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Ils bâtirent des villes : Hénoch et Caïn

Ils bâtirent des villes : Hénoch et Caïn

La ville. A la fois lieu de si grands tourments et de tant d'espérance. Le lieu où l'homme cohabite avec son semblable et l'ignore plus encore.

J'aimerais débuter cet article par une citation de Jacques Ellul qui écrit : "La ville est par excellence le monde de l'homme. Créée par lui et pour lui, mesure de sa grandeur, expression de toute civilisation, mais en même temps elle est le témoin de la démesure humaine, œuvre de l'avidité d'argent, et d'ambition, dont les hommes deviennent esclaves". 

Et Caïn bâtit une ville

"La première civilisation (pré-diluvienne) était de Caïn dans son origine, son caractère comme dans ses destinées" écrit Scofield. La première mention d'une ville, dans la Bible, se trouve dans le livre de la Genèse. "Caïn connut sa femme, elle conçut et enfanta Hénoch. Il bâtit ensuite une ville et il donna à celle-ci le nom de son fils Hénoch" (Genèse 4:17). Un tel texte amène forcément un certain nombre de questions. Qui était la femme de Caïn, fils d'Adam et d'Eve, les premiers êtres humains ? Était-elle sa sœur, sa nièce, sa cousine… ? La consanguinité n'avait alors pas les conséquences qu'elle aura plus tard. D'où provint la population qui peupla cette ville ? On peut aisément imaginer que, comme cela sera dit pour d'autres après eux, "ils eurent des fils et des filles" (Genèse 5:4). Ou même pour Eve (Hava de son vrai nom, "celle qui donne la vie"), dont il est dit, littéralement, qu'elle "recommença à enfanter" après la naissance de Caïn. Seth, le troisième fils du premier couple d'êtres humains, ne naquit que bien plus tard, après que Caïn ait tué son frère. Entre temps, il est fort probable qu'Adam et Eve aient eu d'autres enfants. Si Seth est nommément mentionné, cela n'empêche pas que d'autres enfants leur soient nés avant lui. Ce petit texte nous donne une information. La population grandit très rapidement après la Chute puisque suffisamment nombreuse pour peupler "une ville". Toutes proportions gardées, celle-ci devait avoir la taille d'un grand village. Il faut se rappeler qu'Adam vécut jusqu'à l'âge de neuf cent trente ans (Genèse 5:5). Seth, jusqu'à neuf cent douze ans. Lorsque naquit Lémec, le père de Noé, Adam était encore en vie ainsi que tous ses descendants (Genèse 5:1 à 29). Hormis le Patriarche Hénoc qui avait été enlevé (Genèse 5:21 à 24). Tous eurent "des fils et des filles", probablement en grand nombre. "Fructifiez et multipliez", leur avait-il été ordonné. 

Que dit l'Ecriture ?

Il nous est donc dit que "Caïn bâtit  ensuite une ville" à laquelle il donna le nom de son fils. Le texte ne dit pas que Caïn bâtit la première ville. Cela n'est, en tout cas, pas spécifiquement mentionné. On peut donc envisager qu'il n'ait pas été le premier à en bâtir une. De plus, il est dit qu'il bâtit une ville après la naissance d'Hénoch, mais là aussi, rien ne nous assure qu'Hénoch fut son premier-né. Si je m'arrête sur ces choses, c'est parce que, généralement, on "interprète" le texte de cette façon. Il est important, pour bien le comprendre, de tenir compte des informations qui nous sont données sans en "ajouter" involontairement. Je fais ici une petite digression qui me semble essentielle avant de poursuivre. Pour une juste compréhension des textes, il est nécessaire de se poser quelques questions simples. La toute première est : "que dit l'Ecriture ?" (Romains 4:3 / Galates 4:30). Que dit-elle vraiment ? Qu'affirme-telle de façon claire ? Y-a-t-il des choses dont elle ne parle pas ? Que peut-on en déduire ? Ce que je comprends est-il conforme à ce que dit le texte ? Il est important de s'en tenir aux informations textuelles (dans le texte ou dans des textes qui s'y rapportent) "selon ce que dit l'Ecriture" (Romains 10:10). Celle-ci est suffisamment explicite, "car l'Ecriture dit" (1 Timothée 5:18). On peut émettre un avis, soumettre une hypothèse, mentionner une opinion, mais cela doit être stipulé comme tel et ne peut, en aucun cas, être émis comme une évidence ou une vérité toute faite. L'honnêteté de cette démarche nous garantira d'effectuer une exégèse du texte qui soit conforme à "l'esprit" des Ecritures sans courir le risque d'en "tordre le sens" (2 Pierre 3:16). Je ferme ici la parenthèse. 

Sur une terre d'exil 

Il est dit que "Caïn… habita dans la terre de Nod (mot qui signifie "fuite, exil"), à l'orient d'Eden". Un lieu directement en lien avec sa condition d'homme exilé (Genèse 4:12), "errant et vagabond" (nuwd)"Caïn connut sa femme, elle conçut et enfanta Hénoch. Il bâtit ensuite une ville et il donna à cette ville le nom de son fils Hénoch" (Genèse 4:16, 17). Le mot "Hénoch" pourrait signifier "celui qui initie" ou "celui qui est initié". Il est dit, littéralement, qu'il "fut bâtissant". Caïn aurait-il initié son fils à l'art de la construction ? L'ont-ils été tous les deux ? Cette ville que bâtit Caïn pourrait être Anushta, en terre d'Elam, à l'Est de la Mésopotamie, ce qui correspondrait à la locution "à l'Est (à l'orient) de l'Eden". La façon dont le texte localise le lieu où Caïn le vagabond errant choisit de se fixer n'est pas anodine. Il est peut-être significatif d'un désir de se rapprocher du lieu où "naquirent" ses parents. Caïn s'est positionné "à l'est d'Eden" (admah Eden), et c'est par rapport à ce jardin qu'avaient quitté ses parents qu'il va se fixer avec sa femme, et qu'il va construire une ville. Cette position cardinale n'est pas non plus anodine. "Eden" signifie "les délices". Mot qui vient de "Adan" ("vivre dans l'abondance"). Il y a là comme la nostalgie d'un lieu qu'il n'a cependant pas connu, mais dont lui ont certainement parlé ses parents. Caïn s'est positionné par rapport à un lieu, mais il s'est également orienté par rapport à celui-ci. "A l'Est, à l'Orient" (qadimah). "Qadimah" signifie "Orient, en face de, en présence de, devant, antiquité". Un mot qui vient de "Qedem" (le temps passé, l'Orient, l'Est, l'ancien temps, ce qui vient d'autrefois, le commencement, l'origine, antique, éternel". Caïn a voulu se rapprocher de ses origines et du temps béni de l'innocence. De ce temps "éternel" où l'homme n'était pas encore mortel. Le mot "qadimah" s'écrit avec les lettres hébraïques "koph, daleth, mêm, hé", où l'on retrouve la racine "daleth, mêm, hé" du mot "Adama" ("la terre"). On dirait aujourd'hui qu'il a cherché à se rapprocher de ses origines, de "la terre de ses ancêtres". Caïn le vagabond errant, cherche à se fixer en un lieu de ressourcement. Un lieu qui le "relie" à son histoire, à un passé qui est celui de ses parents, mais qui est également le sien. Eden, c'est un lieu auquel il peut s'identifier, se rattacher. Et s'identifier à un lieu, c'est également une façon de se (re)trouver une identité. Caïn a introduit l'humanité dans une nouvelle dimension.
 


La Chute a introduit la mort naturelle. Caïn, lui, y a ajouté le meurtre, la mort donnée à l'autre, et la terre s'est ouverte pour recueillir le sang de son frère (Genèse 4:10). Il ignore encore combien d'hommes et de femmes après lui, dans ces villes bâties par les hommes, agiraient ainsi à l'égard de cet Autre qui est également, de par la nature humaine, "leur frère". Combien de sang versé sur les remparts de ces villes, combien de meurtres dans leurs rues ? Combien d'hommes ont cherché un lieu pour s'y installer et y ont bâti une ville ? Combien d'autres ont-ils convoité ce même lieu et ont-ils tué pour s'en emparer ? Caïn était laboureur (abad - Genèse 4:2), un mot qui désigne également "quelqu'un au service de quelqu'un d'autre", comme par exemple Jacob avec Laban (Genèse 30:29). Il est vrai que si les cultivateurs ont exploité la richesse de la terre, celle-ci appartenait souvent à de riches propriétaires qui concédaient aux paysans d'y travailler, souvent pour un salaire de misère. Bien des révoltes, bien des révolutions ont vu le sang couler pour cela. Le texte nous dit donc que cette ville-là (celle que bâtit Caïn) l'a été dans un lieu, sur une terre qui portait le nom de la condition qui était la sienne après le meurtre de son frère. Cette ville fut bâtie par un exilé, un meurtrier. Quelques générations plus tard, "Lorsque le Déluge vint, la terre était remplie de violence" (Luc 17:27 / Genèse 6:11). Ils furent nombreux, les hommes qui bâtirent des maisons et des villes sur une terre qui n'était pas celle où ils avaient grandi. C'est avec des déracinés que se fondèrent les Etats-Unis d'Amérique. Ils étaient Russes, Irlandais, Chinois, Français, Anglais… Bien des déracinés de la vie devinrent "errants et vagabonds". Abraham  (pas Lincoln, le Patriarche) fut également un déraciné. Mais lui devint "étranger et voyageur sur la terre" (Hébreux 11:13), ce que nous somme également (1 Pierre 2:11). Mais Abraham attendait "une cité qui a de solides fondements, celle dont Dieu est l'architecte et le constructeur" (Hébreux 11:10). 

Après que Caïn eut engendré un fils, il bâtit une ville. Il dédicaça cette ville du nom de Hénoch (Hanock), ce qui signifie aussi "dédier, inaugurer". Ce mot "hanock" vient de hanack", qui signifie "instruire""Instruit (hanack) l'enfant selon la voie qu'il doit suivre et quand il sera vieux, il ne s'en détournera pas" (Proverbes 22:6). C'est probablement ce qui s'est produit pour le fils de Caïn. "Les pères ont mangé des raisins verts et les dents des enfants ont été agacées" (Ezéchiel 18:2). Et Hénoch a suivi la voie de son père. L'influence du fils aîné d'Adam et d'Eve se fit vivement sentir parmi les premières communautés qui se formèrent alors. Après quelques générations, iI en sera comme du temps de Noé : la "terre était remplie de violence (Hamas)" (Genèse 6:13). "La terre était remplie de hamas". Toute ressemblance avec des événements contemporains seraient purement fortuite. On pourrait ainsi paraphraser ce verset des Proverbes : "Instruit l'enfant dans la voie que tu veux qu'il suive et, devenu adulte, il ne s'en détournera pas". "Instruit-le dans la voie (voix) de la violence et du meurtre, et il sera violent et meurtrier". "La ville" devint aussi "le lieu de l'instruction". Certaines villes sont connues par la réputation de leurs universités (Oxford, Cambridge…). Mais on peut également y être instruit dans l'art de la guerre (Saint-Cyr à Coëtquidan en Bretagne, l'Académie de West Point dans la ville du même nom aux Etats-Unis). D'autres, comme New York, étaient autrefois réputées pour leur dangerosité. Des villes comme Mexico ou Medellin en Colombie détenaient le triste record de décès par meurtres et morts violentes. La capitale du Mexique fut longtemps considérée comme l'une des villes les plus dangereuses du monde. Mais la violence urbaine est presque aussi vieille que l'humanité. Esaïe déjà écrivait : "Quoi donc ! La cité fidèle est devenue une prostituée ! Elle était remplie d'équité, la justice l'habitait, et maintenant, il y a des assassins" (Esaïe 1:21). La première ville mentionnée dans la bible fut bâtie par un assassin. La postérité de Caïn envahit les villes.  

Mais comment l'a-t-il bâtie ? D'où lui venait, à lui qui était agriculteur, les connaissance nécessaires pour construire une maison ? Imaginons que Caïn, lors de son "exil", chercha à s'installer dans une ville, mais son caractère belliqueux et agressif lui portant préjudice, il ne put y demeurer. Ou peut-être, comme il le craignait, sa réputation fratricide l'y avait-elle précédée. Malgré tout, c'est peut-être dans l'une de ces villes déjà construite qu'il acquit le savoir-faire nécessaire pour "bâtir une ville". Comme il se peut également que Hénoch ait été la première ville de l'humanité. Pour que cet "exilé" puisse se transformer en bâtisseur de ville, il a fallu qu'il puisse fédérer autour de lui un certains nombre de personnes désireuses de partager son projet. Comment a-t-il fait ? Qui étaient-ils, ces habitants de la ville d'Hénoch ? Etaient-ils, comme lui, des hommes violents, asociaux, querelleurs ? J'en reviens à mon exemple des Etats-Unis, de ces villes du "Far West" où la seule loi qui prédominait était celle du plus fort. Il y a un élément composite du mortier qui scella les pierres de ces édifices, c'est le fait qu'il associa étroitement cette ville à son fils, au point de lui donner son nom.  

A propos de la construction d'une maison, première brique à poser pour l'édification d'une ville, le Nouveau Testament nous apporte quelques informations. L'apôtre Paul se compare, de façon symbolique, à un "sage architecte (architechton)" (1 Corinthiens 3:10). L'apôtre invite les destinataires de son épitre "à prendre garde à la façon dont il bâtit dessus". De Jésus, Il est dit qu'il était "tekton" (en grec, un "charpentier-menuisier") mais ce mot désigne également "un entrepreneur, un faiseur de plans" (quelqu'un capable de construire une maison des fondations jusqu'à la toiture - Matthieu 13:55). Il était fait mention plus haut du fait que Dieu est "l'architecte (technites) et le constructeur" de la Nouvelle Jérusalem (Hébreux 11:10). On peut donc en conclure que ce savoir-faire fut probablement enseigné à Adam par Dieu lui-même. 
 


