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Daniel, le songe de la statue et les quatre bêtes

 


Déportation à Babylone

C'est un tout jeune homme fraîchement sorti de l'adolescence qui se retrouve déporté de sa Judée natale en Chaldée, à la fois crainte et honnie. Au terme d'un long périple, Daniel et ses compagnons, Hanania, Mishaël et Azaria, arrivent à Babylone. La ville qui apparaît sous leurs yeux est d'une splendeur inégalée dans tout l'Orient, et alors qu'ils franchissent la Porte d'Ishtar teintée de lapis lazuli et ornée de lions ailés à têtes d'hommes, une porte invisible semble se refermer sur leur destin désormais tout tracé. Environ huit années plus tard, un autre jeune homme de Jérusalem va être également déporté par le roi de Babylone. Il s'appelle Ézéchiel et il a vingt-cinq ans. 

Arrivés au palais royal, Daniel et ses amis sont confiés aux bons soins d'Ashpénaz, le chef des eunuques du palais où l'origine princière de Daniel lui octroie une régime de faveur. Daniel est beau, intelligent, mais il est également un jeune homme instruit dans les Écritures et, qui plus est, il est aussi profondément intègre et droit. Bref, le gendre idéal pour toute mère israélite désirant marier sa fille. Nous sommes en 604 avant notre ère, la quatrième année du roi Yoyakim, roi de Juda, qui est également la première année du règne de Nabukadnedzar, roi de Babylone (Jér. 25:1).

Après trois années de préparation, Daniel occupera ses fonctions de haut dignitaire et de conseiller royal au palais, "jusqu'à la première année du roi Cyrus" (Dan. 1:21), en l'an 538, soit  pendant près de soixante-dix ans. 

Au palais

La première chose que fit le chef des eunuques fut de leur donner à chacun, à Daniel et ses compagnons, un nouveau nom babylonien. Daniel portera désormais le nom de Beltshatsar (en babylonien : "balatsu-usur", ce qui signifie "qu'il protège sa vie"), à ne pas confondre avec Belschatsar (en accadien : "Bel-shar-usur", "que Bel protège le roi"), le vice-roi de Babylone dont il est fait mention en Daniel 5:1. Non contents d'être déportés loin de leur patrie et de leur ville Jérusalem, Daniel et ses amis se voient également dépossédés de leur identité. Ils ne seront plus désormais des Juifs exilés mais des citoyens de Babylone.

Le temps passant, Daniel comprend très vite la place prépondérante qu'occupent les cultes idolâtres dans la vie quotidienne au palais. La nourriture servie aux repas est préalablement présentée en offrande aux idoles du palais. En son for intérieur, Daniel ne peut se résigner à porter à ses lèvres une telle  nourriture. Il obtient alors de pouvoir se nourrir de légumes et d'eau, sa santé ne s'en portant que mieux (Dan. 1:8 à 16). Il est fort probable qu'avec le temps, ayant acquis une position élevée à la cour, il lui fut possible de s'alimenter normalement tout en étant assuré de ne pas consommer de mets ayant servi d'offrandes aux idoles. 
 


Dieu accorda à Daniel et à ses amis une profonde sagesse et une grande intelligence afin de pouvoir apprendre la langue des chaldéens et toutes leurs sciences, tout en se préservant eux-mêmes et en préservant leur foi dans le Dieu de leurs pères. Durant trois années, les quatre jeunes gens furent formés aux sciences et aux codes babyloniens, ainsi qu'à la vie de cour, et au terme de ce temps de formation, ils furent présentés à Nabukadnedzar, le roi de Babylone. Daniel entrait sur la scène de l'Histoire. Il n'était encore qu'un jeune homme mais devant lui s'étalerait une longue carrière diplomatique pendant laquelle il occupera différentes fonctions jusqu'à entrer dans le cercle restreint des empereurs et des rois. "Et Daniel fut là jusqu'à la première année du roi Cyrus" (Dan.1:21). 

Daniel va occuper ses fonctions au palais sous le règne de cinq rois babyloniens. A Nabukadnedsar succédera Abel Mardouk, son fils, que le prophète Jérémie appellera Evil Merodak (Jér. 52:31). Nériglissar, gendre de Nabukadnedzar, lui succédera pendant quelques années. Labachi Mardouk montera sur le trône mais n'y restera que quelques mois. Il sera renversé par une conspiration. C'est un syrien, Nabonide, l'un des conspirateurs, qui devient le nouveau roi de Babylone. Il ne résidera cependant que peu de temps à Babylone. C'est son fils Belschtsar qui le représentait sur le trône royal dans la capitale. Une stèle de basalte témoigne de son accession au trône à la suite de Labachi Mardouk. Lorsque Daniel s'adresse à Belschatsar, il appelle Nabuchadnedzar "ton père" (Dan. 5:18). Il est en réalité le petit-fils de Nabukadnedzar puisque Nabonide, son père, avait épousé la fille de Nabukadnedzar. L'empire Médo-perse ne cessa de s'étendre pendant le règne de Nabonide et en 539 avant notre ère, Darius le Mède entra dans Babylone. Pour certains, Nabonide serait mort alors qu'il combattait les Perses, pour d'autres, il mourut à Babylone, tué par les Mèdes, lors de son retour dans la capitale.

