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Rois d'Israël et de Juda : Asa et Baescha

Rois d'Israël et de Juda : Asa et Baescha

La vingtième année du règne de Jéroboam, roi d'Israël, Asa succéda à son père Abija et monta à son tour sur le trône de Juda. Son règne débuta par dix années de paix. Intègre et droit, et profondément attaché à l'Eternel, Asa entreprit de faire disparaître toute forme d'idolâtrie sur tout le territoire de son royaume, mais on continuait à adorer l'Eternel sur les haut lieux. "Asa fit ce qui est droit aux yeux de l'Eternel, comme David son père (son aïeul)", écrit l'auteur du livre des Rois. L'auteur des Chroniques ajoute : "il fit ce qui est bien et droit aux yeux de l'Eternel son Dieu". "Asa ordonna à Juda (au peuple de son royaume) de rechercher l'Eternel, le Dieu de  ses pères, et de pratiquer la loi et les commandements". Le pays fut en paix "parce que l'Eternel lui donna du repos". Nous sommes en l'an 911 avant notre ère. Un long règne de 41 ans s'ouvre devant lui.

Idolâtrie et réforme

"Asa fit ce qui bien et droit aux yeux de l'Eternel, son Dieu. Il fit disparaître les autels étrangers et les hauts lieux, il brisa les statues et abattit les idoles" (2 Chroniques 14:1). Asa fut un profond réformateur. Il s'appliqua à faire disparaître de son royaume toute forme d'idolâtrie. Il fit détruire toutes les idoles que ses pères y avaient introduites (1 Rois 15:12 / Deutéronome 16:21, 22). Cependant, on continuait à adorer l'Eternel sur les haut lieux (1 Rois 3:2 / 22:44). Avant la construction du Temple, à Jérusalem, les hauts lieux (bamowth) servirent de lieux de culte à l'Eternel (1 Rois 3:2). Leur usage en fut vite détourné, et ils servirent aux cultes de dieux étrangers : "Je ravagerai vos sanctuaires (dit Dieu), je ne respirerai plus l'odeur agréable de vos parfums" (Lévitique 26:31). Ces "autels", littéralement "des lieux de sacrifices" (mizbeowth) étaient utilisés pour des sacrifices d'animaux, mais on ne peut pas exclure le fait qu'ils aient également servi à des sacrifices humains : "Je mettrai vos cadavres sur les cadavres de vos idoles", dit Dieu (Lévitique 26:30). Une formule suffisamment évocatrice !

Les "hauts lieux" (bamowth) étaient généralement situés sur des montagnes, des collines (d'où leur nom). Les lieux de cultes païens étaient généralement de petits édifices, parfois ceinturés par un mur de pierre. L'autel, sur lequel étaient offertes les offrandes aux dieux, était généralement situé sur une plateforme surélevée afin que tous les participants puissent y assister. 

Asa fit également disparaître "les statues" (matstsebah). Matstsebah désigne un édifice en pierre, un monument, un autel, un temple dans lequel était dressée une statue. Et "Il abattit les idoles (asherah)". Asherah, c'est un pieu sacré. Il est généralement associé à la déesse Astarté. Ce texte détaille en réalité les éléments d'un complexe religieux, mais également les différentes formes d'idolâtrie que l'on pouvait trouver sur tout le territoire de Juda (mais n'en trouve-t-on pas de similaires partout dans le monde ?)

Baescha, roi d'Israël

L'année suivante, Nadab succéda à Jéroboam sur le trône du royaume d'Israël (le royaume du Nord), mais son règne ne dura que deux ans (1 Rois 15:25). Il perpétua le culte du veau d'or, instauré par son père. Dans la troisième année du règne d'Asa, roi de Juda, alors qu'il assiégeait la ville philistine de Guibbethon, Nadab (dont le nom hébreu signifie "généreux") fut assassiné par un certain Baescha ("méchant"), de la tribu d'Issaccar (1 Rois 15:27, 28). Baescha fit ensuite mourir tous les descendants de Jéroboam (1 Rois 14:14), accomplissant ainsi la parole que le prophète Achija de Silo avait prononcée contre Jéroboam et sa descendance (1 Rois 14:10 à 14 / 1 Rois 15:27 à30). Baescha monta sur le trône, et se choisit la ville de Thirtsa pour capitale. Il s'empara ensuite de la ville de Rama, à l'extrémité nord du royaume de Juda, sur le territoire de Benjamin (2 Chroniques 16:1) et la fit fortifier afin de faire cesser les incursions judéennes sur son territoire (1 Rois 15:17). Rama occupait en effet une position hautement stratégique car elle était située non loin de la ville de Béthel, sur le territoire d'Israël. Asa rassembla alors tout l'or du Temple et celui de la maison royale et fit appel à Ben Haddad, roi de Syrie, allié de Baescha, lui demanda de rompre son alliance avec le royaume du Nord pour se retourner contre lui. Opportuniste et vénal, Ben Hadad envahit alors le territoire de son ancien allié (1 Rois 15:18 à 21). Pris au dépourvu par ce soudain revirement, et comprenant l'enjeu de cette manigance, Baescha se retira de Rama et se replia sur Thirtsa (1 Rois 15:21, 33). Cette ville, renommée pour sa beauté au temps de Salomon (Cantique des Cantiques 6:4), demeura capitale du royaume du Nord jusqu'au règne d'Omri, qui lui préféra Samarie (1 Rois 16:23, 24). Ce qui peut laisser supposer que Thirtsa avait dû perdre, entretemps, de son faste et de sa beauté. Asa était alors dans la trente-et-unième année de son règne (1 Rois 16:23). 

L'expression : "Le reste des actions de... cela n'est-il pas écrit dans le livre des Chroniques des rois (d'Israël ou de Juda)", n'est pas à négliger. Une lecture attentive de ces textes apporte généralement un complément d'informations fort utiles pour une juste compréhension des événements relatés. Le livre des Chroniques apporte effectivement un de ces compléments à notre récit. 

