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Les paroles s'envolent, les Écrits restent

Les paroles s'envolent, les Écrits restent

Que croyons-nous ? Comment savons-nous ce que nous croyons ? Sommes-nous sûrs que ce que nous croyons est vrai ? Qui peut nous l'assurer ? Ces questions, loin d'être le produit d'une quelconque forme d'incrédulité, sont au contraire un moyen de s'assurer de la fiabilité de ce qui constitue la somme de convictions d'un disciple de Jésus-Christ. Si nous voulons être sûrs que notre foi est solidement fondée et qu'elle est fondée sur la vérité, alors, il nous faut pouvoir répondre à ces quelques questions avec assurance. N'est-il pas écrit : "La foi vient de ce que l'on entend et ce que l'on entend vient de la parole de Christ" (Romains 10:17) ? Mais qu'est-ce que l'on entend ? Car, aujourd'hui, beaucoup de voix s'élèvent et se font entendre par un grand nombre. Ces voix trouvent un auditoire attentif et fidèle, mais sur quoi repose leur argumentation ? Et qu'entend-on par "entendre" ? Nous sommes dans des temps où les "enseignements" semblent prédominer sur la lecture de la Bible. Nous sommes dans des temps où l'on privilégie l'écoute d'enseignements à la lecture et la méditation de la Parole de Dieu. Et cela peut, à mon sens, présenter un certain danger. L'Evangile de Luc commence par ces mots : "Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole. Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie, excellent Théophile, afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus" (Luc 1:1 à 4). 

Ce que l'on entend

Il m'est arrivé, à plusieurs reprises, alors que je m'entretenais avec des personnes nées de nouveau, aimant le Seigneur, de m'entendre dire, à propos de l'étude des textes bibliques : "Oui mais ça, c'est intellectuel, ça ne sert à rien". Le mot "intellectuel" prenant ainsi une connotation négative, comme si la "vie de l'Esprit" pouvait s'opposer à la réflexion, à la raison et à l'étude. Faut-il alors considérer la somme d'informations contenues dans le récit biblique comme secondaire, voire inutile ? On croirait donc encore à l'inspiration plénière des Ecritures mais plus à leur utilité ? Le Saint-Esprit tournerait-il le dos à la Parole qu'il a lui-même inspirée ? Pourtant l'apôtre Paul ne dit-il pas : "Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, convaincre, corriger, instruire" (2 Timothée 3:16) ? Récemment, je m'entretenais avec un ami au téléphone et celui-ci me dit, alors que nous venions d'aborder le même sujet : "Oui mais, tu comprends, moi je cherche l'Esprit !". Je me suis alors questionné : "La vie de l'Esprit est-elle devenue incompatible avec le contenu des Ecritures ?". Si tel est le cas, je m'interrogerais plutôt sur la nature de cet "Esprit". Il est écrit : "La foi vient de ce que l'on entend (en grec "akoe")". Le mot "akoe" se traduit par "ouïe, l'oreille, la chose entendue, un bruit, une rumeur, une instruction, la prédication de l'Evangile". Ce mot "akoe" vient de "akouo", qui signifie "être doté de la faculté d'entendre, considérer ce qui est ou ce qui a été dit, apprendre par l'écoute, prêter l'oreille à un enseignant, comprendre, assimiler".  

Mais qu'entends-je ? La question est d'importance car si je base ma foi sur ce que j'entends, il est préférable que cela soit conforme à la vérité. "Mais, me direz-vous, pourquoi en serait-il autrement ?". C'est vrai ! Pourquoi ? Pourrait-on en douter ? Si "la foi est une ferme assurance des choses qu'on espère, une pleine conviction (une démonstration, une preuve) des choses qu'on ne voit pas" (Hébreux 11: 1), cela signifie que je vais fonder mes convictions profondes sur ce que j'entends, et dont je serai pleinement convaincu. Mais si ce que "j'entends" n'est pas exact, alors…  Si "je prête l'oreille à un enseignant" et que "j'apprend par l'écoute", alors je vais fonder progressivement mes convictions sur ce qui m'est enseigné. Fondamentalement, le principe est bon et c'est ainsi que le Seigneur a voulu les choses. Mais il a dit également : "N'avez-vous jamais lu dans les Ecritures : la pierre rejetée par ceux qui bâtissaient est devenue la principale de l'angle (la pierre angulaire)" (Matthieu 21:42). Or, il existe, depuis quelques décennies, un mouvement qui se veut "post-scriptura" et qui considère que la Bible est dépassée. Qu'elle a été remplacée par une nouvelle révélation, apostolique et prophétique, supérieure à celle apportée par la Bible. Pour ceux-là, les Ecritures sont devenues "la pierre rejetée". Ils semblent ignorer que c'est justement sur cette "pierre rejetée" des Ecritures que le Seigneur bâtit sa maison. "Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, convaincre, corriger, instruire" (2 Timothée 3:16). "Toute Ecriture" signifie : la totalité sans rien omettre. "Toute Ecriture est inspirée (par l'Esprit) de Dieu", Il n'y a donc pas d'une part les Ecritures et de l'autre, la vie de l'Esprit. Les deux étant indissociables. On ne peut avoir l'un sans l'autre. "Toute Ecriture est utile", on ne peut donc reléguer une partie de l'Ecriture et n'en considérer qu'une autre. "Utile pour enseigner, instruire". Elle doit donc demeurer le fondement de l'enseignement reçu sur lequel se fonde la foi de celui qu'elle va "convaincre". Et enfin, elle est "utile pour… corriger" celui qui est dans l'erreur, celui qui se laisse bercer par ce qui, à force de déviances, pourrait devenir ce que la Bible appelle de "fausses doctrines" (1 Timothée 6:3).   