Une ville appelée Hénoch 

Après avoir exploré quelques pistes qui permettent de comprendre comment Caïn le laboureur put se reconvertir dans l'immobilier (on ne se refait pas !), on peut également s'interroger sur le lien mentionné entre son fils et la ville qu'il a bâtie. Le texte nous dit que "(Caïn) bâtit (banah) ensuite une ville et il donna à cette ville le nom de son fils Hénoch". Le mot "banah" signifie "bâtir, rebâtir, assurer une suite, construire, former une maison, établir une famille". Il est généralement traduit par : "bâtir, former, avoir des enfants, construire, relever, fonder, ouvrier". On voit ici que dans la langue hébraïque, dans laquelle a été rédigé ce récit, l'idée d'avoir une famille est étroitement liée au fait de construire un édifice, une maison (pour abriter celle-ci). Il est même fait mention "d'assurer une suite". Il y a là le désirer de pérenniser ce qui a été construit. Cela entend avoir une descendance pour "assurer la suite". La volonté de donner le nom de son fils à cette ville qu'il avait bâtie prend alors tout son sens. Bien plus tard, des "maisons de commerce" pérenniseront, elles aussi, le nom de leurs fondateurs. "Bridget and son", "Carter and Co." et bien d'autres. Il demeure aujourd'hui quelques noms célèbres de familles qui sont devenues des dynasties, tant elles ont élargi leur pouvoir et leur influence. "Caïn et fils" ne "sonne" pas aussi bien à l'oreille. Un certain Guillaume serait à l'origine de ce proverbe : "Tel père, Tel fils". Le dicton peut-il s'appliquer à cette famille ? Quel était l'état moral de l'humanité, à l'aube du Déluge ? "Ils se mariaient, mariaient leurs enfants"... (Matthieu 24:38). Et la "Terre était remplie de violence" (Genèse 6:13). "Le Déluge vint et les fit tous périr" (Luc 17:27). Or, pourquoi Noé a-t-il construit une arche (littéralement une "teva", une "caisse") ? "Pour sauver sa famille" (Hébreux 11:7), mais surtout parce que Dieu le lui avait ordonné. Dieu n'a pas "épargné l'ancien monde" (2 Pierre 2:5) dans lequel Caïn avait construit une cité. L'Ecriture nous met en garde. "Ce qui arriva du temps de Noé arrivera de même aux jours du fils de l'homme" (Luc 17:26). Le texte de la Genèse fait d'ailleurs allusion à ces "temps messianiques" lorsqu'il mentionne les "mikets yiamim"que l'on traduit généralement par "au bout de quelques temps", mais qu'il faudrait plutôt traduire par "à la fin des jours". "Qets", c'est "la pointe, le sommet, le point culminant". "Mikets yiamim" : "le point culminant des jours, le dernier, celui qui clôture, qui achève, qui complète". La postérité de Caïn périt dans le Déluge. Seule, la postérité de Seth put y survivre. Cependant, "l'esprit de Caïn" traversa le Déluge.

"Ils ne vivront pas toujours, ils n'éviteront pas la vue de la fosse, car ils la verront : les sages meurent, l'insensé et le stupide périssent également et ils laissent à d'autres leurs biens. Ils s'imaginent que leurs maisons sont éternelles, que leurs demeures subsisteront d'âge en âge, eux dont les noms sont honorés sur la terre. Mais l'homme qui est en honneur n'a point de durée, il est semblable aux bêtes que l'on égorge. Telle est leur voie, leur folie. Et ceux qui les suivent se plaisent à leurs discours" (Psaumes 49:10 à 14). 

Conclusion

Sur ce qui pourrait bien être la première ville bâtie de l'humanité, les Ecritures ne nous fournissent pas beaucoup d'informations hormis le nom de son fondateur et la raison de son appellation. Hénoch est "la pierre de fondement" d'un édifice qui ne va pas cesser de s'élever toujours plus haut, toujours plus loin, toujours plus sophistiqué. Cette ville d'Hénoch fut bâtie "à l'Est de l'Eden", de ce Jardin des Délices d'où l'homme est sorti un jour pour ne plus jamais y retourner. Mais pour celui qui a la foi d'Abraham, une autre ville se profile à l'horizon. Celle qui a "de solide fondements et dont Dieu est l'architecte et le constructeur". Une ville que le Père a fondée pour Son Fils. 
 

JiDé

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