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Rois d'Israël et de Juda : Omri et Achab

Sur le Mont Carmel

Sur le Mont Carmel

"Omri se coucha avec ses pères et il fut enterré à Samarie. Et Achab, son fils, régna à sa place" (1 Rois 16:28). 

Ainsi débute une nouvelle ère dans l'histoire du royaume d'Israël. Le roi Achab, probablement l'un des rois les plus connus de l'histoire du peuple hébreu, est malheureusement tristement célèbre. Notamment par son mariage avec une princesse sidonienne nommée Jézabel. Celle-ci, étant pleinement vouée au culte de Baal, va entraîner le royaume dans une profonde idolâtrie. Achab, faible et influençable, la suivra dans ses abominations, abandonnant totalement le culte à l'Eternel. Un profond basculement va s'opérer avec le règne de ce nouveau couple royal. La  nouvelle reine va s'évertuer à faire disparaître toute trace de culte au Dieu d'Israël au profit du dieu Baal qu'elle veut imposer de façon officielle au niveau national. Jusqu'à présent, il n'avait été que succinctement fait mention des reines qui  se bornaient à fournir, au trône, un successeur. Tout au moins, les reines-mères jouaient-elles un rôle influent à la cour auprès de leurs fils, gouvernant parfois dans l'ombre et dans l'intrigue. Avec Achab et Jézabel, une nouvelle façon de gouverner apparaît. Elle va laisser une marque pérenne.  

De Thirtsa à Samarie 

Pour bien saisir le caractère d'Achab, il nous faut revenir sur son prédécesseur et père, Omri. Car on ne peut véritablement comprendre la façon dont le roi d'Israël va exercer ce difficile métier sans s'en référer à celui qui fut, faut-il le rappeler, un général d'armée (1 Rois 16:16), une figure d'autorité, une forte personnalité et, qui plus est, un chef d'Etat. Un homme doté d'un caractère bien trempé et, on peut l'imaginer, d'une personnalité écrasante. Tout le contraire de son fils. Le nom d'Achab signifie "un frère du père". Le choix de ce prénom est assez significatif. Il se peut fort qu'Omri ait désiré avoir un fils qui lui "ressemble comme un frère". Ce ne dut pas être facile pour Achab de vivre dans l'ombre de ce père auquel il devrait un jour succéder. Et la suspicion d'Omri à l'égard de ses compétences à exercer le difficile métier de roi devait peser lourdement sur ses jeunes épaules. Mais un jour, Omri mourut et Achab dut monter sur le trône. Pas étonnant alors qu'une figure d'autorité vint se substituer à la figure paternelle. Celle d'une épouse autoritaire qui pouvait ainsi suppléer à l'incompétence de son mari à exercer ses fonctions royales. La légitimité d'Achab à s'asseoir sur le trône était somme toute fort discutable. Son père ne s'était-il pas imposé par la force contre son rival Thibni, fils de Guinath, un autre officier supérieur (1 Rois 16:21, 22), après que le roi Ela, fils de Baescha, ait été assassiné par Zimri (1 Rois 16:8 à 10) et que ce dernier ait disparu dans l'incendie du palais qu'il avait lui-même provoqué (1 Rois 16:18) ? Certes, Omri avait régné douze années sur Israël (1 Rois 16:23). Il régna tout d'abord à Thirtsa pendant six années puis il choisit de déplacer sa capitale à proximité de la montagne de Samarie, où il fit ériger des hauts lieux. Le texte nous dit qu'il acheta le site de sa nouvelle capitale à Shemer, probablement un seigneur local avec lequel il fit alliance. Il donna même à sa ville le nom de ce nouvel allié : Samarie (en hébreu Shomron). Il y a ici un jeu de mots intraduisible. Shemer s'écrit avec les lettres hébraïques "shin mêm resh" alors que "Shomron" (Samarie) s'écrit "shin mêm resh vav noun". Mais une autre version de ce récit dit que Shemer aurait été une "divinité locale", et qu'Omri aurait acquis le lieu auprès des prêtres de celle-ci. Il aurait ensuite bâti la ville en l’honneur de cette "divinité",  lui donnant son nom pour bénéficier de sa "protection". Avec Omri, une nouvelle dynastie prenait place dans le palais royal, à Samarie. 

"Omri fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel et il agit plus mal que tous ceux qui étaient avant lui" (1 Rois 16:25). Le texte nous dit aussi qu'il "marcha dans toute la voie de Jéroboam, fils de Nébath, et se livra aux péchés que Jéroboam avait fait commettre à Israël" (1 Rois 16:25, 26). Ce texte nous donne, une fois de plus, une information importante puisqu'il y est fait mention du "péché de Jéroboam". A la mort de Salomon, son fils Roboam monta sur le trône (1 Rois 11:42). La pays, qui était en paix et parfaitement unifié sous le règne de Salomon, fut alors séparé en deux royaumes. Deux tribus au Sud, avec Juda et Benjamin. Dix tribus au Nord, sous le règne de Jéroboam. Bien que Jéroboam ait été divinement investi de la fonction royale (1 Rois 11:37), celui-ci fit fondre deux veaux d'or comme substituts au culte de l'Eternel (1 Rois 12:28) qui, lui, se déroulait toujours de façon immuable à Jérusalem, capitale du royaume de Juda. Jéroboam sombra dans l'idolâtrie et entraîna le peuple d'Israël (le royaume du Nord) avec lui. Le péché de Jéroboam se perpétuera de dynastie en dynastie, entraînant toujours plus le peuple dans la rébellion contre Dieu. Omri semble avoir poussé l'idolâtrie plus loin encore que ses prédécesseurs (1 Rois 16:25, 26). Achab, son fils, allait encore en accentuer la gravité. 

Achab, fils d'Omri

A sa mort, Omri fut enterré à Samarie, sa capitale, "et Achab, son fils, régna à sa place" (1 Rois 16:28). Achab prenait donc la succession de son père à la tête du royaume, mais le fantôme d'Omri ne cesserait de hanter les murs du palais dont il était à la fois le concepteur et le bâtisseur. Il faut bien évidemment entendre cela au sens figuré, mais les textes nous montrent combien la présence et l'autorité de ce vieux militaire imprégnaient encore les murs du palais. Achab, son fils, ne pouvait se départir de l'autoritaire présence de ce père qu'il dut craindre autant que redouter. Lorsque, en 1970, Anouar el-Sadate succède à Nasser à la présidence de l'Egypte, il éprouve de grandes difficultés à imposer son autorité. Les ministres de Nasser, foncièrement attachés à la politique de l'ancien Président, s'opposèrent fortement à l'autorité du nouveau chef de l'Etat. Les proches de Sadate reconnurent que l'autorité de Nasser demeurait palpable. Kamal Zakher, fondateur du Front Laïque Copte a même dit, lors d'une interview : "Sadate était poursuivi par le fantôme de Nasser" (qui était, tout comme Omri, le père d'Achab, une forte personnalité et un militaire haut gradé). Et Zakher a ajouté : "Nasser occupait tout l'espace politique, et Sadate ne trouvait pas de place pour lui-même". Il en fut probablement de même pour Achab, à tel point que sa fille, Athalie, sera même appelée, à deux reprises : "fille d'Omri" (2 Rois 8:26 / 2 Chroniques 22:2). La figure paternelle revenait donc toujours à Omri, Achab devant se contenter de n'être, finalement, que "le frère du père", selon la signification de son nom. Il en était réduit à n'être que "l'oncle" de sa propre fille, la figure paternelle étant occupée, aux yeux de celle-ci, par son grand-père. Dans la hiérarchie familiale, Achab ne pouvait occuper pleinement son rôle, d'autant qu'il avait à ses côté une autre femme autoritaire, Jézabel, dont avait hérité certainement Athalie. 