Ainsi, si l'apôtre Paul nous dit que "toute Ecriture est inspirée de Dieu", il dit également : "N'éteignez pas l'Esprit. Ne méprisez pas les prophéties, mais examinez toutes choses, retenez ce qui est bon" (1 Thessaloniciens 5:19 à 21). Tout est dans l'équilibre. En grec, "examiner" se dit "dokimazo", ce qui peut se traduire par "mettre à l'épreuve, examiner, éprouver, reconnaître comme véritable après examen, jugé digne de foi". L'apôtre incite ses lecteurs à faire preuve de sens critique, à exercer leur discernement. "Heureux celui qui ne se condamne pas dans ce qu'il approuve (dokimazo)" dit-il aux Romains (Romains 14:22). Il encourage également les Corinthiens en leur disant : "Examinez-vous vous-mêmes pour savoir si vous êtes dans la foi. Éprouvez (dokimazo)-vous vous-mêmes" (2 Corinthiens 13:5). Plus tard, l'apôtre Jean écrira à son tour : "Bien-aimés, n'ajoutez pas foi à tout esprit mais éprouvez (dokimazo) les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu, car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde" (1 Jean 4:1). L'apôtre Pierre, quant à lui, parle de "personnes ignorantes et mal affermies qui tordent le sens des Ecritures pour leur propre ruine" (2 Pierre 3:16). Paul ne dit-il pas, à deux reprises : "Je ne veux pas que vous ignoriez" (1 Corinthiens 10:1 / Romains 11:25) ? On ne peut raisonnablement "ignorer" les Ecritures, et certainement pas en tordre le sens. On ne peut que reprendre l'exemple des Béréens qui "examinaient (anakrino) chaque jour les Ecritures pour voir si ce qu'on leur disait était exact" (Actes 17:11). Ils avaient cependant "reçu la Parole avec beaucoup d'empressement", mais cela ne les empêchait pas d'être vigilants sur ce qu'on leur enseignait. "Anakrino" signifie "examiner, juger, faire des recherches, s'enquérir, scruter, estimer, déterminer (l'excellence ou la défectuosité d'une personne ou d'une chose)". C'est avec la même scrupuleuse intégrité que Luc va rédiger le livre qu'il destine à son ami Théophile. Je suis donc parti du texte introductif de son évangile comme base de réflexion. 

Un livre rare  

C'est également avec un souci d'excellence, de véracité et d'authenticité que l'évangéliste Luc a rédigé l'Evangile qui porte son nom. Luc, en tant que médecin, est accoutumé à la précision des faits. Il écrit à son ami Théophile, afin, dit-il : "que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus". Théophile est un croyant qui a été enseigné dans la Parole de Dieu sur les événements qui se sont produits et qui concernent la Personne et l'œuvre du Seigneur Jésus-Christ. Mais il est également un personnage de haut rang car le mot que Luc utilise pour le désigner, "excellent" (kratistos), est le terme que l'apôtre Paul utilisera pour désigner les gouverneurs romains Félix et Festus (Actes 23:26, 24:3, 26:25). Or, le terme utilisé lorsque l'on s'adresse à un Gouverneur est "Excellence". Si l'on retranscrivait les paroles de Luc dans notre langage d'aujourd'hui, nous dirions que Luc s'adresse à ce personnage de haut rang en l'appelant "Excellence", comme on le ferait en s'adressant à un Gouverneur. Mais comme il se fait que Luc est également un ami de Théophile, il s'adresse aussi à lui en l'appelant par son nom. Ce petit détail permet de comprendre le rapport qui unit les deux hommes et la qualité de celui-ci. Cela pose également le cadre dans lequel s’effectue l'échange entre les deux hommes. 

Luc pose donc ici un rapport d'autorité. Il s'adresse à la fois à un ami mais aussi à une personne influente, titrée. Les faits relatés par Luc dans son livre ont été transmis par des "témoins oculaires... ministres de la Parole", les apôtres et les disciples qui ont vécu avec Jésus. Les faits qu'il relate ont donc été attestés par une autre forme d'autorité, apostolique celle-là. Autorité reconnue par Théophile puisque celui-ci est disciple de Yeshoua. Nous trouvons donc ici trois formes "d'autorités". Celle à qui est destinée le rouleau de livre, Théophile. Celle dont proviennent les informations transmises, les apôtres. Et celle de l'auteur de l'ouvrage, Luc, de par la rigueur et la fiabilité de ses sources, à partir desquelles il l'a rédigé.  

Luc a donc "entrepris de composer un récit des événements et de les lui relater de façon conforme et exacte". Cette démarche, qui est plutôt celle d'un archiviste, n'en est pas moins totalement inspirée par le Saint-Esprit qui est, faut-il le rappeler, un "Esprit de Vérité" (Jean 14:17 - 16:13). Nous avons ici un vivant exemple de la conjugaison d'un travail scripturaire, de recherches d'archives et de témoignages. Un compte-rendu qui est le fruit d'un travail consciencieux et scrupuleux, honnête et rigoureux. Un texte qui n'en est pas moins inspiré par le Saint-Esprit, qui a pleinement sa place au sein des Ecritures, étant, de ce fait, porteur de la même autorité. Une approche plus attentive de ce texte a encore bien des choses à nous apprendre.

