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Samson : une enfance, une vie, une destinée

 

A la fois célèbre et méconnu

Lorsque l'on parle de Samson, on pense généralement à sa force herculéenne, à sa chevelure abondante, ou plus encore, au couple qu'il formait alors avec Dalila. Les lecteurs de la bible connaissent généralement le récit de renards incendiant les champs des Philistins, une torche attachée à la queue, ou celui relatant la victoire de Samson sur les dits Philistins, seulement armé d'une mâchoire d'âne. Tous ces aspects de la vie de Samson ont été abordés dans un précédent article sur ce blog : "Samson et la période des Juges". Mais qui était-il vraiment, ce Samson ? Quel enfant a-t-il été ? Quelle fut sa jeunesse ? Si la Bible nous relate en détails les circonstances particulières de sa conception, elle ne nous fournit que très peu d'informations sur les années de sa jeunesse. Pourtant, des éléments glanés çà et là permettent de reconstituer plus ou moins fidèlement cette période méconnue de son histoire. 

En relisant ce récit du livre des Juges, je me suis interrogé sur la personnalité de ce personnage haut en couleurs dont on ne connait, finalement, que peu de choses. Au travers du texte biblique, et de ce que celui-ci nous donne comme informations, j'ai tenté de retracer la jeunesse de cet homme hors du commun. J'ai essayé de comprendre quel genre de rapports il pouvait entretenir avec son père et sa mère, et comment ceux-ci ont forgé son caractère. Ces rapports ont donné lieu à des situations équivoques, comme lorsqu'il ira prendre du miel dans le cadavre du lion pour leur en donner à manger sans pour autant leur en signifier la provenance. Si ceux-ci avaient su d'où venait ce miel, ils n'en auraient certainement pas mangé. Mais pourquoi a-t-il fait cela ? La réponse se trouve peut-être dans cette enfance vécue entre son père Manoach et la femme de celui-ci.


Des années de douleur

Il y avait au sein de la tribu de Dan, l'une des douze tribus d'Israël, un couple qui ne pouvait avoir d'enfant (Juges 13:2). Mais Dieu répondit aux supplications et aux prières de ceux qui allaient bientôt devenir les parents d'un enfant consacré. Pour comprendre l'histoire de Samson, il nous faut nous replonger quarante ans auparavant. Le récit de sa vie commence par ces mots : "les enfants d'Israël firent encore ce qui déplaît à l'Eternel, et l'Eternel les livra entre les mains des Philistins pendant quarante ans" (Juges 13:1). Quarante années d'oppression sous la main des Philistins. Ceux-ci maîtrisaient le fer alors que les armes des Hébreux étaient encore de bronze. De plus, les Philistins disposaient également de chars de guerre extrêmement robustes, ce qui leur donnait un avantage considérable dans les conflits qui les opposaient aux Hébreux. C'est dans ce contexte "d'occupation" que vivent Manoach et sa femme. Celle-ci était stérile et, nous dit le texte, "n'enfantait pas" (13:2). Cette formulation "elle était stérile et n'enfantait pas" peut nous sembler une redite inutile. Le fait tombe sous le sens. Alors, pourquoi reformuler ainsi ce qui est clair et compréhensible en soi ? En réalité, cette phrase exprime beaucoup de choses. La stérilité était alors considérée comme extrêmement dégradante pour une femme. Elle en portait seule la responsabilité (on sait aujourd'hui que la stérilité peut également être le fait de l'homme), mais l'opprobre retombait automatiquement sur le mari qui se voyait privé de descendance. La suite exprime peut-être, de façon pudique, les multiples tentatives d'avoir un enfant, mais sans succès. Elle "n'enfantait pas". Il y a sous ces mots, comme à peine suggéré, toute la détresse de ce couple. Mais pour comprendre ce qui va suivre, il faut tout d'abord replacer cette circonstance douloureuse dans un contexte plus large qui englobe, de fait, "la famille de Dan"

"Les enfants d'Israël firent encore ce qui déplaît à l'Eternel, et l'Eternel les livra entre les mains des Philistins pendant quarante ans. Il y avait un homme de Tsorea, de la famille des danites, qui s'appelait Manoach. Sa femme était stérile et n'enfantait point" (Juges 13:1, 2). Le texte biblique associe ici la présence de Philistins sur le territoire des danites et la stérilité de la femme de Manoach. D'un côté, quarante années d'oppression, de l'autre, la stérilité d'une femme et le désir d'enfanter. Et pourtant, ces deux faits qui ne semblent, de prime abord, n'avoir aucun rapport entre eux, sont en réalité étroitement liés. Des années de douleur pour le peuple de Dan comme pour ce couple en mal d'enfant. Mais la venue d'un ange va tout changer. 


La naissance d'un libérateur

Dans le village de Tsorea, un événement va bientôt changer le quotidien de ce couple, ainsi que le cours de l'histoire du peuple danite. Ce qui n'est pas sans rappeler une autre naissance qui eut lieu dans le petit village de Bethléem, en Judée. Naissance qui eut lieu, elle aussi, sous l'oppression d'un envahisseur, romain celui-là, sous le joug duquel souffrait le peuple d'Israël. 

Un ange de l'Eternel apparut donc à la femme de Manoach et lui annonça qu'elle serait bientôt enceinte, qu'elle enfanterait un fils et que celui-ci serait consacré à l'Eternel dès sa naissance par le vœu de naziréat*. L'ange  précisa bien à la femme de Manoach que l'enfant serait consacré dès le ventre de sa mère et que, par conséquent, son naziréat durerait jusqu'à la fin de sa vie. Ce détail fut suffisamment explicite pour la femme de Manoach et devait avoir une implication sur la façon dont elle répéterait les dires de l'ange à son mari. A deux reprises, l'ange dit à la femme : "Tu enfanteras un fils". Les prières et les supplications de ce couple avaient enfin été entendues, ils allaient avoir un enfant, et qui plus est, un fils. Mais un fils consacré dès sa conception et ce, jusqu'à sa mort. Ce qui signifiait que jamais le rasoir ne passerait sur sa tête. Il serait différent. Et l'on sait combien les enfants peuvent être cruels avec ceux qui ne sont pas comme eux. Il ne lui serait permis de boire "ni vin, ni liqueur forte". Jeune homme, il devrait également se démarquer des rencontres amicales, où le vin scellait ces amitiés éphémères que les jeunes gens se jurent de ne jamais trahir. Mais cet interdit de consommer vin et liqueur forte était déjà applicable, à l'instant même, par celle à qui était adressé ce message. Il ne serait désormais plus possible à cette femme, tout au moins jusqu'à l'accouchement, ne fut-ce que de tremper ses lèvres dans une coupe de vin car, comme le dit le texte, "cet enfant sera consacré dès le ventre de sa mère". Mais cette consécration avait un but précis : "... car c'est lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins" (Juges 13:4, 5). Samson était appelé à débuter une œuvre de délivrance. Non à l'achever, mais à amorcer un commencement.

Voilà quarante longues années que la tribu de Dan subissait l'oppression des Philistins. Il lui faudra encore attendre que Samson ait acquis la stature d'homme avant de voir les prémices de cette délivrance promise. Près de soixante-dix ans s'écoulèrent avant que le peuple de Dan ne puisse en voir les premiers fruits. La vie de Samson portera cependant les stigmates de l'état spirituel de son peuple. "Les enfants d'Israël firent encore ce qui déplaît à l'Eternel" (Juges 13:1). Bien qu'il ait été nazir, mis à part pour Dieu, il n'en demeurait pas moins un danite. Bien qu'il ait eu des parents profondément pieux, respectueux des directives divines, il n'en était pas moins un fils de "la famille de Dan". Samson l'enfant miraculeux, Samson le nazir, Samson le danite.


Et sa femme était appelée stérile

Lorsqu'on lit le texte biblique, on se rend compte assez rapidement que le nom de la mère de Samson n'apparaît pas. On parle bien de Manoach, mais en revanche, l'auteur ne semble pas avoir jugé utile de mentionner celui de sa mère. Peut-être l'ignorait-il ? Ou alors, il se peut que celui-ci soit bien présent mais comme caché parmi les mots. Voici ce que dit le texte : 

"Way hi ish ehad mishsarèah mim mish pa'hat hadani usemow manoah we ishtow aqarah we lo yaladah" (Juges 13:2). "Et il y eut un homme (un seul) de tsoréa (frelon) du clan des danites et son nom manoach (repos) et sa femme stérile et elle n'avait pas enfanté". 

"Way hi ish ehad". La première chose qui frappe l’œil lorsqu'on lit ce texte, c'est l'expression "ish ehad" (un seul homme)Il n'y avait, à cette époque qu'un seul homme à Tsoréa dont la femme était stérile, c'était Manoach. Lorsqu'on parlait du mari de celle qui n'avait pas d'enfant, on savait tout de suite de qui on voulait parler. 

"Mim mish pahat hadani" : "de la famille (du clan) des danites". La version Segond rend : "la famille des danites", ce qui souligne combien cette tribu avait gardé cette notion de "clan familial". Bien qu'ils se soient multipliés depuis l'époque de Dan, fils de Jacob, père fondateur de leur tribu, les membres avaient conservé cette notion. Manoach en était membre à part entière, mais il n'avait pas d'enfant. Et dans la ville de Tsoréa, à cette époque, il était le seul. 

Mais, et sa femme alors ?...

"Usemow manoah we ishtow aqarah" : "et son nom manoah et sa femme aqarah". En lisant cela, je me suis demandé : "serait-il possible que le nom de la femme de Manoach soit… Aqarah ?". On pourrait alors lire ce texte de cette façon : "et son nom le repos et sa femme stérile". Se pourrait-il que les parents de cette femme lui ait donné le nom de "stérile" à sa naissance ? Non qu'ils lui aient souhaité de l'être, mais elle incarnait peut-être la stérilité d'une personne de sa famille. Peut-être même celle de sa propre mère ? Peut-être était-elle, elle même, le fruit d'une grossesse fort tardive ? Ce n'est qu'une supposition, mais c'est une hypothèse qui me semble plausible. Rachel ne voulait-elle pas appeler son fils "Ben Oni" (fils de ma douleur) ? C'est son père qui changea ce nom en "Benyamin" (fils de ma main droite). Mais si cela est le cas, cette jeune femme s'est entendue appelée toute sa vie "Aqarah (la stérile)". Tout le poids de ce mot, lourd de sens, a pesé sur elle durant toute son existence. Jusqu'à, peut-être, la rendre effectivement stérile. Une autre hypothèse est que cette femme ait été tellement stigmatisée à cause de sa stérilité qu'elle en perdit sa véritable identité : elle n'était plus à Tsoréa, "dans la famille de Dan", que "la stérile". Quelle que soit sa véritable histoire, le fait est que c'est elle que Dieu a choisi pour être la mère de Samson.


L'annonce faite à Manoach

Soucieux de rendre à "la femme de Manoach" un semblant d'identité, j'ai opté pour un choix (peut-être audacieux), celui de la nommer par ce que je pense être son véritable nom : Aqarah.  C'est donc par ce nom que je la désignerai. 

Si l'ange s'est manifesté à Aqarah à deux reprises, ce fut chaque fois en l'absence de son mari. La réaction du futur père fut de demander que Dieu leur envoie à nouveau ce messager pour que celui-ci leur donne des instructions supplémentaires quant à l'éducation de l'enfant. "Que l'homme de Dieu que tu a envoyé vienne encore vers nous, et qu'il nous enseigne ce que nous devons faire pour l'enfant qui naîtra" (Juges 13:8). Manoach ne semble pas avoir conscience que c'est un ange qui est apparu à sa femme. "Un ange de l'Eternel apparut à la femme... La femme alla dire à son mari : Un homme de Dieu est venu vers moi et il avait l'aspect d'un ange de Dieu, un aspect redoutable" (Juges 13:6). L'ange qui apparut à Aqarah avait une apparence humaine tout en ayant la prestance d'un ange de haut rang. Manoach est un homme pieux, fort religieux et scrupuleux. Il veut faire les choses dans l'ordre et la mesure. Il ne cherche pas le miraculeux. Manoach veut des informations, des règles de conduite.

Et "Dieu exauça la prière de Manoach et l'ange de Dieu vint encore vers la femme... son mari n'était pas avec elle". Aqarah alla chercher son mari et celui-ci interrogea l'envoyé sur la conduite à suivre pour l'enfant. "Manoach ne savait pas que ce fut un ange" (Juges 13:16). Mais ce dernier ne va pas répondre exactement à sa demande. Il ne lui parle seulement que de ce que devra faire la future mère de l'enfant (Juges 13:8 à 14). Le couple fit une offrande à celui que Manoach pensait être un "homme de Dieu", et alors que la flamme de l'holocauste s'élevait vers le ciel, l'ange s'éleva au milieu de la flamme. Après qu'il eut disparu à leurs regards, le mari d'Aqarah comprit alors qu'il avait vu l'ange de Dieu. Sachant que l'on ne peut voir Dieu et vivre, il crut sa dernière heure arrivée et fut pris de panique, oubliant ce que l'envoyé lui avait dit précédemment. Peut-être prenait-il conscience, à ce moment-là, d'avoir agi avec une certaine désinvolture. Sa femme le rassura en lui rappelant ce que l'envoyé leur avait annoncé et qui ne pourrait s'accomplir si ceux-ci venaient soudainement à mourir (Juges 13:19 à 24). Vu la terreur que lui inspira cette apparition, on peut facilement imaginer pourquoi ce dernier ne s'est manifesté qu'à sa femme. Manoach était un homme de rigueur, précautionneux, protocolaire. On peut l'imaginer facilement efficace dans l'accomplissement d'une tâche concrète, mais totalement désarçonné devant le surnaturel. L'éducation qu'il donnera à sa progéniture sera à la mesure de la tâche divine dont il se sent investi, et ce, peut-être, au détriment du caractère propre de son fils. 
 


Ce sera répété et transformé  

Après que l'ange lui eut parlé, la femme de Manoach alla trouver son mari et lui fit le récit de ce qui lui était arrivé. Bien que le texte mentionne explicitement le fait qu'un ange lui soit apparu (on peut donc supposer qu'elle ne se méprenait pas sur la nature de cet envoyé), elle lui présenta le sujet de sa rencontre comme étant "un homme de Dieu ayant l'apparence d'un ange". Consciente à la fois de l'aspect inhabituel de l'événement ainsi que du peu de sensibilité de Manoach au surnaturel, elle présente les choses sous un aspect plus conventionnel, plus apte à être entendu par les oreilles de son pragmatique mari. Elle lui redit  ce qui lui avait été dit. A quelques détails près, cependant. Aqarah ne fit nullement mention du fait que le rasoir ne devrait jamais passer sur la tête de l'enfant, ni qu'il serait appelé à délivrer le pays des Philistins. Par contre, elle ajoute un détail dont l'ange ne lui avait pas parlé mais qui tombait, en quelque sorte, sous le sens, c'est que cet appel était "à vie". Elle dit : "cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère jusqu'à sa mort". A quoi pense la future mère de Samson à ce moment-là ? Que jamais, au grand jamais, ce fils promis qu'elle accueille cependant déjà dans son cœur, ne sera un enfant comme les autres. Elle entrevoit déjà les regards des autres femmes. Celles qui sont mères et dont les fils portent les cheveux courts comme le veut la tradition. Elle, Aqarah, la femme stérile, va enfanter. Mais cette maternité qui lui est offerte en cadeau va également bouleverser sa vie sociale. Elle sera la mère d'un nazir jusqu'à sa propre mort. Alors que l'ange annonçait à cette femme que le fils qu'elle aurait bientôt serait mis à part, elle comprenait en même temps que la maternité allait, elle aussi, l'isoler un peu plus.

Lorsque son ventre commença à s'arrondir, Aqarah put se rappeler les paroles de l'ange : "Cet enfant sera consacré à Dieu dès le ventre de sa mère, et ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins". Un phénomène irréversible venait de se mettre en marche. Il allait changer le cours de l'histoire de leur nation. De stérile parmi les mères, elle deviendrait bientôt la mère d'un enfant particulier. D'un jeune homme consacré. D'un homme mis à part. Ce qui pouvait s'entendre aussi : mis à l'écart. Samson, toute sa vie, sera un homme seul. Si certains s'écarteront de lui par déférence pour l'homme de Dieu, d'autres s'en éloigneront parce qu'il ne partage pas leurs divertissements. L'ostracisme dont Samson sera l'objet sera également partagé avec son propre père. L'homme sans progéniture devient ainsi le père d'un nazir, s'attirant, bien malgré lui, à la fois jalousie et admiration distante de ses pairs. Le jour de la délivrance vint. Lorsque l'enfant naquit, il avait un visage rayonnant comme un soleil. Sa mère l'appela donc "Shimshon" (petit soleil). 

Quant à son père, bien que bouleversé dans sa conception, peut-être un peu étriquée, de sa religion, il n'en demeurait pas moins conscient de la tâche qui lui incombait. Élever un fils, et pas n'importe lequel. Il va, durant toute la jeunesse de Samson, s'appliquer à ce rôle. Sans toutefois tenir suffisamment compte de l'identité de celui-ci. Devenu adulte, conscient de son statut mais ayant développé sa propre personnalité, Samson va, à son tour, imposer ses choix à ses parents, qui n'auront d'autre solution que de céder et d'obtempérer. 


L'enfant grandit  

"La femme enfanta un fils et lui donna le nom de Samson. L'enfant grandit et l'Eternel le bénit. Et l'Esprit de l'Eternel commença à l'agiter à Machané-Dan (le camp de Dan), entre Tsoréa et Eschthaol" (Juges 13:24, 25). "L'enfant grandit". Voilà tout ce que le texte nous dit, de façon explicite, sur l'enfance de Samson. L'Ecriture ajoute cependant une information. "... l'Eternel le bénit et l'Esprit de l'Eternel commença à l'agiter" en un endroit précis : à Machané-Dan (le camp de Dan).

Avant de parler de cet enfant, j'aimerais m'arrêter sur cette expression "la femme enfanta (ha ishsha - la lettre shin est ici doublée)". Si le nom d'Aqarah n'est pas mentionné explicitement, en revanche, son statut, lui, l'est bel et bien. C'est une femme. Une femme qui a connu l'humiliation de la stérilité. Une femme qui a subi les quolibets, les remarques désobligeantes. C'est une femme qui voulait être mère. "La femme enfanta un fils". Cette phrase contient, en germe, tout ce qu'une femme qui a connu la stérilité peu ressentir lorsqu'elle met au monde un enfant. Elle donnait un fils à son mari. Elle acquérait un nouveau statut social. Elle devenait, à ses propres yeux comme à ceux de sa communauté, une femme à part entière. C'est cette femme-là, épanouie, heureuse, ayant pris pleinement possession de cette identité dont la stérilité l'avait si longtemps amputée, qui donna à son fils le nom de Shimshon (petit soleil). Le doublement de la lettre Shin (courant mais pas systématique) pourrait symboliser cette double identité de la femme qui est également mère. Si le nom de la mère de Samson fut bien Aqarah (stérile), elle dut porter ce nom toute sa vie durant, même si elle connut, tardivement, les joies de la maternité. Elle, "la stérile", était devenue, aux yeux de ses contemporains, le sujet d'un miracle. Mais la maternité n'est-elle pas déjà un miracle en soi ? 

"L'enfant grandit". "L'enfant" (naar). Le mot "Naar" peut également se traduire par "serviteur"Un serviteur dans le "camp militaire de Dan". On peut imaginer Samson, jeune homme, servant dans l'intendance de l'armée, fréquentant les hommes de guerre, apprenant le maniement des armes. Sa musculature s'est développée. Déjà, on lui reconnait une force peu commune. Et c'est là, dans le "camp de Dan", que "l'Esprit de Dieu commença (chalal) à l'agiter". Les Philistins occupaient la plaine mais les Danites demeuraient maîtres des montagnes environnantes où les chars philistins étaient inopérants. "Chalal" est généralement traduit par "commencer, débuter, blesser, percer, tuer" mais aussi par "profaner". Cela peut paraître étrange, mais il y aura, dans l'œuvre de Samson, un acte de profanation. Celle d'une divinité païenne, en l’occurrence. Pour l'heure, le jeune Samson commence à s'exercer au métier des armes. Il débute sa formation comme "serviteur" auprès de soldats aguerris. Il connaîtra ses premières blessures, il apprendra aussi et surtout… à tuer

"L'enfant grandit (gadal)...""gadal" : croître, devenir grand ou important, rendre puissant, faire de grandes choses, se glorifier". Samson n'a pas seulement grandi en taille et en force physique. Il commence à être connu et reconnu par ses pairs. Ses actions sont remarquées. Il se démarque par ses actes, par sa force et son courage. 

"L'enfant grandit et l'Eternel le bénit". Dieu était avec Samson. Il le protégeait et l'accompagnait. Cet apprentissage lui était nécessaire pour pouvoir réaliser ce qu'il était destiné à accomplir. "... Et l'Esprit de Dieu commença à l'agiter (pa'am)""Pa'am" : enfoncer, forcer, pousser, battre de façon continue, être battu, être dérangé, être agité, être troublé". Dieu était toujours avec Samson, et il continuait à l'accompagner et à le protéger, mais le jeune homme devait également apprendre la défaite, l'humiliation. Il lui fallait accepter de pouvoir être battu par un plus fort que lui. Il lui fallait également apprendre la résistance à l'effort, l'endurance. La peur ? Peut-être aussi. Quelqu'un a dit un jour que le vrai courage, ce n'est pas d'ignorer la peur, mais de savoir la surmonter. Pour pouvoir affronter les Philistins comme il était appelé à le faire, il lui fallait tout d'abord affronter les plus redoutables de tous les adversaires : ses propres limites. Celles-ci allaient "le déranger, l'agiter, le troubler", mais cela faisait partie de sa formation à "Machané-Dan, entre Tsoréa et Eschthaol". 

Cette formation militaire va donc se faire dans "le camp militaire de Dan", entre "Tsoréa" et "Eschtaol"Tsoréa est la ville natale de Samson. Aujourd'hui, Sar'a, à une vingtaine de kilomètres à l'Ouest de Jérusalem. Le nom de Tsoréa signifie "frelons". Comme je l'ai dit plus haut, Samson aura pour mission de délivrer son peuple de l'oppression des Philistins, mais aussi de "profaner" l'une de leurs divinités. Or, il y a un lien entre la signification du nom de son village natal et l'une des particularité de cette idole. De même qu'il y a une similitude entre la signification du nom de Samson et le statut de cette divinité païenne. Nous verrons, par cela, que le nom de "Shimshon" (le vrai nom de Samson) n'a pas été choisi au hasard. J'aborderai ce sujet plus loin. 

Eschtaol est, avec Tsoréa et Ir-Schémesch, une ville frontalière du territoire de Dan (Josué 19:41). C'est aujourd'hui le village d'Eshwa, à vingt et un kilomètres au Nord Ouest de Jérusalem. Il y avait donc, à proximité de la frontière, un camp militaire. Et c'est là que Samson s'est formé au métier des armes. Quelques vingt et quelques années auparavant, il avait été dit à la femme de Manoach, du village de Tsoréa : "Tu auras un fils… ce sera lui qui commencera à délivrer Israël de la main des Philistins". Cette promesse allait bientôt se réaliser.


Une forte tête  

Alors qu'il se rendait dans une autre ville frontalière de sa région, Samson vit une jeune femme. "Samson descendit à Thimna et il y vit une femme parmi les filles des Philistins" (Juges 14:1). Thimna (ou Thimnata : portion allouée). La ville était autrefois sur le territoire de Juda, mais elle fut ensuite dévolue à la tribu de Dan (Josué 15:10 - 19:43). Contrairement à ce que l'on pourrait penser, Samson n'est pas allé dans une ville philistine dans le but d'y trouver une femme. Il était toujours sur le territoire de Dan, mais dans une ville occupée par les Philistins. "La limite de leur héritage comprenait Tsoréa, Eschtaol, Ir-Schémesch, Schaalabbin, Ajalon, Jithla, Elon, Thimnatha, Ekron" (Josué 19:41 à 43). Si "le cœur a des raisons que la raison ignore", l'amour, lui, ne connaît pas de frontières. 

Les parents de Samson cherchèrent à dissuader leur fils d'épouser une Philistine. Après tout, n'y avait-il pas, parmi leur peuple, des jeunes filles à marier ? Mais le jeune homme resta inflexible et exigea qu'ils fassent les démarches auprès des parents de la jeune femme, selon la coutume (Juges 14:1 à 4) ! J'ai parlé plus haut de l'éducation dont Samson aurait pu bénéficier. On peut imaginer que ses parents prirent tous deux très à cœur l'éducation de cet enfant à l'origine miraculeuse. D'autres fils leur étaient nés après lui. Le texte biblique nous parle en effet des "frères" de Samson, présents aux obsèques de leur frère aîné (Juges 16:31)

Bien que les années aient passé, le souvenir de la visitation de l'ange restait bien présent dans l'esprit de ses parents. Tous deux avaient parfaitement conscience que l'Esprit de Dieu reposait sur leur fils consacré dès sa naissance. Sa longue chevelure témoignait de son appel particulier. Partout où il allait, tout le monde pouvait voir en lui un homme mis à part, consacré. Mais voilà que ce fils indiscipliné décidait maintenant d'épouser une femme de ce peuple d'envahisseurs. Ils durent cependant se résigner et, à contrecœur, se rendre chez les parents de la femme pour la demander en mariage pour leur fils. Cet épisode de la vie de Samson permet de discerner en lui un trait de caractère peu enclin à la soumission parentale. En a-t-il toujours été ainsi ? Samson aurait-il été une sorte d'enfant-roi à qui on aurait passé tous les caprices ? Ou alors, faut-il y voir un retournement de situation d'un jeune homme soudainement décidé à ne plus se soumettre au diktat d'un père trop dirigiste ? L'épisode suivant va révéler encore un autre aspect de Samson. 


Le lion, la chair et le sang  

Alors qu'il se rendait à Thimna avec ses parents, Samson fut attaqué par un jeune lion (les bêtes sauvages étaient alors encore fort présentes dans les campagnes). Samson tua la bête à mains nues. Il devait se tenir à distance de ses parents quand cela se produisit car ils n'en surent rien, et il ne leur en toucha mot (Juges 14:5, 6). Mais il y a dans ce passage quelque chose de particulièrement intéressant. Il est dit : "kepir arayowt soeg liq ratw vatislah a law ruah IHVH" (Juges 14:6). Littéralement :"Un jeune de lions rugissant pour le rencontrer et se précipita sur lui le souffle de IHVH Adonaï et il le déchira". En lisant cela, on comprend que le jeune lion s'est précipité sur Samson. "Un jeune de lions rugissant pour le rencontrer et se précipita sur lui". Mais la phrase est curieusement construite. Car on pourrait également lire : "se précipita sur lui le souffle de IHVH Adonaï". On comprend alors que c'est l'Esprit de Dieu qui s'est précipité sur Samson, non pour le dévorer mais pour le protéger. Ainsi, le texte semble dire que lorsque le jeune lion s'est précipité sur Samson pour l'attaquer, l'Esprit de Dieu s'est précipité vers Samson pour lui donner la force nécessaire afin de le vaincre. Cela peut faire penser à cette scène où une personne est sur le point de se faire heurter par une voiture, et juste à ce moment là, quelqu'un se précipite sur lui, le projette par terre et lui épargne de se faire écraser. Cette phrase du texte biblique décrit quelque chose qui s'est joué en en instant très bref. 

Il y a un détail qui peut paraître insignifiant (il n'y a cependant, dans les Ecritures, aucun détail qui soit insignifiant) mais qui a cependant attiré mon attention. La phrase débute par ces mots : "kepir arayowt ", un jeune de lions (le mot est au Pluriel). On s'attendrait plutôt à l'expression "un jeune lion". Pourquoi l'auteur fait-il usage de cette expression étrange ? Peut-être pour souligner que ce jeune lion avait, lui aussi un père et une mère. Ou peut-être était-il le plus jeune d'un petit groupe de mâles. Dans ce cas, ce jeune lion en était, tout comme Samson, à faire ses "premières armes". La rencontre entre cet animal plein de force et de vigueur avec ce jeune homme doté d'une force hors du commun a quelque chose à nous dire. Cette confrontation entre le lion et le "petit soleil" (Shimshon) fait étrangement allusion au dieu Mithra, le dieu-soleil représenté par un lion tenant dans sa gueule une abeille. Selon Charles-François Dupuis, auteur de l'"origine de tous les cultes", ce dieu solaire était l'équivalent de l'Hercule philistin dans la bouche duquel se trouvait un rayon de miel. Il y a donc, dans cette confrontation, une dimension spirituelle. Celle d'un combat où s'affronte l'homme de Dieu et la divinité païenne. Je reviens ici sur cette période de la vie de Samson dont il est dit que "l'Esprit de Dieu commença (chalal) à l'agiter". J'avais souligné plus haut le fait que le mot "chalal" peut se traduire ,par "blesser, percer, tuer" mais aussi, assez étrangement, par "profaner". C'est dans le "Camp militaire de Dan" que Samson avait appris le métier des armes, mais dans ce combat avec le jeune lion, il lui fallait lutter contre quelque chose de plus que "la chair et le sang" : contre "les dominations, les autorités, les princes de ce monde de ténèbres, contre les esprits méchants dans les lieux célestes" (Ephésiens 6:12). Et ainsi que le dira plus tard l'apôtre Paul : "Les armes avec lesquelles nous combattons ne sont pas charnelles mais elles sont puissantes par la vertu de Dieu pour renverser des forteresses" (2 Corinthiens 10:4). Ainsi, lorsqu'il est dit de Samson qu'il "commencerait à délivrer Israël de la main des Philistins", cela entend bien plus qu'une délivrance de l'envahisseur. Il faut également y voir le déchirement du voile sombre jeté sur le pays par les puissances des ténèbres qui opacifiaient l'atmosphère spirituelle du pays. Son combat à mains nues contre le lion est une métaphore de ce combat qu'il était appelé à mener, non avec les armes de ce monde, mais avec la force que lui procurait l'Esprit de Dieu. Oui, il y avait assurément, là, bien plus qu'un "jeune de lions". 