"Et Achab, son fils régna à sa place. Achab, fils d'Omri, régna sur Israël, la trente-huitième année d'Asa, roi de Juda. Achab, fils d'Omri, régna vingt-deux ans sur Israël à Samarie. Achab, fils d'Omri, fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, plus que tous ceux qui avaient été avant lui" (1 Rois 16:29, 30). C'est en tant que "fils d'Omri" qu'il monte sur le trône. Il va régner "à sa place" mais toujours dans sa lignée. C'est encore le "fils d'Omri" qui va régner sur Israël, et cela pendant vingt-deux années consécutives. Vingt-deux années pendant lesquelles il sera encore et toujours "le fils d'Omri". Omri avait dépassé ses prédécesseurs dans la pratique de l'idolâtrie, Achab imita son père et fit pire encore (1 Rois 16:25, 30). Peut-être est-ce le seul domaine où Achab réussit à dépasser son père. Mais peut-être aussi était-ce intentionnel ? Le même reproche avait été fait auparavant à Jéroboam (1 Rois 14:9), ce qui démontre une accentuation progressive de l'idolâtrie dans le royaume et une dégradation de la situation spirituelle de la maison royale. Le mariage d'Achab avec une princesse sidonienne nommée Jézabel n'allait pas arranger les choses. Bien au contraire. Le nom Jézabel signifie "Baal est l'époux". L'auteur du livre des Rois met en parallèle la pratique du péché de Jéroboam par Achab et son mariage avec une femme profondément idolâtre (1 Rois 16:31) qui l'entraîna immanquablement vers le culte de Baal, divinité à laquelle Jézabel avait été consacrée, probablement au cours d'un simulacre de mariage, le nom de Jézabel pouvant également signifier "impudique". Le père de celle-ci s'appelait Ethbaal (celui qui est avec Baal). On peut donc voir encore ici l'influence paternelle sur l'épouse d'Achab. Celui-ci fit bâtir une maison pour Baal à Samarie, ainsi qu'une idole d'Astarté, probablement en réponse à une demande de sa nouvelle épouse (1 Rois 16:32, 33). Le culte de cette divinité n'allait pas tarder à se répandre dans tout le royaume. En ces heures sombres du peuple hébreu, la loi de Moïse était totalement négligée. Le peuple avait pourtant été averti de ne pas prendre de femmes issues des peuples païens. Celles-ci détourneraient immanquablement son cœur de l'Eternel et le pousseraient à l'idolâtrie (Deutéronome 7:1 à 5). Mais Salomon ne fut-il pas le premier à commettre cette erreur (1 Rois 11:5) ? Toutefois, c'est bien "le péché de Jéroboam" qui est, à plusieurs reprises, mentionné.  Cette idolâtrie devait s'imprégner de plus en plus profondément dans le tissu social  de la population. Si le mot "Baal" peut être traduit, entre autres, par "maître", on peut dire que, dans la personne de Jézabel, Achab avait trouvé le sien. 

Jéricho rebâtie

L'auteur du livre des Rois ajoute à ce récit un appendice qui semble n'avoir aucun rapport avec le récit principal. Tout au moins en apparence. Il y est question d'un certain Hiel de Béthel qui, "en son temps, bâtit Jéricho" (1 Rois 16:34). La ville de Jéricho était en ruines depuis que celle-ci avait été conquise par les Hébreux. Josué ayant prononcé une malédiction sur les ruines de la ville, celle-ci ne devait plus jamais, et en aucun cas, être rebâtie (Josué 6:26). Ce que Josué avait annoncé s'accomplit alors, quelque quatre siècles plus tard. Pourquoi cet homme a-t-il bravé cet interdit ? N'en avait-il pas connaissance ? L'a-t-il fait par bravade, ou par ignorance ? Était-ce une forme de défi ? Une façon de se démarquer ouvertement de ce qui pouvait encore se référer à la loi mosaïque et à tout interdit divin ? Il est pourtant écrit, dans ce même livre de Josué, que "de toutes les bonnes paroles que l'Eternel avait dites à la maison d'Israël, aucune ne resta sans effet" (Josué 21:45). Esaïe dira, bien plus tard, de la part de l'Eternel : "Ainsi en est-il de ma parole qui sort de ma bouche, elle ne retourne pas à moi sans effet, sans avoir exécuté ma volonté et accompli mes desseins" (Esaïe 55:11). Le peuple d'Israël pensait que de s'être totalement désolidarisé de la loi divine le libérait totalement des exigences de celle-ci. Il dut reconnaître qu'il n'en était rien. Hiel perdit son fils aîné et son plus jeune fils. Exactement comme l'avait annoncé Josué (Josué 6:26). Le peuple avait alors atteint un point ultime dans la gravité de son péché. C'est alors qu'un prophète de Dieu vint à Achab pour lui annoncer une terrible sécheresse. Ce prophète s'appelait Elie. 

Le sort des prophètes

La façon dont le personnage d'Elie est introduit dans le récit (1 Rois 17:1) laisse supposer que celui-ci devait déjà être connu et reconnu dans son ministère prophétique. L'auteur ne voit pas la nécessité de le présenter, le supposant connu de ses lecteurs. Godet souligne que cette apparition subite d'Elie se fit "comme un éclair tombant du ciel" (1), allusion probable à l'épisode du Carmel (1 Rois 18:38). Après qu'Elie ait annoncé au roi Achab qu'une terrible sécheresse allait sévir sur le pays pendant trois années (Deutéronome 11:16, 17), le prophète se retira dans le pays de Sidon, terre natale de la terrible Jézabel, après un passage au torrent de Kerith (1 Rois 17:1 à 8). Après trois années, Elie revint vers Achab pour lui annoncer le retour de la pluie (1 Rois 18:1, 2). Cette sécheresse avait provoqué une grande famine dans le pays. L'historien Flavius Josèphe en fait mention dans ses écrits. Il y relate une famine d'une année qui sévit en Phénicie (le pays de Sidon) au temps du roi Ithobal (probablement le "Ethbaal" de notre texte). Jézabel, ayant appris de son mari qu'Elie en était responsable, fit condamner à mort tous les prophètes de l'Eternel qui étaient dans le pays. Cherchait-elle à faire périr celui à qui elle attribuait la responsabilité de la famine qui sévissait alors ? S'est-elle servi de cette excuse pour accuser les prophètes de Dieu d'en être les responsables, et par là même se débarrasser d'eux ? Un certain Abdias (à ne pas confondre avec le prophète du même nom), appartenant à la cour du roi, craignait l'Eternel et il cacha les prophètes de Dieu dans des lieux secrets (1 Rois 18:4). Leur nombre peut sembler étonnant. Il faut peut-être voir dans ces prophètes les élèves d'une école (1 Samuel 10:11). Ils sont également appelés "fils des prophètes" (2 Rois 4:38). Déjà à cette époque, des maîtres réunissaient autour d'eux des jeunes gens désireux de se former au service de l'Eternel sans que ceux-ci n'appartiennent pour cela à la classe sacerdotale. Ce sont ces mêmes jeunes gens qui s'adressèrent à Elisée (2 Rois 6:1). Bien que le pays soit tombé dans une profonde idolâtrie, la foi dans le Dieu d'Israël demeurait encore bien vivante dans le cœur de nombreux hommes. Il y avait encore, dans le pays d'Israël "sept mille hommes qui n'avaient pas fléchi le genou devant Baal" (1 Rois 19:18). Elie, découragé, se croyait pourtant le seul survivant (1 Rois 19:14). Il dira : "Je suis resté moi seul" (1 Rois 19:10, 14). Un jeune homme allait bientôt le seconder dans sa lourde tâche. Ce jeune homme s'appelait Elisée.

