Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Les Dix commandements

Les Dix commandements

Lorsque l'on parle des 10 commandements, on pense généralement au film de Cecil B. De mille et à Charlton Heston, incarnant le personnage de Moïse, descendant de la montagne en tenant dans ses mains "les deux tables de pierre écrites du doigt de Dieu" (Exode 31:18 / Deutéronome 9:10). Pour beaucoup de personnes qui ne connaissent pas la Bible, la réaction vis-à-vis de ces textes, censés exprimer les exigences divines, est semblable à celle du jeune homme riche dont parle l'Évangile de Matthieu : "J'ai observé toutes ces choses, que me manque-t-il ?" (Matthieu 19:20). Les lecteurs assidus de la Bible en ont généralement une vue plus globale. Le contenu écrit de ces "tables de pierre" leur a été enseigné, pour certains déjà à l'école du dimanche. Cependant, le mot "Commandement" est généralement assez mal perçu car il donne une idée d'obligation, d'interdiction, de restriction, voire de châtiments éventuels en cas de violation de ceux-ci. Les lecteurs fervents connaissent ces textes et peuvent les réciter "sur le bout des doigts" (vu leur nombre, il est facile de se rendre compte que l'on en a oublié un !). Généralement, le plus cité de ces "commandements" est : "tu ne tueras point". Effectivement, à moins d'un coup de folie soudaine, il y a fort peu de chance que l'on devienne un assassin. Et lorsque l'on parle de "justice divine", il est fréquent de s'entendre répondre : "Je n'ai tué ni volé personne". Pourtant, lorsque l'apôtre Jean nous dit que "Quiconque hait son frère est un meurtrier" (1 Jean 3:15), il nous révèle le sens profond et caché de l'Écriture, à la fois mystérieuse et saturée de sens. Quant aux "tables (luw'ah en hébreu) de pierre", elles symbolisent très bien la dureté du cœur humain (Ézéchiel 11:19 / 36:26). Le prophète Jérémie dira même, de façon fort imagée : "Le péché de Juda est écrit... gravé sur la table (luw'ah) de leur cœur" (Jérémie 17:1). Comme l'a écrit l'auteur de l'Épître aux Hébreux, "La Parole de Dieu est vivante" (Hébreux 4:12), et ce texte l'est aussi. Mais en a-t-on vraiment saisi le sens ? Fidèle à l'esprit des "Trésors cachés dans le sable", je me suis penché sur ce texte en me demandant ce qu'il avait encore à m'apprendre...

Les Dix Paroles (Exode 20:1 à 17)

Ce passage célèbre de l'Écriture débute par ces mots : "Moïse descendit vers le peuple et lui dit ces choses. Alors Dieu prononça toutes ces paroles en disant..." (Exode 19:25 / 20:1). La première information que nous fournit le texte est que c'est Dieu qui parle par la bouche de Moïse. Il ne s'agit donc pas ici de "commandements d'hommes" (Tite 1:14) mais bien de la Parole de Dieu. Ainsi, ce texte débute par ces mots : "Way daber elohim èt kal ha debarim ha el leh lê môr..." ("Alors Dieu prononça toutes paroles en disant"). Le texte original hébreu ne fait pas mention, ici, de "commandements" (mitsvoth) mais de "paroles" (debarim). La différence est significative. Dieu avait dit à à Moïse : "Je serai avec ta bouche et je t'enseignerai ce que tu auras à dire ("dabar" - Exode 4:12). Ce n'est que par après que Moïse dira au peuple, de la part de Dieu : "Si tu prête l'oreille à ses commandements ("mitsvoth..." - Exode 15:26). Ainsi, pour être plus fidèle à l'esprit du texte, il serait préférable, comme le fait d'ailleurs André Chouraqui dans sa traduction, de privilégier l'expression "les dix Paroles". L'apôtre Paul écrira, bien plus tard, aux chrétiens de Thessalonique : "En recevant la parole de Dieu, que nous vous avons fait entendre, vous l'avez reçue, non comme la parole des hommes, mais ainsi qu'elle l'est vraiment, comme la parole de Dieu qui agit en vous qui croyez" (1 Thessaloniciens 2:13). Il faut également tenir compte du fait que le mot "debarim" (paroles) désigne "les clauses d'un contrat, d'une alliance". Les clauses de ce contrat, de cette Alliance, ont été gravées sur des tables de pierre, comme pour en marquer l'immuabilité. 

L'imaginaire collectif se représente généralement les "Dix Commandements" répartis équitablement sur les deux tables. Cinq sur la première, cinq autres sur la seconde. Une lecture attentive du texte nous présente cependant une autre façon de voir les choses. Ainsi, il est écrit : "Les tables étaient écrites des deux côtés, elles étaient écrites de l'un et de l'autre côté. Les tables étaient l'ouvrage de Dieu et l'écriture de Dieu, gravée sur les tables" (Exode 32:15). 

"Des deux côtés" (mishnê). Ce mot désigne le chiffre deux, ou un redoublement. Il est mentionné à deux reprises dans cette phrase. Ce redoublement peut avoir plusieurs significations. Premièrement, dans son sens littéral, il souligne le fait que les tablettes étaient écrites recto-verso. Si l'on retourne la tablette, ce qui était visible ne l'est plus, et ce qui ne l'était pas le devient. Dans un sens prophétique, cela pourrait signifier que cette information pourrait avoir un sens particulier dans une période ultérieure, mais elle ne sera "lisible" que dans le Futur. Mais on peut surtout voir, dans cette expression, le fait que les tablettes ont été fabriquées "à l'identique". Ces détails échappent généralement au lecteur, mais ils n'en conservent pas moins une importance considérable pour une juste compréhension du texte. Ainsi, contrairement à ce que l'on pense généralement, les "Dix Paroles" étaient écrites sur chacune des deux tables. Ce qui est parfaitement compréhensible si l'on tient compte du fait que celles-ci constituaient, ensemble, "les clauses d'un contrat, d'une Alliance". Les deux exemplaires devant être rigoureusement identiques pour être valides, ils étaient donc "écrits du doigt de Dieu" (Exode 31:18 / Deutéronome 9:10). Elles étaient, toutes deux, de "l'écriture de Dieu" (Exode 32:16), chaque table constituant un exemplaire du contrat qui liait désormais le peuple d'Israël à son Dieu. L'information est reformulée afin que la chose soit bien claire. Généralement, dans les Écritures, un "redoublement" possède un sens caché qu'il faut décoder. Dans les Écritures, deux choses peuvent requérir une attention spéciale : une "anomalie" dans le texte et un redoublement. Mais avant de poursuivre, il nous faut revenir au texte original. 

"Lou'ôt ketouvîm mishnê evrehem" :  "Les tables étaient écrites des deux côtés sur les faces (evrehem)".

La racine du mot "evrehem", "eber", signifie "au-delà, en face, de l'autre côté". Ce mot a, lui-même, pour racine le mot "abar" qui veut dire "passer par dessus, traverser, transporter, voyager".

"Abar" est généralement traduit, dans la Bible, par "parcourir, continuer, aller au delà, poursuivre, atteindre". C'est déjà tout le parcours du peuple d'Israël qui est présent ici, jusqu'à sa destination finale. Les "Dix Paroles" avaient ainsi pour but de "cadrer" l'attitude du peuple afin que celui-ci puisse atteindre sa destination finale. Il lui faudrait "traverser" le désert pour "aller de l'autre côté". L'idée de "Passage" fait écho au mot "Pessah" (la Pâque, littéralement "le passage"). Or, l'une des signification du mot "abar" est de "passer par dessus". Dieu dira au peuple d'Israël, parlant du sang qui devait être sur les linteaux des portes, le soir de la fête de la Pâque :  "Je passerai (pawssah) par dessus vous" (Exode 12:13). Les Sages d'Israël ont dit que la sortie d'Égypte est un mouvement continu, et que chaque génération se doit de sortir, à son tour, d'Égypte. "Ce qui a été, c'est ce qui sera, et ce qui s'est fait c'est ce qui se fera" dit l'Ecclésiaste. On retrouve donc ainsi ce qui a été souligné plus haut sur le mot "mishnê". Cela a été écrit pour le Présent, mais également pour le Futur. Pour la génération qui a reçu ces "Dix Paroles", mais également pour les générations qui suivront, tant que le peuple d'Israël existera. 

Si ces "Dix Paroles" ont été données à Israël par l'intermédiaire de Moïse, il nous faut reconnaître qu'elles constituent l'essentiel de ce que l'on peut exiger d'une personne prétendant être un disciple de Jésus-Christ, Yeshoua Ha Massiah. Or, si nous avons un tant soit peu de respect à l'égard de Sa Parole (et donc de Son Alliance), nous nous y conformerons volontiers, par amour pour Lui. Si notre désir de servir le Seigneur est présent dans nos cœurs, notre obéissance à ses recommandations ne sera pas dictée par la contrainte mais par notre motivation à Lui plaire. Nous ne sommes donc plus dans un rapport d'autorité imposée mais de soumission volontaire, tout comme un fils obéit volontairement à son père parce qu'il l'aime, le respecte et a confiance dans les décisions qu'il prend. La Parole de Dieu est vivante et Dieu... parle ! L'un des plus beaux exemples de dialogue entre Dieu et un homme est relaté dans le premier livre de Samuel. Le futur prophète n'était alors qu'un enfant lorsque Dieu s'adressa à lui pour la première fois. Rappelons que le nom de Samuel (en hébreu "Sh'mouel) signifie "Dieu écoute". Il nous est dit que "L'Eternel vint et se présenta, et il appela comme les autres fois : Samuel ! Samuel ! Et Samuel (Dieu écoute) répondit : Parle, Seigneur, car ton serviteur écoute" (1 Samuel 3:10, 11). Dieu parle... et son serviteur écoute ! Le prophète Esaïe dira : "Le Seigneur, l'Eternel, éveille chaque matin mon oreille pour que j'écoute comme écoutent les disciples" (Esaïe 50:4). Le disciple est celui qui est enseigné par son maître. Dieu avait dit à Moïse, avant qu'il ne monte sur la montagne : "Je te donnerai des tables de pierre, la loi (thora) et les ordonnances (mitsvoth) que j'ai écrites pour leur instruction (yarah)" (Exode 24:12).

Il est intéressant de noter que, justement, le mot "Thora" (instruction en hébreu) vient de "yarah" (instruire, enseigner). Ce qui est érigé en règles et en loi a toujours un but éducatif et pédagogique. Le "Commandement" n'est jamais arbitraire, il a un but, un objectif. D'ailleurs, "yarah" signifie également "tirer des flèches avec un arc". "Ordonner", c'est "mettre de l'ordre". "Commander", c'est aussi "demander quelque chose avec l'espoir de le recevoir". Les "Commandements divins" demandent une participation active et volontaire, non une soumission aveugle. Par la suite, j'utiliserai donc l'expression "Les Dix paroles", plus proche du texte original  (Deutéronome 10:4), ce qui a au moins le mérite de lui enlever un peu de sa rugosité.

