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David... Né dans l'iniquité

David... Né dans l'iniquité

David est considéré généralement comme une figure emblématique de la Bible. Il est regardé comme un homme de Dieu, un grand roi, et beaucoup de parents aiment à donner, à l'enfant dont ils sont fiers, son prénom. Mais quelle image David avait-il de lui-même ? Son père était-il fier de lui ? Les Ecritures révèlent une bien autre réalité. 

"Psaume De David. Lorsque Nathan, le prophète, vint à lui après que David fut allé auprès de Bath Schéba... Voici, je suis né dans l'iniquité et ma mère m'a conçu dans le péché" (Ps. 51:1, 2, 7). 

"Puis Samuel demanda à Ishaï : est-ce que ce sont là tous tes fils ? Et il répondit : il reste encore le plus jeune" (1 Samuel 16:11).

David a écrit le Psaume 51 "lorsque Nathan le prophète vint à lui après que David fut allé vers Bath Schéba" (Ps. 51:2). Il fait ici allusion à des événements qui sont relatés dans les chapitres onze et douze du deuxième livre du Prophète Samuel.

"Voici, je suis né dans l'iniquité et ma mère m'a conçu dans le péché". Longtemps, j'ai lu ce verset en adoptant le point de vue que l'on m'avait enseigné, à savoir que David reconnaissait sa nature adamique, pécheresse, intrinsèquement liée à la nature humaine depuis sa conception. On naît pécheur, on ne le devient pas. Mais en m'approchant des mots, il m'a semblé les entendre chuchoter quelque chose, comme un "murmure doux et léger". Les mots racontaient quelque chose qui s'était produit il y a bien longtemps, avant même la naissance de David, à sa conception. J'ai longtemps hésité à partager ce qui va suivre, mais les mots parlent d'eux-mêmes. Il suffit de les écouter. Ils ont une histoire à raconter. Le terrible récit d'une enfance bafouée.

"Hêm bèavon howlalèti oubèhet yehêmatmi immi". Littéralement, "voici, dans une faute j'ai été enfanté et dans un péché m'a conçu ma mère". David met ici en parallèle, tout d'abord sa naissance et ensuite sa conception. Il remonte dans le temps. Il refait le chemin en sens inverse, comme s'il voulait retourner à la racine des choses, à leur commencement.

Six mots pour raconter une histoire. Six mots qui content, presque dans le détail, la conception de David. Six mots qui parlent de la souffrance de sa mère, de sa culpabilité. De cette culpabilité qui va l'accompagner tout au long de sa grossesse, jusqu'au moment où elle va mettre au monde celui qui allait devenir le grand roi que l'on connait. Six mots pour décrire une destinée. Lorsque David a rédigé ce Psaume, inspiré par l'Esprit, il a soigneusement choisi ses mots. Il en a soupesé tout le poids et la portée. Il ignorait que sa rencontre avec Bath Schéba allait passer à la postérité. Confronté par le prophète Nathan, David reconnait sa faute. Et alors qu'il rédige ce Psaume, des souvenirs lui viennent à la mémoire. Il se rappelle ce jour où sa mère lui a raconté. Elle lui a parlé d'Ishaï, son père. Elle lui a parlé d'un jour où...

"Hêm bèavon... ainsi, dans l'iniquité, la faute...". David introduit cette confidence (ou cet aveu) avec un mot très fort : "avon" (prononcer avone). Ce mot signifie : "conséquence de l'iniquité, culpabilité du châtiment, perversité, dépravation"L'utilisation d'un mot aussi fort laisse facilement imaginer que la conception de David ne s'est pas produite dans les conditions les plus favorables. David dira dans un autre Psaume que sa mère était "la servante du Seigneur". C'était donc une femme qui craignait et aimait son Dieu. Elle fut l'épouse de Nachasch, avec qui elle eut deux filles : Tsérujà et Abigaïl, les demi-sœurs de David. Abigaïl (appelée également Abigal) eut un fils naturel appelé Amasa (qui devint plus tard le chef de l'armée d'Absalom, l'un des fils de David, quand celui-ci était en rébellion contre son père). "Et Amasa était le fils d'un homme nommé Jithra qui était entré vers Abigaïl, fille de Nachash" (2 Sam. 17:25, Darby). Ici encore, le texte, sobre, laisse entendre que la conception d'Amasa ne s'est peut-être pas déroulée dans les meilleures conditions. Jithra "est entré vers Abigaïl" et celle-ci en eut un fils. 

