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Daniel 8 : Un temps marqué pour la fin (deuxième partie)

Daniel 8 : Un temps marqué pour la fin (deuxième partie)

Tout à la fois biographique, historique et prophétique, le récit de la vie de Daniel est un voyage à travers les siècles, de l'Antiquité à nos jours. Homme d'État, Haut Fonctionnaire servant aux côtés des empereurs de Babylone et de Perse, il est également visionnaire et prophète. Le livre de Daniel déconcerte. Écrit à quatre mains (celles de Daniel et d'un rédacteur-compilateur), le récit passe allégrement d'un siècle à l'autre, d'un empire à l'autre. La densité d'un tel texte nécessite que l'on s'y attarde. Les rouages historiques qui constituent cet ouvrage hors du commun sont complexes, étroitement imbriqués l'un dans l'autre. On ne peut véritablement dissocier les douze chapitres qui le composent. Ils forment un tout. Le livre de Daniel est comme une tapisserie qui brosserait un panorama de l'Histoire antique avec, en arrière-plan, un Futur qui se profilerait à l'horizon. Les fils de cette tapisserie sont étroitement serrés, liés, entrecroisés. Le récit n'est pas non plus chronologique. L'ouvrage est constitué de textes assemblés, compilés par un rédacteur qui y ajoute, de sa main, ses propres commentaires. Ce livre aborde des événements du Passé et en annonce d'autres, encore à venir. Il évoque des temps qui nous sont, aujourd'hui, contemporains.  

Petit récapitulatif

Pour résumer rapidement, Daniel est à la cour de Belshatsar, dernier roi de Babylone, lorsqu'il reçoit la vision décrite dans ce chapitre. Si cette vision de Daniel est datée de "la troisième année du règne du roi Belshatsar" (Daniel 8:1), soit dans les années 550 avant notre ère, la campagne d'Alexandre contre les Perses débute, elle, vers l'an 333. Soit deux siècles plus tard. Cette vision concerne des événements qui, pour Daniel, sont encore à venir.

Au quatrième siècle avant notre ère, Alexandre le Grand, fils de Philippe II de Macédoine, entame une série de campagnes militaires qui le conduiront aux portes des Indes. Rapidement, Alexandre ("Le premier roi" - Daniel 8:21) va conquérir l'empire Perse et s'en rendre maître. C'est à cette conquête que correspond la première vision, celle du bélier (la Perse) et du bouc (la Grèce). Le "bouc" grec viendra à bout du "bélier" perse qui sera vaincu (Daniel 8:20, 21). La vision annonce également la mort prématurée d'Alexandre à l'âge de 33 ans (la "corne brisée"), au faîte de ses conquêtes (8:8a, 22). Est-il décédé suite à une maladie contractée sur place ? A-t-il été empoisonné ? Les avis sont partagés. La vision annonce également la répartition de son empire entre ses quatre principaux généraux (les quatre cornes, Daniel 8:8b). Deux d'entre eux demeureront. L'un fondera la dynastie des Ptolémées qui régnera sur l'Égypte. L'autre, Séleucos, fondera la dynastie Séleucide qui régnera sur la Syrie et étendra son pouvoir jusqu'à cette région qui fut autrefois le royaume d'Israël (appelé ici "le plus beau des pays - verset 9). De la dynastie Séleucide, viendra "la petite corne" (verset 9), qui n'est autre qu' Antiochus Epiphane. Ce tyran qui interdira aux Juifs, demeurés en Israël, de pratiquer la foi de leurs pères. Il fera égorger une truie sur l'autel, et ordonnera que l'on dresse une statue de Zeus à son effigie, dans le Temple de Jérusalem (versets 10 à 12). Un tel méfait provoquant une réaction dans les cieux (verset 13) ainsi que sur la terre (verset 14). Le fait que cette "petite corne... s'élève jusqu'à l'armée des cieux" démontre une implication spirituelle dans ce conflit, justifiant une action angélique correspondante (Daniel 8:10, 13 à 16). Ce qui conduira même à des combats dans les lieux célestes (Daniel 10:20/12:1). C'est en réaction aux méfaits de ce despote que débutera la révolte des Maccabées vers l'an 167 avant notre ère,  motivée à la fois par le patriotisme et le désir de rétablir le culte de l'Eternel. Une description plus précise de ce sinistre individu est donnée, par Daniel, au chapitre 11 (Daniel 11:21 à 39). Le livre de Daniel étant prophétique, cette description ne se limite bien évidemment pas uniquement au personnage historique, mais elle est correspond également à un autre tyran, encore à venir. L'apôtre Paul l'appelle "l'impie" (2 Thessaloniciens 2:8, 9). Nous parlons aujourd'hui plus couramment de l'Antéchrist.

