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Jean le Baptiste : une voix qui crie dans le désert

Jean le Baptiste : une voix qui crie dans le désert

Il fut le dernier des Prophètes de l'Ancienne Alliance. Fils de sacrificateur, il troquera la tenue de lin blanc des lévites pour une tunique faite de poil de chameau. Son nom était Yohanan (que l'on a traduit par "Jean"). 

"Jean est celui que le prophète Esaïe avait annoncé lorsqu'il a dit : C'est la voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez ses sentiers droits" (Matthieu 3:2). 

"Voici le commencement de l’Évangile de Jésus-Christ, fils de Dieu, conformément à ce qui est écrit dans Les Prophètes : Voici, j'envoie mon messager devant toi pour te préparer le chemin. C'est la voix de celui qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, rendez les chemins droits" (Marc 1:1 à 3). 

Le dernier d'une longue lignée

Cette petite nuance entre la version de Marc et celle de Matthieu peut sembler sans importance. Elle contient cependant une information quant à l'identité de Jean le Baptiste, ainsi que sur la nature de son intervention dans le récit biblique. L'expression "ce qui est écrit dans les Prophètes" utilisée par Marc pourrait laisser supposer que l’évangéliste situe ce texte quelque part dans les livres prophétiques, mais qu'il ne se souvient plus de l'auteur. En fait, il n'en est rien. Si Marc utilise cette formulation "ce qui est écrit dans les Prophètes", c'est qu'il fait référence à la deuxième partie hébraïque du Tanach (ce que nous appelons "Ancien Testament"). En effet, le Canon hébraïque de la Bible est divisé en trois parties : la Thora (improprement traduit par "la loi", car la véritable signification de ce mot est "l'enseignement"), Neviïm (les Prophètes) et Ketouvîm (les Écrits). Ainsi, lorsque Marc écrit "selon ce qui est écrit dans les Prophètes", il mentionne la partie des Écritures dans laquelle se situe cette citation. Par cela, l'auteur relie le personnage de Jean-Baptiste à une longue lignée de Prophètes dont il est l'achèvement. Jean sera le dernier prophète de l'Ancienne Alliance. Car même si le récit de la vie de Jean le Baptiste est mentionné dans ce qui est communément appelé le "Nouveau Testament", son histoire s'inscrit chronologiquement avant l'instauration de la Nouvelle Alliance. Ainsi, cette formulation utilisée par Marc a un but précis. Elle inscrit Jean le Baptiste dans une continuité prophétique. Tout comme ses prédécesseurs Jérémie et Ézéchiel, Jean était un fils de sacrificateur, destiné à devenir sacrificateur lui-même. Répondant à l'appel de Dieu, il ne prendra pas le chemin tout tracé de la sacrificature mais celui du désert. 

Une voix crie...

La plupart des traductions mentionne cette citation du prophète Esaïe comme ceci : "C'est la voix de celui qui crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez ses sentiers droits". Si je devais dicter cette phrase selon la traduction usuelle, je dirais donc :  "C'est la voix qui crie dans le désert, deux points, ouvrez les guillemets". Or, il se fait que le texte massorétique comporte, en plus des voyelles (qui ont été ajoutées après la rédaction du texte original pour en faciliter la lecture), un certains nombre de petits signes. Ceux-ci sont destinés à ce que l'on appelle la cantillation, ou lecture ponctuée de la Thora. Si l'on tient compte de cette ponctuation, la lecture que l'on fait généralement de ce texte en est légèrement modifiée. En effet, il est écrit : "qowl qowrê" (une voix crie)Mais, dans le  texte hébraïque, il y a sur la dernière lettre du mot "qowrê" un petit signe qui indique la fin d'un groupe de mot. Ce qui signifie que le mot "qowrê" achève ce groupe de mot. Le texte est donc lu : "qowl qowrê... bamidbar pan nû derek Adonaï" (le tétragramme mentionné dans le texte est prononcé "Adonaï). Ce qui se traduit donc par : "Une voix crie : dans le désert préparez un chemin pour le Seigneur" (Esaïe 40:3). Ce qui modifie légèrement le sens de la phrase. Ainsi, si l'on tient compte de la cantillation du texte hébreu, le mot "bamidbar" (dans le désert) ne désigne donc pas, initialement, le lieu d'où s'élève la voix, mais celui où doit être préparé le chemin pour le Seigneur. 