Mais pourquoi la mère de David (dont le nom n'est pas mentionné) pourrait-elle redouter une quelconque conséquence ? Pourquoi aurait-elle ressenti de la culpabilité ? Pour quelle raison la conception de cet enfant pourrait-il être taxé de "faute" ou "d'iniquité" ? Le Psaume 51 a été écrit après que le prophète Nathan ait mis en lumière la relation que David avait eue avec Bath Sheba. Y aurait-il un lien entre les deux ? De plus, il semble que David n'était pas aimé de ses frères qui paraissaient plutôt le mépriser (1 Sam. 17:28). Peut-on envisager que la mère de David n'ait pas été l'épouse légitime d'Ishaï lorsque celui-ci fut conçu ? Etant donné les informations que nous donnent les textes, cette possibilité n'est pas à exclure. La mère d'Abigaïl et de Tséroujà épousa Ishaï, père de David, en seconde noce. Mais sinon, oserais-je la question ? David était-il un "enfant naturel" ? Il faut replacer cela dans le contexte de l'époque. Une femme ayant eu un enfant hors mariage était considérée comme une dévergondée, montrée du doigt, insultée, rejetée. Ce n'est pas tellement loin de nous. Il y a à peine une soixantaine d'années, la réaction était encore identique. Elle l'est encore dans bien des pays dans le monde. 

"Beavon" : "conséquence de l'iniquité, culpabilité du châtiment"Si, comme on peut l'envisager (cela reste une hypothèse), David est le fruit d'une union hors mariage, on peut imaginer les difficultés qu'a pu rencontrer sa mère. Fort heureusement, Ishaï a reconnu son fils, mais à contre coeur ! Mais lorsque le prophète Samuel vient chez lui pour oindre le futur roi, il n'y trouve que les sept frères de David. Ishaï avouera avoir encore un autre fils qui garde les brebis, mais c'est suite à l'insistance du prophète que le père de David semble daigner s'en soucier. Si son père n'en faisait pas grand cas, ses frères le méprisaient ouvertement. 

Plus tard, David étant devenu roi, on le voit entouré de ses cousins, les fils de sa sœur Tséroujà, mais on ne voit pas ses frères à ses côtés. Ils sont absents. Certes, le fait que David ait été oint comme roi par le prophète Samuel, en leur présence, a dû attiser plus encore le mépris qu'ils éprouvaient à son égard. Si David fut véritablement un enfant naturel d'Ishaï, cela permettrait de comprendre l'attitude de celui-ci lorsque Samuel entre chez lui pour oindre l'un de ses fils comme roi. "Samuel dit à Ishaï : sont-ce là tous tes fils ? Et il répondit : il reste encore le plus jeune, mais il fait paître les brebis. Ishaï l'envoya chercher... Samuel prit la corne d'huile et l'oignit au milieu de ses frères" (1 Sam 16:11). On l'avait oublié. Mais si l'on s'attarde un instant sur ces mots, on peut en apprendre un peu plus quant à l'attitude d'Ishaï vis-à-vis de ce "fils oublié"

"Il reste encore le plus jeune". "Sha'ar" signifie "servir, épargner, survivre, laisser derrière". Au mode Parfait, ce mot désigne une action terminée, achevée. David a été "épargné" mais il a été "laissé à l'arrière". Le mot "sha'ar" a pour racine un mot qui désigne un résidu, un bout de chair. L'expression en français "il reste encore" est déjà dégradante, voire choquante dans la bouche d'un père qui parle de son propre fils, mais le texte hébreu est encore plus violent. "Il reste encore ce résidu, ce bout de chair de David". 

"Il reste encore le plus jeune". "Owd", sous-entendu : "il est encore là" ce bout de chair, ce résidu. Il a survécu. Il semblerait qu' Ishaï prononce ces mots comme un regret. 

"Il reste encore le plus jeune". "Quatan" : "petit, insignifiant, sans importance". Le mot "quatan" peut également désigner un esclave. Il a pour racine le mot "quwt" qui signifie : "détester, être affligé, ressentir du dégoût". "Il reste encore ce petit morceau de chair sans importance qui n'inspire que du dégoût". 