Daniel rédige un compte-rendu de sa vision quelques jours après l'avoir reçue, celle-ci l'ayant rendu malade et souffrant durant plusieurs jours (Daniel 8:27). Lorsque, devenu vieux, il sera admis à la cours du roi Cyrus de Perse (Daniel 10:1), il pourra contempler cette ville qu'il avait vue alors dans cette vision (Daniel 8:2). Plusieurs décennies s'étaient écoulées depuis l'époque où, jeune adolescent, il avait donné au puissant roi de Babylone l'interprétation de son songe. La tête d'or avait été remplacée par le buste et les bras d'argent (Daniel 2:32, 39). L'empire Babylonien avait laissé la place à l'empire Perse (Daniel 7:5, 6). Mais à cette heure, Daniel est toujours à la cour de Babylone, et c'est Belschatsar, le petit-fils du roi Nabucadnetsar, qui est alors sur le trône. 

Une échelle de Temps

La description qui fait suite (versets 23 à 25) ne concerne plus Antiochus, mais un autre roi qui viendra "À la fin de leur domination" (verset 23, celle des quatre généraux d'Alexandre). Un autre empire viendra alors, avec un nouveau roi à sa tête. Le "quatrième empire", ou "quatrième royaume", sera celui de Rome (Daniel 2:40 / 7:7). Le livre de Daniel nous amène à voir, là aussi, un double accomplissement. La vision du chapitre 7 présente à la fois l'Empire romain (Daniel 7:7) et une résurgence future de celui-ci (Daniel 7:8). Il faut donc voir, dans ce "roi impudent et artificieux" (Daniel 8:23), à la fois un empereur romain et un autre personnage qui en aura les caractéristiques. D'un point de vue strictement historique, la dernière partie de la vision concerne donc une période s'étalant du premier siècle avant notre ère au cinquième siècle de celle-ci. D'un point de vue eschatologique (puisque nous sommes dans une description prophétique des événements futurs), on peut envisager que ce mystérieux personnage nous soit contemporain, à nous qui sommes dans ces "temps de la fin" annoncés par les Prophètes bibliques, ainsi que par le Seigneur lui-même.  

Daniel nous donne donc ici une double chronologie. La première est purement historique et va de l'invasion de la Perse à l'émergence de l'empire romain. La deuxième nous présente une échelle de temps beaucoup plus longue. Celle-ci débute, tout comme la première, avec le conflit gréco-perse, et s'achève dans ce qui est, pour Daniel, "des temps éloignés" (Daniel 8:26). Des "temps" qui sont, pour nous, aujourd'hui, extrêmement proches. Au vingt-et-unième Siècle, la Grèce ne présente plus une quelconque menace sur l'échiquier géopolitique. Par contre, "la Perse" (aujourd'hui l'Iran) y occupe un poste stratégique et présente un danger certain pour Israël comme pour d'autres nations souveraines. Ses relations avec la Russie, son attitude menaçante à l'égard des pays musulmans sunnites (l'Iran est en majorité chiite), laisse entendre qu'il jouera, jusqu'à la fin, un rôle important dans l'évolution des événements précédant le tout dernier conflit mondial : la Guerre de Gog, décrite par Ézéchiel (chapitres 38, 39 de son livre). Mais bien que les deux prophètes soient contemporains et qu'ils vivent tous deux à Babylone à la même époque, Daniel ne pouvait entrevoir alors la réalisation de ces événements prédits. Lorsque Daniel donne l'interprétation du rêve de la statue au roi Nabucadnetsar (Daniel 2), il ignore encore quels sont ces empires qui succéderont à celui du roi de Babylone. Lorsqu'il reçoit la vision des quatre bêtes (Daniel 7), Daniel sait que celle-ci vient compléter le songe du roi, et que les bêtes qu'il a vues correspondent chacune à l'un des quatre empires. Mais il en ignore toujours l'identité. Mais lorsque, deux ans plus tard, il reçoit la vision du bouc et du bélier (Daniel 8), l'identité de ceux-ci lui est alors révélée par l'ange (Daniel 8:20, 21). 
 