La nuit de sa mort, Belshatsar avait vu une main écrire sur le mur du palais, qui annonçait la fin de son règne (Dan. 5:5). Il ne prêta pas garde aux paroles de Daniel qui le lui annonçait. Bien mal lui en prit. Les Mèdes étaient déjà aux portes de la ville. Il mourut quelques heures plus tard. Darius, le roi des Mèdes, monta sur le trône de Babylone (Dan. 5:25 à 30).  

Le songe de la statue

Avant de poursuivre, il faut préciser que le Livre de Daniel, tout comme d'ailleurs le Livre d'Esdras, est écrit en deux langues : en hébreu et en araméen. Les chapitres 2 à 7 ont été écrits, initialement, en araméen, langue très proche de l'hébreu mais surtout langue véhiculaire de l'Orient. L'araméen était à la fois une langue commerciale et diplomatique. C'est donc dans cette langue que fut rédigé le récit de la statue.

"La deuxième année du règne du roi de Babylone...", c'est à dire un an après que Daniel soit arrivé en Chaldée, Nabukadnedzar fait un songe dont il ne peut se souvenir. Il enjoint alors les sages de Babylone, non seulement de lui donner le rêve, mais aussi son interprétation. Mais aucun d'eux ne peut satisfaire les exigences du monarque. Celui-ci, étant entré dans une grande colère, ordonne que tous les sages de Babylone soient mis à mort. Confronté à un officier qui vient l'arrêter, Daniel, faisant montre de beaucoup de diplomatie, parvient à se faire expliquer la raison de son arrestation. Daniel se rend alors auprès du roi et lui demande de lui accorder du temps pour lui donner l'explication du songe. "Alors, le secret fut révélé à Daniel dans une vision pendant la nuit" (Dan. 2:19). Après que Daniel ait reçu la révélation du songe et son explication, le jeune homme exprima toute sa reconnaissance à son Dieu, "le Dieu des cieux". Il est écrit qu'il "prit la parole" (2:20), on peut donc supposer qu'il s'adresse à ses compagnons, eux aussi concernés par l'édit royal les condamnant à mort. Daniel ajoute : "c'est lui (le Dieu des Cieux) qui change les temps et les circonstances (il parle de leur situation et du danger qu'ils encourent) et qui renverse et qui établit les rois (il parle là de la signification du songe)" (2:19 à 22). 

Le lendemain, Daniel se rendit auprès d'Arjoc, l'officier chargé de mettre à mort les sages, et le prie d'épargner la vie de ceux-ci puisque lui, Daniel, est en mesure de fournir au roi l'explication du songe. Pour les Babyloniens, les songes étaient des messages des dieux, mais Daniel / Belshatsar fait savoir au roi de Babylone que le secret de ce songe lui a été donné par le Dieu des cieux, le Créateur du Monde (Dan. 2:27 à 30). Le songe du roi a pour but de lui révéler ce qui arrivera "dans la suite des temps", mais aussi de "révéler ce qui est dans son cœur". 
 


La grande statue composite qu'a vue en songe le roi symbolise quatre empires. Cette immense statue devant laquelle se trouve le roi dans son songe avait bien de quoi l'effrayer. "Cette statue était immense... elle était debout devant toi et son aspect était terrible" (2:31). Par cela, le Dieu des cieux invitait aimablement le roi de Babylone à considérer sa véritable grandeur face à cette statue : celle d'un simple homme, petit et effrayé. Mais il était également invité à considérer la grandeur de Celui qui lui révélait ce songe, lui le Dieu des Cieux, infiniment plus grand que cette statue immense. Petite leçon de perspective... et d'humilité ! Leçon que le roi de Babylone ne semble pas avoir bien comprise puisqu'il fera par la suite construire une statue toute en or à son effigie et exigera que l'on se prosterne devant elle. Chose que les compagnons de Daniel refuseront catégoriquement, ce qui leur vaudra d'être jetés dans une fournaise ardente dont ils sortiront miraculeusement indemnes (Dan. 3). Une expérience similaire advint à Daniel sous le règne de Darius puisqu'il fut, lui, jeté dans la fosse aux lions pour avoir continué à adorer son Dieu comme il avait l'habitude de le faire, malgré l'interdiction (Dan. 6). Mais revenons au songe de la statue. 