"... mais il fait paître les brebis". "Ra'ah" peut s'orthographier de deux façons avec deux significations différentes. Il peut s'écrire "resh aleph hé" et il signifie alors "veiller sur". Mais il peut également s'orthographier "resh ayin hé" et il signifie alors "affliction, adversité, misère, brisé". Cette double interprétation permet de comprendre dans quel état d'esprit David faisait paître "le peu de brebis" qui lui avait été confié et que Eliab, son frère, lui reprochera d'avoir abandonné (1 sam. 17:28). On est ici très loin de l'image d’Épinal de David faisant paître des brebis dans de verts pâturages. C'est là l'image qu'Ishaï se faisait de son fils David. On comprend mieux son absence. Sa présence n'était même pas concevable. Lorsque Samuel entra dans la maison d'Ishaï et qu'il vit Eliab, il crut reconnaître en lui le futur roi d'Israël. Mais Dieu l'avait rejeté. On peut comprendre l' animosité d'Eliab à l'égard de David, outre le mépris qu'il lui portait déjà auparavant. 

"Puis Samuel demanda à Ishaï : est-ce que ce sont là tous tes fils ? Et il répondit : Il reste encore le plus jeune" (1 Samuel 16:11). "Tamam" a plusieurs significations. Il pourrait revêtir ici quatre sens distincts. "Tamam" peut vouloir dire "être complet en nombre, être fini", et c'est dans ce sens que Samuel pose la question. Mais ce mot peut également signifier "compléter, ajouter". Comme si Samuel demandait à Ishaï : "Tu n'as rien à ajouter ? Tu m'as tout dis ? Tu n'en as pas d'autre ?". Ce qui peut laisser supposer que Samuel soupçonne Ishaï de lui cacher quelque chose. Ce que vient conforter le troisième sens possible : "agir avec intégrité, avec droiture, être entier". La question de Samuel pourrait donc être : "Est-ce que tu m'as dit toute la vérité ? Est-ce que tu ne me caches pas quelque chose ?". Cela peut laisser entendre qu'Ishaï pensait à David, mais il ne voulait même pas évoquer son existence. Ce qui corrobore ce qui a été relevé plus haut sur l'opinion qu'Ishaï se fait de David. Le quatrième sens possible pour le mot "tamam" concerne plutôt David : "être fini, détruit, consumé". Ishaï est alors obligé de répondre à l'insistance de Samuel : "Il reste encore le plus jeune". Mais en ce moment, plus qu'en tout autre, il aurait aimé que David ne soit plus... Mais pourquoi ?

David : un enfant naturel d'Ishaï ?

Si David fut bien un enfant naturel d'Ishaï, peut-être fut-il élevé dans la maison de sa mère après qu'elle fut veuve (avant que celle-ci ne devienne la seconde épouse d'Ishaï) ? Ou peut-être a-t-il été élevé, avec ses cousins, par sa demi-sœur Tséroujà ? Cela expliquerait la présence de ceux-ci aux côtés de David et leur indéfectible fidélité à son égard alors que ses propres frères brillent par leur absence. Il est des secrets qui ne semblent pas vouloir se laisser facilement dévoiler. Peut-être un jour, un écrit, un document, découvert lors d'une fouille archéologique, nous apportera-t-il une lumière nouvelle sur ce qui demeure encore, peut-être pour longtemps,  un trésor caché dans le sable
 


"Hêm bèavon howlalèti", "dans l'iniquité, je suis né". Ce mot "howlalèti" (huwl) peut se traduire par : "être dans la détresse, douleurs de l'accouchement, se tordre de douleur, souffrir la torture". Si les circonstances dans lesquelles a eu lieu la conception de l'enfant sont assez sombres, il semblerait que l'accouchement lui non plus ne se soit pas passé au mieux. Bien au contraire. Le contexte de la conception d'un enfant est primordial pour une future maman. A l'inverse, si la conception se fait dans des conditions peu favorables, la grossesse peut présenter des complications. 