Un empire divisé    

"Quatre grandes cornes s'élevèrent pour la remplacer, aux quatre vents des cieux" (Daniel 8:8b). Gabriel donne à Daniel l'explication de cet épisode de la vision. "Les quatre grandes cornes qui se sont élevées pour remplacer cette corne brisée, ce sont quatre royaume qui s'élèveront de cette nation, mais qui n'auront pas autant de force" (Daniel 8:22). A la mort d'Alexandre le Grand, son empire fut divisé en quatre, au nombre de ses quatre généraux en chef : Cassandre régna sur la Macédoine (patrie d'Alexandre), Lysimaque, sur l'Asie Mineure (actuelle Turquie), Ptolémée 1er et ses successeurs régnèrent sur l'Egypte jusqu'en l'an -30 environ, et Séleucos régna sur la Syrie. Deux dynasties vont subsister : celles des Ptolémées et celle des Séleucides. La célèbre reine Cléopâtre, qui était d'origine gréco-syrienne, de la dynastie séleucide, épousa un membre de la dynastie des Ptolémées. Ceux-ci s'étant proclamés Pharaons, régnèrent sur l'Egypte. Cléopâtre devint ainsi reine d'Egypte par mariage, mais ni elle ni son mari, tous deux grecs d'origine, n'étaient égyptiens de souche (d'où la constante référence à son "nez grec" dans la BD d'Astérix). La très célèbre reine Cléopâtre va jouer plus tard un rôle important dans la passation de pouvoir entre le "troisième" et le "quatrième royaume" (la Grèce et Rome) dont fait mention le livre de Daniel. D'abord maîtresse de Julius César, elle le sera ensuite du bras droit de celui-ci, le consul Marc-Antoine qui étendra son pouvoir sur la partie orientale de la Méditerranée. La dynastie des Ptolémée s'éteint avec le suicide de la dernière reine d'Égypte après que la flotte de Marc-Antoine ait été vaincue à Actium, en l'an -31, par celle d'Octave, le neveu de Jules César. Rome (le quatrième empire, symbolisé, dans le songe de Nabucadnetsar par les jambes de fer (Daniel 2:33), pouvait alors prendre son plein essor. Octave devient empereur de Rome, et pénètre en vainqueur dans Alexandrie. Une nouvelle page de l'histoire de l'Égypte va se tourner. L'empire romain enjambe désormais la Méditerranée. Le pouvoir temporel vient de passer dans les "jambes de fer" (Daniel 2:33)

Pour des temps éloignés 

Alors qu'il est prostré sur le sol, terrassé par la vision, Daniel entend la voix de l'ange qui s'adresse à lui et lui dit : "Je vais t'apprendre ce qui arrivera au terme de la colère, car il y a un temps marqué pour la fin"(Daniel 8:19). Il ajoute, un peu plus loin : "car cette vision se rapporte à des temps éloignés" (Daniel 8:26b). Ces paroles de l'ange nous fournissent une clef pour la compréhension de cette vision. Celle-ci devra s'accomplir en des temps éloignés. Ces "temps de la fin" nous sont, très probablement, contemporains. Daniel en est averti : une interprétation "historique" de cette vision ne pourrait être qu'incomplète. Par ces mots, l'ange introduit, dans cette vision, une dimension eschatologique qui devra clôturer et conclure l'interprétation que l'on se doit de faire de ces textes. L'empire qui exercera son pouvoir "aux temps de la fin" sera une résurgence de cet "empire romain" qui, à l'heure où l'ange s'adresse à Daniel, n'existe pas encore (Daniel 7:7, 8). Si on les observe en perspective, les éléments de cette vision semblent se superposer. Là où il se situe dans l'échelle du temps, Daniel ne peut voir les événements prédits "qu'en esprit". L'ange lui fournit alors une "grille de lecture". En réalité, celle-ci ne sera vraiment utile qu'aux générations qui viendront, et qui pourront ainsi décoder les événements prédits à la lumière de l'Histoire. Dès l'introduction, l'ange dit à Daniel : "Sois attentif, fils de l'homme, car la vision concerne un temps qui sera la fin" (Daniel 8:17). De quelle "fin" s'agit-il ? Il est fait mention de "Le'èt qèts hèhâzôwn" (littéralement : pour le temps de la fin de la vision). On peut comprendre cette expression de deux façons. Premièrement, cette expression désignerait ce qui se produit à la fin de la vision. Deuxièmement, la vision concernerait les "temps de la fin". Laquelle faut-il choisir ? Y en a-t-il une qui prévaut sur l'autre ? Je pense que ces deux interprétations sont aussi justes l'une que l'autre. 

Il est ensuite demandé à Daniel de "tenir secrète cette vision car elle se rapporte à des temps éloignés" (Daniel 8:26). Or, il est fait mention, dans ce chapitre, de "la vision des 2300 soirs et matins" (Daniel 8:14). Cette expression désigne la période durant laquelle se déroulera cette vision. Il est à noter que, pour un hébreu, une journée commence et s'achève au coucher du soleil. Une journée "biblique" est donc, pour nous occidentaux, "à cheval" sur deux jours. En hébreu, le mot "yom" ("jour", au Singulier) ou "yamim" (au Pluriel) désigne tout autant "une journée diurne, une journée de 24 heures", qu' "une période de temps" plus ou moins longue. Cette expression ne laisse donc aucun doute sur la durée mentionnée ici (approximativement six ans et trois mois). On peut donc situer son accomplissement dans le temps. La période des Maccabées s'étend de l'an -167 à l'an -160. Le Temple devant être purifié à l'issue de cette période, correspondant à la prise de Jérusalem par l'armée des Maccabées et la restauration des sacrifices dans le Temple. 