Un mot encore

Avant d'aborder ces dix "Paroles" proprement dites, il me faut m'arrêter sur un certain nombre d'informations que nous donne le texte. Celles-ci y ont été introduites pour une plus juste compréhension de ce qu'il a à nous dire. Ainsi, il est écrit : "Way daber elohîm èt kal ha debarim ha êl leh lê môr..." ("Alors Dieu prononça (èt) toutes paroles en disant..."). Généralement utilisé dans une construction grammaticale, ce petit mot ''èt'' apparaît à de très nombreuses reprises dans les Écritures sans que sa présence soit toujours justifiée. Les Sages d'Israël se sont donc interrogés sur sa signification. Le mot "èt" s'écrit, en hébreu, avec les lettres aleph et tav, soit la première et la dernière lettre de l'alphabet hébreu. Certains d'entre ces Sages en ont donc conclu que ce mot a été placé là par son Auteur pour désigner les Écritures (le Tanach, que nous appelons "l'ancien Testament"). D'autres Sages ont avancé l'hypothèse qu'il pourrait désigner le Massiah (le Messie) qui, dans le livre de l'Apocalypse, se nomme lui-même "l'Alpha et l'Omega*" (première et dernière lettre de l'alphabet grec). Nous aurions donc sous les yeux un texte qui serait à la fois un compte-rendu de la Parole de Dieu, un condensé des Écritures et le Massiah Lui-même. Comme si le Seigneur Jésus avait, en quelque sorte, apposé sa signature au cœur même des Écritures. Une sorte d'écriture incrustée.

S'adressant aux chrétiens de Thessalonique par l'intermédiaire d'un secrétaire, l'apôtre Paul apposera une postface à la fin de son épître, attestant de son identité. Il écrit : "Je vous salue, moi Paul, de ma propre main. C'est là ma signature dans toutes mes lettres, c'est ainsi que j'écris" (2 Thessaloniciens 3:17). Souffrant de la vue, Paul écrivait de grands caractères. C'est ce qu'il dit aux Galates : "Voyez avec quelles grandes lettres je vous écrit de ma propre main" (Galates 6:11). Le Seigneur a également "authentifié" ses écrits par une sorte "d'incrustation" (comme sur les tables de pierre), non pas à la fin de l'ouvrage mais tout du long, comme pour signifier : "Ceci est Ma Parole, mise par écrit et signée de ma main". Lorsque les apôtres de Christ lisaient les Écritures, ils avaient, sous les yeux, le texte hébreu et non ses traductions. Eux aussi ont lu ces mots en hébreu. Qu'ont-ils pu en penser ? Probablement ce qu'on leur avait enseigné : la signature du Massiah est au cœur des Écritures. Lorsque Jean rédige son livre de l'Apocalypse, il retranscrit les paroles de Jésus qui nous sont parvenues en ces termes : "Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin" (Apocalypse 22:13). Le manuscrit qui nous est parvenu était rédigé en grec (l'original hébreu a disparu). Les traductions ont donc conservé le nom des lettres grecques mentionnées dans ce texte. Mais lorsque Jésus s'adresse à son disciple, il s'adresse très probablement dans la langue dans laquelle ils ont conversé durant les trois années partagées : en hébreu. Jésus s'adresse donc à Jean en lui disant "Anokhi aleph Tav" (Je Suis l'Aleph et le Tavou, comme Il le fit en s'adressant à Moïse : "Anokhi Adonaï Elohekâ" (Exode 20:2). L'apôtre Jean connaît les Écritures et lorsque Jésus fait cette affirmation, il comprend tout de suite à quoi son maître fait allusion.  N'avait-il pas débuté son Évangile par ces mots : "Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu, elle était au commencement, avec Dieu" (Jean 1:1, 2). 

*Alpha et Oméga : Apocalypse 1:8 ; 21:6 ; 22:13.

Le plus grand Commandement 

Alors que Jésus enseignait dans le Temple (Matthieu 21:23), Un docteur de la Loi du parti des Pharisiens vint à lui pour l'interroger sur le contenu de son enseignement (Matthieu 22:34, 35). Cet enseignant n'avait pas l'intention de "piéger" Jésus, mais de simplement s'assurer que son enseignement était bien conforme avec la loi mosaïque. La façon dont Jésus lui répond montre qu'il a bien compris sa motivation, et son attitude à l'égard de son interlocuteur le démontre. Parmi ses détracteurs, il en était qui pensaient que Jésus voulait abolir l'autorité de la Loi de Moïse. Jésus leur avait répondu : "Ne le croyez pas !". "Ne croyez pas que je suis venu pour abolir la Loi et les Prophètes. Je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir" (Matthieu 5:17, 18). Ce Pharisien lui demande donc quel est le plus grand commandement et Jésus lui répond en citant "le premier" (Deutéronome 6:5) et "le second" (Lévitique 19:18 ; Matthieu 22:38, 39), puis il fait ce que l'on appelle un midrash, c'est à dire un commentaire rabbinique en ajoutant : "De ces deux commandements dépendent toute la loi et les Prophètes" (Matthieu 22:35 à 40). Par ses paroles, Jésus affirme que sa doxa est parfaitement conforme à la foi du peuple d'Israël. Il est bien l'Aleph et le Tav, le commencement et la fin ou, comme le dit Paul aux Colossiens : "Il est avant toutes choses et toutes choses subsistent en Lui" (Colossiens 1:17). Or, ces deux Commandements cités par Jésus ne sont pas les deux premiers dans la liste des Dix Paroles, mais les plus importants. C'est néanmoins ce qu'attendait le docteur de la loi. De prime abord, si l'on se fixe sur la réponse de Jésus, la question de ce docteur de la loi peut, en effet, paraître un peu simpliste. Ce Pharisien ne lui a pas demandé quel était le premier commandement dans l'ordre de ceux qui sont cités dans le livre de Moïse, mais celui qui avait le plus d'importance à ses yeux. Jésus lui répond en disant, en substance : "Voici le premier (par ordre d'importance), et voici le second (qui est son corollaire)...". Mais alors, si ces deux "Commandements" (ou "paroles") sont les plus importants, pourquoi les tables de pierre mentionnent-elles le péché d'idolâtrie en tête de liste (Exode 20:3, 4) ? En réalité, ces "tables" contiennent un peu plus d'informations que les fameux "Dix Commandements" proprement dit. En tête de chacune des deux tablettes, il était écrit : "Je suis l'Eternel, ton Dieu, qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude" (les deux tablettes étaient toutes deux rigoureusement identiques). Les "Dix Commandements" débutent par un rappel de la délivrance que Dieu a opérée en faveur de son peuple (Exode 20:2). Ensuite, il est dit : "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face" (Exode 20:2, 3). Lorsque Moïse reçoit les deux tables "écrites du doigt de Dieu", il ignore encore que le peuple s'est fait un veau d'or à l'image de ceux d'Égypte. C'est lorsque Moïse redescend de la montagne, et qu'il voit l'idole, qu'il doit comprendre pourquoi cette inscription commence par : 

La première Parole : Tu n'auras pas d'autre dieux devant ma face (verset 3)

"Alors Dieu prononça toutes ces paroles en disant : Je Suis l'Eternel ton Dieu qui t'ai fait sortir du pays d'Égypte, de la maison de servitude, tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face" (Exode 20:3 / Deutéronome 5:6, 7). 

Le fait que cette ''parole'' soit en tête de liste prend tout son sens lorsque, descendant de la Montagne, Moïse est confronté à la vue du veau d'or. Il y a ici un jeu de mot entre "Anokhi IHVH Elohekâ" (Je Suis l'Eternel ton Dieu) et "lô yiyeh (IHIH) lekâ elohim" : "Tu n'auras pas d'autres dieux (elohim)...". L'auteur joue sur la similitude des verbes "Être" (IHVH) et "avoir" (IHIH). Entre le fait que Dieu EST Dieu, et que les hommes ONT des idoles qu'ils appellent des dieux

La prononciation du Nom de Dieu (IHVH) ayant été perdue après l'Exil, il a été convenu qu'il serait désormais prononcé ''Adonaï ''. IHVH pourrait être traduit par : "Celui qui est, qui était et qui sera". C'est une contraction du verbe être conjugué à plusieurs temps dont on retrouve une variante dans le livre de l'Apocalypse où il est écrit : "Je Suis l'Aleph et le Tav, dit le Seigneur Dieu, Celui qui était, qui est et qui vient" (Apocalypse 1:8). Lorsque Jésus prononce ces paroles, il dit en substance : "Je Suis" (c'est l'affirmation de sa divinité). "Je Suis l'Aleph Tav" (le "èt" si présent dans les Écritures dont Il est l'Auteur). Et "Le Seigneur Dieu" (Adonaï Elohim). On pourrait dire : "Il n'y aura pas d'autres dieux qui SOIENT devant Ma face". Dieu ne peut tolérer qu'il y ait, devant Sa Face, d'autres dieux qui prétendent lui être semblables. L'Eternel dit, par la bouche du prophète Esaïe : "Car Je Suis Dieu et il n'y en a point d'autre. Je Suis Dieu et nul n'est semblable à moi" (Esaïe 46:9). Ézéchiel, quant à lui, fait mention d'un "prince de Tyr" (une ville portuaire phénicienne extrêmement prospère) se disant en lui-même : "Je suis Dieu. Je suis assis sur le siège de Dieu au sein des mers". Ce à quoi Dieu répond : "Tu es homme et non Dieu, et tu prends ta volonté pour la volonté de Dieu" (Ézéchiel 28:2). Un personnage qui n'est pas sans rappeler l'Impie, "l'adversaire qui s'élève au dessus de tout ce que l'on appelle Dieu ou de ce que l'on adore, jusqu'à s'asseoir dans le temple de Dieu, se proclamant lui-même Dieu" (2 Thessaloniciens 2:4). 

Des Tyriens (décidément forts enclins à diviniser un être humain) vinrent un jour auprès du roi Hérode pour le solliciter. Ils s'écrièrent : "Voix d'un dieu et non d'un homme ! Au même instant, un ange du Seigneur le frappa (Hérode), parce qu'il n'avait pas donné gloire à Dieu. Et il expira, rongé de vers" (Actes 12:20 à 25). Le prophète Esaïe (Esaïe 31:3) rappellera également la nature humaine (et non divine) de l'Égyptien (qui donnait à ses dieux une forme mi-humaine, mi-animale). Qu'ils soient musiciens, chanteurs (ou chanteuses), footballeurs ou autres, ils sont nombreux à être regardés comme des demi-dieux. À ce propos, il me faut souligner le fait que le mot "elohim" est un Pluriel. Alors, la question se pose : Peut-on "aimer Dieu" et entretenir, "devant sa face" (littéralement "ses faces", ou "sous son regard"), une dévotion saine à l'égard "d'autres dieux" (elohim) et de leurs "images" (Deutéronome 4:16) ? De ces hommes et ces femmes quasi "divinisés" que l'on appelait même autrefois, ouvertement, les "idoles des jeunes" ? Certaines d'entre elles furent tellement idolâtrées qu'elles finirent effectivement par le croire. La fin de vie précoce de certains d'entre eux  démentit  pourtant cette prétention. 