Mais quelle est cette voix qui crie ? La réponse est dans le texte de l’Évangile. C'est Jean le Baptiseur lui-même qui en donne la réponse. "Moi, dit-il, je suis la voix de celui qui crie dans le désert : aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit Esaïe le prophète" (Jean 1:23). L'apôtre Jean reproduit ici les paroles de Jean le Baptiste qui s'identifie lui-même aux paroles de son prédécesseur, le prophète Esaïe. Luc apporte encore une variante à cette formulation en insistant plutôt sur l'auteur originel : "Selon ce qui est écrit dans le livre des paroles d'Esaïe le prophète : C'est la voix qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur" (Luc 3:4). Ainsi, Matthieu, Marc, Luc et Jean mentionnent tous quatre les paroles de Jean le Baptiste, mais chacun appuie sur un détail qui, lorsqu'ils sont ajustés l'un à l'autre, donnent une vue d'ensemble du contexte dans lequel s'est exprimé le dernier prophète de l'Ancienne Alliance. 
 


Question de ponctuation

Mais alors, si la cantillation donne cette indication de lecture, la traduction de nos Bibles serait-elle incorrecte ? Tous les traducteurs de la Bible auraient-ils commis la même erreur ? Loin de là ! Car c'est ici qu'une subtilité vient se glisser dans la lecture du texte ainsi que dans sa compréhension. Les Sages d'Israël ont dit que chaque texte de la Thora (ce mot désignant parfois les Écritures dans leur globalité, et ici, en l’occurrence, le texte d'Esaïe), peut avoir soixante-dix facettes. Forts de ce principe, les auteurs du récit qui nous intéresse ici (celui de la vie de Jean le Baptiste) ont appliqué ce principe en élargissant le texte à la lumière d'un élément nouveau. Et cet élément nouveau, c'est la nature même du message de Jean le Baptiste : l'annonce de la venue du Messie, Jésus-Christ ! Mais il faut également tenir compte d'un autre fait. C'est qu'à l'époque de la rédaction des Évangiles, le texte biblique ne comporte ni ponctuation ni voyelles. Les deux lectures sont donc possibles. 

Depuis lors, celui qui lit le texte d'Esaïe en hébreu, le lit avec la cantillation appropriée. Mais s'il ne reconnait pas, en Jésus-Christ, le Messie dont Esaïe annonce la venue, il ne reconnait pas non plus, en Jean le Baptiste, "la voix qui crie dans le désert". Or, que nous dit le texte ? "En ce temps-là, parut Jean-Baptiste. Il se mit à prêcher dans le désert de Judée... c'est Jean que le prophète Esaïe a annoncé lorsqu'il a dit : Une voix crie dans le désert... " (Matthieu 3:1 à 3). Qu'est-ce à dire ? Que les auteurs des Évangiles avaient compris, en lisant le prophète Esaïe, que celui-ci avait annoncé d'avance la venue de Jean le Baptiste. Jean était celui qui accomplissait la prophétie d'Esaïe. Il était donc également celui qui annonçait la Venue du Messie. Esaïe étant le prophète messianique par excellence, l'accomplissement de cette parole de l'antique prophète s'accomplissait par le dernier de la lignée. 

Mais cette lignée de prophètes annonçait également Celui dont Moïse (Moshè de son vrai nom) avait annoncé la Venue. Deutéronome 18:18 : "Je leur susciterai du milieu de leurs frères un prophète comme toi" (c'est Dieu qui parle à Moïse). Lors de son discours, juste avant d'être lapidé, Etienne citera cette parole du grand prophète que fut Moïse : "C'est ce Moïse qui dit aux fils d'Israël : Dieu vous suscitera d'entre vos frères un prophète comme moi" (Actes 7:37). Ce Prophète annoncé par Moïse, c'était le Massiah, notre Seigneur Jésus-Christ.

C'est donc ici toute la subtilité quant à la compréhension du texte d'Esaïe. Car pour celui qui reconnait en Yeshoua (Jésus) le Massiah, cette "voix qui crie" (qowl qorê) est celle de Yohanan (Jean). Le lecteur reconnait alors dans ce passage du prophète Esaïe, la voix de Jean le Baptiste qui crie dans le désert. Mais pour celui qui ne croit pas en Yeshoua, qui ne reconnait pas en Jésus le Messie, cette "voix" reste et demeure "une voix qui crie". C'est la foi en Yeshoua comme étant le Messie annoncé par Esaïe et tous les prophètes qui fait de cette voix celle de Jean le Baptiste, parce que celui-ci annonce la Venue du Massiah en la Personne de Jésus-Christ.  