Rencontre au sommet 

Le temps approchait où la sécheresse allait prendre fin. Dieu envoya Elie auprès d'Achab pour lui délivrer un message de Sa part. Elie quitta donc Sarepta (1 Rois 17:8) et se mit en route en direction du palais de Samarie. "Et Elie alla pour se présenter devant Achab" (1 Rois 18:2). La famine sévissait alors sur tout le pays. Et alors qu'Abdias s'était mis en quête de quelque brin d'herbe à offrir aux chevaux du palais, il vit venir à lui Elie. L'attitude respectueuse d'Abdias envers Elie démontre sa dévotion envers le prophète (1 Rois 18:7). Abdias servit donc d'intermédiaire entre Elie et Achab qui l'avait fait chercher dans tous les royaumes environnants (1 Rois 18:10). Le seul endroit où Achab ne le chercha pas, c'était dans la région de Sidon, patrie de Jézabel. Ne dit-on pas que lorsque survient une tornade, le lieu le plus sûr est au cœur du typhon ? Hébergé dans la maison de la veuve de Sarepta, Elie savait qu'il était recherché et que sa vie était en danger. Elle le sera plus encore après l'épisode du Carmel (1 Rois 19:10).

A peine Achab a-t-il aperçu Elie qu'il l'accuse de semer le trouble dans le pays, mais Elie lui rétorque immédiatement qu'il est, lui, Achab ainsi que "la maison de son père", le vrai responsable, ayant abandonné "les commandements de l'Eternel" (verset 18) pour rendre un culte aux Baals. Elie demande alors à Achab de rassembler les prophètes de Baal et d'Astarté à la montagne du Carmel. Achab, qui y voit la possibilité de mettre enfin un terme à cette sécheresse qui décime le pays, accepte et obtempère (versets 19, 20). Il est intéressant de noter ici qu'Elie fait référence à Omri, le père d'Achab (la maison de ton père). Le prophète souligne, ici encore, l'influence d'Omri, son père et son prédécesseur sur le trône. L'ombre d'Omri n'était jamais fort loin d'Achab.  

Achab convoqua donc les prêtres de Baal et ceux d'Astarté au sommet du Mont Carmel. Le peuple d'Israël, qui a eu vent de l'événement, s'y est également rendu nombreux. Le mot "karmel" signifie "un jardin d'agrément, une campagne fertile". Alors que la famine fait rage, Elie se propose d'opérer dans un "jardin d'agrément". Alors que la sécheresse a fait disparaître le moindre brin d'herbe (1 Rois 18:5), Elie convoque tout le clergé d'Achab et de Jézabel en un lieu qui s'appelle "campagne fertile". Ironie ? Provocation ? Pas seulement ! Un torrent coulait à proximité (1 Rois 18:40). Le Kison, qui arrosait la face Nord de la montagne, devait fournir l'eau dont on arrosa l'autel d'Elie (verset 34, 35). Esaïe vantera la beauté verdoyante du lieu (Esaïe 35:2). L'auteur du Cantique des cantiques l'avait comparé à la beauté de la Sulamithe (Cantique 7:5), et Michée, à celle de ses vergers (Michée 7:14). Il fait en passant un jeu de mots avec "le fruit de ses œuvres" (verset 13) et le produit de ses arbres fruitiers. Bien plus tard, au temps de Jéroboam II, fils de Joas, Amos prophétisera cependant que le sommet du Carmel sera desséché (Amos 1:2). 

Elie s'adressa au peuple en présence de ces quatre cents cinquante prophètes de Baal, l'invitant à choisir entre Dieu et les idoles, ce que fit déjà, en son temps, un autre grand homme de Dieu, Josué (Josué 24:15). Mais le peuple, probablement intimidé par la présence de cet imposant clergé "ne lui répondit rien" (1 Rois 18:21). Il est à noter l'absence des prophètes d'Astarté qui étaient au service de Jézabel. Ceux-ci n'avaient donc pas répondu à l'appel d'Achab (verset 22). Elie semble, de prime abord, vouloir procéder à une sorte de "duel" entre le Dieu d'Israël et le Baal d'Achab (verset 23). Elie laisse même à ses adversaires le privilège de choisir eux-mêmes leur taureau afin, probablement, qu'on ne puisse, par après, l'accuser d'une quelconque manipulation. Cependant, le texte nous dit que "Ils (les prêtres) prirent le taureau qu'on leur donna" (verset 26), ce qui peut laisser entendre que ce furent des membres du peuple qui départagèrent les taureaux. "Ils (les prêtres) prophétisèrent jusqu'au moment de la présentation de l'offrande" (verset 29) sans qu'aucune manifestation ne se soit produite. Elie prit alors la parole devant le peuple (verset 30), les invitant à s'approcher de lui. Le texte nous dit qu'il "rétablit l'autel de l'Eternel qui avait été renversé" (verset 30). L'autel qu'Elie avait dressé avait été rudement malmené. Il est probable que les prêtres, lors de leurs vociférations, s'en prirent à son autel en cherchant à le saccager. Mais Elie ne s'en offusqua pas. Il le redressa entièrement, veillant à ce que le peuple soit à proximité afin de pouvoir constater qu'aucune "machinerie" ni aucune méthode frauduleuse n'avait été dissimulée pour embraser l'autel spontanément. Le fait que l'autel ait été renversé et reconstitué sous leurs yeux attestait de l'absence de tout subterfuge dissimulé à cette fin. Elie fit ensuite une chose qui devait prendre une dimension presque "politique" aux yeux du peuple. Elie "prit douze pierres, d'après le nombre des tribus de Jacob, auquel l'Eternel avait dit : Israël sera ton nom" (verset 31). Un geste évocateur qui ne manquait pas de rappeler encore une fois ce que fit autrefois Josué (Josué 4:1 à 3)

Le royaume d'Israël s'était désolidarisé de celui de Juda, ainsi que de la maison de David, depuis Jéroboam. Les deux pays étaient régulièrement en guerre. Et là, devant le roi d'Israël, ses prophètes de Baal et tout le peuple, Elie affirme haut et fort l'unité du peuple hébreu, issu des reins de leur ancêtre Jacob. C'était un message fort et extrêmement courageux. "Et il bâtit avec ces pierres un autel à l'Eternel" (verset 32). Il creusa ensuite un fossé autour et fit verser de l'eau sur l'autel jusqu'à ce que le fossé en soit rempli. Il faut se rappeler que cet épisode se passe alors que le pays souffre depuis trois ans de sècheresse. D'aucuns, parmi le peuple, et peut-être parmi les lecteurs de ces textes, ont pu penser qu'il y avait là un beau gaspillage, si tant est que ce concept ait pu exister à cette époque. Cette sécheresse était pourtant une conséquence inéluctable et conforme aux recommandations divines (Lévitique 26:19, 20 / Deutéronome 11:16, 17 / Deutéronome 28:23, 24).  Il est évident que tout ce scénario qu'Elie déploie devant le peuple, le roi et les prêtres de Baal, est le produit d'une étroite concertation avec son Dieu (1 Rois 18:36). Elie n'en aurait jamais pris l'initiative de son propre chef. C'eût été une véritable folie. Mais Elie est un authentique prophète de l'Eternel et il tient à le prouver. Sa démarche ne tient d'ailleurs pas tant à prouver l'authenticité de son ministère que l'inanité des divinités révérées par ces prêtres (Psaume 97:7). L'enjeu crucial est avant tout de démontrer la grandeur du Dieu d'Israël, seul et unique vrai Dieu (Psaume 97:9). C'est ce qui se produisit lorsque le feu descendit sur l'autel d'Elie (1 Rois 18:38, 39). Tout comme il l'avait fait autrefois, lorsque Salomon fit la dédicace du Temple à Jérusalem (2 Chroniques 7:1 à 3). "Ils sont confus alors tous ceux qui servent les images, qui se font gloire des idoles" (Psaume 97:7). 
 