Il est dit à Daniel que ces choses s'accompliront "dans un temps éloigné". Effectivement, un peu moins de quatre siècles vont s'écouler entre le moment où il reçoit la vision et celui où celle-ci va s'accomplir. Mais cette expression ne concerne-t-elle que cet épisode de l'Histoire, lorsque Jérusalem était sous la sandale de l'empire Séleucide ? Peut-être pas seulement. Bien plus tard, lorsque l'empire babylonien sera tombé aux mains des Mèdes, Daniel recevra à nouveau la visite de l'ange Gabriel (Daniel 9:21). La vision est datée de "la première année de Darius... de la race des Mèdes" (Daniel 9:1). Gabriel parle d'une période de temps, les fameuses "soixante-dix semaines d'années" (Daniel 9:25). L'ange annonce à Daniel que le "sacrifice perpétuel" (qui était pratiqué chaque jour dans le Temple de Jérusalem) prendra fin. Effectivement, en l'an 70 de notre ère, la famine sévissant dans la ville assiégée par les légions romaines de Titus, aucun animal ne pouvait plus être sacrifié sur l'autel des sacrifices. La ville sera prise et le Temple sera rasé jusqu'à ses fondations (Daniel 9:26b). Les troupes victorieuses planteront les insignes de leurs légions à l'endroit même où était autrefois le Saint des saints, le lieu le plus sacré du Temple (Daniel 9:27b). Cette ultime profanation du lieu saint par les Romains sera appelée "l'abomination de la désolation". Tout comme ce fut le cas pour désigner les actes sacrilèges d'Antiochus Épiphane, dans le Temple, lorsque les Grecs occupaient Jérusalem (voir à ce propos l'article "l'abomination de la désolation dont a parlé le prophète Daniel" sur ce blog).

Pour Daniel, la vision qu'il reçoit est à la fois un sujet de tristesse et de joie. De tristesse, parce qu' un tel événement ne peut qu'être déploré par le Judéen fervent qu'il est. Un sujet de joie également, car cela signifie que le Temple sera rebâti. Daniel venait justement de découvrir, dans les livres de Jérémie, que l'exil prendrait fin au bout de soixante-dix années (Daniel 9:2). Celles-ci prirent effectivement fin "la première année de Cyrus, roi de Perse" (2 Chroniques 36:22, 23). 

Ainsi, le chapitre 8 du livre de Daniel annonce le basculement de l'empire grec (8:23a) vers celui de Rome (8:23b). Ce "roi impudent et artificieux", ce peut être le général romain Pompée qui pénétra en Judée en l'an 63 avant notre notre ère, en réponse à la demande des Judéens, désireux de se débarrasser de l'envahisseur grec. Il existe plusieurs interprétations différentes de ces visions, et celle qui est présentée ici ne constitue que l'une d'elles. Et ce n'est là qu'une "lecture historique". En réalité, chaque générations a pu "lire" ces textes et y décrypter sa propre histoire. Car le livre de Daniel, bien qu'il décrive des faits historiques vérifiables, demeure également un livre prophétique. Ce qui signifie que, à chaque époque de l'Histoire, l'humanité a pu y voir le reflet de sa contemporanéité. Ce qui n'enlève rien au fait que des événements prédits, annoncés et arrêtés dans le temps doivent encore se réaliser. 

L'ange dit ensuite à Daniel : "Je vais t'apprendre ce qui arrivera au terme de la colère  car il y a un temps marqué pour la fin" (Daniel 8:19). Il y a un "temps fixé" (lemohêd qets) dans l'agenda prophétique et, de la même façon que ce qui avait été annoncé s'est accompli, ce qui doit encore arriver s'accomplira.

Le roi de Javan 

Ainsi, le texte nous apprend que "Le bouc c'est le roi de Javan" (Daniel 8:21). Mais qui était ce Javan ? Le livre de la Genèse nous dit que, à l'origine, Javan était un fils de Japhet, le fils aîné de Noé (Genèse 10:1, 2). Les descendants de Javan peuplèrent à la fois la Grèce (la partie continentale et les îles), l'Asie Mineure (aujourd'hui la Turquie) et la Syrie. Javan avait pour frères "Gomer, Magog, Madaï, Tubal, Mèschec et Tiras" (Genèse 10:2). Madaï engendra le peuple Mède, mentionné également dans le livre de Daniel comme peuple allié des Perses, qui tirent également leur origine de ce lointain ancêtre. Le conflit relaté dans ce chapitre 8 de Daniel nous conte celui de deux cousins, ou plutôt de la descendance de ceux-ci. Un conflit qui tire peut-être son origine d'une vieille querelle qui aurait opposé leurs ancêtres respectifs, alors que la postérité de Noé commençait à se répandre partout sur la Terre (Genèse 10:4, 5). 