Le peuple d'Israël vient de passer 430 années dans un pays polythéiste. La génération qui sort, ce jour-là, d'Égypte n'est pas celle qui y est entrée. Elle y est née, tout comme ses pères. Et si le culte de l'Eternel a subsisté durant ces quatre siècles, le peuple demeure encore fort influencé par cette civilisation idolâtre. La fabrication du veau d'or, dans le désert, sera un vivant exemple de l'influence subie, et la façon dont celle-ci peut se manifester de façon concrète. On en retrouvera les mêmes symptômes (et la même divinité) après le schisme, lorsque Jéroboam fit faire deux veaux d'or qu'il plaça au Nord et au Sud de son nouveau royaume (1 Rois 12:28, 29). L'idolâtrie demeurera une faiblesse majeure dans le cœur du peuple hébreu jusqu'à sa déportation à Babylone. 

L'expression : "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face" n'est pas sans évoquer également l'épisode de la capture de l'Arche de l'Alliance par les Philistins. S'en étant emparés, les ennemis d'Israël mirent l'arche de Dieu dans le temple de leur dieu Dagon (1 Samuel 5:1 à 5). Le lendemain, ils trouvèrent sa statue, face contre terre, tombée de son socle. Ils redressèrent la statue à sa place. Le surlendemain, de retour dans le temple de Dagon, ils virent la statue de leur idole complètement démembrée, des morceaux épars jonchaient le sol. Elle s'était brisée violemment en tombant. Les Philistins comprirent qu'ils leur fallait rendre l'arche aux Hébreux. Aucun dieu ne pouvait se tenir dans la présence de Dieu. Ce fut, pour les Hébreux, une belle illustration de ce que voulait dire cette parole : "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face".  
 


La deuxième Parole : Tu ne te feras pas d'image taillée (versets 4 à 6)

Tu ne te feras point d'image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont en haut dans les cieux, qui sont en bas sur la terre, et qui sont dans les eaux plus bas que la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles, et tu ne les serviras pas ; car moi, l'Eternel, ton Dieu, je suis un Dieu jaloux qui punis l'iniquité des pères sur les enfants jusqu'à la troisième et la quatrième génération de ceux qui me haïssent, et qui fait miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et qui gardent mes commandements" (Exode 20:4 à 6 / Deutéronome 5:8 à 10) 

"Tu ne te feras pas d'image taillée... tu ne te prosterneras point devant elles et tu ne les servira point" (Exode 20:4, 23). Le texte fait ici mention d'hommes, de femmes, d'animaux, de reptiles, ou de quelques êtres mythologiques ou légendaires (comme les dieux égyptiens ou babyloniens mi-hommes mi-dieux). Ce qui entend toutes formes de cultes à l'égard d'une quelconque représentation imagée incitant à la dévotion (Romains 1:21 à 23). Le prophète Habacuc dit qu'une "image taillée enseigne le mensonge" (Habacuc 2:18), l'idole provoque la confusion d'esprit (Psaume 97:7 / Esaïe 44:9) et elle est incapable de sauver qui que ce soit qui se confie en elle (Esaïe 45:20). L'histoire de Mica et du lévite (Juges chapitres 17 et 18) est très illustrative de ce propos*. 

L'idolâtrie est un mal perfide qui se transmet de génération en génération. Ce passage des dix Paroles suscite parfois de vives réactions car il mentionne un fait très controversé : Que Dieu puisse "punir le péché des pères sur les enfants" (Exode 20:5, 6). Un article de ce blog a été consacré à ce sujet**. En effet, le mot "paqad", que beaucoup de versions traduisent par "punir", signifie également "prendre soin, tenir compte, prendre en considération". Dieu "tient compte, prend en considération" le péché des pères "jusqu'à la troisième et la quatrième génération". Ce n'est pas que Dieu fasse payer les péchés des uns par leurs descendances, mais au contraire il en tient compte afin d'exercer un jugement équitable en fonction de l'influence que celles-ci ont subie. En l'occurrence, dans ce cas précis, il s'agit de l'idolâtrie. Le contexte social et religieux dans lequel une personne va naître et grandir déterminera en grande partie ses convictions et ses pratiques religieuses. Même si l'idolâtrie est abomination à ses yeux, Dieu "tiendra compte" et "prendra en considération" ces critères lorsqu'Il "évaluera" la gravité du péché dans ce domaine.  

La propension de l'être humain à vouloir représenter physiquement le divin, de donner à la divinité une forme, quelle qu'elle soit, n'est-ce pas une façon de vouloir se l'approprier afin de pouvoir s'en approcher ou s'en éloigner à sa guise et le maintenir à sa disposition ? C'est méconnaître la réalité. L'apôtre Paul écrit aux Corinthiens : "Lorsque vous étiez païens, vous vous laissiez entraîner vers les idoles muettes, selon que vous étiez conduits" (1 Corinthiens 12:2). Nous savons que, derrière ces idoles, se cachent des démons qui se font ainsi adorer (1 Corinthiens 8:4 à 6). Car l'idole en soi n'est rien et ne dispose d'aucun pouvoir (1 Corinthiens 10:19), mais "des êtres qui sont appelés dieux" (1 Corinthiens 8:5) se servent de ces supports pour recevoir la vénération de ceux qui leur rendent ainsi un culte (1 Corinthiens 10:20). Paul dit également à Timothée que, "dans les derniers temps", des disciples de Jésus "abandonneront la foi pour s'attacher à des esprits séducteurs et à des doctrines de démons" (1 Timothée 4:1). Ces disciples ne tomberaient pas dans le piège grossier de l'idolâtrie et du culte aux idoles, mais ils se laisseront cependant "séduire". Ils adopteront des "doctrines de démons" pour lesquelles il leur faudra préalablement "abandonner la foi". À moins que ce ne soit ces mêmes "doctrines" qui les y fasse renoncer. Paul dit encore à Timothée "(qu') il viendra un temps où les hommes ne supporteront plus la saine doctrine" et qu'ils "se donneront une foule de faux docteurs selon leurs propres désirs" (2 Timothée 4:3). Il faut constater que, assez rapidement, le christianisme a réadopté le culte des statues, transgressant ainsi une interdiction formelle de Dieu lui-même. Dieu cautionnerait-il une chose qu'il a lui-même condamnée ? 

L'histoire de Mica et du lévite (Juges 17/18) est relatée en détail dans l'article : "Chacun faisait ce qui lui semblait bon" sur ce blog.  

** "Dieu punit-il le péché des pères sur les enfants ?" également sur ce blog. 

La troisième Parole : Tu ne prendras pas le Nom de l'Eternel ton Dieu en vain (verset 7)

"Tu ne prendras pas le Nom de l'Eternel ton Dieu en vain ; car l'Eternel ne laissera pas impuni celui qui prendra son Nom en vain" (Exode 20:7 / Deutéronome 5:11). 

La troisième "parole" est, d'une certaine façon, liée aux deux précédentes : "Tu ne prendras pas le Nom de l'Eternel ton Dieu en vain". Que ce soit pour attester de quelque chose ou pour jurer, il vaut donc mieux s'en garder. Les anglophones utilisent souvent l'expression : "Oh my God !" pour signifier la surprise ou la consternation. Il nous faut cependant nous souvenir que le Nom de l'Eternel est saint, et qu'il ne peut être utilisé à tout propos. Après, il reste à définir de quel "dieu" il s'agit quand ce "My God" est prononcé. Mais, encore une fois, c'est le respect que l'on doit à notre Dieu qui motivera la retenue nécessaire d'une telle pratique. Il était autrefois courant (à l'époque biblique) de dire "L'Eternel est vivant !" pour attester de la véracité de ses propos. Il est de même aujourd'hui très fréquent, dans certains milieux, de s'écrier "Alléluia" (Gloire à Dieu). Même si cela exprime une joie et une profonde adhésion aux propos d'un tiers, il est toutefois nécessaire de se rappeler la véritable signification de cette expression lorsque celle-ci est prononcée. Cette manifestation d'enthousiasme étant parfois plus suscitée par l'éloquence de l'orateur (ou le dynamisme déployé) que par une véritable dévotion à l'égard du Seigneur. Certains prédicateurs, avides de réactivité de la part du public, reprochent parfois à celui-ci son attitude passive, alors qu'elle n'est, en réalité, que la manifestation d'une écoute attentive. Le mutisme manifeste parfois tout autant la ferveur, se réjouissant intérieurement de la puissante action de Dieu dans les cœurs, comme l'avait écrit le Psalmiste (dont la fonction première est tout de même la louange) : "Je reste muet, je n'ouvre pas la bouche, car c'est toi qui agis" (Psaume 39:10).

La quatrième Parole : Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier (versets 8 à 11)

 "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier. Tu travailleras six jours, et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est le jour du repos de l'Eternel, ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car en six jours l'Eternel a fait les cieux, la terre et la mer, et tout ce qui y est contenu, et il s'est reposé le septième jour ; c'est pourquoi l'Eternel a béni le jour du repos et l'a sanctifié" (Exode 20:8 à 11 / Deutéronome 5:12 à 15). D'emblée, l'Écriture présente le shabbat comme une référence au schéma créationnel (Genèse 2:3 / Exode 31:17). Le Monde, l'Univers a été créé en 7 "jours" (le mot "yom" désigne tout autant un jour diurne qu'une période indéterminée de longueur variable). Le mot "shabbat", quant à lui, ne désigne pas tant le "repos" proprement dit qu'une cessation d'activité. Tout au long des Écritures, cette notion s'associe avec d'autres qui viennent la compléter et la redéfinir, tout en demeurant une référence constante à l'activité créationnelle divine. L'activité de chacun devant ainsi être "calquée" sur celle du Dieu d'Israël. Le peuple Hébreu ayant vécu 430 ans en Égypte, il fut longtemps familier du calendrier égyptien, calendrier solaire de 30 jours divisé en trois partie de 10 jours chacune, sans jour chômé. Si, pour un Hébreux, une journée commence au coucher du soleil et s'achève au coucher du soleil du jour suivant, les égyptiens divisent la journée en trois partie : la montée du soleil dans le ciel, son zénith et sa descente vers ce qu'ils considèrent comme "le séjour des morts" (la nuit) d'où l'astre brillant réapparaît chaque matin sous une forme de résurrection. Le calendrier lunaire de 28 jours sera, plus tard, modifié. Après le retour de l'exil babylonien, Israël adoptera un calendrier "luni-solaire" de 28 à 30 jours (Aggée 1:15 / 2:1). Malgré l'influence babylonienne sur son calendrier (les mois seront désormais nommés avec une forte influence mésopotamienne dans leur dénominations), le shabbat demeurant le pivot incontournable d'une nation qui doit se reconstruire. 