La statue était composée de quatre métaux dont la valeur est dégressive. La tête est en or et représente l'empire de Babylone (jusque-là, tout va bien). "C'est toi qui est la tête d'or" dit Daniel au roi (2:38). On peut aujourd'hui situer l'emplacement de la ville de Babylone, dont les ruines ont été mises à jour par les recherches archéologiques, en Irak actuel. Les trois autres éléments représentent trois empires qui, à l'heure où ce songe est révélé au roi de Babylone, n'existent pas encore. Le buste et les bras de la statue sont d'argent, ils symbolisent l'empire qui va succéder à celui de Babylone : l'empire Médo-Perse. "Après toi, il s'élèvera un autre royaume, moindre que le tien" (Daniel 2:39a). Deux peuples constitueront cet empire : les Mèdes et les Perses, dont la capitale ne sera plus Babylone mais Suse (de son vrai nom Shushan : la rose). C'est à Suse et sous le règne de l'empire Perse que se déroule l'histoire d'Esther. L'empire Perse s'étendit bien plus encore que l'empire babylonien, mais son épicentre se trouvait dans une région que l'on peut identifier aujourd'hui en Iran.

"Puis, un troisième royaume qui sera d'airain (de bronze) et qui dominera sur toute la terre"(Dan.2:39b). La troisième partie de la statue, c'est son ventre et ses cuisses qui sont de bronze (ou d'airain selon les traductions). Cet empire est celui d'Alexandre le Grand et, par extension, l'empire grec qui va lui aussi s'étendre à la fois très rapidement et sur un très vaste territoire. Lorsque Alexandre le conquérant meurt à l'age de trente-trois ans à Babylone, ses conquêtes s'étendent jusqu'aux portes de l'Inde. A sa mort, son empire sera divisé en quatre, du nombre de ses principaux généraux.

Lorsqu'il était enfant, Alexandre eut pour précepteur le philosophe Aristote, dont l'enseignement impacta fortement la pensée grecque et eut une influence considérable sur le Monde Occidental, y compris sur ce qui allait devenir le quatrième empire, l'empire Romain, symbolisé par les jambes et les pieds de la statue"Il y aura un quatrième royaume, fort comme le fer, de même que le fer brise et rompt tout, il brisera et rompra tout, comme le fer met tout en pièces" (Dan. 2:40). Il est symbolisé ici par les jambes de fer et les pieds de fer mêlé d'argile, représentant la dualité et l'opposition qui perdureront longtemps au sein de cet empire divisé entre Occident et Orient. A l'apogée de sa puissance, il s'étendra de la Syrie jusque sur cette île de l'Atlantique appelée alors Bretagne et qui deviendra l'Angleterre, ainsi que tout autour du bassin méditerranéen.

L'empire romain va connaître une longue période de puissance et de prospérité mais il sera souvent divisé, en proie à des luttes intestines, et son pouvoir suprême sera souvent disputé et contesté. Autant la Babylonie était raffinée (dans ses divertissements autant que dans ses tortures), autant Rome se caractérise bien par le fer de la rigueur et de la dureté, centrée sur la force brutale de ses légions. Mais le fer mêlé d'argile symbolise également ces alliances impossibles qui ne firent que fragiliser l'empire Romain. Des jambes de fer et des pieds de fer et d'argile (Dan. 2:41 à 43), deux matières qui ne peuvent se mélanger. "Tu as vu le fer mêlé d'argile parce qu'ils se mêleront par des alliances humaines... de même que le fer ne s'allie pas avec l'argile..." (Dan. 2:43). Or, le texte dit : "puisque tu as vu le fer mélangé (arab) avec de l'argile de la glaise se mélangeant (arab) ils seront la semence de l'homme et ne seront pas adhérant celui-ci avec celui-ci de même que le fer ne se mélange (arab) pas avec l'argile...". 

Le fer des légions romaines d'Occident a imposé son pouvoir sur les peuples d'Orient (notamment sur la Judée) et s'est parfois assujetti des rois comme Hérode, mais dans des alliances qui ne servaient que les intérêts de Rome. Pilate et Hérode s'allieront pour faire mourir le Seigneur Jésus, accomplissant ainsi ce qui est écrit dans le Psaume 2 : "pourquoi les rois de la terre se soulèvent-ils et les princes se liguent-ils avec eux contre l’Éternel et contre son oint ?" (Ps. 2:2). Cet assemblage hasardeux de fer et d'argile annonce une alliance future entre nations. Mais comme le fer ne peut se mélanger avec l'argile, le fer de cet empire romain reconstitué ne pourra se mêler avec ce qui est déjà "mélangé".