Dans le désert, préparez un chemin 

J'en viens donc à la deuxième partie de la phrase, selon la cantillation d'origine : "... dans le désert, préparez un chemin". C'est effectivement dans le désert que va se tenir Jean le Baptiste pour Celui qui est LE Chemin. Mais quel est ce chemin dont parlait le Prophète Esaïe ? Celui qu'annonçait Jean le Baptiste : le chemin de la repentance. "C'est la voix qui crie dans le désert : préparez le chemin du Seigneur, aplanissez ses sentiers. Jean parut, baptisant dans le désert et prêchant le baptême de repentance pour la rémission des péchés" (Marc 1:1 à 4). "Tous se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain", nous dit aussi Matthieu (Matthieu 3:6). L'apôtre Jean, quant à lui, précise que "Jean aussi baptisait à Enon, près de Salim, parce qu'il y avait là beaucoup d'eau" (Jean 3:23).

Jean baptisait dans le Jourdain. C'est un fleuve impétueux, mais à certains endroits le cours en est plus calme et l'on y a pied. On peut donc s'y baigner et, en l'occurrence, s'y faire baptiser. L'expression "car il y avait là beaucoup d'eau" peut prêter à confusion. Ce n'est pas que le Jourdain soit un ruisselet où il n'y aurait pas assez d'eau pour pouvoir s'immerger, mais au contraire, le courant peut rendre la baignade hasardeuse. Le lieu qu'avait choisit Jean le Baptiste était propice à une immersion dans une relative sécurité, bien que le texte nous dise qu'il baptisait dans un lieu appelé "Salim", ce qui signifie "agitation" et qui peut laisser supposer que les eaux du Jourdain, à cet endroit, n'étaient pas des plus calmes. Le mot "Salim" pourrait venir de "Saleuo", un mot qui signifie : "agiter, secouer, faire chanceler, vaciller, renverser", mais aussi "remuer, agiter l'esprit, déranger". Il semblerait que les eaux dans lesquelles les israélites venaient se faire baptiser par Jean n'étaient pas les eaux paisibles de Yardenit, dans le kibboutz Ginosar dans lesquelles des centaines de chrétiens viennent se faire baptiser. Les eaux de Salim étaient "agitées". Bien que l'on y ait pied, le courant devait être assez fort pour y renverser un homme. Mais si le mot "saleuo" signifie "faire chanceler, renverser, vaciller", il signifie également "remuer, agiter l'esprit, déranger"Le baptême que Jean prêchait était un baptême de repentance, ses paroles devaient avoir le même impact sur les consciences que le Jourdain sur les corps de ceux qui s'avançaient vers lui pour être baptisés. 
 

Site de Yardenit, où de nombreuses personnes se font baptiser aujourd'hui

 

Yardenit

La parole prophétique d'Esaïe disait : "une voix crie : dans le désert préparez le chemin pour le Seigneur...". Et Jean parut dans le désert. La voix de Jean le Baptiste commença à s'élever dans le désert, et on vint à lui pour être baptisé du baptême de repentance. Pour ceux qui reconnurent, en Jean le Baptiste,  cette voix, la parole prophétique d'Esaïe devint : "une voix crie dans le désert...". 

Dans le désert

Le désert, un lieu aride ? Pas seulement. Ce désert-là n'est pas un désert de dunes, comme le Sahara. C'est un désert de rocailles, de pierres, de montagnes. De l'autre côté de la Mer de sel, on y contemple les premiers contreforts de la Jordanie. Ces montagnes-là changent de couleurs au fur et à mesure que le soleil poursuit sa course dans le ciel. Ocres le matin, elles deviennent presque blanches lorsqu'elles sont inondées de la lumière brillante de l'astre du jour. Mais lorsque celui-ci a presque achevé sa course, elles prennent alors des teintes mauves, violettes et bleutées. Quel artiste pourrait en rendre, par sa peinture, la beauté ? 