Un épisode de l'histoire des Hébreux est susceptible de provoquer l'indignation, celle de l'homme mis à mort pour avoir ramassé du bois le jour du shabbat (Nombres 15:32 à 36). La chose peut paraître d'autant plus choquante que c'est Dieu lui-même qui donna la sentence (verset 35). Qu'en est-il ? L'apôtre écrit aux Galates : "Car tous ceux qui s'attachent aux œuvres de la loi sont sous la malédiction ; car il est écrit : Maudit est quiconque n'observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la Loi, et ne le met pas en pratique" (Galates 3:10 / Deutéronome 27:26). Dieu avait dit, par l'intermédiaire de Moïse : "Vous n'allumerez point de feu dans aucune de vos demeures le jour du shabbat" (Exode 35:3). Or, pourquoi cet homme ramassait-il du bois ce jour-là si ce n'est dans le but d'allumer du feu ? Le verset précédent dit : "Celui qui fera quelque ouvrage ce jour-là sera puni de mort" (Exode 35:2). Cet homme a donc transgressé une directive divine et s'apprêtait à en transgresser une autre. L'apôtre Paul faisait-il implicitement référence à cet épisode du peuple hébreu lorsqu'il écrit : "Ainsi, le commandement qui conduit à la vie se trouva pour moi conduire à la mort. Car le péché saisissant l'occasion me séduisit par le commandement, et par lui me fit mourir. La loi est donc sainte, et le commandement est saint, juste et bon. Ce qui est bon a-t-il donc été pour moi une cause de mort ? Loin de là ! Mais c'est le péché, afin qu'il se manifeste comme péché en me donnant la mort par ce qui est bon, et que, par  le commandement, il devienne condamnable au plus haut point. Nous savons que la loi est spirituelle, mais moi je suis charnel, vendu au péché" (Romains 7:10 à 14). Ainsi, ce que dit Paul peut venir éclairer cet épisode. On ne peut donc pas dire : "La loi est mauvaise !". Sa valeur et son utilité sont attestées par les apôtres du Seigneur. De même, on ne peut affirmer : "Cette sentence est injuste !" car cet homme savait qu'une telle transgression était passible de la peine capitale. On ne peut discréditer une loi (qui plus est d'origine divine) parce que la sanction prévue pour sa transgression nous paraît trop sévère (Romains 9:14, 20). Paul dit également aux Corinthiens : "Si le ministère de la mort, gravé avec des lettres sur des pierres (celles que Moïse tenait dans ses mains) a été glorieux... combien le ministère de l'Esprit ne sera-t-il pas plus glorieux. Si le ministère de la condamnation a été glorieux, le ministère de la justice est de beaucoup supérieur en gloire" (2 Corinthiens 3:7 à 9). Si Paul compare ici "le ministère de la condamnation" et "le ministère de la justice", c'est pour démontrer la supériorité glorieuse du deuxième sur celle du premier, non pour l'invalider. L'apôtre atteste ici la haute considération qu'il a de cette loi, parfois tellement décriée dans nos milieux parce que souvent mal comprise, autant dans sa nature que dans sa fonction. Pour Néhémie, le shabbat fait partie de ces "ordonnances justes, des lois de vérité, des préceptes et des commandements excellents" (Néhémie 9:13). Esaïe voit, dans le respect de celui-ci, une façon de persévérer "dans son alliance" (Esaïe 56:4 à 8) et associe, à sa pratique, la jouissance de sa terre (Esaïe 58:13, 14). L'alliance entre Dieu et Israël a été contractée par l'intermédiaire de la Loi mosaïque. Cette Alliance se veut "perpétuelle". Les statuts de cette Alliance sont donc inabrogeables (Exode 31:16)

Le shabbat possède également une fonction commémorative (Exode 31:13) afin que chaque génération se souvienne qu'il demeure un "signe" qui atteste de la mise à l'écart de ce peuple par l'Eternel (Exode 31:13, 14) et qui devra perdurer éternellement (verset 17). Aujourd'hui encore, les Juifs pieux débutent le shabbat (le vendredi soir) par l'allumage de deux bougies qui symbolisent ces deux "mitsvoth" : "Souviens-toi du jour du repos pour le sanctifier" (Exode 20:8) et "Vous ne manquerez pas d'observer mes shabbats" (Exode 31:13). La première est donc pour "se souvenir", la seconde pour "observer". Ce cérémonial a également pour but de "transmettre" (une notion chère au peuple Juif) une tradition à la génération suivante qui la transmettra, à son tour, à la génération à venir. On peut ainsi mieux comprendre le lien qui unit la "quatrième" et la "cinquième parole". Associé au respect des parents, le quatrième "Commandement" (Exode 20:12 / Lévitique 19:3) devait être enseigné aux enfants, ceux-ci étant tenus de les honorer, entre autres par le respect et l'observation de ce jour particulier (Exode 20:5). Le shabbat, jour de "sainte convocation", était également étroitement lié au culte rendu dans le Tabernacle tout d'abord, puis, plus tard, dans le Temple (Lévitique 19:30) mais devait être également pleinement vécu dans le principal lieu de vie (Lévitique 23:3)

Le shabbat est aussi "un signe auquel on connaîtra que je suis l'Eternel qui vous sanctifie" (Exode 31:13). Le shabbat est un signe distinctif du peuple d'Israël, mis à part par Dieu lui-même. Signe qui doit se perpétuer de génération en génération (Exode 31:16). Le shabbat appartient donc à Israël, les croyants issus des nations ne sont donc pas tenus de le respecter, n'étant pas membres de la communauté d'Israël. Aux yeux de Dieu, le shabbat est "une chose sainte" (Exode 31:14), un jour "consacré à l'Eternel" (Exode 31:15). Même s'il n'est pas pratiqué par les non-juifs, il doit cependant être considéré à sa juste valeur, celle que lui a donné le Seigneur. Et enfin, le shabbat est également "un signe qui devra durer à perpétuité" (Exode 31:17). Toute alliance contractée par l'Eternel est une "Alliance perpétuelle" (Brith Olam - Genèse 9:16 ; Genèse 17:7, 13, 19 ; Exode 31:16 ; Lévitique 24:8)

Après avoir dit ces choses, Dieu donna les tables de la Loi à Moïse (Exode 31:18)

Le shabbat dans le nouveau testament  

Durant les dix et quelques années qui suivirent l'effusion de l'Esprit à la Pentecôte, les disciples étaient des Galiléens, des Judéens et des Hébreux de la Diaspora pratiquant tous le shabbat, les fêtes de l'Eternel et toutes les ordonnances de la loi mosaïque. La conversion de Corneille ouvrit la porte aux Gentils. Ce "Craignant-Dieu" était fort apprécié dans la synagogue qu'il fréquentait et assistait de ses dons. Il y bénéficiait même d'une haute estime. Pratiquait-il déjà certains rites mosaïques ? Lors d'une réunion qui eut lieu à Jérusalem en présence des apôtres et des Anciens (Actes 15:2, 4), des disciples de Yeshoua du parti des Pharisiens se levèrent et demandèrent que les païens qui voulaient rejoindre l'assemblée des disciples soient circoncis et qu'ils observent la loi de Moïse (verset 5). Après délibération, l'apôtre Jacques (Yaacov de son vrai  nom) prit la parole au nom des apôtres (versets 13 et 25) et décida des différentes choses demandées aux disciples issus des nations (verset 29). Le respect du shabbat ne faisait pas partie de ces "critères d'admission" (ni la dîme, d'ailleurs, pourtant si chère à certains !). La Loi a été donnée "à Israël", et les disciples de Jésus-Christ issus des nations ne sont pas tenus d'en observer toutes les exigences. Cependant, un grand nombre de celles-ci ont été intégrées à l'enseignement des apôtres qui régit le mode de vie des disciples de Jésus-Christ. Depuis l'époque apostolique, bien des "règles" et des "lois" ont été ajoutées, tout comme "la tradition des anciens" à l'époque  de Jésus (Marc 7:3, 5). Il nous faut donc savoir faire la part des choses, "en toute sagesse et intelligence spirituelle" (Colossiens 1:9). La pratique du shabbat avait également été évoquée après que Dieu ait parlé des artisans chargés de la réalisation du Tabernacle et de tous ses composants (Exode 31:1 à 11). Une façon de rappeler que, même dans le service de Dieu, et même lorsque l'on est rempli de l'Esprit (Exode 31:1, 2), il faut savoir s'accorder du repos. Pour les Adventistes et les Juifs messianiques, la pratique du shabbat fait partie intégrante de leur mode de vie. Dans les milieux évangéliques, c'est plutôt le dimanche qui est mis à part. À ce propos, si les avis sont partagés, Paul écrit aux chrétiens de Rome : "Tel fait une distinction entre les jours, tel autre les considère tous égaux. Que chacun ait en son esprit une pleine conviction" (Romains 14:5). Il me faut cependant préciser que l'expression "le premier jour de la semaine" (Actes 20:7), généralement utilisée pour justifier la mise à part du dimanche plutôt que le samedi, est fondée sur une interprétation incorrecte de ce verset. En effet, le texte grec mentionne : "tê mia tôn sabbaton" (Actes 20:7). Dans le Nouveau Testament, le mot "sabbaton" désigne toujours le shabbat, ou y fait implicitement référence. Comme l'expliquait très bien Jean-Marc Thobois, la mention de ce passage du livre des Actes est en fait la traduction d'une expression hébraïque désignant "la sortie du shabbat", le samedi soir, après le coucher du soleil. Ce moment est marqué de façon toute spéciale, tout comme l'est "l'entrée" du shabbat par l'allumage des deux bougies. Le fait que les disciples se soient réunis pour "rompre le pain", c'est à dire pour partager un repas, montre une fois de plus que les disciples d'origine juive continuaient à pratiquer de la même manière qu'ils l'avaient toujours fait, en respectant les rites et les traditions de leurs pères. Le fait de mettre un jour à part plutôt qu'un autre est une chose, tordre le sens de l'Écriture pour justifier ce choix en est une autre (2 Pierre 3:16)

Lorsque des Pharisiens (probablement de l'école de Shammaï, celle de Hillel ne tenait pas compte de cette interdiction spécifique) reprochèrent aux disciples de Jésus de transgresser le shabbat en arrachant des épis dans un champ pour les manger (Matthieu 12:1, 2), il leur répondit en se référant notamment à un texte du livre de l'Exode où il est dit que les sacrificateurs exerçaient leurs fonctions pendant le shabbat, "violant" le commandement qui interdisait toute activité (Exode 29:30 / Matthieu 12:5). Mais ne leur arrivait-il pas de le transgresser également pour de bonnes raisons (Luc 14:5), y compris pour la pratique de la circoncision, devant être impérativement faite le huitième jour même si celui-ci tombait un jour de shabbat (Jean 7:22, 23) ? De même, faire le bien n'est-il pas plus important que le respect de celui-ci (Matthieu 12:11, 12) ? Pour Jésus, "le shabbat est fait pour l'homme et non l'homme pour le shabbat" (Marc 2:27) et "le Fils de l'homme est maître du shabbat" (Matthieu 12:8). Provoquant leur intransigeance religieuse, Jésus fit de la boue pour la mettre sur les yeux d'un aveugle (Jean 9:14). Ce simple acte de faire de la boue pouvait être considéré, par les religieux les plus stricts, comme un "ouvrage", et donc une "transgression" du shabbat. Mais par cet acte, Jésus cherche à leur faire comprendre que c'est exactement ce qu'ils ont sur leurs propres yeux. Ils sont "aveuglés" par la "boue religieuse" de leur intransigeance. L'histoire ne nous dit pas si les plus subtils d'entre eux ont compris l'allusion. 