Le mot hébreu "arab", équivalent du mot araméen, quant à lui, signifie "échanger, donner des garanties, se porter garant, avoir de bonnes relations". Ainsi, il est écrit à propos des Israélites lorsqu'ils furent arrivés en Canaan : "ils se mêlèrent (arab) avec les nations et ils apprirent leurs œuvres" (Ps. 106:35). Dans sa complainte contre la ville marchande de Tyr, le prophète Ézéchiel (qui fut un contemporain de Daniel) dira : "tous les navires de la mer et ses marins étaient chez toi pour l'échange (arab) de ses marchandises", et plus loin : "il parle de ceux qui s'occupent de ton commerce (arab)" (Ezech. 27:9, 27). Ainsi, ce mélange de fer et d'argile symbolise-t-il aussi des échanges commerciaux qui eurent lieu entre l'Orient et l'Occident. Mais comme l'empire romain est appelé à renaître, on peut facilement imaginer aujourd'hui qu'il pourrait s'agir par exemple de gaz... ou de pétrole.

Ainsi, si Athènes est la ville qui symbolise le mieux l'empire grec (avec tout ce que cela implique dans sa notion philosophique qui influence la pensée des peuples) c'est Rome qui possède les attributs du dernier empire à venir. Certains ont vu dans les dix orteils de la statue dix empereurs romains dont le règne fut particulièrement marquant. Auguste, Tibère, Marc-Antoine, Julius César, Claude, Néron... ils ne furent pas tous à proprement parler empereurs, mais leurs noms résonnent encore du fond des siècles à cause de l'influence qui fut la leur sur le pourtour méditerranéen. Rome connut, comme beaucoup de civilisations avant elle, ce processus inéluctable qui conduit toujours à sa fin : barbarie, civilisation et décadence. Le rabbin Josy Eisenberg avait dit un jour, en citant le philosophe Hegel : "les Etats sont des monstres froids". Ces deux empires, La Grèce et Rome, vont laisser au monde deux modes de fonctionnement que l'on retrouve encore aujourd'hui au sein des nations de notre monde moderne : les Grecs nous ont transmis la Démocratie et Rome, la République. Ces quatre empires qui sont décrits ici, nous allons les retrouver un peu plus loin dans le livre de Daniel, au chapitre 7. Nous reviendrons ensuite sur l'empire romain car il va jouer un rôle prépondérant dans l'Histoire des nations.

Je fais ici une petite digression juste pour souligner le fait que, si l'on retrace le "parcours" de ces empires symbolisé par la statue, on peut remarquer que le pouvoir central s'est déplacé progressivement d'Est en Ouest, d'Orient en Occident. Or, il est intéressant de noter que dans la pensée hébraïque, l'Est (appelé en hébreu "qédem") signifie également "le Passé et l'origine des choses". Par opposition, l'Ouest représente, lui, le Futur. Nous avons deux empires en Orient et deux en Occident. Le récit biblique mentionne trois de ces empires : Babylone, les Mèdo-Perses et les Grecs dans l'Ancien Testament, et enfin Rome et l'empire romain dans le Nouveau Testament. L'empire grec, en ce qui le concerne, s'étend chronologiquement dans la période intermédiaire de quatre siècles entre l'un et l'autre. Son influence se trouve d'ailleurs profondément marquée dans les récits de cette deuxième période.

Si l'on poursuivait notre voyage dans le temps, en partant de Babylone, on pourrait constater que d'autres empires se sont constitués au travers de l'histoire. Empires commerciaux construits par les conflits qui opposèrent diverses nations. La France, la Hollande, l'Espagne, l'Allemagne qui pensait établir un règne de mille ans, et bien sûr l'Angleterre qui étendit son empire aux confins du monde au point que l'on disait autrefois : "sur la couronne britannique le soleil ne se couche jamais". Que reste-t-il aujourd'hui de ces empires ? Un continent, autrefois colonie franco-britannique, qui possède aujourd'hui un pouvoir considérable et cependant contesté par un grand nombre de nations. L'axe de rotation du Pouvoir Mondial des empires continuera-t-il à tourner ?  Mais revenons à notre statue. 