"Dans ce temps-là" (2 Chroniques 16:7), c'est à dire juste après la reconquête de la ville de Rama avec l'aide des Syriens (2 Chroniques 16:2 à 6), "Hanani, le voyant (le prophète - 1 Samuel 9:9) alla auprès d'Asa, roi de Juda, et lui dit..." (2 Chroniques 16:7 à 9). Le prophète Hanani (le père du prophète Jéhu, qui prophétisera plus tard sur Baescha* - 1 Rois 16:1 à 7) alla trouver Asa, roi de Juda, et lui reprocha de s'être allié avec le roi de Syrie plutôt que de se confier pleinement en l'Eternel, son Dieu. "Mieux vaut chercher un refuge en l'Eternel que de se confier aux grands", dit le Psalmiste (Psaume 118:9). L'irritation d'Asa contre la sentence qui venait d'être énoncée à son égard se transforma en colère contre le prophète qui l'avait prononcée. Le roi ne se contenta pas de jeter le prophète en prison (littéralement "dans la maison du pilori"), il s'en prit également à des membres du peuple (2 Chroniques 16:10). Ceux-ci s'étaient-ils insurgé contre l'emprisonnement du prophète ? L'auteur ne nous en donne pas la raison. La guerre entre Asa et Baescha se poursuivit jusqu'au terme de la vie de Baescha (en -886 / 1 Rois 15:16).

Un détail, cependant, pose quelque peu problème dans ce récit. En effet, le récit des Chroniques date la bataille de Rama "la trente-sixième année du règne d'Asa" (2 Chroniques 16:1). Faut-il voir ici une "erreur de copiste" ? Faut-il lire : "La seizième année" ? L'auteur aurait-il voulu faire référence à un autre événement ? Cette date est beaucoup trop tardive pour être exacte, le début de règne d'Omri étant daté de la "trente et unième année d'Asa" (1 Rois 16:23). Une autre contradiction survient dans le récit. Les deux auteurs nous disent que "le cœur d'Asa fut tout entier à l'Eternel pendant toute sa vie" (1 Rois 15:14 / 2 Chroniques 15:17). Ce que contredit malgré tout le récit. Le prophète Azaria avait pourtant bien mis le roi Asa en garde : "L'Eternel est avec vous quand vous êtes avec lui. Si vous le cherchez, vous le trouverez, mais si vous l'abandonnez, il vous abandonnera" (2 Chroniques 15:2). Le prophète Hanani lui dit alors : "tu as agi en insensé, tu ne t'es pas appuyé sur l'Eternel ton Dieu", ce qui voulait également signifier : "ton cœur n'est plus entier pour ton Dieu !". Cet événement est daté de la "trente-sixième année du règne d'Asa" (2 Chroniques 16:1). Il nous est dit un peu plus loin (verset 12) que "la trente-neuvième année de son règne, Asa eut les pieds malades", et que "même pendant sa maladie, il ne chercha pas l'Eternel" et "il mourut la quarante et unième année de son règne" (verset 13). On peut donc en conclure que les cinq dernières années de sa vie, le cœur d'Asa n'était plus "entier pour l'Eternel". Ainsi, lorsqu'il est dit d'Asa que "son cœur fut tout entier à l'Eternel durant toute sa vie" (2 Chroniques 15:17), cela signifie qu'il le fut jusqu'à cette dernière guerre qui l'opposa à Baescha, et durant laquelle il mit sa confiance dans le roi de Syrie plutôt qu'en l'Eternel. Le texte ne nous informe pas sur l'âge d'Asa lorsqu'il monta sur le trône, mais on peut supposer que son cœur fut "entier à l'Eternel" bien avant qu'il ne devint roi. Dans ce cas, l'expression "toute sa vie" comporterait implicitement la période précédant son intronisation tout en occultant la fin. 

Le fait que le texte biblique puisse comporter quelques "anomalies" n'enlève rien à son inspiration. Les contradictions apparentes que peuvent parfois révéler une étude attentive du texte biblique trouvent souvent une explication plausible à la lumière d'autres textes, où d'informations extérieures, qui apportent alors une confirmation de l'authenticité et de la fiabilité du texte biblique. Comme il est simple de résumer toute une vie en quelques anecdotes, quelques lieux et quelques noms. De nos jours, une bonne biographie fait quatre cents pages avec notes, références, témoignages et documents officiels. Les Ecritures se montrent plus sobres. Elles nous rapportent les récits de ces rois en trois ou cinq chapitres maximum. Tout en étant concis, les textes fourmillent cependant de détails, d'informations, d'anecdotes. Ils survolent parfois des événements essentiels tout en développant des faits secondaires. Notre notion des priorités semble totalement étrangère à l'écrivain biblique. De même que les disparités apparentes entre "le livre des rois" et "le livre des Chroniques" n'infirment en rien la véracité des faits relatés. Cependant, l'assurance que ces textes ont été pleinement inspirés (dans leurs rédactions littérales) nous assurent de posséder l'essentiel des informations nécessaires pour leur compréhension.

Guerres entre Asa de Juda et Baescha d'Israël 

L'auteur du Livre des Rois et celui des Chroniques ne semblent pas en accord sur le déroulement des événements. L'un dit que "Il y eut guerre entre Asa et Baescha roi d'Israël, pendant toute leur vie (1 Rois 15:16, 32), l'autre que "il n'y eut point de guerre jusqu'à la trente-cinquième année du règne d'Asa" (2 Chroniques 15:19). Comment concilier ces deux propositions ? On pourrait y voir une forme "antique" de "Guerre froide" comme il y en eut une entre les Etats-Unis et ce qui était alors l'URSS. Un état "gelé" où les protagonistes demeurent sur leurs positions, prêts au combat, mais sans qu'aucun conflit ne survienne. On pourrait illustrer cela par ce qui suit : "Il n'y eut point de guerre jusqu'à la trente-cinquième année du règne d'Asa. La trente-sixième année du règne d'Asa, Baescha, roi d'Israël, monta contre Juda. Il bâtit Rama, pour empêcher ceux d'Asa, roi de Juda, de sortir et d'entrer" (2 Chroniques 15:19 / 16:1). Il s'agit bien ici d'un acte d'agression de la part du roi d'Israël à l'égard du royaume de Juda. Un acte qui est daté. Il est écrit plus haut que lorsqu'Asa succéda à son père Abija (ou Abijam), "de son temps, le pays fut en repos pendant dix ans" (2 Chroniques 13:23). Cette décennie  s'inscrit donc dans cette période de "paix relative". Toutes ces périodes s'inscrivent ensemble dans une durée de règne de quarante et une années pour Asa.