Javan eut quatre fils : Elischa (dont les descendants vivaient dans les îles et dont les étoffes teintes étaient réputées, Ézéchiel 27:7), Tarsisa (dont les descendants fondèrent la ville de Tarsis). On situe généralement Tarsis en Espagne, mais il se peut qu'il s'agisse de région de Tarse (ville dont était originaire l'apôtre Paul, en Cilicie, aujourd'hui la Turquie). Kittim (l'île de Chypre) et Rodanim (l'île de Rhodes). Lorsque un texte prophétique mentionne le nom d'un patriarche, cela entend que ce qui est dit de lui inclut ses descendants. Ainsi, une lecture "historique" du texte permet d'identifier Javan comme la Macédoine d'Alexandre le Grand. Par contre, une lecture "eschatologique" (le chapitre 8 nous parle des "temps de la fin") se doit d'élargir ce terme aux descendants du petit-fils de Noé, impliquant ainsi plusieurs peuples différents, mais cousins. 

Le "Jour" de la colère  

Je reviens ici sur cette expression : "Je vais t'apprendre ce qui arrivera au terme de la colère, car il y a un temps marqué pour la fin" (Daniel 8:19), "car cette vision se rapporte à des temps éloignés" (Daniel 8:26). L'expression "au terme de la colère" désigne un temps qui verra la finalité et l'expression ultime de la colère de Dieu manifestée sur les nations. Le texte de Daniel ne cesse de passer d'un "temps" à un autre. Passé et Futur se rencontrent dans ce Présent de la révélation. Cette notion de "jour de la colère" est très ancienne. Elle était déjà connue au temps des Patriarches. Job, déjà, en fait mention (Job 20:28). La colère de Dieu s'est manifestée dans le désert, envers le peuple d'Israël (Deutéronome 9:7), mais un autre texte donne à ce thème une dimension eschatologique. A la fin de ce même livre du Deutéronome, il est dit : "En ce jour-là, ma colère s'enflammera" (Deutéronome 31:17). Le Deutéronome nous dit que le peuple d'Israël a excité la colère de Dieu depuis le jour où il est sorti d'Égypte jusqu'à son arrivée en Eretz Israël (Deutéronome 9:7). Ce "Jour de la colère", ce jour-là, dura donc... quarante ans !". Toute les spéculations sont alors possibles. Ces quarante années furent principalement un temps de mise à l'épreuve. Ce texte est un avertissement des conséquences encourues en cas d'endurcissement et de persévérance dans la désobéissance du peuple de Dieu, et des sanctions qui pourraient en découler. Cependant, l'expression "En ce jour-là" laisse automatiquement entendre une réalisation dans un temps futur éloigné, "aux temps de la fin", ou, comme le dit le texte, dans un "temps marqué pour la fin".  
 


La petite corne 

"Le bouc devint très puissant mais lorsqu'il fut puissant, sa grande corne se brisa. Quatre grandes cornes s'élevèrent pour la remplacer aux quatre vents des cieux" (Daniel 8:8). Nous sommes en l'an -537. Daniel sert à la cour du roi Belschatsar. Cette partie de la vision concerne un temps que l'on peut situer en l'an -323, date de la mort d'Alexandre le conquérant (la grande corne qui se brise), soit plus de deux siècles plus tard. A la mort du grand conquérant, son empire sera donc divisé en quatre selon le nombre de ses généraux en chef. Ceux-ci sont représentés dans la vision par "quatre cornes". "De l'une d'elles (l'une de ces quatre grandes cornes) sortit une petite corne qui s'agrandit beaucoup vers le Sud, vers l'Orient, et vers le plus beau des pays" (Daniel 8:9). L'ange donne à Daniel l'interprétation de ce passage de la vision. Il lui dit : "A la fin de leur domination (celle des quatre cornes représentant les quatre généraux d'Alexandre), lorsque les pêcheurs seront consumés (lorsque ceux-ci auront disparus), il s'élèvera un roi impudent et artificieux. Sa puissance s'accroîtra, mais non par sa propre force" (Daniel 8:24a). Les commentateurs ont vu, dans cette petite corne, l'apparition du fameux Antiochus Epiphane, issu de la dynastie Séleucide (-175 à -164). En quelques images, Daniel passe en revue des événements qui doivent se produire sur plusieurs siècles. La capitale du royaume séleucide était alors en Syrie et ce qui fut autrefois le royaume davidique d'Israël n'en était alors plus qu'une des provinces. Daniel le nomme cependant "le plus beau des pays". On peut imaginer, derrière ces mots, la nostalgie de sa patrie qu'il a quittée il y a plus de cinquante ans de cela, et dont il fut déporté alors qu'il n'était encore qu'un jeune adolescent. L'image idyllique qu'il s'en fait ne correspond malheureusement plus à la réalité du moment. Néhémie en fera le triste constat en retournant sur cette terre dont lui-même avait été exilé. Après le Retour de l'Exil, ce pays aura encore à souffrir sous la domination de cette "petite corne" qui y fera "d'incroyables ravages" (Verset 24). Cela est relaté dans les livres des Maccabées, dont l'action se passe durant l'époque intertestamentaire. C'est suite à la profanation du Temple par Antiochus Epiphane que les Maccabées se soulevèrent contre l'envahisseur grec. Profanation qui avait été annoncée dans le livre de Daniel au chapitre 11 (Daniel 11:31). Daniel ne recevra cette révélation-là que sous le règne de Darius le Mède, la première année de celui-ci (Daniel 11:1), c'est à dire à peu près sept ou huit ans après qu'il ait reçu la vision du chapitre 8.  