Avant de se rendre au tombeau de Jésus, Marie de Magdala, Marie mère de Jacques, et Salomé, les femmes qui étaient venues de Galilée avec Lui (Matthieu 28:1 / Marc 16:1) "se reposèrent le jour du shabbat, selon la loi" (Luc 23:55, 56). Disciples de Yeshoua ha Massiah, elles respectaient donc scrupuleusement cette institution mosaïque. Arrivé à Philippes de Macédoine, L'apôtre Paul se rendit, le jour de shabbat, à une réunion de disciples où se trouvait Lydie, la marchande de pourpre, de Thyatire (Actes 16:12 à 14). Il avait l'habitude, "selon sa coutume" (Actes 17:2 / 18:4), de se rendre à la synagogue chaque shabbat , pour annoncer le Messie, Jésus-Christ, sur la base des Écritures (Actes 13:14, 42, 44). L'apôtre Jacques rappelle d'ailleurs que la loi y était lue chaque shabbat (et il est fort probable qu'il ne manquait pas, lui-même, de s'y rendre - Actes 15:21). L'apôtre des païens écrira cependant aux Colossiens : "Que personne ne vous juge au sujet d'une fête, d'une nouvelle lune ou des shabbats" (Colossiens 2:16). L'apôtre Jacques ne dit-il pas : "Parlez et agissez comme devant être jugés par une loi de liberté" ?

La présence de ce thème tout au long de la Bible, du récit de la Création de l'Univers, dans la Genèse, à la période apostolique, ne peut être négligé. Ponctuant le cours du temps, sa pratique, unanimement adoptée par le peuple d'Israël "de  Dan à Beer Schéba*",  constitue l'un des fondements de la vie sociétale et religieuse. L'introduction d'une nouvelle ère dans l'Histoire d'un peuple qui n'en mesure pas encore la portée, ne modifie en rien la pratique usuelle du shabbat dont les premières communautés chrétiennes demeurent de ferventes praticiennes. Le passage du "samedi" au "dimanche" ne se fera que beaucoup plus tardivement par une Église étatique (désormais héritière de l'ancien empire romain envahisseur) soucieuse de se démarquer des racines "juives" du christianisme qu'elle juge encore trop présentes (Romains 9:3 à 5 / 11:13 à 24). L'Église évangélique, dans son ensemble, s'accommode encore fort bien aujourd'hui de cette "séparation", se coupant ainsi non seulement de ses propres racines, mais également du tronc qui porte ces branches qu'elle nomme "dénominations". Pourtant, parmi ces "branches" de l'olivier sauvage subsistent encore des "branches d'origine" (Romains 11:18, 23, 24). Celles-ci ont conservé intactes les pratiques de leurs ancêtres dont certains avaient, peut-être, déjà reconnu, en la personne de Jésus, le Messie. 

Les Ecrits du Nouveau Testament démontrent l'importance qu'occupait la pratique du shabbat au sein des premières communautés apostoliques, au début de notre ère. Ils ne constituent cependant pas une directive à suivre à ce sujet. Comme le dit l'apôtre Paul : "Que chacun ait en son esprit une pleine conviction" (Romains 14:5). Néanmoins, on ne peut volontairement ignorer un élément constitutif du mode de vie de ce peuple dont l'Histoire demeure le terreau de notre foi. Une plus juste considération de la place qu'a joué ce découpage du temps dans l'Histoire de l'Église naissante permettra  cependant de mieux comprendre l'héritage apostolique qui nous a été transmis. 

*Expression usuelle dans le texte biblique désignant tout le territoire d'Israël et de Juda, du Nord au Sud. 


La cinquième Parole : Honore ton père et ta mère (verset 12)

"Honore ton père et ta mère afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne" (Exode 20:12 / Deutéronome 5: 16).

Cette notion "d'honneur" est aujourd'hui considérée comme désuète, comme une valeur d'un autre temps, et si l'on parle plus volontiers aujourd'hui de "réputation", l'expression "faire honneur" à quelqu'un peut vouloir dire : "lui faire bon accueil" en se montrant hospitalier. Ce pourrait être une façon de se conformer à cette "parole" de Dieu : "Honore ton père et ta mère". Le mot "kabad" utilisé ici, comporte également la notion de "poids". "Donner du poids" à quelqu'un, c'est considérer cette personne à sa juste valeur, à ce qu'il dit, à son opinion. À l'inverse, il est dit, par exemple, de Belshatsar roi de Babylone qu'il fut "trouvé léger" (Daniel 5:27). On parlerait aujourd'hui de quelqu'un de "superficiel". Ainsi, ne parle-t-on pas "d'arguments de poids" ? "Honorer son père et sa mère" c'est, entre autres, leur accorder le respect qui leur est dû, mais savoir également tenir compte de leur avis, même si on ne le partage pas. 

Mais de qui parle-t-on exactement ?... Contrairement à ce que l'on pense généralement, ce texte ne parle pas uniquement des parents (biologiques ou d'adoption). Les termes "Ab" (père) et "Em" (mère) ont un sens beaucoup plus large que celui de "papa maman". "Ab", c'est à la fois un père, un grand-père, un chef de famille comme Sem (Genèse 10:21), un ancêtre (Genèse 15:15) ou même une autorité dans le pays, comme Ab'raham, qui fut l'ancêtre (Ab') d'un grand nombre de nations (Genèse 17:4, 5). Ce peut être également le père d'une catégorie de personnes ayant une particularité ou une fonction comme Jabal et son frère Jubal (Genèse 4:20, 21). De même, "Em" désigne bien la maman,  mais également une grand-mère ou une aïeule. Eve, femme d'Adam, est appelée "la mère de tous les vivants" (Genèse 3:20). Elle est la "mère" de toute l'humanité.

Le manque de respect à l'égard de ses "pères" et "mères" en les brutalisant ou en les maudissant (Exode 21:15, 17) était punissable de mort (Lévitique 20:9). Si le livre du Deutéronome rappelle ce "commandement" (Deutéronome 5:16), il parle également de l'indocilité d'un fils à l'égard de ses parents, celui-ci devant être amené devant les anciens de la ville afin qu'il soit statué sur son comportement (Deutéronome 21:18 à 21). Une malédiction est d'ailleurs attachée à celui qui méprise ses parents (Deutéronome 27:16). Le livre des Proverbes donne de judicieux conseils à ce sujet. Un article de ce blog lui est d'ailleurs consacré (Mon fils, écoute-moi)

Si on ne peut imposer à des enfants d'aimer leurs parents, il leur est toutefois demandé de les "honorer" ("leur donner du poids"), et donc de les considérer avec respect, ce que ne faisaient plus certains scribes et Pharisiens, plus respectueux de "préceptes et de commandements d'hommes" (Matthieu 15:1 à 9) que du commandement lui-même (Matthieu 15:4). L'application de ceux-ci sont même recommandés par le Seigneur comme conduisant à la vie (Matthieu 19:17 à 19), bien que la Vie ne se trouve que dans la Personne du Seigneur lui-même (verset 21). Lorsque Jésus dit au "jeune homme riche" : "Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements", il fait à la fois référence au Lévitique (Lévitique 18:5 ; 19:18) et aux Dix Paroles (Exode 20:13, 14, 15, 16 et 12). Il faut entendre le fait de "vivre" dans le sens d'être "juste aux yeux de Dieu". C'est ce que Paul explique, plus en détails, dans son épître aux Romains (Romains 10:5), après avoir dit que "Christ est l'aboutissement de la loi pour la justification de ceux qui croient" (Romains 10:4). Plus tard, l'apôtre Paul développera cette notion de rapport parents/enfants (Éphésiens 6:1,2), rappelant également que c'est le seul commandement auquel il est attaché une promesse (verset 3). Il souligne également le fait que les parents ont aussi des devoirs envers leur progéniture (verset 4)

"La loi est bonne pourvu qu'on en fasse un usage légitime" (1 Timothée 1:8) dit Paul à Timothée. Elle fut "écrite du doigt de Dieu" (Exode 31:18) et transmise par l'intermédiaire de Moïse et des anges (Actes 7:53 ; Galates 3:19 ; Hébreux 2:2). Elle est sainte, juste et bonne (Romains 7:12) mais aussi spirituelle (Romains 7:14), elle forme un tout (Jacques 2:10, 11). Elle est donc fort utile à notre édification. Selon ce que dit Jésus, aimer Dieu et aimer son semblable, ces deux commandements résument toute la Loi (Luc 10:25 à 28 ; Matthieu 22:37 à 40). "Il n'y a pas de plus grand commandement que ceux-là" dit-il également (Marc 12:30, 31). Selon l'apôtre Jacques, c'est la "voie royale" (Jacques 2:8). Et selon Paul, toute la Loi est accomplie dans ce seul commandement (Galates 5:14) qui résume tous les autres (Romains 13:9). 

Les enfants, devenus parents, héritent de ceux-ci un enseignement divin qu'ils se doivent, à leur tour, de transmettre à leurs propres enfants qui, eux-mêmes, devront le respect à leurs parents avant de le transmettre à leurs propres enfants. Comme l'a dit l'apôtre Paul, ce "commandement est le premier avec une promesse" (Éphésiens 6:1, 2) "afin que tes jours se prolongent dans le pays que l'Eternel, ton Dieu, te donne" (Exode 20:12). Si le texte original parle de la terre de Canaan sur laquelle le peuple d'Israël est appelé à demeurer en pratiquant les commandements divins, Paul fait un "midrash" (un commentaire) et adapte ce texte à une communauté de disciples (Juifs et non-Juifs) vivant en dehors de la terre d'Israël. Il dit simplement : "Afin que tu vives longtemps sur la terre" (celle sur laquelle ils demeurent). Le texte mosaïque sous-entendait que le peuple d'Israël pourrait continuer à vivre sur la terre que l'Eternel lui avait donnée, mais que la désobéissance provoquerait, à long terme, un exil de sa population. Lorsque Paul reprend ce texte dans son exposé, il n'inclut pas cette option mais envisage plutôt une vie longue pour celui qui observerait ce commandement. Puis il conclut en invitant ceux-là même à qui est dû ce respect, à ne pas irriter leurs enfants, mais à les instruire sur ces choses "selon le Seigneur" (Éphésiens 6:4).  

La sixième parole : Tu ne tueras pas (verset 13) 

Dans le texte hébreu, deux mots suffisent pour mentionner ce Commandement. "Tu ne tueras pas" (Exode 20:13 / Deutéronome 5:17). Les cinquième, sixième et septième Commandements, contrairement à ceux concernant l'idolâtrie ou le shabbat, sont rédigés de façon très concise. Le texte original hébreu ne mentionne, pour chacun d'entre eux, que deux mots. "Tu ne tueras pas" se dit donc : "Lô tretsah". Le premier meurtre perpétré dans l'histoire de l'humanité est celui de Caïn qui tua son frère Abel. "Caïn (prononcer "ca' ïne") adressa la parole à son frère Abel mais comme ils étaient dans les champs, Caïn se jeta sur son frère Abel, et le tua" (Genèse 4:8). Les Sages d'Israël se sont interrogés sur le fait que les paroles de Caïn ne soient pas mentionnées dans le texte. Qu'a donc dit Caïn a son frère ? "Mais comme ils étaient dans les champs"... la conversation a-t-elle été brutalement interrompue ? Que n'a-t-il pas pu dire qui ait provoqué une telle colère meurtrière ? Est-ce cette incapacité de prononcer des mots qui fut la cause de ce drame ? L'incapacité de formuler une émotion peut se muer en violence verbale, voire même physique. Et si l'on peut parler d'un "silence de mort", une "langue aiguisée" (Psaume 64:4) ou "une parole légère" (Proverbes 12:18) peuvent également "blesser comme un glaive". Jacques Salomé parle de "remplacer les maux par des mots". L'apôtre Jean fait mention, dans l'une de ses épîtres, du meurtre de Caïn (1 Jean 3:12), ajoutant un peu plus loin que "celui qui hait son frère est un meurtrier" (verset 15).