La pierre qui détruit la statue

La fin du songe comporte un élément qui semble marquer, comme nous venons de le voir pour les empires qui se sont succédés dans l'Histoire, une fin aussi tragique que brutale. Une pierre "qui se détache sans le secours d'aucune main" vient percuter violemment les pieds de la statue, provoquant une sorte d'explosion atomique et faisant valser en éclats toute la statue. Cette pierre devenant alors une grande montagne (la montagne étant un symbole d'autorité et de pouvoir, mais aussi de lieu d'adoration comme le décrit Esaïe 2:2, 3). Cette montagne représente le dernier Royaume qui sera établi sur la Terre, celui du Messie, le Seigneur Jésus-Christ (Dan. 2:44, 45). Selon les Sages d'Israël, "cette pierre qui se détache sans le secours d'aucune main"  est celle dont il est fait mention dans le Psaume 118:22. C'est "la pierre principale de l'Angle". Or, nous savons que "le Rocher, c'est Christ" (1 Corinthiens 10:4). "Dans le temps de ces rois, le Dieu des cieux suscitera un royaume qui ne sera jamais détruit... il brisera et détruira tous ces royaumes-là... la pierre  qui a brisé le fer, l'airain, l'argile, l'argent et l'or" (Dan. 2:44, 45). Les cinq éléments constituants de la statue seront brisés. Mais si ces cinq éléments constituants sont brisés et détruits lorsque la pierre vient à tomber, c'est que la statue est toujours debout. Or, ces royaumes ont disparu l'un après l'autre depuis très longtemps. Comment pourraient-ils être détruits puisqu'ils n'existent plus ? Dans ce cas, il faut peut-être envisager que ces royaumes n'ont pas totalement disparu mais qu'ils demeurent encore aujourd'hui, mais sous une autre forme. Selon qu'il est écrit : "Les autres animaux furent dépouillés de leur puissance mais une prolongation de vie leur fut accordée pour un temps" (Dan. 7:12).  Ils ont donc perduré jusqu'à nos jours, et ils seront définitivement détruits par cette "pierre" dont le texte de Daniel nous dit qu'elle est un "royaume". "On lui donna la domination, la gloire et le règne... Sa domination est éternelle et ne passera pas et son règne ne sera jamais détruit" (Dan. 7:14). Ce royaume est celui du Seigneur Jésus-Christ. Nous allons maintenant aborder un de ces autres aspects que prirent ces empires.

Les quatre bêtes

"Ainsi le roi Nabukadnedzar, ton père, et le roi, ton père..." (Dan. 5:11)

Comme nous l'avons vu, la présence de Daniel au palais s'étend sur une longue période pendant laquelle il sera au service de plusieurs rois qui se succéderont sur le trône de Babylone. Nous avons vu aussi que Nabonide fit partie des conspirateurs qui renversèrent Labachi-Mardouk, quelques mois après que celui-ci fut monté sur le trône. Nabonide épousa ensuite Nitocris, la fille de Nabukadnedzar, tentant ainsi de légitimer sa place sur le trône. Ensemble, ils eurent un fils, Belschatsar, qui co-régna avec son père Nabonide pendant la durée du règne de celui-ci. Belschatsar régnait à Babylone pendant que son père Nabonide guerroyait contre les Perses. Cette pratique assurait au souverain de garder son trône pendant son absence, son futur successeur assurant en quelque sorte "la régence". Ainsi, Daniel continua à exercer ses fonctions au palais pendant le règne de Nabonide, secondé de son successeur et fils, Belschatsar. 

"La première année de Belschatsar roi de Babylone, Daniel eut un songe et des visions se présentèrent à son esprit. Il écrivit le songe et raconta les principales choses..." (Dan. 7:1). Daniel avait reçu autrefois, dans une vision nocturne, l'explication du songe du roi Nabukadnedzar concernant la statue. Des années plus tard, Daniel vit, en songe, quatre bêtes sortant de la mer. Ces quatre bêtes sont en fait les quatre empires mentionnés au chapitre 2 du livre de Daniel. 

Il est écrit : "Ces quatre animaux, ce sont quatre rois qui s'élèveront de la terre" (Dan. 7:17).

Or, dans le songe, Daniel  vit quatre grands animaux qui sortaient de la mer (Dan. 5:3). Dans la symbolique eschatologique, la mer représente toujours les nations (Apoc. 17:15), ici, en l’occurrence, les nations à l'époque de Daniel (Dan. 7:1 à 3). Mais, toujours dans cette symbolique, "la mer" représente aussi le Monde Occidental alors que "la terre" représente le Monde Oriental. Une dualité qui oppose à la fois deux mondes et deux cultures, Occidentale et Orientale. Lorsqu'il est dit au verset 3 que ces quatre animaux sortirent de "la mer", cela signifie que ces quatre empires sont issus des nations. Mais lorsque Daniel dit, un peu plus loin au verset 17 que "ces quatre animaux s'élèveront de la terre", cela signifie que leur pouvoir commencera véritablement à s'affermir lorsqu'il s'établira en Orient.

Pourquoi ? Parce que c'est en Orient que se trouvent les deux villes les plus marquantes spirituellement, de leur époque : Jérusalem et Babylone.

Mais j'en reviens au songe de Daniel et à sa description. Une phrase introduit la quatrième bête : "après cela, je regardais pendant mes visions nocturnes, et voici il y avait un quatrième animal" (Dan. 7:7). Cette petite phrase fait écho au verset 2 qui introduit le récit de la première vision. Je dis "la première vision" parce que ce rappel que fait Daniel entre la mention de la troisième et celle de la quatrième laisse supposer qu'il s'est éveillé entre temps. Ce qui peut paraître un détail ne l'est pas car ce "réveil" entre les deux songes marque peut-être "un temps marqué". Ce "temps marqué" est celui qui sépare deux périodes distinctes. La première période étant celle qui verra apparaître ces quatre empires successifs, la deuxième étant celle qui verra, elle, le surgissement de ce quatrième empire renaissant, que l'on nomme "le Nouvel Empire Romain"Cependant, la description que fait Daniel de ces quatre empires est différente de celle du songe de la statue. Il n'en demeure pas moins qu'il s'agit bien des quatre mêmes empires mais présentés sous une forme différente. Si la statue démontrait la grandeur imposante de ces empires, les quatre bêtes en révèlent la bestialité. 

Le lecteur du livre de Daniel se trouve souvent déconcerté par la présence de ces êtres étranges, mais pour les Babyloniens, ce genre d'animaux était quelque chose de familier. J'en prend pour exemple la porte d'Ishtar, visible aujourd'hui au Musée de Berlin où elle a été entièrement reconstituée pièce par pièce. Le mot "porte" doit être compris ici dans le sens d'un édifice imposant comme la porte d'une ville fortifiée (lorsque la Bible mentionne "la porte de la ville", cela entend les portes proprement dites et l'édifice qui les entoure). Sur les murs de cette porte d'Ishtar, on peut voir un animal mythologique représentant une divinité babylonienne appelée Mushussu. Son nom vient du sumérien Mush Hus qui signifie "le serpent rouge", ou "le dragon furieux". Il est représenté avec des cornes sur la tête, des pattes avant de lion et des pattes arrières de rapace. Pour les Babyloniens, la symbolique animale est très significative. Cet animal représente, à lui seul, plusieurs caractéristiques attribuées à des divinités babyloniennes. Il est associé aux Dieux Mardouk et Ninazu. Le nom de Ninazu rappelle aussi celui de Nina, la déesse protectrice de la ville de Ninive. Daniel, qui fut, on s'en souvient, formé et enseigné sur toute la sagesse babylonienne, devait très bien connaître toute la symbolique de ces animaux. Pour Daniel, comme pour les auditeurs à qui il fit le récit de ces songes, ces animaux symbolisaient probablement quelque chose de connu et de familier. 


Le premier empire : Babylone : la tête d'or et le lion ailé.

"Le premier était semblable à un lion et avait des ailes d'aigle. Je regardai jusqu'au moment où ses ailes furent arrachées; il fut enlevé de terre et mis sur ses pieds comme un homme, et un cœur d'homme lui fut donné" (Dan. 7:4).

La première bête dont il est question ici est facilement identifiable. Cet être hybride au corps de lion avec des ailes d'aigle était représenté partout dans le palais de Babylone comme à l'entrée des temples, avec un buste d'homme et la tête couverte d'une tiare. Cette représentation se trouvait également sur la fameuse porte d'Ishtar dont nous avons déjà parlé. Il correspond à la tête d'or  de la statue. "C'est toi qui est la tête d'or" (Dan. 2:38). La première bête correspond donc à l'empire babylonien. la "tête d'or" étant une référence explicite à la tiare en or que portaient les rois babyloniens.

"Il fut... mis sur ses pieds comme un homme, et un cœur d'homme lui fut donné". Cette seconde partie de la description de la première bête fait probablement allusion à un autre passage de Daniel qui dit, en parlant de Nabukadnedzar : "son cœur d'homme lui sera ôté et un cœur de bête lui sera donné, et sept temps passeront sur lui" (Dan. 4:16). Le chapitre quatre du livre de Daniel raconte comment le roi de Babylone, ayant perdu la raison et se prenant pour un animal herbivore, se mit à manger de l'herbe, dormait et vivait comme un "bœuf auquel on donne de l'herbe à manger" (Daniel 4:25). "Son cœur devint comme celui des bêtes... on lui donna comme aux bœufs de l'herbe à manger" (Dan. 5:21). Après "sept temps" (peut-être sept années ou sept saisons), la raison lui revint et il réintégra sa place au palais. Mais il reconnaissait alors que le Dieu de Daniel était bien le Dieu des Cieux (Dan. 4:34 à 37). Il fut alors "mis sur ses pieds comme un homme" et la raison lui revint, "et un cœur d'homme lui fut donné" par Celui dont il avait enfin reconnu la souveraineté (cet épisode est le sujet principal d'un article de ce blog intitulé "La folie de Nabuchodonozor, roi de Babylone"). 

Le deuxième empire : Les Mèdes et les Perses : le torse et les bras d'argent de la statue et l'ours.

"Et voici, un deuxième animal était semblable à un ours et se tenait sur un côté, il avait trois côtes dans la gueule entre les dents : on lui disait : lève-toi et mange beaucoup de chair" (Dan. 7:5). 

Si la première bête était facilement identifiable, la deuxième l'est beaucoup moins si on s'en tient à la description qui en est faite. Cependant, considérant que les quatre bêtes correspondent aux quatre éléments de la statue, on peut donc en conclure que cette bête à l'aspect d'un ours symbolise l'empire Médo-Perse qui devait succéder à l'empire babylonien.

L'allusion faite à un ours après avoir parlé d'un lion n'est pas anodine ni dépourvue de sens. Ces deux animaux sont souvent associés dans les Écritures. C'est ainsi que David explique au roi Saül comment il a "terrassé le lion et l'ours", et comment Dieu l'a "délivré de la griffe du lion et de la patte de l'ours" (1 Sam. 17:36, 37). Le livre des Proverbes dit : "comme un lion rugissant et un ours affamé, ainsi est le méchant qui domine un peuple pauvre" (Prov. 28:15). Jérémie écrit : "il a été pour moi comme un ours en embuscade, un lion dans un lieu caché" (Lam. 3:10), et le prophète Amos annonce : "vous serez comme un homme qui fuit devant un lion et qui rencontre un ours" (Am. 5:19). Ainsi, il n'est pas étonnant de rencontrer simultanément ces deux animaux dans un même songe. Ils semblent presque marcher de pair. Si cela n’apparaît pas en araméen, peut-être y a-t-il un jeu de mots en hébreu entre "côtes" et "côté", qui est le même mot en hébreu (tsela). Les territoires conquis par les Médo-Perses furent bien plus étendus que ceux de la Babylonie. On les retrouve représentés par un bélier en Dan. 8:20. les trois côtes dans la bouche de l'ours symbolise l'étendue de l'empire Perse sur trois Continents : l'Asie, l'Afrique, et l'Europe. Un immense territoire qui allait des frontières de l'Inde à la Macédoine, et des bords de la Mer Caspienne aux côtes de Lybie.

Le troisième empire : la Grèce : le ventre, les cuisses de la statue et le léopard

"Un autre était semblable à un léopard et avait sur le dos quatre ailes comme un oiseau, cet animal avait quatre têtes et la domination lui fut donnée"  (Dan. 7:6).

La troisième bête est représentée par un léopard. Elle correspond au ventre et aux cuisses de bronze de la statue. Si Babylone est représentée par un lion ailé et les Médo-Perses par un ours, la Grèce est représentée, elle, par un léopard ailé. Le léopard était considéré comme l'animal le plus rapide, ses ailes accentuant encore cette idée de rapidité. C'est aussi le bouc "qui parcourait la terre à sa surface sans la toucher" (Dan. 8:5). Il est fait allusion ici à Alexandre le Grand dont la rapidité des conquêtes fut remarquable. Les quatre têtes dont il est affublé font, elles, allusion aux quatre généraux qui l'accompagnèrent dans ses conquêtes. Quatre généraux qui se partageront son empire. Les quatre ailes accentuent l'idée de vitesse de progression, donnant l'impression que les armées d'Alexandre survolaient les territoires conquis. "Et la domination lui fut donnée", ce qui signifie que si Dieu n'avait accordé la victoire à Alexandre, celui-ci n'aurait pu conquérir ces territoires aussi rapidement, mais le temps des Médo-Perses était achevé et il leur fallait laisser la place à leur successeur. La victoire des Grecs sur les Médo-Perses est commentée par Daniel dans le chapitre 8 de son livre sous la forme d'un combat entre un bouc et un bélier. 
 


Le bélier que tu as vu et qui a des cornes, ce sont les rois des Mèdes et des Perses, le bouc, c'est le roi de Yavan (la Grèce), la grande corne entre ses yeux c'est le premier roi (Alexandre le Grand), les quatre cornes qui se sont élevées pour remplacer cette corne brisée (la mort d'Alexandre) ce sont quatre royaumes (les quatre généraux d'Alexandre qui se sont partagé les territoires conquis) mais qui n'auront pas autant de force (les Ptolémées seront en conflit avec les Séleucides)" (Dan. 8:1 à 8 et 20 à 22). 

Le bouc qui vient de l'Occident dont il est fait mention (Dan. 8:5) "et qui parcourait la terre à sa surface sans la toucher" fait une fois encore référence à la rapidité des conquêtes d'Alexandre, et le fait qu'il semble survoler la terre (avec les ailes du léopard). Alexandre le Grand mourut à Babylone, à l'age de trente-trois ans, terrassé par la maladie. Son empire fut divisé en quatre. Ptolémée s'installa en Egypte , Séleucus prit Babylone, Cassandre la Macédoine et Lysimaque la Thrace. (la reine Cléopâtre, fille de la dynastie Séleucide, épousa un descendant de la dynastie des Ptolémées). 

Le quatrième empire : Rome : les jambes, les pieds de la statue et l'animal terrible et épouvantable

"Et voici, il y avait un quatrième animal, terrible, épouvantable et extraordinairement fort. Il avait de grandes dents de fer, il mangeait, brisait, et il foulait aux pieds ce qui restait. Il était différent de tous les animaux précédents et il avait dix cornes" (Dan. 7:7). 

"Le quatrième animal, c'est un quatrième royaume qui existera sur la terre, différent de tous les royaumes et qui dévorera toute la terre, la foulera et la brisera" (Dan. 7:23). 

L'empire romain a étendu ses conquêtes sur tout le pourtour méditerranéen, plus fort et plus violent que ne le furent peut-être jamais aucun autre avant lui. De Rome sortira dix rois (Apoc. 17:12) qui sont les dix cornes de la bête (Dn. 7:7) ou encore les dix orteils de la statue (Dan. 2:41). Cette bête sort de la mer puisqu'elle est issue du monde occidental. L'empire romain tel qu'il était ne sera plus mais il réapparaîtra sous une autre forme.

Mais peut-être existe-t-il déjà ?...
 


La main qui écrit sur le mur et la fin du règne de Belschatsar

Daniel reçut "le songe et les visions la première année de Belschatsar, roi de Babylone..." (Dan. 7:1). Mais comme le livre de Daniel n'a pas de suivi chronologique, c'est le chapitre 5 de son livre qui relate les derniers événements de la vie de ce monarque. Belschatsar est en train de vivre les dernières heures de son existence mais il l'ignore encore. Dans quelques heures, les Mèdes et les Perses, qui viennent de vaincre son père Nabonide, entreront dans la ville. Belschatsar a fait monter les ustensiles du Temple, ramenés de Jérusalem  par Nabukadnedzar, pour y boire du vin, lui, ses invités et ses concubines. Soudain, une main apparaît et se met à écrire sur le mur du palais. Personne ne peut lire ce qui est écrit. "La reine... entra dans la salle du festin..." (Dan. 5:10). Il s'agit très probablement de Nitocris, la mère de Belschatsar et la femme du roi en titre, Nabonide. Nitocris devait bien connaître Daniel. Elle savait qu'l pourrait donner l'explication de cette inscription surnaturelle sur le mur du palais, c'est pourquoi elle manifeste une attitude si confiante et rassurante à l'égard de son fils effrayé. L'explication de Daniel dut la glacer d'effroi. Rappelons que Belshatsar n'était que vice-roi. Il était courant à cette époque qu'un roi règne avec son fils jusqu'à ce que celui-ci soit en âge et en maturité pour succéder à son père. Il n'en aura pas l'occasion. Daniel lui annonce que son règne a été "compté, compté, pesé, divisé". Il a été trouvé "léger". Malgré ses habits royaux, Belschatsar est un monarque inconsistant.

Selon Haïm Ouizemann, le terme "kavod", qui signifie "gloire, honneur, dignité", introduit aussi une notion de "poids", de "kaved" : "lourd, plein". Il n'y a en Belschatsar aucun honneur, aucune dignité, c'est pourquoi on ressent, dans les propos de Daniel, un certain dédain voire mépris à l'égard de ce monarque de salon. Daniel, après avoir lu l'écriture sur le mur du palais, comprend ce qui est en train de se passer à cet instant même. Quelque chose est en train de basculer. Il annonce froidement au roi : "Ton royaume sera divisé et donné aux Mèdes et aux Perses" (Dan. 5:27). Belschatsar ne comprend pas que tout est fini pour lui. Il nomme Daniel à la troisième place du royaume. Il cherche à se persuader que tout va bien, que tout va continuer comme avant. Il se cache les yeux. Daniel est consterné devant tant de "légèreté". Il se peut même que Daniel se soit demandé s'il conserverait lui-même la vie une fois les Mèdes dans le palais. L'heure est grave et le roi boit. "Cette nuit même Belschatsar, roi des Chaldéens, fut tué, et Darius le Mède s'empara du royaume" (Dan. 5:30, 31) et "Daniel prospéra sous le règne de Darius et sous le règne de Cyrus le Perse" (Dan. 6:28).

Un nouvel empire venait de naître.

Jidé

Daniel, le songe de la statue et les quatre bêtes
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