Ces dix années sont-elles consécutives, ou bien faut-il plutôt voir ce chiffre comme un cumul de périodes de paix d'inégales longueurs ? L'un des auteurs soulignerait ainsi l'état larvé d'un conflit qui ne se déclare pas vraiment. Une perpétuelle velléité d'agression mutuelle qui n'aboutit pas. L'autre appuyant sur l'absence de conflit armé. Ces deux points de vues rendant tous deux une même réalité mais sous deux aspects différents. Les deux rendraient ainsi "l'atmosphère du moment". L'un des observateur soulignant le fait que le pays (Juda) demeure dans une paix relative, et l'autre que les deux royaumes demeuraient dans un état d'alerte permanent, prêt à faire face à toute incursion ennemie sur son territoire. Les deux protagonistes considérant cet état figé comme étant un réel état de guerre. Ainsi, cette "contradiction" apparente trouve ici tout son sens. Les deux récits, loin de se contredire, seraient en réalité fortement  complémentaires. Resterait, cependant, à résoudre le problème de la datation de la "trente-sixième année" qui ne correspond pas à la chronologie. 

Une armée... pas si nombreuse

Lorsque l'on regarde le compte-rendu des effectifs militaires de l'armée d'Asa, on ne peut être que fortement surpris : "Une armée de trois cent mille hommes... deux cent quatre vingt mille de Benjamin..." (2 Chroniques 14:7). De tels chiffres sont bien évidement disproportionnés. Pour les comprendre, il nous faut, une fois de plus, tenir compte du vocabulaire du rédacteur. Le mot "mille" (eleph) peut désigner une compagnie ayant un chef à sa têtemais également "une famille". Lorsque Gédéon reçoit l'appel pour conduire le peuple au combat, il répond : "Ma famille (eleph) est la plus pauvre en Manassé" (Juges 6:15). On peut donc lire : "Une armée de trois cent 'familles' (ou clans familiaux) ayant un chef à leur tête... deux cent quatre-vingt 'familles' (ou clan familiaux)...". Ce qui est beaucoup plus crédible. En tenant compte que chaque clan familial ne comportait pas le même nombre de guerriers, le nombre global reste aléatoire. On peut donc voir, dans ce texte, un style littéraire imagé donnant l'impression d'un très grand nombre dont on veut louer le courage. Par exemple, lorsque David et Saül reviennent en vainqueur d'une bataille, on criait devant eux : "Saül a frappé ses mille et David ses dix mille" (1 Samuel 18:7). Cette hyperbole peut être comprise comme une façon de montrer la bravoure des guerriers, non de comptabiliser le nombre de soldats passés par le fil de l'épée. Ainsi, nous disons : "Je te l'ai déjà dix cent fois !" pour signifier qu'on l'a déjà répété à plusieurs reprises. Si la Bible est un livre inspiré, il n'en est pas moins un ouvrage rédigé par des hommes dans une langue et un contexte spécifique. Négliger cette approche, c'est courir le risque d'en "déformer" le sens. Ainsi, l'apôtre Pierre, parlant de personnes ayant une mauvaise compréhension des écrits de Paul parle de "ces choses dans lesquelles il y a des points difficiles à comprendre, dont les personnes ignorantes et mal affermies tordent le sens, comme celui des autres Écritures pour leur propre ruine" (2 Pierre 3:16). D'autre part, un lecteur sceptique pourrait avoir, en lisant ce texte de façon "littérale", une attitude incrédule. Mais son jugement omettrait pourtant de prendre en compte les styles littéraires d'une œuvre écrite au Moyen-Orient il y a quelques trois mille ans et plus. Une méconnaissance de ces éléments pourtant fondamentaux ne peut que fortement induire en erreur le lecteur non averti. 

Le récit fait également mention d'une armée innombrable qui se serait attaquée au royaume de Juda sans que le motif de cette tentative d'invasion ne soit donné par le rédacteur. Un certain "Zérach l'éthiopien" serait venu à la rencontre de l'armée de Juda avec "un million d'hommes" (2 Chroniques 14:8). Ici, "l'exagération" est si flagrante qu'elle force le lecteur à s'interroger sur la validité d'un mode de lecture littéral. "Eleph alaphim" ("un million" - littéralement : un millier de milliers). On retrouve le même vocable que précédemment (eleph), à la fois au Singulier et au Pluriel. Comme nous dirions : "des mille et des cents". Ayant vu une armée fort nombreuse qu'il ne peut dénombrer, il en donne une description imagée qui ne doit pas être prise à la lettre. L'usage de l'hyperbole est encore une fois, ici, évident. Une juste compréhension du texte nécessite cependant une connaissance du style littéraire utilisé par le rédacteur, au risque d'une compréhension erronée qui en défigurerait le sens. 

Zérach l'Ethiopien 

Il nous faut également nous interroger sur l'identité de ces "éthiopiens" dont fait mention le texte, et auxquels étaient associés des Libyens (littéralement des "Lubîm - 2 Chroniques 16:8). Les frontières qui délimitent, aujourd'hui, les pays africains n'existaient bien évidemment pas dans l'Antiquité. Notre texte parle-t-il bien d'une région d'Afrique correspondant géographiquement à l'Ethiopie actuelle ? Est-ce bien ce peuple qui aurait tenté d'envahir le royaume de Juda ? Dans quel but ? La raison de ce conflit n'est pas mentionnée. Admettons, maintenant, qu'une armée innombrable soit partie, mettons d'Addis-Abeba, la capitale actuelle de ce pays. Il aurait fallu, à cette armée de fantassins, parcourir plus de quatre mille kilomètres pour arriver jusqu'à Beer Schéba. Sans compter que, à moins que la Mer Rouge ne se soit ouverte à nouveau pour les laisser passer, il leur aurait fallu également traverser tout le territoire de l'Égypte du Sud au Nord, ce que n'auraient jamais toléré les Égyptiens. De plus, l'évocation "d'une multitude de cavaliers" (2 Chroniques 16:8) ne peut s'appliquer à une armée provenant d'Afrique subsaharienne. Cette hypothèse est donc irrecevable. L'armée qui s'est attaquée au royaume de Juda sous le règne d'Asa ne pouvait, en aucun cas, provenir d'Ethiopie. Dans les siècles passés, le terme "éthiopien" fut parfois utilisé pour désigner, de façon générique, les peuples d'Afrique noire. Il est d'ailleurs à noter que le mot "éthiopien" n'apparaît nulle part dans les textes originaux. Le choix de ce vocable ne relève que de la décision des traducteurs.