Dans ses "Commentaires" du chapitre 11, Scofield fait allusion aux Maccabées qui sont ainsi appelés "ceux du peuple qui connaîtront leur Dieu" et qui "agiront avec fermeté" (Daniel 11: 32b). Les "livres des Maccabées" sont intégrés dans le Canon de certaines Bibles (comme la Chouraqui), mais ne sont pas reconnus comme étant inspirés, comme le sont les soixante-six livres du Canon traditionnel biblique. Ils représentent cependant un intérêt certain en apportant des informations sur les événements survenus durant cette période intertestamentaire, le Nouveau Testament débutant son récit vers l'an -6 environ, c'est à dire une soixantaine d'années après que Rome ait envahi la terre d'Israël, en l'an -63. Soucieux de se libérer du joug de la Grèce, les notables et chefs du peuple judéen firent appel à Rome qui était devenue, entretemps, une puissance militaire montante. Répondant à cet appel, Pompée entra en terre d'Israël, qui devint alors province romaine. Par dérision, et peut-être dans le but d'humilier le peuple hébreu, les Romains rebaptisèrent cette province du nom de "Palestine", un mot dérivé du nom de l'une de ces ethnies qui l'occupèrent jadis : les Philistins.

Si "la petite corne" désigne prioritairement le personnage historique d'Antiochus Epiphane, on est en droit de penser que ce mystérieux personnage revêt également une autre identité. Il est donc fort probable que, "aux temps de la fin", on le voit réapparaître. C'est peut-être à cela que l'apôtre Paul fait allusion en mentionnant le personnage de "l'impie" (2 Thessaloniciens 2:8) dont l'avènement se fera, dit-il, "par la puissance de Satan, avec toutes sortes de miracles , de signes, et de prodiges mensongers" (2 Thessaloniciens 2:9). Celui que Paul appelle également "l'adversaire qui s'élève au dessus de tout ce que l'on appelle Dieu ou de ce que l'on adore jusqu'à s'asseoir dans le Temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu" (2 Thessaloniciens 2:4). Cet "impie", dont Antiochus n'était que l'ombre et  la préfiguration, viendra dans des "temps éloignés". Qui pourrait être ce mystérieux personnage, à l'aide de ce que nous disent les Écritures ? 

Le profil de la corne   

Le mot "mitstse'iyrah" (petite, insignifiante) n'apparaît qu'une seule fois dans les Ecritures. C'est donc l'une de ces caractéristiques, spécifique de ce personnage. Il n'y en a pas deux comme celle-là. C'est une information qui doit nous permettre de l'identifier. Une caractéristique qui correspond également à "l'impie" dont parle l'apôtre Paul. "Mitstse'iyrah" vient de "mits'ar" qui, dans les Ecritures, désigne quatre choses : une petite ville, un petit nombre d'hommes, une fortune modeste mais qui va s'accroître, et un temps assez bref. "Mits'ar" a pour origine le mot "tsa'ar". Un mot qui désigne "quelque chose ou quelqu'un d'insignifiant, de commun, qui croît difficilement", comme un enfant qui grandit mal, qui a des problème de croissance. Imaginons maintenant notre mystérieux personnage ayant une "enfance difficile", avec "un retard de croissance" qui, à cause de cela, aurait été considéré par son entourage comme une quantité négligeable. Je prends pour exemple le peintre Toulouse-Lautrec qui eut, dans l'enfance, une déficience de croissance des membres inférieurs. Devenu adulte, il était de petite taille, ayant des jambes plus courtes que la normale. De plus, son père ne pouvant admettre cet état de choses, l'abandonna ainsi que sa mère. On peut imaginer l'impact désastreux que cela put avoir sur l'image qu'il pouvait avoir de lui-même. Cela ne l'empêcha pas de devenir un peintre de renom. La comparaison avec ce peintre s'arrête là. Par contre, on peut imaginer que la "petite taille" de cet "impie" puisse conditionner sa mentalité, l'image défavorable qu'il peut avoir de lui-même (ce qui ne veut absolument pas signifier qu'une personne de petite taille a automatiquement une mauvaise opinion d'elle-même). Comme je l'ai dit plus haut, le mot "mitstse'iyrah" n'apparaît qu'une seule fois dans les Écritures, ce qui souligne un trait particulier de ce personnage. Yuri Gagarine, le premier homme à aller dans l'espace, mesurait 1 m 55. Charlie Chaplin, 1 m 65. Winston Churchill a mené l'Angleterre à la victoire du haut de son mètre soixante-sept. Le joueur de basket le plus petit de la très célèbre NBA, Tyrone "Muggsy" Bogues, ne mesure qu'un 1 m 60. Preuve que des hommes de petite taille peuvent réaliser de grandes choses. 

