui, sous la conduite de Josué, va entrer dans la Terre Promise :"Le peuple sortit du Jourdain le dixième jour du premier mois" (Josué 4:19). Ces choses ne pouvaient échapper à cet homme, rompu à l'étude des Écritures.

Cette "transportation" du prophète en esprit, à Jérusalem, à la date même où Josué entre en Canaan à la tête du peuple hébreu annonce déjà le Retour, l'Aliyah du peuple juif dans sa terre ancestrale. Vingt-cinq siècles plus tard, une poignée d'émigrants venus d'Europe va s'installer en Palestine. Ils vont construire, en bord de mer, quelques cabanes de fortune de bois et de tôle. En souvenir du lieu où Ézéchiel était exilé (Tel Abib - la colline des épis), ils vont nommer ce lieu Tel Aviv (la colline du printemps). Le message d’Ézéchiel était donc un message d'espoir pour tous les juifs de toutes générations confondues. Ézéchiel a entrevu l'avenir messianique du peuple juif. Son message contient, en quelque sorte, les germes du Retour.

Le message d’Ézéchiel a traversé les âges, les époques, les saisons et les empires successifs (y compris l'empire britannique sous l'égide duquel ont été posées les fondations de l'Israël moderne).

Mais surtout, ce message reste un message d'espoir pour tout enfant de Dieu. Comme Ézéchiel, peut-être as-tu été appelé, un jour, à Le servir. Peut-être as-tu reçu, dans ton cœur, une "vision", un rêve, quelque chose qui s'est comme gravé en toi. Et puis, les années ont passé. Bien des choses t'ont éloigné de ce qui brûlait en toi. Aujourd'hui, tu te dis : "c'est trop tard ! C'est fini ! C'est plus pour moi, je suis trop vieux.Tant pis !" Mais le message d’Ézéchiel est aussi pour toi : il n'est jamais trop tard. Quand tout semble perdu, c'est alors que l'on peut recevoir une vision fraîche, toute nouvelle.

C'est dans ce "Temple vivant" qu'est Sa Présence que le mot "servir" prend tout son sens.

JiDé

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