Un nouveau type de prophète

Le récit de cet épisode du Mont Carmel met clairement en exergue le personnage d'Elie. L'auteur fait évoluer l'histoire autour de celui-ci, alors que le roi Achab est mis en retrait, presque dans l'ombre. Pourtant, de par sa position, le roi devrait être au premier plan. Or, il n'en est rien. Bien au contraire. Cet effacement nous en dit long sur la personnalité de ce roitelet qui n'arrive pas à s'imposer. Depuis l'époque de Samuel, les prophètes avaient joué un rôle discret. Samuel lui-même, après avoir oint David comme roi, se retire à Rama et s'efface de la scène politique, laissant ainsi tout naturellement la place à la monarchie naissante. Même Nathan demeure dans l'ombre du roi David, se bornant principalement au rôle de conseiller royal. Avec Elie, on voit poindre une nouvelle catégorie de prophètes. Il ne laissera aucun écrits de sa main. D'autres se chargeront de rédiger les exploits de celui qui fut, avant tout, un homme d'action. On ne peut, bien évidemment, comparer les règnes de David et d'Achab, tant ceux-ci s'opposent dans leur personnalité comme dans leur règnes respectifs. Le rôle d'Elie, en tant que prophète de l'Eternel, est également diamétralement opposé à celui de ses prédécesseurs. Samuel s'était tenu aux côtés de Saül, puis il le réprimanda sur son attitude. Nathan fut un sage conseiller aux côtés de David, mais il dut rappeler le roi à l'ordre après l'épisode de Bath Schéba. Les rois savaient alors écouter la voix de Dieu par la bouche des prophètes. Mais avec Elie, un nouveau type de prophètes apparaît sur la scène de l'Histoire. Une race d'hommes qui se lèvent pour contrer l'autorité royale, bien souvent à ses détriments, voire, comme Elie, au péril de sa propre vie. 

Dans ce récit de l'épisode du Carmel, on est frappé de voir la façon dont Elie conduit les opérations, dirige les prêtres de Baal et s'attire la sympathie du peuple à qui il s'adresse. Il est le maître de cérémonie. Elie est très certainement un personnage charismatique, mais cela ne peut suffire pour expliquer une telle docilité de ses adversaires. Il est probable que le soutien tacite du peuple pèse fortement dans la balance. Le délicat équilibre des force en présence se joue à peu de choses. Elie est seul contre quatre cents cinquante. Mais une chose joue en sa faveur. Tous savent que c'est à sa parole que la sécheresse est venue et que c'est à sa parole que celle-ci laissera la place à la pluie bienfaisante et tant attendue (1 Rois 17:1 / 18:1, 2). Elie adopte un ton impératif : "que l'on nous donne deux taureaux... invoquez... choisissez... préparez... ne mettez pas le feu… approchez vous... remplissez…faites-le encore…". Et tous firent ce qu'il avait dit !  Lorsque tout fut prêt, "Elie le prophète" invoqua "le Dieu d'Abraham, d'Isaac et d'Israël (Jacob)" (1 Rois 18:36). Cette référence aux Patriarches se voulait fédératrice. Tout comme les douze pierres dont il s'est servi pour édifier son autel. De plus, la mention du nom "d'Israël" (en parlant de Jacob, le père des douze tribus) est éloquente. Elie se veut le porte-parole du Dieu d'Israël en tant qu'entité réunissant les douze tribus. Par cela, l'Eternel se révèle comme étant à la fois le Dieu du royaume de Juda mais aussi celui d'Israël. Le texte souligne ici un point qui pourrait facilement passer inaperçu. C'est bien en tant que prophète de l'Eternel qu'Elie s'adresse à son Dieu. Il est là en tant porte-parole du Dieu unique, et c'est en tant que tel qu'il s'adresse à Lui (verset 36, 37). Le feu descend du ciel et consume l'autel et le taureau, et fait s'évaporer en un instant toute l'eau du fossé. A cet instant, Elie devient "le prophète du feu". Ce phénomène s'était cependant déjà produit auparavant (Lévitique 9:24 / Juges 6:21). Toujours avec cette autorité naturelle qui le caractérise, Elie ordonne que l'on saisisse les prophètes de Baal et le peuple se saisit d'eux (verset 40). Il les fit ensuite descendre au torrent du Kison où, est-il dit, "il les égorgea". Les a-t-il tué lui-même ? S'est-il fait aider par des membres du peuple ? Le texte semble appuyer le fait d'une action exercée uniquement par Elie. Ce que confirme Achab lorsqu'il en fait le compte-rendu à Jézabel (1 Rois 19:1). Il sera également le seul à être l'objet de la fureur de la reine. Si un tel massacre peut heurter notre sensibilité, il faut replacer cet événement dans son contexte. Elie, en tant que prophète de l'Eternel, n'agit nullement de sa propre initiative. Son action se conforme aux recommandations mosaïques de la Thora selon qu'il est écrit : "Ce prophète ou ce songeur sera puni de mort, car il a parlé de révolte contre l'Eternel, votre Dieu" (Deutéronome 13:5). De même que tout idolâtre devait subir la peine capitale (Deutéronome 13:8 à 11). Cependant, le dégoût qu'une telle action dut lui occasionner est probablement à l'origine de cet état que l'on a qualifié (peut-être inconsidérément) comme "dépressif" (1 Rois 19:4). Elie a agi dans l'instant. Avec le recul, il saisit toute la portée de son acte. Le prophète a obéi à son Dieu. L'homme en est bouleversé. 

Renversement de situation 

Après avoir égorgé les quatre cents cinquante prophètes, Elie se tourna vers Achab (qui était visiblement resté très en retrait) et lui dit simplement : "Rentre chez toi ! Tu peux être rassuré, la pluie va venir !". "Achab monta pour manger et pour boire" (verset 42). Le fait que tous ses prophètes aient été égorgés ne semblait pas l'indisposer le moins du monde. Elie lui avait assuré du retour de la pluie et cela lui suffisait amplement. Si pour Achab, la chose était réglée, Elie, quant à lui, se devait d'honorer la parole qu'il lui avait donnée. "Achab monta pour manger et pour boire. Mais Elie monta au sommet du Carmel" (verset 42). Elie se mit en prière et dès qu'il eut la conviction que la pluie allait venir, il envoya son serviteur vers Achab pour lui dire : "Attelle (ton char) et descends, afin que la pluie ne t'arrête pas" (verset 44). Achab se trouvait, semble-t-il, un peu plus haut encore qu'Elie qui se trouvait déjà "au sommet" (verset 42). Achab avait-il l'intention de rester sur place jusqu'à ce que la pluie tombe ? Probablement. Il s'est installé comme pour un pique-nique champêtre, attendant le début du spectacle. Peut-être voulait-il s'assurer que la promesse d'Elie n'était pas vaine. Achab venait de perdre tout son clergé au grand complet. Il en attendait donc impatiemment la compensation. Achab avait dételé les chevaux de son char. Preuve qu'il s'était installé pour un moment. Elie ne lui avait-il pourtant pas dit : "Rentre chez toi" ? A peine ce petit nuage "grand comme la paume d'une main" avait-il paru que : "le ciel s'obscurcit  par les nuages, le vent s'établit, et il y eut une forte pluie. Achab monta sur son char, et partit pour Jizreel" (verset 45). Achab fut contraint de quitter son aire de repos assez rapidement. En quelques instants, le vent se mit à souffler et des torrents d'eau se mirent à tomber. "Elie se ceignit les reins et courut devant Achab jusqu'à l'entrée de Jizreel" (verset 46). Et "Achab rapporta à Jézabel tout ce qu'avait fait Elie, et comment il avait tué par l'épée tous les prophètes" (1 Rois 19:1). Le lendemain, Jézabel fit savoir à Elie que celui-ci venait de signer son arrêt de mort (1 Rois 19:2, 3). Si Jézabel avait pu mettre la main sur lui, il est fort probable que celui-ci serait mort sous la torture dans les plus atroces souffrances. 