"... oubèhet yehêmatmi immi, ... et dans un péché m'a conçu ma mère". Le mot "het" signifie "péché, culpabilité du péché, châtiment du péché". On peut imaginer la culpabilité de la mère de David durant toute sa grossesse (qui n'était peut-être pas désirée). Culpabilité qui, loin de s'estomper lors de l'accouchement, va rendre celui-ci plus difficile encore. Mais David fait l'aveu de cet état de fait. Il le reconnait comme faisant partie intégrante de son histoire personnelle. Il pose, sur son identité, le constat des circonstances de sa naissance. "Voici, dans la faute, j'ai été enfanté et dans le péché, conçu des ardeurs de ma mère" (TOB, Ps. 51:7). Je trouve cette traduction intéressante parce qu'elle rend une nuance qui n'apparaît pas forcément dans les autres. "...Conçu des ardeurs de ma mère". Ceci me permet d'introduire le dernier mot sur lequel je m'arrêterai :

"...oubèhet yehêmatmi immi, ... et dans un péché m'a conçu ma mère". Ce mot "yehêmatmi" (yacham) signifie "s'accoupler, se réchauffer"Mais, faut-il le dire ? Je le mentionne à titre purement indicatif, ce mot est également utilisé pour parler des bêtes en chaleur comme cela est relaté pour les ovins de Jacob (Gen. 30:38, 39).  

S'il est  aisé de comprendre le récit de la rencontre entre Bath Sheba et David, celle des parents de ce dernier l'est beaucoup moins. On peut certes l'imaginer, mais bien des zones d'ombre subsistent encore. Les mots ne cessent de chuchoter, et le mystère continue à planer sur cet épisode de la vie de cet homme qui a eu, il faut le reconnaître, un grand intérêt pour la gent féminine,  mais également un destin hors du commun.

Aujourd'hui encore, pour beaucoup d'hommes et de femmes, les circonstances de leur conception, les conditions dans lesquelles leur mère a mis au monde l'homme ou la femme qu'ils sont aujourd'hui, sont obscures. Des zones d'ombre demeurent sur leur histoire personnelle. "Qui était-il ?" "Pourquoi m'a-t-elle abandonné(e) ?" Des questions lancinantes qui laissent en eux une part d'ombre et de mystères. D'autres découvrent, à un âge plus ou moins avancé, que leur père n'est pas leur géniteur ou que leur mère n'est pas celle qui les a enfantés.

Dans la Bible, il n'est pas fait usage du "nom de famille" auquel nous sommes couramment habitués. Un homme trouve son identité dans le nom de son père : "David ben Ishaï" (David fils d'Ishaï). L'usage du petit mot "ben", qui signifie "fils de", mais aussi "entre", permet d'être identifié, mais donne également une légitimité en tant que personne s'inscrivant dans une filiation. "Ben" signifie donc "entre" deux générations. Celui qui était "fils de" devient "père de" et s'inscrit ainsi dans une continuité, une généalogie chère à l'esprit hébraïque. Par la paternité, il s'inscrit dans une chaîne dont les maillons sont les fils issus du "père" de la famille, celui qui en est à l'origine. L'exemple le plus parlant étant le Patriarche Jacob dont le fils préféré s'appellera Yossef (Joseph), ce qui signifie "qu'il ajoute". Il sera ajouté un autre fils à la fratrie : Benjamin. Douze fils, eux-mêmes pères de douze tribus qui fonderont ainsi un peuple. 

Pour David, bien qu'il soit incontestablement le fils d'Ishaï, l'ombre du mystère plane toujours sur les circonstances de sa conception. Mais cela n'a bien évidemment d'intérêt que dans la mesure où lui-même évoque cet épisode de son existence, et de la conscience aiguë qu'il a de la souffrance morale de celle qui l' a enfanté.  Mais peut-on imaginer un seul récit de la Bible qui n'ait jamais trouvé écho dans le cœur de l'un de ses lecteurs ? Combien de femmes ne se sont-elles pas identifiées à la mère de David ? Combien de lectrices de ce verset de l'Ecriture n'ont-elles pas tressailli en lisant ces mots ? Pour toutes celles qui ont si longtemps porté seules leur secret, ce texte de l'Ecriture leur assurait un soutien silencieux et discret. Elles ne seraient désormais plus seules à porter ce lourd fardeau. Leur Créateur le porterait avec elles, les assurant de sa parfaite discrétion. C'est pourquoi le texte biblique parle et se tait à la fois. Les choses devaient être dites parce que ce récit serait un support utile pour beaucoup. Mais d'autres choses devaient être tues parce que, comme pour chacune de celles qui trouveraient dans ce texte une consolation, son auteur s'engageait à la plus grande discrétion.  

 

JiDé

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