Dieu s'adressa à Caïn et lui dit : "La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi" (Genèse 4:10). Une parole qui n'est pas sans rappeler celles des martyrs du "cinquième sceau" (Apocalypse 6:9, 10). En réalité, le texte hébreu mentionne le mot "demê" (les sangs, au Pluriel). Lorsque le mot "sang" (dam) est au Pluriel, cela signifie deux choses : le sang a été versé avec une grande violence, avec cruauté. Ici, le texte nous dit que le sang a imprégné la terre où il a été versé. La deuxième signification est que "ces sangs" sont des générations de descendants qui ne pourront venir à la vie. Celui qui aurait dû devenir leur ancêtre est décédé avant d'avoir pu engendrer. "Dieu dit (à Caïn) : la voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi... la terre (qui) a ouvert sa bouche pour recevoir de ta main le sang de ton frère" (Genèse 4:10, 11). Ces mots sont d'une grande puissance. La terre a "ouvert sa bouche" (comme si elle était avide du sang des hommes !) pour recevoir le sang de la victime d'un meurtre. Pour reprendre l'idée des générations futures qui ne pourront ainsi pas venir à l'existence, lorsque le sang coule sur la terre, c'est comme si on ensevelissait ces générations à venir avant même qu'elles ne soient venues à la vie. Une vie à venir à laquelle on met un terme avant qu'elle ne soit venue au Monde ?... "La voix du sang crie de la terre jusqu'à moi...". "Dans ma détresse, j'ai invoqué l'Eternel, j'ai crié à mon Dieu. De son palais, il a entendu ma voix, et mon cri est parvenu devant lui à ses oreilles" (Psaume 18:7 / 2 Samuel 22:7). Ce pourrait être aussi bien le cri de la victime que de celle qui se voit acculée à cette dernière extrémité. Mais "Lorsque le malheureux (ou la malheureuse) crie, l'Eternel entend, et il le (ou la) sauve de toutes ses détresses" (Psaume 34:7). Il y a des cris silencieux qui n'ont pas, n'ont plus de mot pour exprimer la douleur, mais "l'Eternel entend". Caïn a-t-il manqué de mots à dire ?... Est-ce pour cela qu'il a tué son frère ? Un cri de douleur tourné vers l'Eternel aurait pu, bien souvent, éviter un cri de souffrance, un cri d'agonie, un cri silencieux venant d'une âme qui se meurt. 

La mention "Tu ne tueras point" (Exode 20:13) est suivie directement du commandement suivant : "Tu ne commettras pas d'adultère" (verset 14). Dans "Le sermon sur la montagne", Jésus aborde ces deux Paroles et les commente (Matthieu 5:21 à 32). Il est à noter également que, avant d'aborder ces thèmes, Jésus rappelle qu'il n'est pas "venu pour abolir la loi mais pour l'accomplir" (Matthieu 5:17). Aucune modification de celle-ci ne peut être apportée au texte mosaïque. Jésus fait même remarquer que l'attitude adoptée à l'égard de ces "commandements", le respect de ceux-ci et la manière de les enseigner, déterminera la place occupée dans le royaume des cieux (Matthieu 5:18, 19), au risque même de ne pas y entrer du tout (verset 20). "Pas un iota, pas un trait de lettre", l'enseignement de Jésus ne modifie donc en rien celui de Moïse, mais il en démontre la profondeur par ses commentaires, tout en attestant de l'immuabilité des propos du grand législateur que fut l'auteur de ces textes, et sur lesquels Jésus fonde son enseignement. 

Une personne ayant commis un homicide involontaire avait l'opportunité de se réfugier dans une "ville de refuge" (Nombre 35:11) afin d'échapper au "vengeur de sang" (Nombres 35:19, 24) jusqu'à ce qu'il soit statué sur le crime dont il était accusé ou jusqu'à la mort du Grand Sacrificateur alors en fonction (Nombres 35:28). Dans le cas d'un crime volontaire, avec ou sans préméditation, la sentence recommandée est la mise à mort de l'assassin. "Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort" (Exode 21:12 / Nombres 35:16 à 18). Cette loi est directement inspirée des "lois noachiques" (lois instituées au travers de l'Alliance que Dieu fit avec Noé)"Si quelqu'un verse le sang de l'homme, par l'homme son sang sera versé ; car Dieu a fait l'homme à son image" (Genèse 9:6). Cependant, il y a des situations bien spécifiques comme le meurtre d'un voleur s'étant introduit, de nuit, dans une demeure. Si le propriétaire de cette demeure faisait mourir le voleur, il était innocenté (Exode 22:2). Mais seulement à condition que l'intrusion ait eu lieu de nuit, car au lever du jour, l'impunité est levée, et celui qui aurait mis à mort le voleur serait considéré alors comme un meurtrier (Exode 22:3)

Certains sont favorables à la peine capitale, d'autres y sont opposés. Les avis divergent sur ce point. Il est cependant intéressant de noter que lorsque Jésus est interrogé sur le sort requis pour la femme adultère, le Seigneur n'oppose aucune réticence à l'application de la peine* (il se serait ainsi mis en porte à faux avec la loi mosaïque à laquelle il ne pouvait s'opposer). De même, l'apôtre Paul, lorsqu'il parait devant le Gouverneur Festus, accepte de subir la peine capitale à condition d'avoir commis une transgression qui mérite cette peine (Actes 25:11). Ainsi, ni Jésus, ni Paul, n'oppose la moindre réticence au principe même de la peine capitale. Le larron, crucifié aux côtés de Jésus, reconnait même mériter son sort (Luc 23:41). L'enseignement apostolique nous préconisant de nous soumettre aux autorités de notre pays, (en France, la peine capitale a été abolie depuis 1981, suite à la loi Badinter), chacun pourra en tirer les conclusions que lui inspirera sa conscience. 

*ce sujet a été développé dans l'article "Jésus et la femme adultère".

La septième parole : Tu ne commettras pas d'adultère (verset 14)

Tout comme les sixième et huitième "Commandements", le septième ne contient, dans le texte original, que deux mots : "Lô tneaph". C'est net, bref, concis. La Thora ne fait toutefois que trois fois mention de cette interdiction. L'adultère est proscrit, mais pas la polygamie, celle-ci étant déjà pratiquée par les Patriarches. Le besoin d'engendrer une postérité prenant parfois le pas sur le modèle initial voulu par Dieu. Elle sera cependant abandonnée à l'époque d'Esdras, après le retour d'exil de Perse. L'épisode de la séparation des "femmes étrangères" (issues des nations), après le retour d'exil, avait fortement incité les Hébreux à la monogamie (Esdras 10:10 à 17). Cependant, la polygamie demeurait pratiquée parmi les nations. Certains disciples de Christ, issus des nations, étaient probablement polygames car lorsque Paul donne ses recommandations pour le choix des diacres et des anciens, l'un des critères exigés est de n'être marié qu'à une seule femme (1 Timothée 3:2, 12; Tite 1:6). Job (qui vivait à l'époque des Patriarches) fait mention de l'adultère comme étant assimilé à la dissimulation (Job 24:15). L'auteur des Proverbes (probablement Salomon) dit que que "celui qui le commet (en parlant de l'adultère) est dépourvu de sens" et cherche à se perdre (Proverbes 6:32). Mais c'est au peuple d'Israël que le reproche le plus sévère est adressé. L'adultère dont il s'est rendu coupable à de nombreuses reprises est avant tout spirituel. Car c'est par l'idolâtrie, l'adoration des faux dieux, qu'Israël a péché le plus gravement. Ce sera l'un des principaux messages que les Prophètes seront chargés d'annoncer au peuple infidèle. Esaïe, Jérémie, Ézéchiel, Osée, Malachie... tous eurent à réprimander le peuple pour ses adultères envers les faux dieux. 

Une accusation d'adultère ne pouvait être déposée que sur le témoignage de "deux ou trois témoins" (deux minimum et autant qu'il peut y en avoir). Ces témoins demeurant responsables devant Dieu de leurs propos, selon qu'il est également écrit : "Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain" (Exode 20:16). Un faux témoignage, sous le couvert du serment, devant une cour de justice, est une infraction grave et punissable par la loi. Elle l'était tout autant pour la loi de Moïse. À l'époque de Jésus et des apôtres, les autorités religieuses ne reculeront cependant pas devant l'apport de faux témoignages pour les incriminer. Mais sans succès ! Ce qui démontre le peu de respect qu'avaient les autorités religieuses de l'époque pour la loi de l'Eternel, dont elles se revendiquaient pourtant. 
 


La huitième Parole : Tu ne voleras pas (verset 15)

La loi mosaïque paraît-elle sévère ? Il fut un temps où, comme Jean Valjean, le personnage central des "Misérables", on pouvait être envoyé au bagne pour avoir volé un pain. Le vol est considéré comme la soustraction frauduleuse du bien d'autrui. Dans de nombreux pays, il est passible d'une amende et / ou d'une peine d'emprisonnement. En Arabie Saoudite, le vol avec récidive est punissable de l'amputation de la main. Si le vol est malheureusement courant, sa gravité peut varier du tout au tout. Du vol à l'étalage au vol qualifié, il y a une marge. Le Commandement divin dit simplement : "Tu ne voleras pas". Le mot "ganab" signifie à la fois "voler, dérober" (Genèse 31:19) et "tromper" (Genèse 31:20). Mais également "être enlevé, kidnapper" une personne (comme Joseph - Genèse 40:15).

Dans le cas d'un enlèvement, un kidnapping, c'est à dire la détention d'une personne contre sa volonté, le fauteur subissait la peine capitale : "Celui qui dérobera (ganab) un homme et qui l'aura retenu entre ses mains sera puni de mort" (Exode 21:16 / Deutéronome 24:7). En France, la détention et la séquestration d'une personne contre son gré est punissable de vingt ans de réclusion criminelle. Une peine équivalente est également prévue pour un braquage à main armée. La loi fait bien évidemment la différence entre un vol à l'étalage et le braquage d'une épicerie avec une arme à feu. Si une personne est blessée par son agresseur, on parle alors de circonstances aggravantes. Le Commandement : "Tu ne voleras pas" désigne autant l'un que l'autre. Les deux sont condamnés. La gravité des faits diffère cependant considérablement de l'un à l'autre. 

