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Ézéchiel et la vision du Temple : Les serviteurs et le prince

 

Lorsqu'Ézéchiel reçoit cette vision du Temple, il a atteint l'âge buttoir de cinquante ans. Age auquel un sacrificateur ne peut plus exercer la sacrificature. Cette fonction à laquelle il était destiné depuis sa naissance, il n'aura jamais pu l'exercer. Et alors qu'il lui faut faire le deuil du but ultime de son existence, lui, le prophète en exil, il reçoit la vision de ce Temple. Paradoxalement, c'est justement parce qu'il est fils de sacrificateur qu'il peut pénétrer dans ce sanctuaire, et c'est parce qu'il est prophète qu'il en reçoit la révélation. Cette "double casquette" fait de lui la personne idéale pour cette mission si particulière. Ce qui sera, très probablement, l'aboutissement de ce ministère prophétique qu'il exerce depuis vingt-cinq longues années. Après ces vingt-cinq années d'exil, Dieu lui annonce une future restauration. C'est la promesse du retour de son peuple dans son pays, mais également celle de la restauration d'un culte que tous croyaient définitivement aboli. Un service auquel le sacrificateur exilé ne pourra bien évidemment participer. La rédaction de cette partie de la vision sera pour lui comme une passation de flambeau, comme un témoignage, un testament pour la génération qui viendra. Celle-ci n'est pas encore venue. Mais tout a été consciencieusement et méticuleusement rédigé par ses soins pour que cela soit rendu possible. C'est aussi cela, Ézéchiel. La transmission d'une mission, d'un héritage, d'une vision.  

Tenir compte du passé

Bien qu'il inaugure un culte nouveau, le souvenir de l'idolâtrie pratiquée par les lévites, avant que ne survienne la déportation, est encore présente à la mémoire. Seule les descendants de Tsadok (les Tsadokites) s'en étaient abstenus. Cela leur vaudra de pouvoir servir l'Eternel dans le parvis intérieur tandis que les sacrificateurs de la famille d'Éléazar devront se contenter de servir dans le parvis extérieur avec les lévites. Ici, plus qu'ailleurs dans la description de ce Temple, l'histoire du peuple d'Israël et la façon dont il s'est comporté influe considérablement sur la répartition des tâches et le degré de confiance que Dieu daigne accorder à ceux qui sont appelés à Le servir (Ézéchiel 44:10,11). Le souvenir des iniquités passées, pratiquées dans le Temple de Salomon, est encore bien présent (44:4 à 14). Le prophète a déjà été appelé, dans le passé, à transmettre des remontrances à l'égard du leadership (Ézéchiel 22:24 à 28), tant à l'égard des prophètes (versets 25,28) que de ses sacrificateurs (verset 26), et de ses dirigeants (verset 27). Néanmoins, la fidélité passée est payante (44:15,16). Ce qui ne le dispense pas d'une stricte observance des recommandations présentes (44:17 à 27). L'aspect vestimentaire, le comportement et le soin à sa propre personne occupent une importance considérable dans le service (44:17 à 22). Ils auront également, auprès du peuple, des fonctions pédagogique (44:23) et juridique (44:24 / Matthieu 5:18). À ce propos, faut-il voir ici une similitude avec les paroles de Jésus à ses douze apôtres (Mattieu 19:28) ?

Étant totalement consacrés au service, les servants du temple ne pourront posséder de champ cultivable (44:28), mais ils seront nourris par les offrandes et les sacrifices à l'Eternel offerts par le peuple (44:29, 30). Tout est prévu et rien n'est laissé au hasard. Une situation, telle qu'elle sera décrite plus tard dans le livre du prophète Malachie, ne pourra se produire. En effet, à l'époque de Malachie, le peuple avait cessé d'apporter les offrandes requises au Temple de Jérusalem. Les lévites et les sacrificateurs, ne disposant plus de moyens de subsistance, avaient déserté progressivement le service au Temple et avaient repris une activité leur permettant de pourvoir aux besoins de leurs familles. Ézéchiel décrit, au contraire, un respect des ordonnances divines permettant aux servants du Temple de se consacrer pleinement aux tâches qui leur sont confiées. 

Il leur est interdit de porter des vêtements de laine. Peut-être parce que celle-ci pourrait "exciter la sueur" (44:18). Tidiman envisage la possibilité que cette laine provienne d'une bête qui ne soit pas totalement pure. Il se peut que cela soit également lié à cette interdiction de mêler deux textures différentes comme la laine et le lin, l'une étant d'origine animale, l'autre végétale (Lévitique 19:19). Le Lévitique prévoit tout un protocole pour le port de vêtements appropriés à chaque tâche requise (Lévitique 6:3, 4). Certaines ordonnances (Ézéchiel 44:20, 21, 25) rappellent celles du vœu de naziréat (Nombres 6:3, 5, 6).

Les sacrificateurs auront pour fonction la sacrificature mais également l'enseignement (Ézéchiel 44:23), tout comme leurs prédécesseurs (Lévitique 10:10, 11). Ils ne pourront épouser qu'une jeune fille vierge ou éventuellement la veuve d'un sacrificateur (Ézéchiel 44:22), des conditions relativement proches de celles exigées pour un Souverain Sacrificateur (Lévitique  21:13, 14).

Ils occuperont également des fonctions juridiques (Ézéchiel 44:24) sur la base des commandements divins ("et ils jugeront d'après mes lois"). 

Les sacrificateurs seront au service de l'Eternel et c'est Lui qui pourvoira à leurs besoins. La loi mosaïque ne prévoyait pas de territoires attribués aux lévites (Deutéronome 18:2 / Nombres 18:20), Dieu étant, Lui-même, leur héritage (Deutéronome 10:9). Il n'en sera pas exactement de même ici (Ézéchiel 45:1 à 5 / 48:10 à 14). S'il est écrit que "Vous ne leur donnerez point de possession en Israël, je serai leur possession" (44:28), cela entend des possessions au sein même des douze tribus, sur leurs territoires propres. Un territoire étant réservé au Seigneur, et c'est sur celui-ci que vivront les servants du Temple (48:9 à 14). Toutes ces dispositions seront applicables lorsque le Seigneur aura établi son règne sur la Terre durant le Millénium. Le souvenir de l'infidélité des lévites est rappelée et détermine leur condition durant cette période. 

Le Prince

Le texte fait mention d'un mystérieux personnage. Un "prince" (nassi) dont ni l'identité ni la fonction ne sont clairement définies. On trouve cependant trace de cette fonction dès l'époque de Josué (Josué 22:14). Ézéchiel a déjà mentionné ce personnage auparavant. Celui que Dieu appelle "Mon serviteur David" (Ézéchiel 37:25) est également comparé à un "nouveau David" (Ézéchiel 34:23, 24), en qui le Psalmiste voit un membre de la postérité du célèbre roi (Psaume 89:4, 5). L'évocation d'un "berger" y fait bien évidemment penser alors que "l'alliance de paix" évoque plutôt la Nouvelle Alliance. On serait tenter de voir, dans ce "nouveau David", le Messie en personne, mais cette hypothèse ne résiste pas à une analyse approfondie. L'évocation d'une obligation morale (et donc l'éventualité d'une transgression de celle-ci) invalide cette hypothèse. Son autorité sera "princière" car soumise à l'autorité royale aux mains du Seigneur lui-même. Il aura une famille et des enfants (46:17), de plus, Il sera également soumis à un protocole prédéfini pour se déplacer dans le Temple (46:8). Père de famille (46:17), il disposera de deux portions de terre qui sont attribuées à celui qui exerce cette fonction (45:7,8), réparties équitablement à l'Ouest et à l'Est du périmètre des lévites, au centre du territoire d'Israël (48:21, 22). Il pourra cependant en jouir à titre privé. Il prélèvera, pour sa subsistance, un tribut sur tout Israël (45:16, 17). Il devra offrir des sacrifices pour lui-même (45:17). Sa fonction pourrait être comparée à celle d'un Gouverneur. Brian Tidiman y voit un "administrateur civil*". Son rôle sera de veiller au respect des lois en vigueur. Néanmoins, le pouvoir politique ne pourra en rien influer sur le cours des pratiques spirituelles (comme ce fut le cas à l'époque préexilique). Il demeurera cependant en charge du peuple de Dieu, tant dans le domaine civil que spirituel (Ézéchiel 34:23, 24) pour le bien-être et la sécurité de la nation (Ézéchiel 34:24 à 31)