Le miel et les abeilles  

"Il ne dit point à son père et à sa mère ce qu'il avait fait" (Juges 14:6). Ceux-ci n'auraient probablement pas pu s'empêcher de le sermonner comme un enfant qu'il n'était plus. "Quelques temps après, il se rendit de nouveau à Thimna (avec ses parents mais tout en s'en tenant suffisamment éloigné) pour la prendre (sa future femme) et se détourna pour voir le cadavre du lion. Et voici, il y avait un essaim d'abeilles et du miel dans le corps du lion. Il prit entre ses mains le miel, dont il mangea pendant la route et lorsqu'il fut arrivé près de son père et de sa mère, il leur en donna et ils en mangèrent mais il ne leur dit pas qu'il avait pris ce miel dans le corps du lion" (versets 8 et 9). Il faut imaginer le cadavre d'un animal, mort depuis plusieurs jours, suffisamment longtemps pour qu'un essaim d'abeilles ait eu le temps d'y produire du miel. On peut imaginer l'état de décomposition avancé de l'animal. Il va pourtant manger de ce miel et en donner à ses parents. Ceux-ci, s'ils en avaient connu la provenance, auraient probablement été profondément choqués que leur fils, qui plus est un nazir, ait pu se nourrir de quelque chose qui venait d'une carcasse en état de putréfaction. Connaissant la scrupuleuse observance des lois sur la pureté et l'impureté pratiquée par les Hébreux, on peut s'interroger sur l'attitude désinvolte de Samson à l'égard de celles-ci. Désinvolture ou rébellion ? J'ai parlé plus haut d'une éducation rigide, voire légaliste. Samson aurait-il, par cet acte, pris une sorte de revanche en bravant les règles ? Un acte revanchard dans lequel il aurait volontairement impliqué ses parents ? Ce n'est bien évidemment qu'une hypothèse, mais elle pourrait expliquer l'étrange attitude de Samson. Un Samson qui aime décidément les mystères puisqu'il va se servir de cet épisode du lion pour concocter une énigme qu'il compte bien poser aux invités philistins de son mariage : "de ce qui mange sort ce qui se mange et du fort sort ce qui est doux" (Juges 14:14). 

J'avais également souligné l'importance du nom du village dont Samson était originaire : Tsoréa, ce qui peut se traduire par "les frelons". Or, on sait que les frelons sont, pour les abeilles, de redoutables prédateurs. Ainsi, lorsque Samson, le "petit soleil", propose une énigme à laquelle les Philistins ne peuvent  répondre, ils s'en retrouvent humiliés. Mais cette énigme touchait directement à la symbolique de cette divinité dont le culte était largement répandu parmi les peuples cohabitant avec les Hébreux. L'espace d'un instant, le petit soleil a fait de l'ombre à cette divinité païenne. Quant aux "frelons" de Tsoréa, ils promettaient de devenir les prédateurs de ces "abeilles", adeptes du culte de Mithra. Cette divinité païenne étant représentée par un lion debout ayant sur sa langue une abeille. Dans la langue chaldéenne, le mot "davar" signifie "abeille" mais aussi, comme en hébreu, "parole". Tout comme la parole qui peut être douce comme le miel, ou piquante comme dard de l'abeille.

Je fais ici une petite digression. Le geste de Samson revêtirait-il une quelconque symbolique ? La terre d'Israël n'est-elle pas "la terre où coule le lait et le miel" ? Samson aurait-t-il, par ce geste, voulu acter un désir qui ne lui était pas possible de formuler ? Il aurait, par ce geste symbolique, offert à ses parents du fruit de cette terre qu'il était appelé à délivrer de l'oppresseur. Conscient de l'investissement que ses parents avaient consenti pour lui, se sentant redevable, il leur aurait, en quelque sorte, offert les prémices de cette délivrance qu'il était censé leur apporter. Ou peut-être que ce miel représentait pour lui la douceur qu'il aurait aimé recevoir de ce père trop empressé à faire de lui un libérateur de son peuple. Ce geste peut revêtir aussi la manifestation d'un amour filial qui ne trouve, pour s'exprimer, que le produit d'un acte dissimulé. Ce geste peut revêtir tant de choses. Tant de mots qui n'ont pu ni être dits, ni être entendus. Tant de gestes qui ont manqué dans son enfance. Tellement d'espoirs, aussi, déposés trop tôt sur ses jeunes épaules. Ce miel demeure ainsi à la fois saturé de sens et empreint de mystère. 