Il nous reste donc à tenter de redéfinir l'identité de cette armée sous la conduite de Zérach, dont fait mention le récit. Pour ce faire, il nous faut revenir au texte original. Celui-ci est nommé "zerah ha'koushi", que l'on pourrait traduire par "Zérach le kouschite". Le mot "kouschite" ne désigne cependant pas un peuple ou une ethnie en particulier, mais un ensemble de peuples ayant une racine commune. Les peuples kouschites sont heureusement connus, descendants d'un personnage biblique dont le nom est mentionné dans le livre de la Genèse : "Les fils de Cham (fils de Noé) furent Cusch (lire coush)... les fils de Cusch... Cusch engendra aussi Nimrod..." (Genèse 10:6 à 8). Cush était petit-fils de Noé. Pour ce qui est de l'orthographe de ces deux noms qui peuvent paraître dissemblables, "koushi" s'écrit en hébreu avec les lettres "kaph vav shin yod". "Cusch" s'écrit, lui : "kaph vav shin". Nous avons donc une information : ce "Zérach" dont nous parle texte est un Chamite (Genèse 10:6). Voyons maintenant la fratrie de Cusch : Mitsraïm (dont descendent les Égyptiens), Puth (dont proviennent les Libyens) et Canaan (ancêtre des peuples cananéens). La fratrie s'est donc installée sur le bassin méditerranéen. Les anciens Égyptiens appelaient effectivement "Cuschite" les peuples africains vivant au Sud de l'Égypte (le Soudan actuel). Mais les peuples issus de cet ancêtre commun se sont installés également sur le continent asiatique, de l'autre côté de la Mer Rouge, au Yémen actuel et dans le Sud de l'Arabie. Le mot "Cush", en hébreu, signifie "brûlé par le soleil". Certaines peuplades d'Arabie ayant effectivement la peau de couleur très foncée.

L'armée de Zérach le Cuschite 

"Les fils de Cusch", nous dit sa généalogie, sont "Saba, Havila, Sabta, Raema et Sabteca" (Genèse 10:7, 8 / 1 Chroniques 1:9). Le Dictionnaire Biblique nous dit que Saba ("Seba" dans le texte original) était "un peuple issu de Cush et habitant au Sud de l'Arabie. Saba étant une variante dialectale de Séba ou Sheba. Selon les inscriptions assyriennes, cette peuplade se trouvait, au VIIIème siècle avant Jésus-Christ, dans le Nord-Ouest de l'Arabie", ce qui étend considérablement l'espace qu'occupait cette ethnie. 

"Havila" désigne tout d'abord la région entourée par l'un des bras du fleuve de l'Eden (Genèse 2:10, 11) et donc à proximité de la Babylonie (l'Irak actuel). Le texte de la Genèse mentionne un "Havila", fils de Jokchan et frère d'Ophir (Genèse 10:29), descendant de Sem (Genèse 10:21). Ophir, à proximité d'Élat (aujourd'hui, à l'extrémité Sud de l'État d'Israël, sur le bord de la Mer Rouge) d'où, à l'époque de Salomon, on extrayait l'or (1 Rois 9:26 à 28 / 10:11). La Genèse fait également mention d'un "Havila" à proximité de Schur, "en face de l'Égypte", où demeuraient des descendants d'Ishmaël (Genèse 25:18 / 1 Samuel 15:7). Le dictionnaire biblique dit que : "On ne sait pas exactement jusqu'où s'étendait le désert d'Havila", mais le désert d'Arabie devait s'étendre sur plusieurs centaines de kilomètres jusqu'à proximité de l'Égypte (1 Samuel 15:7 / Genèse 25:18). 

"Sabta" est généralement identifié à Shabwat, dans le Sud de la péninsule arabique. Région dans laquelle on situe également "Sabteca" et "Raema" (ou Rama), dont font mention des inscriptions retrouvées à Séba, et qui situerait ce peuple au Sud-Ouest de l'Arabie. Ces peuples marchands (Séba et Raema) étaient associés, et marchandaient avec la ville de Tyr, en Phénicie (Ézéchiel 27:22).  

Si l'on veut respecter le texte, on ne peut donc que situer le pays de Cush sur le continent asiatique, sur les territoires de l'Arabie et de l'Irak actuels. Très loin du pays africain auquel se réfèrent nombre de traductions. Il est donc plus probable que cette armée qui s'est attaquée au royaume de Juda soit venue de ces contrées. Les deux armées se firent face dans la vallée de "Tsephatah près de Mareshah" (2 Chroniques 14:9). La ville de Mareshah, qui portait le nom de son fondateur (1 Chroniques 4:21), fut attribuée à la tribu de Juda lors du partage, à l'époque de Josué (Josué 15:44). Elle fut fortifiée à l'époque de Roboam (2 Chroniques 11:5, 8, 11, 12). C'est donc une armée innombrable qui s'avance contre Asa et son armée. "Asa invoqua l'Eternel, son Dieu" devant cette "multitude" qui se présentait devant lui (2 Chroniques 14:10,11). Mais l'Eternel prit la défense du royaume de Juda contre ses adversaires, pourtant beaucoup plus nombreux. "L'Eternel frappa les kushîm... et les kushîm prirent la fuite..." (2 Chroniques 14:11). Le texte nous dit ensuite qu'Asa et son armée les poursuivirent jusqu'à la ville de Guérar (2 Chroniques 14:12). Asa et ses hommes pillèrent la ville ainsi que les villes environnantes "car la terreur de l'Eternel s'était emparée d'elles" (2 Chroniques 14:13 / Deutéronome 11:25). Selon le livre de la Genèse, Guérar était une ville frontalière du pays de Canaan, où vivaient des descendants de Cham, dont il a été fait mention plus haut comme étant le père de Cusch (Genèse 10:6, 19, 20). Guérar devint plus tard une ville philistine, à proximité de Gaza (également philistine). Or, pourquoi le roi de Judée et son armée, poursuivant leurs ennemis en déroute, s'en seraient-ils pris à ces villes ? Pourquoi ceux-ci s'y seraient-ils réfugiés ? Ne serait-ce pas justement parce que ces Cuschites en étaient originaires ? Ce qui en expliquerait le pillage (2 Chroniques 14:13, 14). Asa et son peuple en ramenèrent d'ailleurs "des brebis et des chameaux" (verset 14), le chameau étant un animal familier de ces contrées du Moyen-Orient, d'où provenait cette "multitude" qui s'en était prise au royaume de Juda, et qui ne pouvait être constituée que de peuples alliés s'étant associés pour s'attaquer à ce qu'ils considéraient comme un ennemi commun. Des peuples qui avaient une même ascendance et qui provenaient donc de ces régions mentionnées ci-plus haut. 

L'armée qui marche à la suite de Zérach est fort nombreuse, mais composite. Constituée de peuples divers, ayant chacun à leur tête un ou des chefs. Des groupes armés ont pu se joindre à la troupe de départ, grossissant ainsi ses effectifs. Une telle coalition n'est pas sans rappeler celles des pays qui se liguèrent contre le tout nouvel Etat d'Israël quand il fut fondé, le 14 mai 1948. Mais tout comme Asa implora le secours de Dieu, Israël chercha le secours de l'Eternel (2 Chroniques 14:10) et il fut délivré de ses ennemis. 