Le désert, le lieu de la solitude par excellence. Dans celui du Néguev, je trouvai un jour un casque anglais. Je le reconnu par sa forme caractéristique en demi-lune. Je le trouvai, un jour, lors de l'une de mes balades en solitaire. Je le tins un moment dans mes mains puis, sachant qu'il ne pourrait m'accompagner au delà de la frontière, je le rendis, avec regret, au désert. Ce casque était là, comme un témoignage silencieux de la présence de l'armée britannique en ces lieux désolés, il y a bien des années de cela. Peut-être un soldat l'avait-il perdu lors d'une patrouille ? Alors que j'observais longuement ce témoin d'événements oubliés, il me sembla entendre alors des cris, des coups de feu venant d'un passé désormais révolu. Combats, embuscade ? Un drame humain s'était-il joué là, entre une gorge et un plateau brûlé par le soleil ? Peut-être qu'en ce lieu même, une voix s'était élevée dans le désert. Un cri avait retenti entre ces montagnes. Seules les pierres pourraient le dire*. Un ancien soldat de la Haganah (l'armée régulière israélienne lors de la guerre d'indépendance) me raconta qu'un jour de 1948, il avait combattu les Égyptiens, là-bas, derrière les collines toutes proches. C'était en 1989. Quarante années s'étaient écoulées depuis, lorsque il me conta ce récit. Et alors que je me tenais là, ce casque anglais dans les mains, je me dis que c'était peut-être la dernière fois qu'une voix humaine s'était faite entendre dans ce lieu isolé, éloigné de tout. Une voix s'était élevée dans le désert, une voix parmi d'autres qui, elle aussi, s'était éteinte à jamais. Car le désert, c'est avant tout un lieu de silence. Un silence qui n'est rompu par aucun bruit. Pourtant, lorsque l'on lit les Écritures, au fil des pages une voix ne cesse de s'élever du désert. Une voix crie : "dans le désert, préparez le chemin".

Les chemins du désert, seuls les Bédouins et quelques vieux soldats, de part et d'autre de la frontière, les connaissent. Ces chemins sont à la fois nombreux et invisibles. Pour l’œil exercé, une montagne, un pic, la forme particulière d'un rocher vaut tous les poteaux indicateurs de notre Monde Moderne. Ce désert, le Seigneur Jésus l'a parcouru pendant quarante jours. Dans ce désert, il y entra juste après que Jean le Baptiste l'eut baptisé dans les eaux impétueuses du Jourdain. 

Un lieu désolé

"En ce temps-là, parut Jean le Baptiste, prêchant dans le désert de Judée" (Matthieu 3:1)

Il est généralement convenu que "le désert" dont font mention les textes est un lieu géographique identifiable. C'est tout à fait vrai, mais c'est plus que cela. Si on reprend le texte dans sa version grecque (langue dans laquelle les manuscrits du N.T. nous sont parvenus), on constate que "désert" traduit le mot "eremos". Or, ce mot a plusieurs significations. Il peut vouloir dire : "lieu inhabité, endroit désertique, une région abandonnée". Mais ce mot peut également s'apparenter à une personne, la désignant comme "privée de protection, de l'aide des autres, d'amis, de relations, délaissée, solitaire, seule". Il peut également désigner "un troupeau abandonné par son berger" ou encore "une femme négligée par son mari". Une définition qui élargit considérablement le sens que l'on peut généralement donner au mot "désert". Ainsi, lorsqu'il est écrit : "Car les enfants de la délaissée seront plus nombreux que les enfants de celle qui était mariée" (Galates 4:27), le mot "délaissée" traduit le grec "eremos". Cette notion de femme "livrée, abandonnée au désert", se retrouve dans le livre de l'Apocalypse. "Et les ailes du grand aigle furent données à la femme afin qu'elle s'envolât au désert (eremos) vers son lieu" (Apocalypse 12:14). 

Et un lieu d'espoir

Or, il nous est dit que "Jésus fut emmené par l'Esprit dans le désert (eremos) pour être tenté par le diable" (Matthieu 4:1). A la lumière de cette définition, le désert n'est pas seulement un lieu aride et sec. C'est un lieu où l'on est "privé de protection, de l'aide des autres, d'amis, de relations", où l'on se retrouve "délaissé, solitaire, seul". Ce peut être également un lieu de l'âme où une femme veuve, privée de la présence rassurante de son époux, peut s'égarer. Car le désert est aussi un lieu où l'on s'égare. Pour tous ceux qui se sentent "privé(e)s de protection, de l'aide des autres, sans ami(e)s, sans relations, délaissé(e)s et seul(e)s, une voix crie". Cette voix, elle se fait entendre dans ces "lieux inhabités, ces endroits désertiques". Cette voix crie : "préparez le chemin". Préparez le chemin pour "Celui qui vient".

Pour tous ceux qui résident dans les lieux arides de l'existence, il y a un chemin tout tracé. C'est celui qui conduit à Celui qui a dit de lui-même : "Je Suis le Chemin". C'est Lui qui avait été annoncé par le Prophète Esaïe, c'est Lui également dont Jean le Baptiseur avait annoncé la Venue. Pour tous ceux qui se sont égarés dans ce désert de solitude, une voix crie. C'est un appel. "Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos".

Et ainsi que l'a dit le Psalmiste, "il les conduira près des eaux paisibles" (Psaume 23).

 

JiDé

 

Notes 

* Allusion à ce passage où il est écrit : "les pierres crieront" (Luc 19:40).

Désert de Judée
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