Un homme sous influence  

Tout comme le sera plus tard le jeune Jérémie (Jérémie 1:4, 5), Samson a été choisi dès le ventre de sa mère. Comme je l'ai dit plus haut, Samson amorce une action. Il n'est pas chargé de délivrer le pays d'Israël des Philistins. Cela ne fait pas partie de son mandat. Certains commentateurs ont vu, dans ce qu'ils considèrent comme une vie dissolue, un frein à l'accomplissement de cette tâche. Certes, Dalila va fortement contribuer à sa perte. Certes, la vie sentimentale de Samson n'a pas favorisé la pleine réalisation de sa mission. Sa vie sera écourtée, et il est fort probable que la mission qui lui avait été confiée n'a pas abouti à sa finalité. Mais il faut cependant considérer que la vie de Samson s'est intégrée dans un contexte où le peuple philistin est tout de même bien implanté. Le combat, amorcé par Samson, va se prolonger jusqu'à la monarchie, sous les règnes de Saül et même de David. Samson a effectivement commencé à délivrer Israël de l’envahisseur philistin, mais la pleine réalisation de ce projet divin ne se produira que bien plus tard dans l'histoire de ce peuple choisi à qui revient une destinée hors du commun. 

Au travers de cet article, j'ai cherché à comprendre le caractère de Samson, ses vraies valeurs, sa personnalité. Le récit de sa vie, que nous relate l'Ecriture, relève la présence de son père et de sa mère jusqu'à son mariage, comme pour souligner l'importance de l'éducation qu'il a reçue. Ainsi que pour tout homme, l'influence parentale (ou l'absence de celle-ci) joue un rôle prépondérant dans la construction de sa personnalité. Pour comprendre qui est cet homme de Dieu, on ne peut faire l'économie de ce fait. Mais n'en est-il pas ainsi de tous ceux qui se revendiquent comme servant le Seigneur, quels que puissent être leurs fonctions et le lieu où ils l'exercent ? Dans quelle mesure l'éducation que Samson a reçue a-t-elle joué un rôle dans la structuration du caractère de ce jeune nazir ? Qu'en restait-il quand celui-ci devint adulte ? Manoah devait très certainement connaître ce verset du livre des Proverbes : "Châtie ton fils et il te donnera du repos (nooach)". Le nom du père de Samson, Manoach, ne signifie t-il pas "le repos" ?

Certes, pour le croyant d'aujourd'hui, la nouvelle naissance introduit dans le royaume de Dieu. Certes, comme pour Samson, la présence du Saint-Esprit dans le cœur de celui qui se consacre au service va construire en lui un "homme nouveau" (Colossiens 3:10). Mais la structuration de la personnalité aura, elle, été posée dès l'enfance. L'attitude de Manoach, lorsqu'il rencontre l'envoyé de Dieu, est significative. Il quémande des directives, des règles dans lesquelles il pourra "mouler" cet enfant qui lui est confié. Manoach réclame des exigences qu'il tient à s'imposer à lui-même. Plus tard, Samson n'aura de cesse de chercher à sortir de ce carcan trop étroit dans lequel son père l'a confiné, et dans lequel sa véritable personnalité a été enfermée. Cette propension à toujours aller à la limite du non-permis le poussera inévitablement vers une zone de danger. Il frôle l'interdit, le provoque. Et devant l'absence de conséquences directes, s'enhardit et avance plus encore la main vers la transgression. C'est ce côté "border line" qui va un jour précipiter sa perte. Mais Dieu n'est pas un "père fouettard", il est au contraire un Père aimant.

Samson a exercé ses fonctions durant vingt années. Certes, il a effectivement commencé à délivrer Israël de l'oppresseur, mais il aurait tout aussi bien pu prolonger son mandat pendant vingt autres années s'il n'avait été vaincu par ce dont sa force ne pouvait le délivrer : ses propres penchants. Enchaîné, aveugle, ridiculisé par ses ennemis, il entraînera ceux-ci avec lui dans la mort. 


Mort d'un héros

Un tesson de poterie, découvert dans la ville d'Ashkalon, autrefois ville philistine, porte une inscription en hébreu où les noms de Samson et Dalila sont mentionnés. Il y est fait mention de "la tête de Samson qui est attaché à Dalila" et qui fut apportée à des rois philistins. Cela pourrait signifier que la dépouille de Samson fut décapitée après que l'on eut extrait son cadavre des décombres du palais où il périt. Le récit de la victoire de David sur Goliath (celle d'un autre homme de Dieu sur un autre Philistin) est également un autre exemple de décapitation post-mortem. Mais ce tesson présente un intérêt de taille en ce qu'il authentifie le récit biblique. La mort de ce héros de la foi (Hébreux 11:32 à 34) a sa place dans les annales de ces rois philistins dont il avait commencé à libérer son pays. Samson fut inhumé "dans le sépulcre de Manoach, son père" (16:31). Ce père dont il avait cherché, toute sa vie, à se démarquer de l'autorité, il le retrouvait enfin. 


JiDé


Notes

*Le naziréat (Nombres 6) 

 

Samson : une enfance, une vie, une destinée
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