L'épisode du Mont Carmel est un événement crucial de la vie d'Achab car il constitue une véritable déclaration de guerre entre Elie et le pouvoir royal. Il est à noter que, bien qu'Elie ait fait périr tous ses prophètes et ses prêtres, Achab, contrairement à Jézabel, ne cherche pas à mettre la main sur lui. La présence du peuple, conquis par la démonstration de puissance du Dieu d'Elie, s'est, l'espace d'un instant, rangé à ses côtés (1 Rois 18:24). Mais une foule est changeante et le peuple retournera vite à ses croyances idolâtres. Mais en ces instants, Achab sait que s'il avait tenté une quelconque action contre Elie, il se serait attiré la vindicte du peuple, momentanément conquis par cette manifestation prodigieuse. De retour au palais, Achab se livre à la reine et lui conte le récit des événements. Jézabel jure alors la perte du fauteur de troubles qui a fait ainsi périr la moitié du clergé de son royaume. Furieuse, la reine fit savoir à Elie qu'elle mettrait tout en œuvre pour lui faire payer chèrement le massacre des prophètes de Baal (1 Rois 19:2). Affronter Achab et quatre cents cinquante prêtres de Baal était une chose, subir la colère de Jézabel en était une autre. L'adversaire était d'une autre trempe. Elie s'enfuit alors au royaume de Juda. Il se rendit à Beer-Schéba, la ville la plus au sud du pays. Après Beer-Schéba, c'était le désert. Le seul lieu qui pouvait, lui semblait-il, lui fournir un refuge contre la vindicte de celle qui avait juré sa perte. Preuve que même, dans le pays voisin, sa sécurité ne pouvait être pleinement assurée. Elie se sentait comme un animal traqué. D'une part, Elie fuit pour sauver sa vie, d'autre part, il demande la mort (1 Rois 19:3, 4). Il se doute du sort que Jézabel lui réserve s'il venait à tomber entre ses mains. A l'inverse, si Dieu lui accordait cette mort qui semble inéluctablement s'approcher de lui, elle lui semblerait bien plus douce que dans les mains de son ennemie jurée. 

Un allié inattendu 

À peine le pays venait-il de sortir de cette terrible sécheresse que le royaume d'Israël était à nouveau menacé d'un autre danger. "Ben-Hadad, roi de Syrie, rassembla toute son armée, il avait avec lui trente-deux rois... il monta, mit le siège devant Samarie et l'attaqua" (1 Rois 20:1). Les avis divergent sur l'identité de ce roi de Syrie. S'agit-il du même Ben-Hadad, roi de Damas, qui, soudoyé par le roi Asa de Juda, se retourna contre son allié, le roi Baescha d'Israël (1 Rois 15:18 à 21) ? Le terme "ben-Hadad" était un titre honorifique (comme Pharaon en Egypte), et non un nom propre. Il s'agit probablement de Ben-Hadad II. Le "troisième du nom" (Ben-Hadad III) aurait régné au 8ème Siècle avant notre ère et aurait combattu le roi Joas (2 Rois 13:3)

Les "trente-deux rois" dont il est fait mention étaient probablement les "rois" de cités-états soumises au roi de Syrie. Ceux-ci pourraient être associés à cette autre expression : "les chefs de son armée" (1 Rois 15:20). Chaque cité étant ainsi sommée de fournir un contingent militaire lors des campagnes du roi (1 Rois 20:1). Contingents à la tête desquels se trouvaient ainsi ces "rois" qui, réunis, formaient une immense armée (1 Rois 20:10). Leur nombre dut tellement impressionner Achab qu'il était prêt à céder à toutes les exigences de son ennemi (1 Rois 20:2 à 7). Achab fait preuve d'allégeance envers Ben-Hadad (verset 4), comme si le royaume d'Israël appartenait déjà à ce dernier. Achab avait déjà démontré son manque d'autorité, il révèle ici sa mollesse et son total manque de courage. Que pensa Jézabel de la décision du roi ? Achab avait donné son accord pour que Ben-Hadad s'empare des plus belles femmes de son royaume (verset 6). Il n'aurait certainement pas manqué de ramener avec lui la reine elle-même, ainsi que leur fille Athalie. On peut aisément imaginer la réaction de Jézabel quand elle apprit la résolution d'Achab et la réponse favorable qu'il s'apprêtait à donner au roi de Syrie. Cet épisode est abordé plus en profondeur dans l'article "Jézabel". Achab ne se soumit finalement pas aux exigences de Ben-Hadad, ce qui mit celui-ci vivement en colère. Le roi d'Israël pensait-il pouvoir résister à l'armée fort nombreuse qui était à sa suite (verset 10) ? Mais Achab lui répondit de façon ironique d'une expression équivalente à "il ne faut pas vendre la peau de l'ours avant de l'avoir tué" (verset 11). D'où pouvait lui venir cette verve soudaine ? A peine le roi de Syrie eut-il reçu la réponse d'Achab qu'il fit lever le camp pour monter contre Samarie. Un prophète de l'Eternel s'approcha alors du roi pour lui délivrer un message d'encouragement. Peut-être était-ce l'un de ces prophètes qu'Abdias avait autrefois caché et nourri pendant la sécheresse (1 Rois 18:13). Trop sûr de lui et de sa victoire, le roi de Syrie s'enivra avec son état-major (1 Rois 20:12, 16). Il se peut que l'armée elle-même se soit livrée "aux charmes de l'ivresse". Le courage des hommes d'Achab créa cependant un effet de surprise dans l'armée ennemie dont les chefs n'étaient plus en mesure de coordonner leurs mouvements. Les Syriens n'imaginaient pas combien la présomption pouvait affaiblir une armée. De plus, ce jour là, un ennemi redoutable rodait déjà dans leur rangs. Le grand état-major s'était fait vaincre par Bacchus. Ben-Hadad dessoûlera cependant très vite lorsqu'il lui faudra prendre la fuite, non sur un char comme son rang l'exigeait, mais simplement à cheval (1 Rois 20:20). Voyant que l'armée était en fuite, Achab monta sur son char à la tête de son armée et poursuivit les Syriens, leur occasionnant "une grande défaite" (1 Rois 20:21).

L'homme et sa fonction 

Il est à noter que le rédacteur utilise ici l'expression "le roi d'Israël" pour désigner Achab (verset 21). À ce propos, il est intéressant de s'arrêter sur le vocabulaire utilisé dans ce texte. Tantôt, il est fait mention d'Achab, tantôt du roi d'Israël et tantôt d'Achab roi d'Israël. Le texte biblique ne laisse aucun détail au hasard. Tout est chargé de sens et un mot en dit plus qu'il peut y paraître. Cette alternance pourrait paraître une figure de style du rédacteur voulant éviter de trop fréquentes répétitions. Or, je pense qu'il n'en est rien. Je fais ici un petit aparté, mais je pense qu'il est important de préciser quelques petites choses, nécessaires à la bonne compréhension du texte. Dans celui-ci, comme dans tout autre de l'Ecriture, il nous faut tenir attentivement compte du Sujet. J'en prends pour exemple le chapitre 2 du livre de Daniel.  Il y est fait mention de "Daniel qui était Belshatsar". Il y est dit que "Daniel parla au roi… le roi parla à Daniel…". Un distinguo est fait entre Daniel, l'homme de Dieu, et Belshatsar, le haut fonctionnaire d'état. Lorsque le roi s'adresse à Daniel, il ne s'adresse plus au fonctionnaire d'état mais à l'homme de Dieu. Il en est de même pour les rois, comme ici Achab, en l'occurrence. Ainsi, lorsque Ben-Hadad envoie un message à "Achab, roi d'Israël", il s'adresse à son interlocuteur en personne. Ben Hadad s'adresse à Achab. Le roi de Syrie s'adresse, lui, au roi d'Israël (1 Rois 20:2). Lorsqu'il est dit : "ainsi parle Ben-Hadad", le roi de Syrie parle en son propre nom. C'est Ben-Hadad en personne qui veut s'approprier les femmes et les biens d'Achab. Il ne s'adresse pas à Achab en tant que "roi de Syrie" mais en tant qu'homme qui convoite ce que possède son voisin. Cependant, c'est bien "Ben-Hadad, roi de Syrie" (1 Rois 20:1) qui monte faire le siège de Samarie. C'est alors en tant que "roi d'Israël" (verset 4) qu'Achab lui répond, non en tant qu'homme. Il lui répond comme un vassal à son suzerain en appelant Ben-Hadad "roi, mon seigneur". Ce n'est plus du tout le même rapport. D'une certaine façon, Achab se réfugie derrière sa fonction royale pour se soumettre à une exigence qui est purement humaine et relève de l'ordre de la personne, et non de la fonction. D'ailleurs, le roi d'Israël a bien compris cette subtilité puisque, lorsqu'il en fera part à son conseil, il dira : "cet homme" (verset 7). Les anciens ne sont pas dupes non plus de cet abus de pouvoir lorsqu'ils s'adressent à lui en l'appelant "Achab" (verset 8)

"Et il (Achab) dit aux messagers de Ben-Hadad : Dites à mon seigneur le roi…" (verset 9). Ici encore, Achab ne voit pas, dans ces messagers, des serviteurs du roi de Syrie, mais ceux d'un abuseur qui se sert de sa force militaire pour obtenir ce qu'il veut de lui. Cependant, il dissimule sa servilité derrière une formule protocolaire, feignant de se soumettre, non à un homme mais à un souverain. "Ben-Hadad envoya dire à Achab" (verset 10). C'est ici un rapport d'homme à homme. Achab lui avait répondu en se présentant lui-même comme son "serviteur" (verset 9), mais tous savent que ce rapport de force se joue uniquement sur l'aspect humain où la fonction royale ne vient qu'en deuxième place. La réponse de Ben-Hadad à Achab se fait alors menaçante (verset 10). Devant ce qui est visiblement une menace pour la ville de Samarie, c'est alors "le roi d'Israël" (Achab dans sa fonction de roi) qui lui répond (verset 11). Ben-Hadad se conduit comme un chef de bande qui utilise la force brutale pour obtenir ce qu'il convoite. Dans le camp syrien, c'est "Ben-Hadad" et non le roi de Syrie qui reçoit la réponse. Et c'est encore Ben-Hadad (et non le roi de Syrie) qui ordonne à son armée de se préparer au combat. 

"Mais voici, un prophète s'approcha d'Achab, roi d'Israël, et dit" (verset 13). Le prophète de l'Eternel s'adresse tout à la fois à la personne (Achab) et à sa fonction (le roi d'Israël). Dieu s'adresse alors à Achab en tant qu'homme, parce que, en tant qu'homme, il a besoin d'une réponse. Mais Dieu s'adresse également à lui en tant que roi d'Israël parce que le peuple est en danger, et que Dieu veut le préserver d'un massacre. 

"Achab dit... Achab dit… ?" (verset 14). Dans ce dialogue avec le prophète de Dieu, c'est Achab l'interlocuteur. Et c'est encore Achab (et non le roi d'Israël) qui va passer en revue ses troupes (verset 15). Pourquoi en est-il ainsi ? Parce qu'Achab sait que ce conflit n'est en réalité qu'une affaire personnelle entre lui et Ben-Hadad qui prend des proportions nationales. Il en est parfois de même aujourd'hui, entre chefs d'Etats qui se connaissent personnellement. Ils se sont rencontrés. Ils se sont jaugés. Parfois appréciés. Parfois secrètement méprisés. Lors de ces "rencontres au sommet", la confrontation se fait tout en subtilité. Mais le langage corporel trahit les véritables sentiments. S'ils partagent les mêmes fonctions présidentielles, ils ne se considèrent pas pour autant comme étant égaux. Sourires, poignées de main devant les photographes... Mais ils ne sont pas dupes un instant. La diplomatie, dans les relations internationales, est un jeu subtil, très codé. Une poignée de main qui se prolonge un peu trop, une main dans le dos de son interlocuteur, tous ces gestes trahissent les véritables sentiments de l'un et de l'autre, ce qui n'échappe bien évidemment pas à l'œil exercé de celui qui sait les décoder. La caméra capte tout et révèle beaucoup plus que les sourires forcés qui s'affichent sur des visages parfois faussement bienveillants. 

"Les syriens prirent la fuite. Israël (le mot souligne ici l'unité du peuple du royaume tout entier) les poursuivit. Ben-Hadad, roi de Syrie, se sauva sur un cheval, avec des cavaliers. Le roi d'Israël sortit... et fit éprouver aux syriens une grande défaite" (verset 20, 21). C'est Ben-Hadad qui prend la fuite, mais aux yeux de ses soldats il est toujours le roi. Or, ce n'est pas sur son char qu'il se retire, mais à cheval, comme un simple cavalier. Ben-Hadad prend la fuite et le roi de Syrie perd la face aux yeux de son armée démembrée, vaincue par une force adverse inférieure en nombre. Par contre, c'est "le roi d'Israël" qui sortit contre lui, et c'est "le roi d'Israël" qui "fit éprouver aux syriens une grande défaite" (verset 21). Israël n'en avait cependant pas fini avec Ben-Hadad. Le prophète prévint le roi d'Israël que Ben-Hadad reviendrait l'année suivante, ce qu'il fit, à la tête d'une nouvelle grande armée. 

"Les serviteurs du roi de Syrie lui dirent… l'année suivante, Ben-Hadad passa les syriens en revue et monta... pour combattre Israël" (versets 23, 26). Les conseillers qui l'entouraient servaient le roi. Mais c'est Ben-Hadad qui s'apprête à monter contre Israël (ou bien est-ce contre Achab ?). "Les enfants d'Israël furent aussi passés en revue" (verset 27). On peut comprendre cette expression "les enfants d'Israël" de différentes manières. On peut y voir une nouvelle génération de guerriers qui s'est levée. On peut y voir également une façon de s'identifier à leur ancêtre Jacob / Israël. Il se peut que ce soit les deux. L'armée paraît comme "deux petits troupeaux de chèvres" devant l'immense armée des syriens qui s'étend dans la vallée. La configuration des lieux permet à Israël de mieux considérer la taille de leur adversaire. Lorsqu'ils les avaient affronté dans la montagne, l'armée syrienne n'apparaissait pas aussi imposante qu'en ce jour. Et alors que "le roi d'Israël" est en train de contempler l'étendue de l'armée ennemie, le prophète de Dieu s'approche de lui et lui annonce qu'il sera victorieux par la force de l'Eternel (versets 27, 28). La victoire revint à nouveau à Israël. Ben-Hadad demanda la clémence de son adversaire. Le roi d'Israël, magnanime, la lui accorda et fit alliance avec Ben-Hadad dont il voulait, semble-t-il, s'attirer également les bonnes grâces. Bien mal lui en prit. Il fut repris par l'un des fils de prophètes (verset 42). "Le roi d'Israël s'en alla chez lui, triste et irrité, et il arriva à Samarie" (verset 43). Le roi d'Israël est victorieux. Pourtant, c'est "triste et irrité" qu'il s'en retourna chez lui, désormais conscient de s'être fait duper. Le roi d'Israël, trop heureux de pouvoir se faire un allié de son ancien ennemi, s'était laissé aller à l'émotivité, ce que ne manquèrent pas d'exploiter les envoyés de Ben-Hadad (versets 32, 33)"Ces hommes tirèrent de là un bon augure et se hâtèrent de le prendre au mot en disant : Ben-Hadad est ton frère !" (verset 33). Et le roi d'Israël fit ainsi alliance avec Ben-Hadad, roi de Syrie (verset 34). Cette trêve ne fut finalement que de courte durée. "On resta trois ans sans qu'il y ait guerre entre la Syrie et Israël" (1 Rois 22:1)

La vigne de Naboth 

Si, par les épisodes précédents, Achab a démontré sa personnalité veule et craintive, celui de la vigne de Naboth révèle plus encore son caractère sans scrupule, et surtout la sournoiserie "diabolique" de Jézabel. J'en fais brièvement le résumé. Naboth possédait une vigne aux abords du palais d'Achab qui en convoita le terrain pour en faire un jardin potager. Achab proposa donc à Naboth de lui racheter sa vigne mais celui-ci, invoquant un héritage familial, refusa de la lui vendre (Lévitique 25:23 / Nombres 36:7, 9). D'autant qu'à peine achetée, la vigne aurait été arrachée. Ce refus attrista fortement Achab. Sa femme Jézabel s'étant enquise de la raison de sa tristesse, il lui fit part du sujet de son ombrage. Jézabel lui assura que, en tant que roi, rien ne pouvait lui être refusé. Elle prit les choses en main et fit accuser Naboth d'un crime de lèse-majesté dont il était bien évidemment innocent. Naboth fut condamné à mort après un procès truqué. A peine Jézabel avait-elle annoncé la nouvelle de la mort de Naboth à son royal mari que celui-ci se précipita à la vigne pour s'en emparer. Le prophète Elie vint l'y rejoindre pour lui reprocher son crime et lui en annoncer les conséquences ainsi que sa fin. Mais ce récit mérite une approche plus attentive.

Le récit débute par ces mots : "Après ces choses" (1 Rois 21:1). Ce qui d'emblée le relie aux événements précédents. Achab, vainqueur du roi de Syrie, s'en fit un allié plutôt que de le traiter en ennemi vaincu comme il aurait dû le faire (1 Rois 20:42), car cette victoire venait de l'Eternel (1 Rois 20:28). Cette clémence lui fut reprochée par un prophète sur la route de Samarie, sa capitale (1 Rois 20:38 à 43). "Le roi d'Israël s'en alla chez lui, triste et irrité, et il arriva à Samarie" (verset 43). Il est à noter que ce texte dit bien que ce fut "le roi d'Israël" et non Achab qui "s'en alla chez lui". Cette petite subtilité est importante car elle souligne un fait. C'est bien en tant que roi que le caractère d'Achab fut ombragé. Et le récit se poursuit en disant : "Après ces choses (ce qui vient d'être décrit), voici ce qui arriva. Naboth de Jizreel avait une vigne à Jizreel, à côté du palais d'Achab, roi de Samarie" (1 Rois 21:1). Le refus de Naboth ne fit qu'assombrir encore son humeur. Le texte dit que "Achab s'en alla dans sa maison triste et irrité" (1 Rois 21:4). Le même état d'esprit que lorsqu'il fut repris par le prophète pour son attitude avec le roi de Syrie (1 Rois 20:43). Jézabel lui promit alors qu'il obtiendrait bientôt l'objet convoité. Elle se garda bien, cependant, d'agir en son nom propre mais utilisa le nom et le sceau de son royal mari pour fomenter son coup-bas. Elle ne fit cependant pas appel à quelque tueur des bas quartiers, mais aux notables de la ville où résidait Naboth. Celui-ci n'habitait donc pas Samarie mais était propriétaire d'une vigne sur une terre héritée de ses ancêtres. Il se fait que le palais avait été édifié sur une parcelle contigüe à la sienne. C'est, paraît-il, une situation similaire qui poussa le roi de France à quitter le Louvre pour s'installer à Versailles. Le monarque voulant agrandir sa résidence parisienne, se vit refuser l'achat de maisons adjacentes par leurs propriétaires. La loi protégeant alors les biens immobiliers des bourgeois, le roi de France dut se contenter des dimensions de son palais dans lequel il se sentait, dit-on, à l'étroit. Fort heureusement, il ne devait pas connaître le récit de la vigne de Naboth dont Jézabel était résolue à s'emparer. 

Soucieuse, malgré tout, de donner, à son intrigante manigance, une apparence légale, Jézabel soudoya deux faux témoins ("belly ya'al : "bon à rien"), la loi exigeant le témoignage de deux personnes minimum pour traduire une personne en justice et la faire condamner à mort (Deutéronome 17:6 / 19:15), Jézabel fit accuser Naboth d'un crime de lèse-majesté. Elle ordonna aux notables de faire publier un jeûne afin de donner à l'événement un aspect solennel, et d'en appuyer la gravité. Le jugement de Naboth prenait ainsi une dimension publique. C'est Dreyfus dans la Cour des Invalides. L'expression "aux anciens et aux magistrats qui habitaient avec lui dans sa ville" (1 Rois 21:8) laisse sous-entendre que Naboth occupait une fonction de notable dans sa cité, et sa réputation n'avait jamais été entachée aux yeux de ces "anciens" et de ces "magistrats" dont il faisait partie. Ce qui expliquerait peut-être l'aplomb avec lequel il s'opposa aux caprices du roitelet. Naboth mourut cependant de la façon la plus légale qui soit, tout au moins aux yeux du peuple. Ce qui lavait Achab de tout soupçon. Personne ne pouvant y voir une relation de cause à effet, Achab pouvait ainsi s'emparer impunément de la vigne de l'innocente victime. Il se peut que les notables de la ville ne furent pas dupes du stratagème. Mais le pouvoir de Jézabel les dissuadèrent de contrer l'expression de sa volonté, craignant probablement de subir le même sort que ce pauvre Naboth dont ils ne doutaient pas de l'innocence. Ce méfait ne fut probablement pas un cas isolé. Le prophète Michée dit à ce propos : "Malheur à ceux qui méditent l'iniquité et qui forgent le mal sur leur couche ! Au point du jour, ils l'exécutent, quand ils ont le pouvoir en main. Ils convoitent des champs et ils s'en emparent, des maisons, et ils les enlèvent. Ils portent leur violence sur l'homme et sur sa maison, sur l'homme et sur son héritage" (Amos 2:1, 2). Preuve en est, s'il en faut, que la justice ne peut être exercée dans sa pleine mesure que par la bonté et la droiture (Ecclésiaste 3:16, 17). Après avoir commis son infâme méfait, Jézabel se contenta de dire à son mari que Naboth, qui lui causait tant de chagrin, était mort. A cette nouvelle, et sans s'enquérir le moins du monde du sort de celui-ci, Achab s'empressa d'aller s'emparer de la vigne du défunt. L'Eternel parla alors à Elie et luit dit de se rendre à la vigne de Naboth, preuve que celle-ci était un tant soi peu renommée. Le Seigneur l'avertit de la présence "d'Achab, roi d'Israël à Samarie" (verset 18) dans la vigne de Naboth et qu'il s'apprêtait à en prendre possession. À ces mots, Elie, qui ne sait pas encore que Naboth est mort, suppose ce qui va se produire. Mais le Seigneur l'en informe : "Tu lui diras : ainsi parle l'Eternel : n'es-tu pas un assassin et un voleur ?" (verset 19). Elie comprends alors que Naboth est déjà mort et qu'Achab en est le meurtrier. Il faut ici s'arrêter sur le déroulé des événements. 