Avant de m'attarder plus avant sur cette introduction à l'Evangile, il me faut tout d'abord spécifier quelques petites choses. Les avis divergent quant à la date de rédaction de l'Evangile de Luc, mais ce qui est certain, c'est que les éléments constitutifs du Nouveau Testament ont été écrits avant l'an 70 (date de la destruction de Jérusalem par les Romains), c'est à dire durant les quelques quarante années qui ont suivi la mort et la résurrection du Seigneur Jésus. On peut dater approximativement cet ouvrage de Luc vers l'an 60 de notre ère. Il faut tenir compte du fait que non seulement le Nouveau Testament, tel que nous le connaissons sous forme de Codex, n'existe pas encore, mais il n'est même pas entièrement rédigé. A cette époque, des bribes de documents circulent parmi les communautés. Celles-ci sont recopiées puis transmises à une autre communauté qui la recopiera et la retransmettra à son tour. C'est ce que dit Paul aux Colossiens lorsqu'il leur écrit : "Lorsque cette lettre (celle qu'il leur a adressée) aura été lue chez vous, faites en sorte qu'elle soit lue dans l'Eglise des Laodicéens, et que vous lisiez, à votre tour, celle qui vous arrivera de Laodicée" (Colossiens 4:16). De même, il est dit à l'apôtre Jean : "Ce que tu vois, écris-le dans un livre et envoie-le aux sept Eglises, à Éphèse…" (Apocalypse 1:11). Il en est de même pour les Évangiles. Des portions circulent de communauté en communauté, mais les exemplaires complets sont rares. Théophile, ami de Luc, est devenu disciple de Yeshoua, mais il ne possédait pas de récit complet des événements qui s'étaient produits en Judée. Luc, son ami, lui propose de remédier à cela en lui envoyant ce récit détaillé par ses soins, après avoir effectué un long travail d'enquêtes, d’interviews, de recherches, de recoupement d'informations et enfin de rédaction. L’évangile, tel que nous le connaissons, n'est pas une circulaire, comme le sont par exemple les lettres de Paul. Le livre de Luc devait se présenter, à l'origine, sous la forme d'un rouleau de livre d'un seul tenant. C'est un ouvrage précieux. Un livre rare. Une collection en vingt-quatre volumes. Il est destiné à l'usage d'une personne en particulier. Il se peut que Théophile soit responsable d'une communauté qui, de par ce fait, aurait bénéficié de sa lecture publique. Ce que Luc, tout comme Théophile, ignorait, c'est que ce livre serait lu par des millions de personnes à travers le monde, dans les quelques vingt siècles qui suivirent. 

De cet ouvrage rare, nous avons donc le titre (Évangile de Luc), la dédicace (excellent Théophile), la préface (les versets 1 à 4) et l'introduction (la suite du chapitre 1). C'est cette préface que je voudrais développer ici, plus avant, car elle me semble répondre au questionnement initial qui m'a poussé à rédiger cet article. "Que croyons-nous ? Comment savons-nous ce que nous croyons ? Sommes-nous sûrs que ce que nous croyons est vrai ? Qui peut nous l'assurer ?". Mais surtout, être en mesure de répondre à la réflexion sous-jacente de mon ami : "Dans quelle mesure la vie de l'Esprit est-elle en adéquation avec les Ecritures saintes ?". 
 


En introduction  

Je m'étais déjà arrêté sur cette préface du livre de Luc auparavant. Sa rigueur, son désir d’exhaustivité, ce travail d'archiviste et d'historien me passionnaient. Mais je m'étais alors davantage penché sur sa dimension hébraïque. Luc, bien que Grec, de culture et de langue grecque, démontre par ses écrits une connaissance très approfondie du milieu hébraïque, de sa culture et de sa religion. C'est justement cette capacité à naviguer d'une culture communautaire à l'autre qui lui a permis de rédiger un ouvrage relatant des événements typiquement judéens, tout en sachant les retranscrire de façon compréhensible pour un lecteur de culture grecque (Theophilos est un nom grec). C'est un véritable tour de force. L'apôtre Paul démontrera la même dextérité. Polyglotte, homme instruit, citoyen romain, juif et religieux, il saura lui aussi utiliser les différentes facettes de sa personnalité pour passer d'un monde à l'autre et transmettre, à une culture hellénistique encore jeune, un héritage spirituel de plusieurs millénaires. 

Comme je l'ai dit plus haut, ce livre a pour but primordial d'assurer son ami Théophile que les événements dont il a eu connaissance sont exacts et conformes à la réalité. Luc débute et achève son introduction par cette affirmation : "Plusieurs ayant entrepris de composer un récit des événements qui se sont accomplis parmi nous, suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole… afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus". Théophile a eu, semble-t-il, connaissance, ou a eu en sa possession des écrits relatant les événements judéens, mais il ne disposait pas d'un récit suivi et complet. C'est à ce manque que Luc se propose de remédier. Ce dernier expose à son ami la méthode par laquelle il a procédé : "Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie". L’évangile de Luc présente une particularité par rapport à ceux de Matthieu et Marc (les autres synoptiques). Il a été rédigé directement en grec (contrairement à ceux des deux autres évangélistes qui l'ont été préalablement en hébreu). Le livre de Luc qui nous est parvenu n'est donc pas une traduction, mais il est bien écrit dans la langue originale de son auteur, ce qui présente un intérêt non négligeable. Par contre, la version dans laquelle nous le lisons usuellement est, quant à elle, bel et bien une traduction. Cette dernière n'est malheureusement pas en mesure de rendre toute la profondeur du texte original dans lequel s'exprime toute la richesse de la pensée de l'auteur. Il me semblait tout à fait digne d'intérêt de revenir à celui-ci pour en saisir toute la beauté et toute la profondeur. 

Démo et démarche 

"Plusieurs ayant entrepris de composer…". "Composer (anatassomai : mettre en ordre, arranger, composer"). "Tasso" signifie "mettre en ordre, placer dans un certain ordre, désigner quelque chose ou quelqu'un. Luc parle ici de ceux qui, avant lui, ont tenté de faire un compte-rendu des événements qui s'étaient déroulé du vivant de Jésus sur la Terre. Luc se positionne donc dans la continuité de cette démarche. 

"De composer un récit…". "Récit (diegeomai : amener une narration jusqu'à sa fin, raconter, relater en entier, décrire). Luc a donc entrepris une narration des faits. Il s'est engagé à relater, à décrire les événements qui se sont passés, et ce, jusqu'à la fin. Il y a donc, dès le départ, le désir d'être complet, d'aller jusqu'au bout de son récit. Luc a donc conscience d'entreprendre un travail qui va s'avérer long et fastidieux. Sa rigueur intellectuelle l'obligeant à être tout à la fois précis, concis, et complet : "après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit d'une manière suivie". Ainsi, lorsqu'il est dit que "les apôtres racontèrent (diegeomai) à Jésus tout ce qu'ils avaient fait" (Luc 9:10), ils lui contèrent dans le détail sans rien omettre, la totalité de leurs actions. Luc reprend ces récits dans le détail. 

"De composer un récit des événements…". "Événements" (pragma : ce qui a été fait, un fait établi. D'où vient le mot "pragmatique"). J'avais mentionné plus haut la définition de la foi selon Hébreux 11:1. "Une ferme assurance des choses… une pleine conviction de celles (pragma) que l'on ne voit pas". Bien que Luc fasse, de son Évangile, un travail d'archiviste et d'historien avec une rigueur toute pragmatique, son  œuvre n'en est pas pour autant dépourvue d'une dimension spirituelle qu'il ne veut nullement occulter. Celle-ci étant fondée sur des réalités qui peuvent être invisibles à l’œil nu. Je reviendrai plus loin sur ce sujet. 

"... Un récit des événements qui se sont accomplis…". "Accomplis" (plerophoreo : remplir, faire une chose qui soit montrée dans sa totalité. Remplir quelqu'un d'une pensée, conviction, inclination, persuader, convaincre, assurer)On retrouve ici, dans ses propres mots, la démarche initiale de Luc : être complet et assurer son ami, le convaincre de la véracité des faits mentionnés. 

"Qui se sont accomplis parmi nous suivant (kathos : conformément) ce que nous ont transmis…". Luc réitère l'affirmation que les événements relatés sont bien conformes aux faits avérés. 

"Ce que nous ont transmis (paradidomai)...". Paradidomai : livrer à quelqu'un, une chose à garder, à prendre soin, à gérer. Le récit de ces événements a donc été transmis de façon complète par les témoins oculaires que furent les ministres de la parole afin que ceux-ci soient conservés précieusement dans leur totalité. On retrouve ici l'idée de transmission d'un savoir.  

"Ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires…". Luc, en professionnel, utilise ici un terme médical pour le mot "témoins"("autoptes", d'où vient "autopsie" : "voir de ses propres yeux, pratiquer un examen détaillé"). Luc a exercé, dans la rédaction des événements relatés, la même rigueur que celle à laquelle il s'astreint lorsqu'il pratique la médecine. Il a passé ses informations au scanner. Il les a disséquées, autopsiées, afin d'en vérifier l'authenticité. 

"Ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement (arche)…". Le sens du mot "Arche" couvre plusieurs définitions, toutes riches de sens. Je m'en tiendrai ici à celles qui sont susceptibles d'enrichir la compréhension du texte qui nous occupe. "Arche" c'est, entre autres, "le commencement, l'origine, la cause, ce par quoi tout commence", et "l’extrémité d'une chose". Jésus dira : "Je Suis le premier et le dernier, le commencement (arche) et la fin" (Apocalypse 21:6 - 22:13). C'est par ce mot que Marc débute son Évangile : "Commencement de l'Evangile de Jésus-Christ" (Marc 1:1). De même, Jean débute par ces mots : "Au commencement, était la Parole" (Jean 1:1). Le mot "arche" désigne également le "premier" miracle de Jésus à Cana (Jean 2:11). Ce mot fait bien évidemment écho à son équivalent hébreu, le mot "bereshit" (le premier mot de la Bible). Le mot "arche" fait référence au récit créationnel (Marc 10:6 - Hébreux 1:10 - 2 Pierre 3:4). Jésus est appelé également "le Commencement de la création du Monde". Ce mot fait également référence à la présence des apôtres auprès de Jésus dès "le commencement" (Jean 15:27). Ce mot sera utilisé par l'auteur de l'Epître aux Hébreux pour parler des "rudiments (arche) des oracles de Dieu" (Hébreux 5:12 - 6:1). L'apôtre Jean l'utilisera également dans ses lettres en mentionnant "la parole que vous avez entendue (arche) (1 Jean 2:7). "Ce qui était dès le commencement" (1 Jean 1:1), "ce que vous avez entendu dès le commencement" et qui "demeure en vous" (1 Jean 2:24). Ce ne sont ici que quelques exemples. Ces choses sont attestées par ces "témoins oculaires qui sont devenus des ministres de la parole". Et Luc poursuit : 

"Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes…". Il est nécessaire, je le pense, de s'arrêter un instant sur le sens de cette phrase car elle est significative. On ne s'arrête jamais assez longtemps sur les mots de l'Ecriture. "Il m'a semblé bon…". Luc émet ici un avis personnel, aux antipodes d'un "Dieu m'a dit…" qui cherche à imposer un avis, le plus souvent très personnel et totalement infondé. Les utilisateurs invétérés de cette expression auraient d'ailleurs tout intérêt à se remémorer cette parole (authentique celle-là) du Seigneur : "Tu ne prendras pas le Nom de l'Eternel en vain" (Exode 20:7 - Deutéronome 5:11). Si un homme de la stature de Luc se garde bien d'émettre un avis de façon péremptoire, alors que ses propres paroles sont considérées, au même titre que n'importe quelle autre de l'Ecriture, comme étant pleinement inspirées, à combien plus forte raison devrait-on se garder d'émettre de prétentieuses vanités en prétendant les attribuer au Seigneur. 

"Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes…". Si Luc émet un avis personnel, c'est après avoir effectué des recherches sérieuses, après s'être documenté, renseigné. Il donne un avis qu'il pense être valable (quelle humilité !). Celui-ci est le fruit d'un long travail de recherches dont il a longuement et minutieusement vérifié la véracité. Toutes les informations dont Luc s'est servi ont été vérifiées et authentifiées avant d'être mentionnées dans son livre. Rien n'a été laissé au hasard. Il n'est aucun élément constituant de son ouvrage qui n'ait eu à subir une minutieuse et scrupuleuse vérification. Luc est un perfectionniste. Ce qui est tout à son honneur.   

"Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes…". "Recherches" (parakoloutheo)Ce mot revêt, lui aussi, plusieurs sens qui viennent, chacun pour leur part, enrichir la compréhension de ce que dit Luc. "Parakoloutheo" peut signifier "suivre quelqu'un de près, accompagner une personne"(comme un disciple avec son maître). Paul parlera à Timothée en disant : "Tu as suivi de près (parakoloutheo) mon enseignement, ma conduite, mes résolutions... ma constance" (2 Timothée 3:10). Je pense qu'avant lui, Luc avait déjà cette attitude de constance et de détermination résolue. Il est possible, et même probable, que Luc ait passé du temps avec les apôtres pour recueillir leurs témoignages. Il les a écouté, il a pris des notes. On peut même envisager que Luc ait entreprit cette investigation dans le but de rédiger un livre mentionnant le récit complet des événements, pour l'offrir ensuite à son ami Théophile. 

Un autre sens du mot "parakoloutheo" est : "chercher à comprendre, jusqu'à atteindre un niveau de connaissance". Les recherches effectuées par Luc vont le "qualifier" dans ce domaine. Ses travaux de recherches lui donneront une forme de reconnaissance, un aval de ses pairs. Son avis en la matière aura désormais du poids. Il sera entendu et écouté. Luc a passé un doctorat "ès Evangélicos". Il est généralement considéré, et à juste titre, comme un évangéliste. Il est plus que cela. Luc est aussi un "docteur" (1 Corinthiens 12:28), bien qu'il fut déjà médecin…   

J'en terminerai avec la signification du mot "parakoloutheo" avec cette dernière définition qui ne manque pas non plus d'intérêt : "suivre fidèlement un standard, une règle, se conformer à"J'ai, jusqu'ici, appuyé sur les compétences, la rigueur, la détermination, la probité de Luc, mais il faut également s'intéresser à ses méthodes de travail. Luc, de par sa formation de médecin, avait déjà les qualités requises pour effectuer une telle œuvre. Mais il est intéressant de constater que celui-ci a également travaillé avec méthode, car il désire présenter ces événements "de manière suivie". Son travail de rédaction n'est pas une suite de récits mis bout à bout. Tout est cohérent. Sa rédaction obéit à des règles. D'orthographe et de syntaxe, certes, mais plus encore. Ses recherches, tout comme sa rédaction, sont structurées, obéissent à des règles préétablies. Luc suit un plan. Il construit, édifie, structure, classifie, écarte éventuellement des éléments secondaires au profit d'autres qui lui semblent plus essentiels, plus cohérents. On retrouve cette notion dans les premiers mots de son introduction où il se réfère à la démarche de ces prédécesseurs : "Plusieurs ayant entrepris de composer (anatassomai : mettre en ordre, arranger, placer dans un certain ordre)"Luc a poursuivi son travail dans la même veine. Il a perpétué ce qui s'était fait avant lui. Mais il l'a fait avec les qualités et les compétences qui sont les siennes.   

"Après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses""Choses", "pas" : individuellement, chacun, chaquemais aussi "l'entièreté, tout le monde, toutes choses, collectivement, de tous types"Les recherches que Luc a entreprises n'étaient pas seulement rigoureuses dans leur démarche, elles étaient également exhaustives. Luc n'a rien laissé de côté. Il n'a négligé aucun détail, aucun témoin. Tout ce qui était susceptible d'apporter un fait ou un élément nouveau à la construction de son récit a mérité son attention. 

"Après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine""Origine" (anothen). On touche ici à un point très important de la démarche de Luc que je considérerais comme le paradigme de ce texte. "Anothen" est vraiment un mot clef dans la compréhension du texte de Luc. "Anothen" signifie : "depuis l'origine, depuis le début", mais également et surtout : "depuis le haut, d'en-haut, ce qui vient des cieux, ce qui vient de Dieu".   

Scofield a écrit : "Luc emploie le mot "anothen" pour établir que la connaissance des événements rapportés par ceux qui ont été les témoins oculaires dès le commencement fut confirmé par révélation". Après avoir effectué "des recherches exactes", Luc les "expose de manière suivie". Le récit de Luc est à la fois le fruit de son travail de recherches et d'enquêtes, mais aussi de la révélation de Dieu. Luc a entrepris un travail d'archiviste dans la plus pure tradition juive, tout comme cela est relaté dans les Ecritures. Ce travail se rapproche de celui qu'ont effectué les prophètes de l'Ancienne Alliance ainsi que l'écrit l'apôtre Pierre :  "Les prophètes qui ont  prophétisé, touchant la grâce qui vous était réservée, ont fait de ce salut l'objet de leurs recherches et de leurs investigations, voulant sonder l'époque et les circonstances marquées par l'Esprit de Christ qui était en eux et qui attestait d'avance les souffrances de Christ et la gloire dont elles seraient suivies. Il leur fut révélé que ce n'était pas pour eux-mêmes mais pour vous qu'ils étaient les dispensateurs de ces choses" (1 Pierre 1:10 à 12).  Il y aurait beaucoup à dire sur ce passage et ce sera, Dieu voulant, l'objet d'un prochain article. C'est un aspect du Prophétique qui est malheureusement souvent occulté. Le véritable ministère prophétique est fondé, enraciné sur la base d'une connaissance des Ecritures de la Parole de Dieu. La recherche, la lecture, la méditation, la réflexion, l'analyse de textes, c'est la partie immergée de l'iceberg prophétique. Celle que l'on ne voit pas. C'est "le temps du désert". C'est toute la préparation de l'authentique ministère prophétique. Puis, vient le message. Le véritable message prophétique est imprégné, imbibé, gorgé, de la Parole de Dieu. Il est né dans la Présence de Dieu. Il est né de Lui.   
 


Je mentionnerai ici trois passages de l'Ecriture où livres et Révélation sont concomitants. Le premier se trouve dans le livre de Daniel. "La première année de Darius, fils d'Assuréus, de la race des Mèdes, lequel était devenu roi du royaume des Chaldéens. La première année de son règne, moi, Daniel, je vis par les livres qu'il devait s'écouler soixante-dix ans pour les ruines de Jérusalem, d'après le nombre des années dont l'Eternel avait parlé à Jérémie le prophète (qui était un contemporain de Daniel). Je priai mon Dieu et je lui fis cette confession... (suit la magnifique prière d'intercession de Daniel)" (Daniel 9:1 à 4). Il faut noter ici la précision avec laquelle Daniel situe historiquement et chronologiquement cet épisode de sa vie. Il ne dit pas : "L'autre jour, j'ai lu dans le livre du prophète Jérémie…". Pourquoi donne-t-il toutes ces informations préalables ? Parce que l'information primordiale s'inscrit dans un contexte qu'il est nécessaire de connaître pour en saisir le sens. Ces soixante-dix années correspondent à une chronologie, et celle-ci correspond à une autre qui est celle de l'époque dans laquelle il vit et qui est déterminée par le monarque au pouvoir à ce moment-là. Ces détails ont leur importance. Il n'en demeure pas moins que le texte biblique est totalement inspiré dans les moindres détails. Ce qui signifie que le Saint-Esprit a veillé à ce que chacun de ceux-ci soit mentionné scrupuleusement, car chacun de ces détails a son importance et a un rôle à jouer dans la compréhension globale des Ecritures.   

Un autre passage de l'Ecriture, dans le livre de Néhémie, relate les paroles de son auteur : "Mon Dieu me mit à cœur d'assembler les grands, les magistrats et le peuple pour en faire le dénombrement. Je trouvai un registre généalogique de ceux qui étaient montés les premiers, et j'y vis écrit ce qui suit…" (Néhémie 7:5). On peut voir ici le Saint-Esprit qui conduit Néhémie à une action en lui mettant quelque chose "sur le cœur". Afin d'accomplir ce que Dieu lui a demandé, Néhémie va se mettre à la recherche d'un rouleau de livre qui lui est nécessaire pour réaliser sa tâche. Après avoir trouvé, parmi un grand nombre d'autres rouleaux, celui qui lui sera utile, il le consulte et il dit : "Et je vis écrit ce qui suit…". On retrouve ici la même démarche que pour Daniel et Luc. Ces trois hommes, tout comme les Prophètes dont parle l'apôtre Pierre dans son Épître, ont entamé des recherches dans les archives afin de se "constituer un dossier". Mais pour tous ces hommes, la démarche était purement spirituelle. Elle n'était pas motivée par la curiosité ou par désir de rédiger un ouvrage pour la postérité. Elle répondait à une incitation du Saint-Esprit de Dieu dans un but précis. Ils posaient ainsi, chacun pour sa part, une pierre à l'édifice de l'Histoire sainte, étant pleinement impliqués dans la tâche que Dieu leur avait confiée. En cela, ils furent également, pleinement, des "hommes de Dieu". 

Et enfin, un troisième et dernier passage de l'Ecriture où il est dit : "Des livres furent ouverts (la scène se passe dans le ciel). Et un autre livre fut ouvert, celui qui est le livre de vie. Et les morts furent jugés selon leurs œuvres d'après ce qui était écrit dans ces livres" (Apocalypse 20:12). Après avoir (je l'espère) démontré la corrélation entre livresque et révélation, il me restait à aborder l'aspect eschatologique de ce sujet. Ce texte démontre qu'il y a des livres dans le ciel et que ceux-ci sont destinés à évaluer les actions accomplies de notre vivant. Si celles de Daniel, de Néhémie et des Prophètes sont rédigées dans les Écrits de la Bible, ils ne le sont pas moins dans les livres célestes. Les nôtres le sont également ! "Les paroles s'envolent mais les Écrits restent"

"Il m'a semblé bon, après avoir fait des recherches exactes sur toutes ces choses depuis leur origine, de te les exposer par écrit de manière suivie afin que tu reconnaisses la certitude de… ce que tu as reçu". La révélation peut être également le produit d'une action conjointe. L'un a rédigé sous l'inspiration de l'Esprit de Dieu, Un autre va prendre connaissance de ces Ecrits et va les transmettre à un troisième qui, imprégné du message inspiré, va l'actualiser pour ses contemporains. 

Un enseignement digne de foi   

"Afin de te les exposer par écrit d'une manière suivie (kathexes)". "Kathexes" : "dans l'ordre, de manière suivie". Luc reprend cette idée qu'il développe dans toute sa préface. Il a rédigé son récit de façon ordonnée en se conformant à un standard littéraire, en obéissant à des règles qui fixent le mode de rédaction. Son livre reproduit les événements de façon chronologique, avec un commencement (arche) et une fin. Cependant, même si l'évangile de Luc se conforme à des critères littéraires, à des règles rédactionnelles, il n'en demeure pas moins un livre de la Bible pleinement inspiré par le Saint-Esprit. C'est là un aspect de son action auquel on est peu habitué, mais qui présente, de ce fait, le plus grand intérêt. 

"Afin de te les exposer par écrit de manière suivie, excellent Théophile". "Excellent" (kratistos). Comme je l'ai dit plus haut, ce mot "kratistos" désigne un personnage de haut rang. Peut-être est-il le commanditaire de cet ouvrage que lui fournit Luc. On peut mieux comprendre le soin tout particulier apporté à sa rédaction. Sa préface appuie fortement sur la qualité des informations qu'il contient, ainsi que des sources dont elles proviennent. 

"Excellent Théophile, afin que tu reconnaisses (epiginosko)". "Epiginosko" : "reconnaître, connaître parfaitement, être familier, intime"Le travail de rédaction de Luc doit permettre à cet ami illustre d'avoir une connaissance parfaite des événements qui se sont produits, du début jusqu'à la fin. Il pourra s'en pénétrer. La connaissance des faits lui sera alors familière, intime. 

"Afin que tu reconnaisses la certitude (Asphaleia)…". "Asphaleia" : "fermeté, stabilité, certitude, véracité". Ce mot vient de "asphates" (ce sur quoi on peut compter, certain, vrai, suivi de confirmation). J'en reviens ici aux questions posées en introduction de cet article. "Que croyons-nous ? Comment avons-nous eu connaissance de ce que nous croyons ? Sommes-nous sûrs que ce que nous croyons est vrai ? Qui peut nous l'assurer ?". Luc nous apporte ici une réponse indubitable. 

"Des enseignements (logos) que tu as reçus". Selon l'expression consacrée, on "garde le meilleur pour la fin". Le mot "logos" est riche de sens. Il serait trop "volumineux" que d'en aborder ici tous les aspects. Néanmoins, la richesse condensée d'un tel terme mérite que l'on s'y attarde. L'introduction de l'Evangile de Jean en donne un aspect primordial. "En arche en ho logos kai ho logos en pros ton theon kai théos en ho logos" : "Au commencement était la Parole et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu" (Jean 1:1). Jean parle ici de celui par qui, pour qui et en qui toutes choses ont été créées au Commencement (1 Corinthiens 8:6)Yeshoua ha Mashiah, le Seigneur Jésus-Christ.   

Le mot "Logos" désigne globalement la parole, le discours, ce qui est exprimé. Je ne retiendrai ici que les termes qui sont en lien avec le contexte. Logos désigne donc une parole, impliquant une conception, une idée préalable. Ce qui est déclaré, une forme de discours, la façon dont celui-ci est articulé, le fait de s'exprimer. Logos peut également désigner un enseignement, une doctrine, des instructions. Une narration, un récit. Il peut aussi désigner la faculté de penser, de méditer, de raisonner. Le fait de prendre en compte, de considérer. Ce fut le philosophe grec Héraclite qui, le premier, six siècles avant notre ère, utilisa ce terme pour désigner la raison, le plan qui coordonne l'univers. A la lumière de cette courte et concise définition, on peut mieux saisir ce dont parle Luc à son excellent ami Théophile. Les diverses significations de ce mot "logos" devaient être connues de Théophile. Il a donc pu pleinement en apprécier le sens. Il me semble opportun de m'attarder sur l'usage que Luc en fait dans son ouvrage.   

"Afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements (logos) que tu as reçus". Luc, s'adressant à Théophile, lui parle de choses dont son ami a eu préalablement connaissance en ce qui concerne les événements relatifs au ministère de Jésus, les actions de ses apôtres etc... Cela n'apparaît pas ici dans la traduction mais, un peu plus haut (au verset 2) dans sa préface, il a déjà précisé de quels enseignements il est en train de parler. "Suivant ce que nous ont transmis ceux qui ont été des témoins oculaires dès le commencement et sont devenus des ministres de la parole (logos)" (Luc 1:2). Luc fait ici un lien direct entre les enseignements dont a bénéficié son ami Théophile et celui des apôtres qui ont vécu les événements qui lui ont été relatés. La teneur de ces événements sera résumée, plus tard, par l'apôtre Jean dans l'introduction de son Évangile : "La Parole (logos) a été faite chair et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité et nous avons contemplé sa gloire, comme la gloire du Fils unique venu du Père" (Jean 1:14). Le mot "logos" apparaît vingt-deux fois dans l'Evangile de Luc en différents contextes. Vingt-deux étant le nombre de lettres dans l'alphabet hébraïque, on peut y voir une allusion à l'écriture, aux textes, à la rédaction d'un récit. Mais plus encore, à ce que signifie l'Ecriture. La conservation scripturaire d'un témoignage oral qui se revêt ainsi de toute l'autorité apostolique. 

Lorsque le roi Hérode l'interrogea, "il lui posa beaucoup de questions (logos), mais Jésus ne lui répondit rien" (Luc 23:9). Le mot "logos" vient de "lego" qui signifie "dire, parler, affirmer, soutenir, enseigner, conseiller, annoncer, déclarer…". Mais Jésus n'a rien à répondre à un roitelet qui ne l'interroge que dans le but de s'en amuser et de se divertir (Luc 23:8). 

"Afin que tu reconnaisses la certitude des enseignements que tu as reçus""Reçus" (katecheo) : "enseigner oralement, instruire, informer". J'en arrive ici à la fin de cette préface de Luc. Mais il va me falloir m'y attarder un peu car cette dernière partie comporte un élément essentiel pour nous qui attachons la plus grande importance à la Vérité et à l'authenticité de l'enseignement dont nous nourrissons notre âme et notre esprit. Mais voyons d'abord ce que le texte nous dit. Ce mot peut également signifier "envoyer un son, résonner, charmer par un son qui résonne". Théophile a reçu "l'écho" des événements et des enseignements dont Luc lui a rédigé le récit complet. Il est également fait mention du "katecheo" lorsqu'il est parlé d'Apollos, "un juif originaire d'Alexandrie (en Egypte), homme éloquent et versé dans les Ecritures" (Actes 18:24). Apollos "était instruit dans la voie du Seigneur et (était) fervent d'esprit, il annonçait avec exactitude ce qui concerne Jésus, démontrant par les Ecritures que Jésus est le Massiah (le Christ)" (Actes 18:24 à 28). La définition de ce mot peut étonner : "Envoyer un son, résonner, charmer par un son qui résonne". Il se peut qu'Apollos ait enseigné dans les théâtres d’Éphèse ou d'Alexandrie. Ces lieux disposaient d'une acoustique particulière qui portait le son de la voix des comédiens jusque dans les gradins les plus éloignés. Apollos était, de plus, un homme instruit, éloquent, fervent d'esprit et connaissant suffisamment bien les Ecritures pour démontrer, par elles, que Yeshoua (Jésus) était bien le Massiah annoncé par celles-ci. J'en reviens ici à la définition du mot "Logos" (qui désigne la Parole de Dieu). Le logos, c'est "la parole, le discours, ce qui est exprimé. C'est aussi "une parole impliquant une conception, une idée préalable. Ce qui est déclaré, un discours ou la façon dont celui-ci est articulé. Le fait de s'exprimer". A la lumière de cette définition, on pourrait dire qu'Apollos était un homme fort éloquent et agréable à écouter. Le genre de personne dont on dit : "On l'écouterait pendant des heures". Ce n'est pas une chose négligeable.
 

Théâtre romain antique


Digne de foi… ou pas !   

Il est nettement plus agréable d'entendre un bon orateur qu'un prédicateur qui peine à s'exprimer. Qui ponctue son discours de tics verbaux. Qui fait des digressions à n'en plus finir. Ou pire ! Qui ne maîtrise pas son sujet, se trompe et manifeste une méconnaissance à la fois des Ecritures et du sujet qu'il cherche à traiter. L'apôtre Jacques ne dit-il pas : "Qu'il n'y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner" (Jacques 3:1) ? Ils sont pourtant nombreux à briguer cette charge. Il est manifeste que certains d'entre eux ne possèdent pas les qualités requises bien qu'ils se targuent d'être des "serviteurs de Dieu". Mais cela n'est, malgré tout, pas le moindre mal. Car il est également des prédicateurs éloquents à la voix captivante et aux discours convaincants qui "sonnent" bien. Ils se présentent parfois, eux aussi, comme étant "d'excellence", se gratifiant parfois de titres aussi éloquents que pompeux. Ils savent, eux aussi, "exposer un récit, relater, raconter, convaincre, persuader, rassurer". Ils savent habilement "déléguer et confier" des tâches pour valoriser leurs auditoires qui s'en trouvent flattés. "Lego" rime alors avec "l'égo"

Ils attestent de faits extraordinaires, de "miracles et de prodiges" (Matthieu 24:24) qui se seraient produits par leurs mains. Mains qu'ils s'empresseront d'imposer à leurs auditoires charmés. Ils savent également, pour les plus pragmatiques, se servir habilement des Ecritures, tout en en "tordant le sens" (2 Pierre 3:16). Ils se vanteront peut-être d'avoir, eux aussi, "suivi quelqu'un" dont le nom est renommé et dont ils se prétendent familiers. Il se peut que, interrogées, ces personnes de renom ne se souviendront ni de leur nom, ni de leur visage. Certains d'entre eux ont déjà "leur nom sur l'affiche" et se présentent "sous les feux des projecteurs". Ces "show-men" sont "d'habiles enchanteurs" (Psaume 58:6) qui "aiment et pratiquent le mensonge" (Apocalypse 22:15) et contre qui le Seigneur "se hâtera de témoigner" (Malachie 3:5). Ils "jurent faussement" et "oppriment la veuve et l'orphelin", ces personnes en souffrances qui aspirent à la délivrance et à la guérison.  Ils assureront leur public que leurs propos sont "anothen" ("d'en haut") et que, tels les Prophètes (de l'Ecriture) ils ont "sondé notre époque et les événements marqués par l'Esprit de Dieu qui est (prétendent-ils) en eux" (1 Pierre 1:10, 11). Ou peut-être prétendront-ils, comme Daniel, s'être formés "par les livres", assurant ainsi de leur "instruction". Mais il ne s'agit là que d'une instruction "dans la sagesse des Chaldéens" (Daniel 1:4). Ils sont comme "un airain qui résonne (echeo)" (1 Corinthiens 13:1). L'apôtre Jean mettra son auditoire en garde en disant : "N'ajoutez pas foi à tout esprit mais éprouvez les esprits pour savoir s'ils sont de Dieu car plusieurs faux prophètes sont venus dans le monde" (1 Jean 4:1). C'est pourquoi il nous faut nous enquérir de la vérité (comme le fera Théophile, après avoir pris connaissance du livre de Luc), et comme les Juifs de Bérée, "qui reçurent la parole avec beaucoup d'empressement et (qui) examinaient chaque jour les Ecritures pour voir si ce qu'on leur disait était exact" (Actes 17:10, 11). 

Faites entrer les témoins

"La foi est une ferme assurance… une pleine conviction". On pourrait également dire : "une démonstration…". Cette démonstration est attestée par ces fameux "témoins oculaires" (2 Pierre 1:16) dont nous parle l'Ecriture. Ceux-là mêmes qui furent avec le Seigneur depuis le début de son ministère, "depuis le baptême de Jean (le Baptiste) jusqu'au jour où il fut enlevé du milieu de nous, il y en a un qui nous soit associé comme témoin de sa résurrection (Actes 1:21, 22). Ce sera Matthias. Jésus lui-même avait dit que l'Esprit rendrait témoignage de lui (Jean 15:26). Ses disciples le feraient également, eux qui l'avaient accompagné depuis le commencement (Jean 15:27).  "C'est pourquoi, il nous faut nous attacher aux choses que nous avons entendues… Dieu ayant appuyé leur témoignage par "des signes, des prodiges et divers miracles" (Hébreux 2:1 à 4). Cette Parole que nous avons entendue (vs 1) a été confirmée par ceux qui l'ont vécue (vs 3), Dieu ayant lui-même attesté ces faits par son Saint-Esprit (vs 4). Ces témoignages sont dignes de foi car "c'est poussé par le Saint-Esprit que des hommes ont parlé de la part de Dieu" (2 Pierre 1:21). Le récit des "Actes de apôtres" sera rédigé par le même auteur pour le même destinataire. Théophile disposera ainsi d'un récit complet de tous les événements qui se sont déroulés depuis la naissance de Jésus jusqu'au dernier emprisonnement de Paul qui précéda son exécution. Nous sommes, nous aussi, aujourd'hui bénéficiaires de ce travail remarquable.  

Sur la base de ces Écrits apostoliques, nous pouvons donc affirmer, avec l'apôtre Paul : "Je sais en qui j'ai cru" (2 Timothée 1:12).


JiDé

Les paroles s'envolent, les Écrits restent
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