J'en reviens maintenant à "l'impie" associé à la "petite corne". à la lumière de ces éléments, un portrait en ombre chinoise apparaît. Un homme de petite taille, accompagné de quelques acolytes, provenant d'une ville sans importance, peut-être une petite ville de province, aisé sans être riche, mais dont la fortune va aller croissante, à l'image de sa renommée. Mais d'où vient-il ? "Quatre grandes cornes s'élevèrent … de l'une d'elles sortit une petite corne" (Daniel 8:8, 9). Ces "quatre cornes" sont initialement les quatre grandes "familles" qui vont se partager l'empire grec après la mort d'Alexandre. La "petite corne" va sortir de l'une de ces dynasties. Celle des Séleucides. Ces grandes familles sont issues du Monde Occidental. Deux d'entre elles, seulement, vont subsister. Celles-ci ont assis leur pouvoir en Afrique (les Ptolémées) et au Moyen-Orient (Les Séleucides). Historiquement, "la petite corne" (Antiochus Epiphane) est issu de la dynastie Séleucide, en Syrie. Par transposition, on peut donc conclure qu'il en sera de même de la "petite corne" qui doit venir dans le Monde "aux temps de la fin". Viendra-t-il de Damas ? Lorsque Nabucadnetsar a eu le songe de la statue, il a vu les quatre empires qui devaient subsister jusqu'à ces "temps de la fin". Le dernier était l'empire romain. Celui qui sévissait lorsque l'apôtre Paul a parlé de "l'impie qui devait venir". Mais cet "empire romain" là a disparu. Il devait cependant réapparaître, symbolisé dans le songe de la statue par les pieds de fer et d'argile. C'est donc sous l'égide de cet empire romain que cet "impie" viendra. Nous sommes aujourd'hui les contemporains de ce "nouvel empire romain", quel que soit son identité. Nous attendons l'apparition imminente de ce sinistre personnage. Mais peut-être est-il déjà sur la scène mondiale ? Il est à noter qu'un "Nouvel Empire Romain" devra se constituer, tout comme son prédécesseur. Ce devra être un agglomérat de nations soumises à un pouvoir central dont le siège sera situé dans une "nouvelle Rome". Il faut également tenir compte du fait que les "jambes" de la statue (Daniel 2) symbolisaient à la fois l'empire Romain d'Occident (dont la capitale était Rome), et l'empire Romain d'Orient (ayant pour capitale Constantinople, aujourd'hui Istamboul). C'est d'ailleurs de Constantinople que régnait l'empereur romain Constantin. Ce même empereur qui fit du christianisme une religion d'État, avec toutes les déviations que cela allait produire au sein de l'Église. L'Empire Romain d'Orient a, pour religion, le christianisme orthodoxe. Ce peut être un élément dont il faudra tenir compte (c'est, entre autres, la religion d'État en Russie, "le pays de Gog"). 

J'en reviens à ces "grandes cornes" (Daniel 8:5, 8). "Grandes" (Chazuth). Ce mot désigne "une position éminente, un accord", mais peut également désigner "une vision, un oracle prophétique, un pacte, une révélation". Ceci pourrait venir compléter le portrait dressé de cet "impie". Il occupera une fonction en vue, il disposera d'un certain pouvoir initial (puisqu'il est issu de l'une de ces grandes cornes). Il se peut également qu'il soit ce que l'on appelle un "visionnaire". Il présentera peut-être un plan d'action qui aura d'autant plus de mérite et d'efficacité qu'il aura été mis au point par ceux-là mêmes qui auront introduit la crise, le chaos, le désordre social. Probablement de culture occidentale (gréco-latine), mais né en Orient. De "religion" orthodoxe ? De petite taille. D'origine modeste. Issu d'une petite ville, dans une région peu connue. Le profil de la corne se précise. Il devrait bientôt sortir de l'ombre, mais peut-être est-ce déjà le cas ? 