"Achab, entendant que Naboth était mort, se leva pour descendre à la vigne de Naboth de Jizreel, afin d'en prendre possession. Alors, la parole de l'Eternel fut adressée à Elie le Thischbite en ces mots : lève-toi" (1 Rois 21:16, 17). C'est l'attitude d'Achab qui a déterminé l'intervention d'Elie. Si Achab s'était enquis du sort de Naboth, de la raison de sa mort, s'il n'avait pas approuvé l'acte criminel de Jézabel, Elie n'aurait pas été mandaté auprès de lui pour lui reprocher ce meurtre. Mais Achab a validé sans aucun remords ni scrupule. Peu lui importait le sort de l'homme qui le privait du bien convoité. La disparition de celui-ci ôtait tout obstacle à la réalisation de son désir. Cela faisait de lui le coupable principal. Elie dit alors à Achab : "N'es-tu pas un assassin et un voleur ?" (verset 19a). Ce crime ne pouvait demeurer impuni. Le sang d'Achab devait couler pour laver le sang de Naboth (verset 19b). Achab répondit alors à Elie : "Tu m'a donc trouvé, mon ennemi" (verset 20). Notons qu'il s'agit bien ici d'Achab, et non du roi. C'est en tant que "personne" et non en tant que roi qu'Achab s'adresse à Elie. Ce qui fait écho à la convoitise de Ben-Hadad, roi de Syrie à qui Achab était tout prêt de céder.  
 


Achab répondit donc à Elie : "Tu seras donc toujours sur ma route ! Tu seras donc toujours là pour venir me reprocher ce que je fais !". Elie reprit la parole et lui dit ce que l'Eternel avait à lui dire (versets 20 à 24). Par cet acte, Achab se condamnait lui-même, mais également toute sa maison avec lui (verset 21). Elie associa alors le sort futur d'Achab à celui de Jéroboam. Jéroboam, premier roi du royaume d'Israël après le schisme, avait agi contre l'Eternel en amenant le jeune royaume qui venait de naître dans l'idolâtrie. Elie fit également référence à Baescha, troisième roi d'Israël qui s'était emparé du pouvoir royal en assassinant le fils de Jéroboam, devenu roi après la mort de son père. Le Seigneur avertit le prophète Jéhu qu'Il allait "balayer la maison de Baescha" (1 Rois 16:3) et que tous les membres de celle-ci seraient privés de sépulture et seraient mangés par les charognards (1 Rois 16:4). Cela s'accomplit en effet lorsque Zimri prit le pouvoir et fit massacrer toute la famille de Baescha (1 Rois 16:12). "Celui qui vivra par l'épée mourra par l'épée", dit le proverbe. Comme le dit le récit de sa vie, en introduction : "Achab, fils d'Omri, fit ce qui est mal aux yeux de l'Eternel, plus que tous ceux qui avaient été avant lui. Et comme si c'était pour lui peu de chose de se livrer au péché de Jéroboam, il prit pour femme Jézabel" (1 Rois 16:30, 31).

Après avoir été admonesté par le prophète Elie, Achab se repentit véritablement et Dieu prit en compte la sincérité de sa repentance (1 Rois 21:28, 29). Cependant, la faute commise ne serait pas sans conséquences. Le malheur ne viendrait donc pas durant la vie d'Achab mais durant celle de son fils (verset 29)"Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants ont été agacées", dira Ézéchiel, citant un proverbe populaire d'alors (Ézéchiel 18:2). À ce propos, un article a été rédigé sur ce blog ("Dieu punit-il le péché des pères sur les enfants ?"). Mais aussi sincère que fut la repentance d'Achab, elle ne changea pas sa nature profonde. Avant que ne se soient écoulées trois années, le vieil Achab avait refait surface. Et les paroles qu'Elie avait prononcées sur lui allaient malgré tout s'accomplir. Le thème de "la vigne de Naboth" est également abordé dans l'article "Jézabel" sur ce blog, mais du point de vue de la femme d'Achab, l'instigatrice du meurtre. 

Achab et Josaphat

Trois années s'écoulèrent sans qu'il n'y ait de guerre entre Israël et la Syrie. Josaphat, roi de Juda, rendit visite à son voisin Achab dont son fils Joram avait épousé la fille, Athalie (2 Chroniques 21:6 ; 22:2). Profitant de la présence de son allié, Achab fit subtilement mention à ses conseillers de la ville de Ramoth en Galaad, autrefois conquise par les Syriens. Ben-Hadad s'était engagé à rendre les villes que lui et son père avaient prises à Israël, mais il n'avait bien évidemment pas tenu parole (1 Rois 20:34). Il est probable que Ben-Hadad ait fait la sourde oreille à toutes les revendications qu'Achab lui avait adressées. Josaphat accepta alors de se liguer avec lui contre les syriens mais il voulut consulter l'Eternel sur ce projet avant de s'y investir. Il demanda donc à Achab de consulter un prophète de l'Eternel mais celui-ci fit ce qu'il avait coutume de faire : il consulta sa cour de prophètes, gagnée à sa cause. Aujourd'hui encore, beaucoup préfèrent le chant flatteur des sirènes à la réprimande salvatrice (2 Timothée 4:3, 4). Josaphat n'est pas dupe. Il réclame l'avis d'un authentique prophète de l'Eternel. Mais Achab n'aime pas être contredit. Lorsque Michée le prophète arriva, on tenta de le corrompre et d'influencer sa prédication. Lorsque parut Michée, il dit au roi ce qu'il avait envie d'entendre. Mais il se peut fort bien qu'il le fit d'un ton ironique qui voulait dire, en somme : "De toute manière, tu ne veux rien entendre d'autre, alors fais ce que bon te semble ! Que t'importe l'avis de l'Eternel ! Fais-en à ta tête !". Achab se mit alors en colère, lui intimant de dire ce qu'il avait vraiment à dire. Mais Achab ne s'en trouva pas mieux et prit pour lui-même ce qui n'était que parole de vérité. Michée dit alors au roi combien il était influençable et combien ces soi-disant prophètes étaient en réalité tous animés d'un esprit de mensonge (1 Rois 22:19 à 23). Un épisode qui rappelle étrangement un passage du livre de Job (Job 1:6 à 12 ; 2:1 à 7). Et Achab fit jeter Michée en prison.

Finalement, les rois d'Israël et de Juda montèrent quand même au combat contre les syriens. Ce qui montre combien l'avis d'un authentique prophète de Dieu n'avait pas plus d'influence sur le roi de Juda que sur celui d'Israël. Leurs ambitions respectives passaient avant la volonté de l'Eternel. L'endurcissement du cœur rend crédule, et celui qui renie la vérité sera facilement trompé dans son entendement (2 Thessaloniciens 2:10 à 12). Plus tard, le prophète Jérémie mettra en garde contre les faux prophètes qui ne prophétisent que ce que l'on veut entendre (Jérémie 23:16, 17). Achab voulut se déguiser pour se rendre sur le champ de bataille. Avait-il eu vent du projet du roi de Syrie de concentrer les efforts contre lui personnellement (1 Rois 22:31) ? Un moment, les troupes syriennes crurent un instant reconnaître en Josaphat le roi d'Israël (verset 32) mais les syriens se rendirent vite compte de leur méprise. Dans le cours de la bataille, une flèche perdue vint percer le flanc d'Achab "au défaut de la cuirasse", probablement sur le côté, là où les deux parties de l'armure se rejoignent. La flèche pénétra profondément et le roi s'effondra sur son char. Bloqué par les combats qui l'entouraient, le conducteur du char ne put se retirer du champ de bataille et Achab mourut là, se vidant de son sang (verset 35). La bataille perdura jusqu'au soir (verset 36). Après que les troupes se soient retirées dans la ville, Achab fut enterré à Samarie. Lorsque les serviteurs d'Achab lavèrent son char, au pied de la muraille, son sang coula sur le sol et les chiens vinrent le lécher (1 Rois 22:38). Ainsi s'accomplit la parole qu'Elie avait prophétisée sur Achab : "Au lieu même où les chiens ont léché le sang de Naboth (dont il avait volé la vigne en le faisant assassiner), les chiens lècheront également ton sang" (1 Rois 21:19). Il est intéressant de noter que le jus de la vigne (comme celui que devait produire celle de Naboth) est appelé "le sang des raisins" (Genèse 49:11). Achab fut réunit à ses pères dans le caveau familial, comme de coutume, "et son fils Achazia régna à sa place" (1 Rois 22:40)

 

JiDé

Rois d'Israël et de Juda : Omri et Achab
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