"Zérach sortit contre eux avec une armée d'un million d'hommes et trois cents chars et il s'avança jusqu'à Maréscha (à la tête)". Zérach a choisi le lieu de la confrontation pour signifier qu'il est celui qui se tient "à la tête" de cette puissante armée coalisée. Maréscha était à la frontière Sud du territoire de Juda, à la limite du territoire d'Edom (Josué 15:21, 44 / 1 Chroniques 4:21). A l'époque hellénistique, elle porta le nom de Marissa, et était alors habitée par des Edomites ("Antiquités", Flavius Josèphe). Elle fut détruite par les Parthes en l'an 40 avant notre ère.

Face à cette armée, Asa était "à la tête" d'une "armée de trois cent mille hommes de Juda portant le bouclier et la lance, et de deux cent quatre-vingt mille de Benjamin, portant le bouclier et l'arc, tous vaillants hommes" (2 Chroniques 14:7). Ici encore, il faut considérer les nombres selon le même principe que pour l'armée de Zérach. "Shelosh mê'ôwt eleph" (trois cent groupes d'hommes armés conduits par un chef)Les groupes de guerriers se tenaient généralement par clans tribaux ou familiaux. Le nombre de guerriers dans un groupe pouvait varier considérablement selon l'importance plus ou moins grande du clan, mais chaque "famille" représentait une force qui, jointe à celles des autres groupes, en démultipliait l'impact, le courage et la vigueur. On peut cependant imaginer une forme de rivalité entre les différentes factions, chacune voulant montrer sa force et son courage pour l'honneur de son clan. 

Les guerriers de Benjamin formaient, pour leur part, une troupe d'archers portant le bouclier. Il n'est pas aisé de tirer à l'arc avec un bouclier. Par contre, ce détail nous informe sur la stratégie utilisée par ce corps de "vaillants guerriers". L'usage du bouclier leur permettait de se tenir à une relative proximité de l'adversaire tout en se préservant des flèches adverses. Cette proximité permettait un tir plus précis tout en préservant la vie des soldats. Il se peut même qu'ils se soient inspirés de cette technique utilisée par les archers babyloniens, consistant à former une équipe de deux archers. L'un portant et maintenant le bouclier, l'autre tirant les flèches. Ces petits détails sur lesquels on ne s'attarde que fort rarement nous fournissent pourtant une foule d'informations quant à la façon de combattre des benjamites. Cela nous permet également de constater que cette tribu, qui faillit être décimée à l'époque des Juges (Juges 21:3, 17), s'était reconstituée et présentait tout à nouveau une force militaire non négligeable (Juges 20)
 

Archers Babyloniens

"Asa marcha au devant de lui, et ils se rangèrent en bataille dans la vallée de Tséphata, près de Maréscha" (2 Chroniques 14:9). Tséphata signifie "la tour de guet". Les deux armées se font face à la "tour de guet". Une façon de se jauger, de juger des forces adverses. Asa invoqua l'Eternel (2 Chroniques 14:10) et Dieu leur donna la victoire malgré la supériorité en nombre de leurs adversaires (versets 11, 12). Ce fut une "bataille de l'Eternel" (verset 12). "Ils frappèrent toutes les villes des environs de Guérar... et ils pillèrent toutes les villes, dont le butin fut considérable" (verset 13). Guérar était autrefois une ville cananéenne, à proximité de Gaza (Genèse 10:19 / 2 Chroniques 14:13). La ville devait sa grande prospérité à son emplacement privilégié sur une importante route caravanière reliant l'Arabie à l'Egypte.  

Un juste combat

Peu de temps après que le roi de Juda ait vaincu la coalition cuschite qui s'était liguée contre lui, un prophète de l'Eternel vint à lui, porteur d'un message. Azaria, fils d'Oded, fut rempli de l'Esprit de Dieu et il alla au devant d'Asa (2 Chroniques 15:1, 2). Son message était un encouragement pour tenir ferme devant ses ennemis, mais également pour que lui et son peuple demeurent fidèles à l'Eternel (2 Chroniques 15:2 à 7). Cette bataille avait démontré au peuple la présence du Dieu d'Israël à leurs côtés. Mais le message d'Azaria (appelé ensuite par le nom de son père : Oded - verset 8) est aussi, pour Asa, un encouragement à poursuivre la Réforme en profondeur. Une première étape avait été d'éradiquer l'idolâtrie du pays, la seconde devait consister à un Retour à leur Dieu. Cette prophétie eut un certain retentissement qui ne fut pas sans conséquences pour le royaume d'Israël. En effet, l'écho de celle-ci vint jusqu'aux oreilles des israélites et "un grand nombre de gens d'Israël (d'Ephraïm, de Manassé et de Siméon) se joignirent à lui (à Asa) lorsqu'ils virent que l'Eternel, son Dieu était avec lui" (2 Chroniques 15:9)

Dans ce contexte, on pourrait envisager que l'hostilité de ces peuples Cuschites, qui s'en étaient pris au royaume de Juda, pourrait justement avoir pour origine la destruction de toutes les représentations de ces divinités qui étaient également les leurs (1 Rois 14:24 / Deutéronome 18:9). Un épisode du livre des Actes pourrait ainsi être évocateur de ce récit : l'émeute d'Éphèse (Actes 19:23 à 20:1). La proclamation de l'Évangile, et surtout la croissance du nombre de disciples qui se détournaient des sciences occultes (Actes 19:17 à 20), inquiéta le syndicat local des fabricants d'idoles (versets 23 à 28). L'affaire prit tant d'ampleur que "toute la ville fut dans la confusion" (verset 29). La foule se réunit au théâtre d'Éphèse (qui pouvait accueillir plus de 24 000 personnes), et scandait le nom de sa divinité favorite dont elle croyait la réputation entachée (versets 28, 31, 32, 37). Lorsque le calme fut revenu, Paul réunit les disciples, les exhorta une dernière fois, puis il reprit sa route (Actes 20:1). La tentative d'invasion des peuples Cuschites aurait-elle pu être une réaction à ce qu'ils considéraient comme une atteinte à la renommée de ces divinités qui leur étaient communes ? La véracité de cette hypothèse pourrait expliquer pourquoi le rédacteur du livre des Chroniques aurait associé ces deux épisodes sans liens directs (l'éradication de l'idolâtrie et la guerre contre Zérach), dans son récit. 

Poursuivant l'analogie entre l'épisode d'Éphèse et la finalité du conflit avec les Cuschites, on pourrait également voir, dans l'attitude de Paul à l'égard des disciples, une similitude avec celle du prophète Azaria, encourageant Asa et son peuple à s'attacher à l'Eternel. Même si l'intervention du prophète est courtement mentionnée, son impact fut grand et ses répercussions, profondes. Cette victoire de l'Eternel eut également pour effet de ramener, au culte de l'Eternel, des membres des tribus d'Ephraïm, de Manassé et de Siméon qui quittèrent le royaume d'Israël pour se joindre au royaume de Juda, à Jérusalem, où l'autel de l'Eternel avait été restauré (2 Chroniques 15:8 à 10). Le peuple de Juda entama un véritable Retour à l'Eternel. Asa se fortifia et fit disparaître les abominations de "tout le pays de Juda et de Benjamin, ainsi que dans les villes qu'il avait prises dans la montagne d'Ephraïm" (2 Chroniques 15:8). Ce qui montre que les racines de l'idolâtrie n'avaient pas tardé à repousser après qu'il les ait arrachées. On comprend qu'Asa ait pu se décourager et peut-être baisser les bras devant l'ampleur de la tâche. "Après avoir entendu ces paroles (d'Azaria / Oded), Asa se fortifia" (2 Chroniques 15:8). En effet, le prophète avait achevé son discours par ces mots : "Ne laissez pas vos mains s'affaiblir" (verset 7). Fort de ces encouragements, Asa prit une décision qui dut certainement lui coûter. 

La reine-mère

"Le roi Asa enleva même à Maaca, sa mère (en fait, sa grand-mère) la dignité de reine, parce qu'elle avait fait une idole pour Astarté. Asa abattit son idole, qu'il réduisit en poussière, et la brûla au torrent du Cédron" (2 Chroniques 15:16 / 1 Rois 15:13)Astarté est assimilée à la déesse babylonienne Ishtar, principe féminin de la fécondité dans toute l'Asie Occidentale (Le Moyen-Orient actuel). Elle porte également le nom d'Asherah ou Achérah (la dame de la mer) et est associée à la déesse Tammouz. Elle est également associée à l'Adonis des Grecs et à l'Osiris des Egyptiens. Couplée au dieu Baal, elle est protectrice du souverain, et associée à Vénus et à la lune, elle est considérée à la fois comme vierge et déesse-mère. On retrouve, dans son culte, des éléments similaires à celui d'Aphrodite. A l'époque de Roboam, le mari de Maaca, l'idolâtrie s'était répandue dans tout le pays (1 Rois 14:22 à 24) et il s'y pratiquait "toutes les abominations des nations" (verset 24). Il est fort probable que le culte de la déesse Astarté en faisait partie. Les pratiques idolâtres de la grand-mère du roi Asa dataient très probablement de cette époque. Elle n'y avait jamais renoncé malgré les efforts produits par son petit-fils pour éradiquer toute forme d'idolâtrie dans le pays. Elle dut finalement s'y résigner, mais cela lui coûta sa place au palais et tous ses privilèges (1 Rois 15:13). 

Maaca avait été l'épouse de Roboam, roi de Juda, ainsi que la mère d'Abija, le père d'Asa, et elle avait conservé son titre de reine-mère durant les quinze premières années du règne d'Asa (2 Chroniques 15:10). L'auteur du livre des Rois nous dit que "Asa régna sur Juda. Il régna quarante et un ans à Jérusalem. Sa (grand-mère) s'appelait Maaca, fille d'Absalom" (1 Rois 15:9, 10). Plus probablement la petite-fille d'Absalom, l'un des fils du roi David. Son idolâtrie ne perturba nullement ni son mari (Roboam), ni son fils (Abija), tous deux également profondément idolâtres (1 Rois 15:12). Cependant, Asa n'osa jamais contrer sa grand-mère qui avait, derrière elle, une longue expérience de la cour et de ses intrigues. Bien qu'il ait tenté d'éradiquer l'idolâtrie de son royaume, il ne put, jusque là, l'ôter de son propre palais. Mais le message du prophète Azaria provoqua, chez le roi, un regain de courage et de détermination. L'auteur du livre des Rois fait mention de cet épisode juste après avoir mentionné son intronisation (1 Rois 15:9, 10, 13), mais le livre des Chroniques resitue cet épisode dans la chronologie des événements : après avoir cherché l'Eternel de tout son cœur et avoir pris la résolution de poursuivre la destruction de toutes les idoles présentes sur le territoire (2 Chroniques 15:12 à 15). Y compris celle qu'avait fait réaliser sa grand-mère. La version Semeur parle d'une "idole obscène" (1 Rois 15:13). Le texte hébreu est beaucoup plus précis. Il utilise même un terme qui n'est présent nulle part ailleurs dans les Écritures en faisant mention de  "miphletseth, une chose affreuse, hideuse, répugnante". La racine de ce mot (palats) signifie "trembler". Ce mot n'apparaît que deux fois dans le récit biblique, et seulement pour désigner l'idole de Maaca (1 Rois 15:13 / 2 Chroniques 15:16). La laideur repoussante de cette idole devait faire trembler. 

L'idolâtrie : La faiblesse des rois

Si Maaca a pu jouer de son influence à la cour, son mari Roboam était, aux dires d'Abija leur fils, "jeune et craintif" (2 Chroniques 13:7) lorsqu'il devint roi. Ainsi, la dureté qu'il opposa aux requêtes des dix tribus pourrait fort bien avoir manifesté une certaine faiblesse de caractère, ainsi qu'un manque de maturité, bien qu'il ait eu quarante-et-un ans lorsqu'il monta sur le trône. Cependant, par la pratique du métier de roi, il "s'affermit dans Jérusalem et régna" (2 Chroniques 12:13). Il est à noter ici le contraste entre sa dureté envers le peuple (2 Chroniques 10:13, 14) et la faiblesse apparente (selon les dires de son propre fils) de son caractère. Il est cependant évident qu'il était alors, tout au moins au début de son règne, fort influençable (2 Chroniques 10:10, 11 et 14). Bien qu'il ait été fils de roi, Roboam ne disposait ni de la force de caractère, ni de la sagesse proverbiale de son père. Encore moins de la spiritualité de son grand-père David. Bien que les rois Hébreux aient eu des guerres, leur pire ennemie, qu'ils l'aient eux-mêmes pratiquée ou qu'ils l'aient combattue, ce fut l'idolâtrie. 

La première représentation que l'on puisse s'en faire, serait toute forme de vénération de faux dieux sous quelque forme que ce soit : statues, statuettes, objets pieux, ou tout objet qui puisse être utilisé comme support pour une quelconque forme de spiritualité. Les illustrations bibliques nous fournissent des images d'objets censés représenter des divinités vénérées autrefois par les peuples de la Bible. Le lecteur de la Bible aurait tendance à penser que ce sujet ne le concerne pas, et que sa spiritualité est totalement dénuée de ce genre de pratique. Mais alors, pourquoi l'apôtre Jean écrit-il : "Petits enfants, gardez-vous des idoles" (1 Jean 5:21) ? Lorsque la Bible parle d'idoles, de quoi parle-t-elle exactement ? Les textes du Nouveau Testament y font peu référence. Le mot grec utilisé pour la désigner est "Eidelon", que l'on traduit par "une image, une ressemblance, ce qui représente la forme d'un objet (réel ou imaginaire)", mais ce mot peut également désigner "les ombres des défunts, les apparitions, les spectres et autres fantômes". On pourrait donc entendre cette recommandation de l'apôtre Jean comme suit : "Petits enfants dans la foi, gardez-vous de toutes formes d'occultisme, de contact avec le monde des ténèbres, sous quelque forme que se soit". Une saine recommandation, particulièrement dans les temps troublés et obscurs dans lesquels nous vivons. La statue qu'avait fait dresser Maaca, l'épouse de Roboam, était "hideuse, affreuse et répugnante". Tout comme le sont bien des représentations de personnages de fiction dont beaucoup de nos contemporains nourrissent leur imaginaire. 

La maladie du roi 

 Profitant d'une période de paix et redoutant peut-être une récidive hostile de ses ennemis, Asa bâtit des places fortes et des fortins dans le pays de Juda (2 Chroniques. 14:5,6). Comme le dit un proverbe : "Si vis pacem, para bellum : Si tu veux avoir la paix, prépare la guerre". La guerre avec Baescha et le royaume du Nord se perpétua durant toute la vie de Baescha (jusqu'en l'an 886 avant notre ère)

L'auteur du Livre des Rois nous apprend que, "à l'époque de sa vieillesse, (Asa) eut les pieds malades" (1 Rois 15:23).  Après trente-neuf ans de règne, Asa (dont le nom signifie "guérisseur, médecin") se mit à "souffrir des pieds". Souffrait-il de la goutte ? De rhumatismes articulaires ? "Au point", nous dit encore le rédacteur des Chroniques, "d'en éprouver de grandes souffrances". Et il ajoute : "Même pendant sa maladie, il (Asa) ne chercha pas l'Eternel, mais il consulta les médecins" (2 Chroniques 16:12). Le mot "barophîm" (littéralement "ceux qui guérissent") laisse entendre une certaine efficacité. Leur science fut toutefois inefficace pour soulager le roi de son mal. Il ne chercha cependant pas l'Eternel pour en guérir. Avait-il gardé un grief contre son Dieu depuis que Celui-ci lui avait envoyé un prophète pour lui reprocher de s'être allié avec les Syriens ? Asa a négligé le secours que l'Eternel aurait pu lui apporter. Bien plus tard, et dans d'autres circonstances, le prophète Esaïe dira, de la part de l'Eternel : "Jusqu'à votre vieillesse, je serai le même, jusqu'à votre vieillesse, je vous soutiendrai. Je l'ai fait, et je veux encore vous porter, vous soutenir et vous sauver" (Esaïe 46:4). 

Réunis à ses pères

Rédigeant l'"éloge funéraire" du roi Asa, l'auteur du Livre des Rois parle de ses "exploits et de tout ce qu'il a fait", des "villes qu'il a bâties", mentionnant également que d'autres informations pouvaient être consultées "dans le livre des Chroniques des rois de Juda" (1 Rois 15:23,24 / 2 Chroniques 16:13, 14). "Asa  se coucha avec ses pères et il mourut la quarante et unième année de son règne" (2 Chroniques 16:13). Cette formulation particulière ("il se coucha avec ses pères") fait référence aux pratiques d'inhumation en usage durant de longs siècles par les Hébreux. Le caveau était composé de deux chambres mortuaires. À son décès, le corps était déposé dans la première jusqu'à décomposition complète du corps. Les os étaient ensuite "réunis" et ajoutés à ceux de ses aïeux, posés indistinctement les uns sur les autres dans la deuxième chambre appelée "ossuaire". D'où l'expression usuelle : "être réuni à ses pères"

Asa fut, toute sa vie, fermement attaché à l'Eternel, contrairement à Salomon, Roboam et Abija, qui furent, eux, profondément idolâtres. Dans la mort, le sort du Juste rejoint cependant celui de l'impie. Les os d'Asa le Réformateur furent ajoutés à ceux de ces rois idolâtres, qui n'en étaient pas moins ses pères. Mais l'auteur ne manque pas d'ajouter : "Il fut enterré avec ses pères dans la ville de David, son père" (1 Rois 15:11, 24). La référence à David, le roi que Dieu aimait, le "père de la nation", est une façon de signifier sa filiation spirituelle. Dans sa "généalogie", Matthieu écrit : "Isaï engendra David ; le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie ; Salomon engendra Roboam ; Roboam engendra Abia (Abija) ; Abia engendra Asa ; Asa engendra Josaphat ; Josaphat engendra..." (Matthieu 1:6 à 8). Justes et impies sont ainsi indistinctement nommés. 

L'homme passe, la fonction reste. Ce ne sera cependant pas la fonction qui sera jugée, mais la manière dont l'homme l'aura occupée. Le cœur d'Asa fut donc "entier à l'Eternel", mais la fin de son existence ne le trouva pas empreint de cette même ferveur. Peut-être étaient-ce le poids écrasant de la gouvernance, la politique, la vie de cour qui eurent raison de sa détermination première. Le texte ne nous le dit pas. Il nous informe cependant que "pendant sa maladie, il ne chercha pas l'Eternel mais il consulta les médecins" (2 Chroniques 16:12). Doit-on y voir une forme de déréliction qui lui fit croire que Dieu s'était détourné de lui ? Cela semble être une constante biblique dans la pratique du métier de roi. La pratique du pouvoir semble incliner le cœur des monarques loin des priorités les plus essentielles. Malgré tout le zèle qu'Asa put déployer pour éradiquer l'idolâtrie de son royaume, les hauts lieux ne disparurent toutefois pas complètement. Ils perdurèrent encore durant le règne de Josaphat, son fils (1 Rois 22:41, 44), bien que Josaphat ait calqué sa ligne de conduite sur celle de son père

Prophétie de Jéhu sur Baescha

La vingt-sixième année de règne d'Asa, roi de Juda (1 Rois 16:8), le prophète Jéhu, fils du prophète Hanani, vint trouver Baescha, roi d'Israël, pour lui annoncer le jugement que Dieu allait porter sur sa maison (1 Rois 16:1 à 4). Le prophète Hanani, le père du prophète Jéhu, s'était rendu auparavant auprès d'Asa, roi de Juda, pour lui reprocher son alliance avec les Syriens en vue de combattre Baescha. Cela lui avait valu d'être jeté en prison. Il se peut que son père y était encore lorsque Jéhu se rendit auprès du roi d'Israël. Jéhu était donc parfaitement conscient des risques encourus. Le prophète dit à Baescha, roi d'Israël : "Tu as marché dans la voie de Jéroboam (le culte des veaux d'or de Bethel et de Dan, et l'instauration d'une sacrificature "laïque" - 1 Rois 12:28 à 32)""et tu as fait pécher mon peuple d'Israël, pour m'irriter par leurs péchés" (1 Rois 16:1, 2). Le reproche est sévère, la sentence l'est tout autant : "Voici, je vais balayer Baescha et sa maison, et je rendrai ta maison semblable à la maison de Jéroboam, fils de Nebath. Celui de la maison de Baescha qui mourra dans la ville sera mangé par les chiens, et celui des siens qui mourra dans les champs sera mangé par les oiseaux du ciel" (1 Rois 16:3, 4). 

On notera une différence de conjugaison au beau milieu de son discours. Tout d'abord, Jéhu s'adresse directement à Baescha : "Tu as...". Il poursuit en parlant de Baescha (à qui il s'adresse) à la troisième personne : "Je vais Balayer Baescha...", comme s'il parlait de quelqu'un d'autre. Puis il s'adresse à nouveau à lui directement : "Et je rendrai ta maison...". Jéhu reprend, et conclut, en parlant à nouveau à la troisième personne : "Celui de la maison de Baescha...". Quelle étrange façon de s'adresser à quelqu'un !! Lorsque Jéhu va trouver Baescha, roi d'Israël, il est déjà rempli du message qu'il doit lui adresser. Ce message, il l'a reçu de Dieu. Il est ancré en lui. Jéhu va alors alterner en citant les paroles que Dieu lui a dites pour Baescha, et celles qu'il lui adresse personnellement de la part de Dieu. C'est aussi, pour le prophète, une façon d'attester que ce qu'il est en train de dire est véritablement un message que Dieu lui a confié pour son interlocuteur. Puisque Baescha a "marché dans la voie de Jéroboam", sa famille connaîtra le même sort que son prédécesseur. Cette même menace tombera plus tard sur le roi Achab, par la bouche du prophète Élie (1 Rois 21:17 à 22). Quelle est cette menace ? Elle avait été annoncée, à la femme de Jéroboam, par le prophète Achija de Silo (1 Rois 14:6 à 11). Les membres de sa famille mourront dans des circonstances brutales, et ne connaîtront pas de sépultures. Leurs corps seront mangés par les bêtes avant qu'on ne découvre leurs dépouilles.

Baescha mourut et fut enterré à Thirstsa, et Ela, son fils, régna à sa place. L'auteur du livre des Rois nous dit que "Baescha se coucha avec ses pères, et il fut enterré à Thirtsa" (1 Rois 16:6). Bien qu'il ait été roi, Baescha ne disposait pas d'un tombeau royal, ayant pris le pouvoir par un "coup d'État" mais n'étant pas, lui-même, de descendance royale. Il fut donc "réuni à ses pères" dans le lieu où ceux-ci avaient été inhumés. Un lieu qui devait être des plus simples, Baescha étant issu d'un milieu fort modeste, comme le lui avait rappelé le prophète Jéhu de la part de l'Eternel. 

Rappelle-toi et repens-toi

Si Jéroboam avait été "élevé du milieu du peuple" (1 Rois 14:7), Baescha, quant à lui, avait "été élevé de la poussière" (1 Rois 16:2 / Genèse 2:7 / Ecclésiaste 3:20). Une façon de lui rappeler qu'il était d'une extraction encore plus modeste que son prédécesseur sur le trône d'Israël (Psaume 113:7). Pour être pourtant, tout comme Jéroboam, "établi chef de mon peuple, Israël" (1 Rois 14:7; 16:2). Il est à noter l'expression "mon peuple, Israël". Aux yeux de Dieu, le royaume du Nord demeurait le peuple de Dieu, malgré le fait qu'il se soit dissocié du royaume de Juda et de la "maison de David". De même qu'avec le temps, les disciples issus des nations se sont dissociés de Jérusalem, et de son église-mère (voir, à ce propos, les articles sur le livre des Actes, sur ce blog). Et de même que Dieu a adressé de sévères réprimandes aux rois d'Israël (le royaume du Nord), de même Il en a adressé également à son Église. Le Seigneur adressera des reproches à six des sept églises mentionnées dans le livre de l'Apocalypse. Aux églises d'Éphèse et de Thyatire, il dira : "Mais ce que j'ai contre toi..." (Apocalypse 2:4, 20). À celle de Pergame : "Mais j'ai quelque chose contre toi..." (Apocalypse 2:14). À celle de Sardes : "Rappelle-toi comment tu as reçu la parole, garde-la et repens-toi" (Apocalypse 3:3). Et après de sévères remontrances à l'égard de celle de Laodicée, il conclut en disant : "Moi, je reprend et je châtie tous ceux que j'aime. Aie donc du zèle et repens-toi" (Apocalypse 3:19). Le message de Dieu à sa créature demeure le même : "Tu as péché contre ton Dieu. Souviens-toi d'où tu viens. Repens-toi. Je te pardonnerai et Je te rétablirai". Si, par l'intermédiaire du prophète Jéhu, Dieu rappelle à Baescha qu'Il l'a "sorti de la poussière", l'apôtre Paul nous rappelle également d'où nous venons lorsqu'il écrit aux disciples de Rome : "Mais Dieu prouve son amour envers nous en ce que, lorsque nous étions encore pécheurs, Christ est mort pour nous" (Romains 5:8).

Si le Plan de Dieu pour l'humanité ne cesse de s'accomplir, il ne souffre aucun retard. Mais à travers l'accomplissement de Sa volonté souveraine (Il est le Rois des rois), le Seigneur ne cesse de manifester Sa patience et Son Amour envers Sa créature, quelle que soit sa condition, son rang, son élévation ou son abaissement. 

 

JiDé

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