Reconstruction du Temple

Jérusalem a été détruite par le roi Nabucadnetsar, et rien ne peut laisser supposer qu'elle puisse être un jour reconstruite. Sauf cette prophétie de Jérémie qui annonçait que soixante-dix années devaient s'écouler sur Jérusalem avant sa reconstruction (Jérémie 25:11, 12). Mais Daniel ne prendra connaissance de cette prophétie que bien plus tard (Daniel 9:2). Or, l'ange lui annonce que la petite corne "s'éleva jusqu'au chef de l'armée, lui enleva le sacrifice perpétuel et renversa le lieu de son sanctuaire" (verset 11). Il n'y a, à cette heure, plus aucun "sacrifice perpétuel" puisque le Temple est détruit. Si cette "petite corne" doit y mettre fin, c'est que celui-ci sera rétabli. Quand ? Comment ? Par qui ? Daniel l'ignore. Mais si cela est vrai, cela signifie que le Temple sera reconstruit. Une espérance vieille de plusieurs siècles, qui brille encore aujourd'hui dans le cœur de beaucoup de Juifs, comme il brûlait alors probablement dans le cœur de Daniel. Comme si le questionnement de Daniel avait été entendu, des anges se mirent à se parler l'un à l'autre. "J'entendis parler un saint, et un autre saint dit à celui qui parlait : Pendant combien de temps s'accomplira la vision sur le sacrifice perpétuel et sur le péché dévastateur ? Jusqu'à quand le sanctuaire et l'armée seront-ils foulés ? Et il me dit : deux mille trois cents soirs et matins. Puis, le sanctuaire sera purifié" (versets 13, 14). Le Temple fut, en effet, purifié par ces mêmes Maccabées qui réinstaurèrent le culte après avoir purifié rituellement le Temple. C'est à cette occasion que fut instituée la fête de Hanoucca (appelée, dans le Nouveau Testament, la "fête de la Dédicace" (Jean 10:22), qui commémore cet événement. Pour Daniel, tous ces événements étaient à venir. Pour nous, aujourd'hui, ils appartiennent au passé. D'autres événements doivent encore s'accomplir. Le crépuscule d'une ère annonce aussi l'aurore d'un Monde nouveau. 

Roi de Syrie

À la chute de l'Empire Ottoman, en 1918, Fayçal, un prince hachémite d'Arabie, monte sur le trône. Il devient le premier roi de Syrie. Les Français et les Britanniques se partagent le Proche et le Moyen-Orient. En 1922, la Syrie passe sous Protectorat français et ce, jusqu'en 1946. En 1971, Hafez-el-Hassad devient Président. Il le restera jusqu'à sa mort en l'an 2000. Son fils Bâcher-el-Assad lui succède à la tête de l'État. Il est le trentième chef d'État syrien depuis le roi Fayçal. La République Syrienne fut longtemps l'ennemi le plus acharné d'Israël, avec l'Iran. Aujourd'hui, le pays est déchiré par la guerre. Différentes factions s'y affrontent, chacune d'elles étant soutenue par une puissance étrangère. Alliée des Russes, elle accueille, sur son territoire, une base navale militaire, donnant ainsi, au Kremlin, un accès direct à la Méditerranée. Alliée de Gog, elle fera probablement partie de la coalition qui tentera d'envahir Israël, son ennemi juré depuis la création de l'État hébreu. Les dernières pièces se mettent en place sur l'échiquier géopolitique mondial. Le dénouement de l'Histoire des peuples est proche. Tout peut basculer très rapidement. Il ne faudrait qu'une étincelle pour mettre le feu aux poudres. De part et d'autres, des têtes nucléaires sont pointées vers leurs cibles. Cette "troisième Guerre Mondiale", si redoutée, semblait avoir été écartée depuis la fin de la "Guerre Froide" qui opposait alors Américains et Soviétiques. Actuellement, les forces de l'Otan se rapprochent des frontières russes, et le bras armé de l'Europe cherche de nouveaux alliés parmi les pays satellites de l'ex-empire soviétique. Mais l'ours de la Taïga s'est réveillé, et il grogne. Si une guerre devait survenir entre les deux blocs, elle ne pourrait être que de courte durée. Brève, mais destructrice. Gog fourbit ses armes. La guerre de Gog se rapproche à grands pas. L'Histoire marche vers sa fin. Y assisterons-nous ? 

JiDé

Daniel 8 : Un temps marqué pour la fin (deuxième partie)
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