Le livre des Proverbes aborde le sujet du larcin de celui qui, comme Jean Valjean, vole du pain pour se nourrir (Proverbes 6:30, 31). Ce texte, probablement écrit par le roi Salomon, mentionne la sanction prévue. Malgré une éventuelle circonstance atténuante (la raison de son larcin), le voleur ne peut être tenu pour innocent (verset 30). S'il est découvert, il lui faudra rendre au septuple le prix de ce qu'il a volé, quitte à devoir vendre tout ce qu'il a dans sa maison (verset 31). Cette pénalité n'est pas mentionnée dans la loi mosaïque, elle relevait donc, alors, de la loi en vigueur. Loi probablement promulguée par Salomon lui-même, mais cependant fondée sur un texte de la loi mosaïque concernant les préjudices causés à autrui (Exode 22:1 à 15). La loi mosaïque prévoit, par exemple, que le voleur d'un bœuf ou d'un agneau qui aurait tué, dépecé et vendu la bête, devra rendre "cinq bœufs ou quatre agneaux" (Exode 22:1) en dédommagement de son larcin. La bête s'est-elle retrouvée sur l'étal d'un boucher malhonnête ? La complicité éventuelle du boucher devra, alors, être démontrée. Lorsque Jésus s'en prendra aux marchands du Temple, ils les traitera de "voleurs" (Luc 19:45, 46). À cette époque, des sacrificateurs du Temple, complices avec les marchands de bestiaux, refusaient tout animal n'ayant pas été acheté à l'un de ces marchands (Lévitique 22:17 à 25), prétendant que les bêtes n'étaient pas conformes aux exigences de perfection requises (Lévitique 22:21). Ces  marchands, qui vendaient leurs animaux à des prix bien supérieurs à leur réelle valeur, s'octroyaient ainsi un juteux bénéfice qu'ils partageaient avec leurs complices sacrificateurs. Il s'agissait bien là d'un vol manifeste contraignant les croyants à se soumettre à un trafic illicite et cependant légal. Une attitude également condamnée par la loi de Moïse puisqu'il est écrit : "Vous ne déroberez pas et vous n'userez pas de mensonge ni de tromperie les uns envers les autres... Tu n'opprimeras pas ton prochain, et tu ne raviras rien par violence" (Lévitique 19:11, 13). Il s'agissait donc de "vol qualifié". Ce qui constitue une faute aggravante.

Le prophète Malachie dit pourtant que "les lèvres du sacrificateur doivent garder la science ("da'ath" : la connaissance du Bien et du Mal - Genèse 2:9, 17). Le reproche que Malachie adresse aux lévites de son époque pouvait également s'adresser à ceux de l'époque de Jésus : "Mais vous, vous vous êtes écartés de la voie, vous avez fait de la loi une occasion de chute pour plusieurs, vous avez violé l'alliance de Lévi, dit l'Eternel des armées. Et moi, je vous rendrai méprisables et vils aux yeux de tout le peuple (ce qu'ils étaient également à l'époque de Jésus) parce que vous n'avez pas gardé mes voies, et que vous avez égard à l'apparence des personnes (les personnes les plus influentes et riches étaient privilégiées) quand vous interprétez la loi" (Malachie 2:8, 9). Il est de la fonction de la magistrature, comme du pouvoir judiciaire, de faire respecter les lois en vigueur dans un pays, selon la volonté divine (Romains 13:1 à 5). À cela s'ajoute le devoir de payer également les impôts, ce qui vise automatiquement les paradis fiscaux et les fonds détournés que certains tentent de faire échapper à l'imposition (Romains 13:6, 7).

Le prophète Osée dit que le voleur "agit frauduleusement (she'ker)" (Osée 7:1). "Sheh'ker" (par tromperie, en usant de mensonge). Le vol peut donc être aggravé par la transgression d'un autre Commandement : celui de donner un faux témoignage (Exode 20:16). Celui-ci peut prendre différentes formes. Une comptabilité truquée, des revenus non déclarés ou d'origine douteuse... Tout manque de transparence dans la gestion de fonds tombe sous le coup de ce Commandement : "Tu ne feras pas de faux témoignage". À plus grande échelle, détournements de fonds, blanchiment d'argent, et autres méthodes de grande envergure sont des pratiques illicites qui entrent également dans la catégorie énoncée par ce Commandement : "Tu ne voleras pas". Elles constituent donc des transgressions, à la fois des lois en vigueur, mais également de la loi divine. Aujourd'hui comme hier, un vol commis par une seule personne peut avoir des répercussions sur toute une nation, tel le péché d'Acan (Josué 7:1, 20 à 22). Son acte ne put cependant échapper au regard de l'Eternel. Le coupable n'est pas directement désigné. "Israël a péché. Ils ont transgressé mon alliance... ils ont pris des choses dévouées par interdit... ils les ont dérobées et ont menti et ils les ont cachées..." (Josué 7:11). Qui était ce "ils" ? S'agissait-il seulement "des fils et des filles d'Acan" (Josué 7:24) ? Seul Acan fut puni pour sa faute. Ses enfants étaient-ils trop jeunes pour pouvoir prendre pleinement conscience de leur faute, ce qui leur aurait épargné de partager le châtiment de leur père ? Acan avait parfaitement conscience de l'interdit qui pesait sur ce dont il s'était emparé par convoitise. Il avait agit par dissimulation. Il pouvait tromper la vigilance des hommes mais pas celle de Dieu. Son subterfuge fut mis en lumière, et il subit la peine de sa malhonnêteté. Acan fut l'initiateur de cette attitude préjudiciable. Ses enfants durent assister à la mise à mort de leur père, par lapidation, devant tout le peuple d'Israël (Josué 7:25). D'une façon similaire, la dissimulation du couple Ananias et Saphira fut rendue publique parmi les disciples (Actes 5:1 à 11). Il ne s'agissait pas, à proprement parler, d'un vol, puisque l'argent en question leur appartenait. Mais ils ont "menti au Saint-Esprit" (Actes 5:3, 8) et cela causa leur perte (Actes 5:5, 10). À ce propos, Agur, l'auteur du chapitre 30 du livre des Proverbes, associe "fausseté et paroles mensongères" avec "pauvreté et richesse" (Proverbes 30:8), craignant même que "dans la pauvreté, je ne dérobe, et ne m'attaque au nom de mon Dieu" (Proverbes 30:9). On retrouve donc une situation similaire à celle décrite par le prophète Osée lorsqu'il parle de "she'ker", de "tromperie et de dissimulation" (Osée 7:1). Le fait de "mentir au Saint-Esprit" pouvant, en quelque sorte, est comparé au fait de s'attaquer au nom de Dieu. S'adressant au peuple d'Israël, par l'intermédiaire du prophète Jérémie, Dieu associe le vol avec le fait de "tuer, commettre des adultères, jurer faussement, offrir de l'encens à Baal, aller après d'autres dieux" (Jérémie 7:9). Osée fait ainsi entendre la parole de l'Eternel en disant : "L'Eternel a un procès avec les habitants du pays, parce qu'il n'y a pas de vérité, pas de miséricorde... il n'y a que parjures et mensonges, assassinats, vols et adultères. On use de violence, on commet meurtre sur meurtre" (Osée 4:1, 2). 

Enfin, le prophète Zacharie souligne le fait qu'il y a une "malédiction du voleur" qui touche celui qui agit avec dissimulation pour s'emparer des biens d'autrui. Un ange apparut à Zacharie le prophète et lui dit : "C'est la malédiction du voleur qui se répand sur tout le pays, car selon elle, tout voleur sera chassé d'ici, et selon elle, tout parjure sera chassé d'ici. Je la répands, dit l'Eternel des armées, afin qu'elle entre dans la maison du voleur et de celui qui jure faussement en mon nom, afin qu'elle y établisse sa demeure, et qu'elle la consume avec le bois et les pierres" (Zacharie 5:1 à 4). Cette "malédiction du voleur" entre dans sa maison et la "consume" peu à peu, comme un feu qui dévore. Il arrive que des demeures se détériorent, de façon presque incompréhensible, parce que son ou ses propriétaires (ou ceux qui l'habitent) se sont rendus coupables de vol.  

Le vol peut également être doublé d'actes de violence. Le texte hébreu utilise un terme spécifique pour désigner cela : "Periyts". Periyts, c'est "un homme violent, un casseur, un voleur, un meurtrier". C'est un truand, un mafieux. Ézéchiel décrit le pillage du trésor du Temple en disant : "Des violents (periyts) y entreront et le profaneront" (Ézéchiel 7:22). Ce qui signifie que toute personne qui chercherait à se mettre en travers de leur chemin sera immanquablement passée par l'épée. Ézéchiel parle, plus loin, d'un "fils violent (periyts) qui répande le sang et qui commette quelque chose de semblable" (Ézéchiel 18:10). Ce "quelque chose de semblable" comprend, entre autres, le fait de ne pas rendre son gage au débiteur, ou de commettre des rapines (Ézéchiel 18:7). Tous raids meurtriers, razzias, ou attaques sournoises portées contre une quelconque population pour s'emparer de ses biens, amène une malédiction sur ceux qui s'en sont rendus responsables, autant leurs acteurs que leurs éventuels commanditaires. 

La neuvième parole : Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain (verset 16)   

Une accusation ne pouvant être portée que sur le témoignage de "deux ou trois témoins" (deux minimum, et autant qu'il peut y en avoir - Nombres 35:30 / Deutéronome 19:15, 17:6). Ces témoins sont cependant responsables devant Dieu de leurs propos, selon qu'il est écrit  également : "Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain" (Exode 20:16). Comme on dit dans les tribunaux : "Jurez-vous de dire toute la vérité et rien que la vérité ?". À quoi le témoin répond : "Je le jure". Un faux témoignage, sous le couvert du serment et devant une cour de justice est une infraction grave et punissable par la loi. À l'époque de Jésus et des apôtres, les autorités religieuses ne reculeront cependant pas devant l'apport de faux témoins pour les incriminer. Mais sans succès ! Ce qui montre le peu de respect que celles-ci avaient à l'égard de la loi de Moïse dont elles se réclamaient pourtant (Deutéronome 19:16 à 20). Depuis l'Antiquité, l'usage de la peine capitale a bien souvent servi aux puissants de ce monde pour asseoir leur autorité en faisant disparaître les opposants qui, de façon légitime ou pas, remettaient celle-ci en question. Elle s'est parfois même muée en meurtre déguisé, comme ce fut le cas lors de l'exécution d'Étienne (Actes 7:55 à 58). 