L'évocation du nom du célèbre roi laisse entendre l'exercice d'un pouvoir monarchique dans la stricte observance des lois mosaïques. Une "Principauté" où la justice sociale est parfaitement respectée. Où les malversations, les pots-de-vin, la corruption n'ont pas cours. "Mon serviteur David sera leur prince pour toujours" avait dit le Seigneur par la bouche de son prophète (Ézéchiel 37:25). Cette affirmation lève le doute d'une éventuelle possibilité de changement de "régime" et un possible retour aux pratiques anciennes. Le texte d'Ézéchiel fait également mention d'une "autorité gouvernementale". Il est en effet également fait mention de "princes" contre qui, déjà, Ézéchiel avait prononcé une complainte (Ézéchiel 19:1). Ceux-ci avaient autrefois agi avec violence envers le peuple (Ézéchiel 21:7, 12). Ils "usaient de leurs forces pour répandre le sang" (22:6) et "pratiquaient la violence et la rapine" (Ézéchiel 45:9). Mais dans cette nouvelle administration, "mes princes n'opprimeront plus mon peuple", dit l'Eternel par la bouche de son prophète (Ézéchiel 45:8). Ils sont appelés à "pratiquer la droiture et la justice et à délivrer le peuple de (leurs) exactions" (45:9). Recommandation qui s'étend à "toute la maison d'Israël" (44:6). Pour ce faire, l'usage de "balances justes" s'impose (Lévitique 19:36 / Ézéchiel 45:10). L'utilisation de poids et mesures (Lévitique 19:35, 36 / Deutéronome 25:13 à 16) en conformité avec l'usage (Ézéchiel 45:13, 14) est exigé sur toute la surface du territoire. Le Temple sera bâti dans un pays où "la justice habitera" (2 Pierre 3:13), dans un contexte économique stable, où ne subsisteront plus ni fraudes, ni extorsions de fonds. Le rôle du prince sera d'y veiller (45:9). Le prince ne pourra s'enrichir par les impôts prélevés mais devra, par contre, veiller au bon usage de ceux-ci (Ézéchiel 45:17). Ces ressources seront prélevées auprès du peuple par des hommes de confiance (1 Rois 4:6). En effet, une justice sociale est inséparable du service de l'Eternel, comme l'est la droiture de la pratique du culte. De même que les mesures du Temple en démontraient la sainteté, la justesse des poids et mesures en manifeste l'équité et la justice sociale. Le prince a pour fonction de préserver cette dernière dans le pays, alors que Dieu veille lui-même au respect de la Sainteté du Temple. 

*B. Tidiman "Ezéchiel, tome 2".  

Rétrogradés

La manifestation de la Gloire de Dieu précède un commentaire de son guide (43:5 / 44:4) qui suscite à nouveau l'attention du visiteur (44:5). Il lui faut garder à l'esprit "les ordonnances et les lois" pour ensuite fixer son attention sur "l'entrée de la maison et toutes les issues du sanctuaire", démontrant ainsi le lien étroit qui unit règles de conduite et évolution dans les lieux (43:10, 11). Il lui faudra avoir ces choses en tête lorsqu'il s'adressera aux exilés, "aux rebelles, à la maison d'Israël" (44:6). Reproche est fait à ceux-ci d'avoir "introduit  dans (le) sanctuaire des étrangers incirconcis de cœur et de chair, pour profaner (sa) maison" (44:7). Cette expression "incirconcis de cœur et de chair" fait référence à un passage du livre du Lévitique (Lévitique 26:41) ainsi qu'au Deutéronome (10:16). Une expression que reprendra le prophète Jérémie en parlant de la part de Dieu (Jérémie 4:4). L'incirconcision du cœur frappant tout aussi bien les nations que le peuple d'Israël (Jérémie 9:26). Cette expression sera même reprise par Etienne dans son discours, juste avant sa lapidation (Actes 7:51). Paul rappelle que, dans le cadre de l'assemblée des croyants, "il y a en effet, surtout parmi les circoncis, beaucoup de gens rebelles" (Tite 1:10). Il dira ainsi aux Colossiens que la vraie circoncision n'est pas faite de main d'homme, mais que "La circoncision de Christ consiste dans le dépouillement du corps de la chair" (Colossiens 2:11). Ainsi, si la présence de membres des nations n'est pas autorisée dans le Temple, dans l'assemblée des croyants en Christ, "Il n'y a plus ni Grec, ni Juif, ni circoncis, ni incirconcis" (Colossiens 3:11). Cependant, cette séparation demeure encore ici de vigueur. Ce qui démontre, à l'intérieur de l'enceinte de ce Temple, l'exercice d'une autre économie (Ézéchiel 42:20 / 43:12). 

Reproche est donc fait aux exilés d'avoir autrefois remplacé les servants accrédités par des "étrangers" (44:8), mais cela ne pourra se reproduire dans ce Temple-ci (44:9). Il est même reproché aux lévites d'avoir abandonné le service de Dieu pour pratiquer l'idolâtrie (44:10), ce qui aura pour conséquence de les éloigner du service dans le sanctuaire et les relèguera à des tâches subalternes (44:11, 12). Un reproche qui évoque ainsi la parabole du serviteur à qui le maître des lieux demande des comptes (Matthieu 25:19). L'évocation "d'étrangers incirconcis de cœur et incirconcis de chair" remplissant les tâches à la place des servants (44:7, 8) se réfère-t-elle aux Gabaonites (Josué 9:23) ? Aux Madianites ? aux Kéréthiens, gardiens étrangers du Temple (2 Rois 11:4) ? Si seule la présence de servants Tsadokites est possible dans l'enceinte du Sanctuaire, tout étranger au peuple d'Israël devra cependant être accueilli avec bienveillance dans le pays, et reconnu comme résident (47:21 à 23). 

La suite de cette "visite guidée" se poursuit dans le prochain article "Ézéchiel et la vision du Temple : Les terres du prince" (sixième partie). 

JiDé

 

 

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