Étienne était "un homme plein de foi et de l'Esprit-Saint, plein de grâce et de puissance, (qui) faisait des prodiges et de grands miracles parmi le peuple" (Actes 6:5, 8). Après avoir été victime de fausses accusations proférées par des menteurs, soudoyés par des membres de la synagogue des Affranchis (Actes 6:9 à 11), Étienne fut conduit devant le Sanhédrin (la haute cour de justice religieuse - verset 12) où il fut accusé faussement d'avoir "proféré des paroles contre le lieu saint et contre la loi" et d'avoir prétendu que "Jésus, ce Nazaréen, détruira ce lieu, et changera les coutumes que Moïse nous a données" (Actes 6:13, 14). Ces accusateurs l'associèrent à ce "Nazaréen" (de cette autre région qu'est la Galilée) qui prétendait être le Messie et qui avait été crucifié. Dans la bouche de ses accusateurs, ce terme était fortement péjoratif. Étienne fut lapidé pour avoir osé affirmer voir "le Fils de l'Homme debout à la droite de Dieu" (Actes 7:56), alors qu'il venait d'accuser son auditoire de ne pas avoir su garder "la loi transmise par l'intermédiaire des anges" (Actes 7:53) et d'avoir tué "ceux qui annonçaient d'avance la venue du Juste et (d'en avoir été) les meurtriers" (Actes 7:52). Un jeune homme nommé Saül, de la ville de Tarse en Cilicie (Actes 21:39), alors chargé de garder les vêtements des meurtriers, assistait à cette exécution. Il reconnut, plus tard, avoir approuvé la mort d'Étienne (Actes 8:1 / 22:20). Mais cette exécution arbitraire n'était en réalité rien d'autre qu'un meurtre. Accusé faussement, jugé sur la base de ses paroles alors qu'il témoignait de la vision glorieuse du Sauveur, il fut sauvagement assassiné par ce pouvoir religieux qui avait fait mettre à mort son maître bien-aimé. Ce jour-là, le "sixième Commandement" fut transgressé par ceux-là mêmes qui étaient censés faire appliquer cette loi dont ils se prétendaient les plus fervents pratiquants. Le fait d'avoir produit de faux témoins à la charge d'Étienne aurait dû leur valoir la peine capitale, requise par cette même loi dont ils se faisaient les ardents défenseurs (Deutéronome 19:18 à 21). Un meurtre déguisé en exécution capitale, après que les autorités religieuses aient, elles-mêmes, transgressé le "neuvième Commandement" : "Tu ne porteras pas de faux témoignage contre ton prochain" (Exode 20:16)

La dixième Parole : Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain; tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son bœuf, ni son âne, ni aucune autre chose qui appartienne à ton prochain" (verset 17).

La dernière "parole" concerne la convoitise. La convoitise n'est pas, en soi, une action, mais elle est susceptible de se transformer en actes. Et qui plus est, en actes intrusifs, malhonnêtes, voire violents pour s'emparer de ce qui appartient à autrui. Proscrire la convoitise, c'est anticiper une action qui porterait préjudice à son "prochain". Et pourtant... c'est là toute l'histoire des peuples et des nations qui n'ont cessé de se faire la guerre pour s'emparer des biens, des terres, des territoires, du bétail, de valeurs monétaires (quelles que soient leurs formes)

"Convoitise" se dit, en hébreu : "hamad". Ce mot désigne à la fois quelque chose de précieux, d'agréable, de désirable, mais également l'intérêt et la convoitise qu'il suscite. Celle-ci trouve son origine dans le Jardin d'Eden dont les arbres étaient "agréables (hamad) à voir" (Genèse 2:9). Tout particulièrement celui de la Connaissance qui était "précieux (hamad) pour ouvrir l'intelligence" (Genèse 3:6). Bien évidemment, seules les choses belles et de valeur suscitent la convoitise, c'est pourquoi, dès la troisième occurrence de ce mot dans les Écritures, Dieu met-il en garde contre ce mauvais penchant de la nature humaine (Exode 20:17). Le livre du Deutéronome réitère cet interdit et le complète, plus loin, en proscrivant également le désir de s'approprier l'or des idoles (Deutéronome 7:25). Idoles qui pouvaient être (et qui peuvent être encore aujourd'hui) de très belle facture, et d'une esthétique fort agréable à la vue, ce que le prophète Esaïe appelle "leurs plus belles œuvres (hamad)", mais qui "ne servent à rien. Elles le témoignent elles-mêmes, elles n'ont ni la vue, ni l'intelligence, afin qu'ils soient dans la confusion (ceux qui leur rendent un culte)" (Esaïe 44:9). Une riche ornementation, des couleurs vives, un décor somptueux et imposant, un cadre propice à la contemplation, et voilà le visiteur captivé. Sa spiritualité, si souvent étouffée, s'en trouve soudain éveillée, titillée, son cœur se laissant facilement attirer par ce qu'admirent ses yeux. Vient alors la transgression de ces autres Paroles : "Tu n'auras pas d'autres dieux devant ma face" et "Tu ne te feras pas d'images taillées" (Exode 20:3, 4)

S'il est dit : "Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain", le prophète Michée dit à son tour : "Ils convoitent des champs, et ils s'en emparent, des maisons, et ils les enlèvent. Ils portent leur violence sur l'homme et sur sa maison, sur l'homme et sur son héritage" (Michée 2:2). Ceci n'est pas sans rappeler l'épisode de la vigne de Naboth qu'Achab, roi de Samarie, convoitait, et dont il s'empressa de s'emparer après que sa femme Jézabel ait fait injustement condamner à mort celui qui refusait de lui céder la vigne dont il avait hérité de ses pères (1 Rois 21:3, 15, 16). Le pays d'Israël suscita également la convoitise des nations environnantes (Exode 34:24). Nombre de guerres et de conflits, d'hier et d'aujourd'hui, sont nés du désir de s'emparer de ce qui est à autrui. Cette "parole" est donc étroitement liée à celle interdisant le vol (Exode 20:15). "Malheur à ceux qui ajoutent maison à maison, et qui joignent champ à champ, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'espace" dit encore le prophète Esaïe (Esaïe 5:8). Dans certaines régions du Monde, l'immobilier navigue parfois aux frontières de l'illégalité. De puissantes sociétés, avec l'aide de gens sans foi ni loi, s'approprient des terrains et des maisons habitées, forçant leurs propriétaires à céder leurs biens ou... Ces sbires de basse besogne vont parfois jusqu'à s'en prendre aux membres de leurs familles pour les faire céder. Il y a, encore aujourd'hui, des "vignes de Naboth" dont les propriétaires payent parfois de leur vie leur détermination. 

Il est dit également : "Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain". C'est pourquoi l'auteur des Proverbes dit "Ne la convoite pas dans ton cœur pour sa beauté, et ne te laisse pas séduire par ses paupières" (Proverbes 6:25). Car "la fureur est cruelle, et la colère impétueuse, mais qui résistera devant la jalousie ?" (Proverbes 27:4), et "la jalousie met un homme en fureur et il est sans pitié au jour de la vengeance" (Proverbes 6:34). De quoi provoquer un crime passionnel qui tomberait ainsi sous le coup du sixième Commandement : "Tu ne tueras pas" (même sous le coup de la colère et du désir de vengeance). La loi mosaïque prévoyait un recours en cas de suspicion d'adultère (Nombres 5:11 à 31). Une méthode qui était censée susciter une réaction trahissant la culpabilité de la personne soupçonnée.  

"Tu ne convoiteras pas... son serviteur ou sa servante...". Ceux-ci présenteraient-ils une qualité particulière pour que l'on veuille en convoiter le service ? Certaines personnes présentent effectivement des dons particuliers. Et le service de maison n'est pas exempt de personnels forts compétents, mais on peut étendre ce champ de compétences à d'autres professions. Il arrive qu'une entreprise "démarche" un cadre d'une société concurrente, soit pour le débaucher afin de l'intégrer à son personnel en lui promettant un meilleur salaire ou des avantages conséquents, soit, et c'est plus grave, pour solliciter sa participation afin de s'approprier documents, informations, méthodes ou techniques particulières, et qui sont la propriété de l'entreprise concurrente. Ce qui relève alors de l'espionnage industriel. La démarche peut s'opérer également d'une nation à une autre. Quelle que soit l'échelle à laquelle se déroule cette transaction occulte, elle relève automatiquement de cette Parole qui en condamne la pratique : "Tu ne convoiteras pas... ni ceci, ni cela, ni untel, ni unetelle..."

"Ni son bœuf, ni son âne...". L'expression "fort comme un bœuf" n'est peut-être plus très usitée, mais dans ce cadre, elle est suffisamment explicite. Cet animal évoquait alors une force vive dont l'agriculteur (alors plus de quatre-vingt pourcents de la population) avait un impératif besoin pour retourner ses champs. L'âne, quant à lui, était utilisé pour le port de charges, le transport, les déplacements longues ou moyennes distances. Ces deux animaux incarnaient donc le soutien dont l'homme avait besoin dans son activité quotidienne et qui lui permettait ainsi de subvenir à ses besoins. Les convoiter, c'était déjà envisager de s'en emparer, d'une façon ou d'une autre, le plus souvent malhonnête. Et ce, au risque de laisser la personne dépouillée dans l'incapacité de poursuivre son activité, et donc de pourvoir à ses besoins vitaux ainsi qu'à ceux de sa famille. Le vol, quelle que soit sa portée, a forcément un impact sur la vie sociétale, à une échelle correspondant à la gravité du délit. Cet "interdit" a donc une visée préventive afin d'éviter que la préméditation ne se transforme en acte délictuel. Comme le dit le proverbe populaire : "Mieux vaut prévenir que guérir". Ces Dix Paroles ont, avant tout, une "vertu préventive". La transgression amenant forcément une sanction, l'observance de "l'interdit" prémunit l'éventuel transgresseur de fauter. À l'inverse, la pratique de ces "Commandements" était censée préserver la société des maux les plus graves. L'idolâtrie, une attitude irrévérencieuse à l'égard de son Dieu, le nom respect du repos hebdomadaire (nécessaire à tout être humain exerçant une activité, quelle qu'elle soit), le respect de la parentèle, le respect des biens et de la vie d'autrui, l'intégrité en actes et en paroles, et la pratique de l'honnêteté envers autrui, ce sont là les choses fondamentales pour le bon fonctionnement d'une vie sociétale. Nul n'en disconviendra. 

Dans le livre de Job, Tsophar de Naama, parlant de "l'impie" (Job 20:5), dit : "Son avidité n'a pas connu de bornes ; mais il ne sauvera pas ce qu'il avait de plus cher" (Job 20:5, 20). Le désir inextinguible de s'approprier et d'amasser lui fera perdre tout ce qu'il a. Ce bien précieux ayant peut-être été acquis de façon malhonnête... À vouloir tout avoir, il se peut que l'on perde tout ce que l'on a. La perte de "ce qu'il a de plus cher" rappelle à l'homme "qu'il n'est qu'un souffle" dans la main de Dieu (Psaume 39:11). C'est pourquoi (pour l'homme), les "Commandements de Dieu sont plus précieux que l'or" (Psaume 19:10). 

Conclusion

Il m'arrive bien souvent, en terminant un article, de penser que je n'ai fait que survoler le sujet abordé. Il y aurait pourtant encore bien des choses à dire, bien des exemples bibliques à donner sur ces "Dix Paroles". Les différents thèmes abordés dans la Thora, comme dans la Bible en général, sont d'une telle richesse que l'on ne peut que constater l'incomplétude de nos réflexions, aussi riches soient-elles ! Le cadre d'un article impose forcément des limites que l'on se doit de respecter. Cependant, cette incomplétude a un aspect positif. Elle ouvre, aux lecteurs, de nouveaux champs de réflexion, lui permettant ainsi de donner libre court à ses propres pensées, suscitant peut-être même l'envie de prolonger l'étude de façon toute personnelle, avec ses propres références, ses propres exemples. La Bible, ses récits, son histoire, ne nous appartiennent pas. Ils sont la propriété de ceux qui s'en emparent, non pour la piller de son contenu, mais pour l'enrichir de leurs réflexions et de leurs commentaires. C'est le mieux que je peux souhaiter aux lecteurs de cet article. 

JiDé

Les Dix commandements
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :