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Il les créa mâle et femelle

Il les créa mâle et femelle

Si Neil Armstrong fut le premier homme à marcher sur la Lune, Adam fut, quant à lui, le premier à marcher sur la Terre. "Un petit pas pour moi, un grand pas pour l'humanité"(1), dira le célèbre astronaute. Cette phrase, Adam aurait pu également la prononcer lorsque son pied a foulé, pour la première fois, la poussière de la Terre dont il était tiré. Une photo immortalisera la trace du pied de l'astronaute Aldrin dans la poussière lunaire. Il y eut aussi un jour où la trace du pied d'Adam, le premier homme, s'imprima dans la terre humide. La première trace de pas de toute l'humanité. Mais contrairement au satellite de notre bonne vieille planète, Il y en aurait bien d'autres après lui sur la Terre. Beaucoup d'autres…

Parce que c'était lui, parce que c'était elle 

Un homme, une femme, toute l'humanité. Une Histoire qui déroule son tapis rouge jusqu'à notre vingt-et-unième Siècle. Une Histoire et un mystère aussi. Un double récit qui contient, en germe, toutes les générations qui viendront après eux. Deux textes, dans le livre de la Genèse, nous rapportent le récit de la Création de l'homme. Deux récits que la "critique biblique" a présenté comme étant totalement indépendants et issus de deux sources différentes. Il n'en est rien. Ils présentent, tous deux, le même événement vu sous deux angles différents, comme conté par deux témoins. Il n'y a cependant qu'un auteur et il n'y a de même qu'un Créateur. Le récit de la tentation, de la chute et de l'expulsion du Jardin est abordé dans l'article "Deux arbres et un serpent en Eden". Le probable emplacement de ce Jardin est mentionné, lui, dans l'article "Quatre fleuves coulaient en Eden". Je n'aborderai donc pas ici ces sujets. mais seulement un des aspects de ce couple hors du commun. Un aspect qui semble étrangement les rapprocher du monde animal. "Il les créa mâle et femelle". 

Un homme et une femme. Deux êtres uniques qui se font faces. Le mot est au Pluriel parce qu'en hébreu, le mot "visage" se dit "panîym" (les faces). "Panîym, ce sont toutes les expressions qu'un visage peut exprimer. Et dans un couple, beaucoup d'expressions, de l'amour à la colère, de la complicité à l'incompréhension, de la tendresse à la désapprobation, peuvent s'afficher sur ces deux visages qui se font face. Jusqu'à ce que la bouderie ou l'incommunicabilité ne les pousse à se détourner l'un de l'autre. Mais ils n'en sont pas encore là. Ils sont deux sur la Terre, et c'est déjà toute l'humanité qui est présente avec eux. Tous les hommes, toutes les femmes, vous, moi, étions déjà potentiellement présents dans leurs reins (2). Un homme et une femme uniques. Seuls et bientôt fort nombreux. Mais chaque être, homme ou femme, porte en lui cette particularité. Semblable et différent à la fois. Ces hommes et ces femmes, tous les couples du monde, vont reproduire ce modèle. Se tenir faces à faces. On pourrait dire, comme pour paraphraser Montaigne : "Parce que c'était lui, parce que c'était elle" (3). Le couple était né. Il allait laisser une trace indélébile à la surface de la Terre. Ce récit biblique s'adresse "à tous les peuples, aux nations, aux hommes de toutes langues qui habitent sur toute la terre" (Daniel 4:1). Parmi tous ceux-là, il est pourtant un peuple que Dieu s'est choisi tout particulièrement (Deutéronome 26:19). Mais cela, Adam l'ignore encore.  

Un texte dense

Ces textes de Genèse 1 et 2, relatant la création de l'homme et de la femme, peuvent paraître, aux yeux du lecteur non exercé, d'une simplicité presque enfantine. Pour ses détracteurs, c'est une belle légende. Ils ne sont ni l'un ni l'autre. Ils sont, en réalité, d'une grande complexité. Plus on s'en approche, plus la densité du texte se révèle au lecteur. Néanmoins, les éléments constituants ne fournissent pas forcément toutes les informations qui pourraient paraître indispensables à leur juste compréhension. Ce qui laisse la place à l'interprétation. Celle-ci peut se vouloir la plus littérale possible, elle n'en demeure pas moins partielle. Il est donc indispensable, lorsque l'on s'approche de tels textes, de se revêtir d'humilité. Qui aurait la prétention d'en avoir saisi tous le(s) sens s'illusionnerait gravement. Une analyse, aussi poussée soit-elle, n'en révélera jamais qu'un infime fragment. Comme le dit l'apôtre Paul : "Nous ne connaissons qu'en partie" (1 Corinthiens 13:9). Nous désirons cependant "plonger nos regards" dans la Parole de Dieu. C'est donc avec révérence, et conscient du potentiel de subjectivité que cette lecture peut engendrer, que je m'approche de ces textes sacrés, à la fois témoignage d'un passé et fondement d'une humanité partagée. C'est aussi le regard d'un homme sur un autre. Sur celui qui est et restera son aïeul, son ancêtre. C'est la lecture d'un être humain qui, comme bien d'autres avant lui, a posé ses pieds dans les traces de celui qui l'a précédé. Ce "premier de cordée" que fut notre ancêtre à tous, Adam.  

Né pour transmettre  

Lire. Traduire. Comprendre. Interpréter. Ce sont des mots qui ont du sens. Les mots sont comme les pierres d'un édifice. Ils en constituent la structure. Les mots parlent. Les mots nous informent, nous renseignent, nous instruisent. Il faut savoir les écouter. Ils nous racontent une histoire. Notre Histoire. Celles de nos pères, de nos ancêtres, de ceux qui nous ont transmis un savoir. "Interroge donc les générations précédentes. Sois attentif aux recherches et à l'expérience de leurs pères, médite leur sagesse avec soin, car nous sommes d'hier et nous ne savons rien, nous n'avons pas de connaissance, car nos jours sur la terre ne sont qu'une ombre. Les anciens te parleront, t'enseigneront, t'instruiront, et de leurs cœurs ne tireront-ils pas des paroles ? (4)" (Job 8:8 à 10). C'est donc à cela que je me suis attelé : à écouter la sagesse des pères. Les auteurs bibliques tout d'abord, les Sages d'Israël ensuite. Je me suis mis à l'écoute des "fils d'Issacar qui avaient la connaissance des temps" (1 Chroniques 12:32). Mais avant de poursuivre, il me faut revenir au titre de cet article : "Il les créa mâle et femelle" .

Trois couples  

Le récit de la Genèse nous présente trois facettes du premier couple de l'humanité. "Adam et Eve" (Adâm et Hava), "l'homme et la femme" (ish et ishsha), et plus étonnamment, celui qui est désigné comme étant "mâle et femelle" (zakar et neqeba). Cette expression, que l'Ecriture utilise également pour parler du genre animal, se trouve quatre fois dans la Bible. Deux fois dans "l'Ancien Testament" (Genèse 1:27 - 5:2) et deux fois dans le "Nouveau" (Matthieu 19:4 - Marc 10:6). Or, le mot  "zakar" (mâle) s'écrit avec les lettre "zaïn kaph resh". Mais "Zakar" peut également signifier "se souvenir, se rappeler" et s'écrit de la même façon. De ce mot "zakar" vient le mot "zeker", qui signifie "souvenir, mémorial, mémoire". L'homme, dans sa masculinité, est porteur de mémoire. Il porte le souvenir de son histoire. Deux choses ressortent de cela : les recherches et la transmission. "Sois attentif aux recherches (cheqer) de leurs pères, ceux-là ne t'enseigneront-ils pas ?...". Il y a là une idée de transmission de la mémoire par les "pères", de générations en générations. La gente féminine n'est cependant pas en reste. Loin de là. Elle constitue un maillon indispensable de cette transmission. Mais j'y viendrai plus loin.  

Cette "transmission" s'enrichit donc de "recherches" effectuées par les générations précédentes. C'est à cela que s'est employé l'évangéliste Luc, afin de rédiger l'Évangile qui porte son nom. Et voici comment il introduit son récit : "Plusieurs personnes ont entrepris de composer un récit des événements qui se sont passés parmi nous d'après les rapports de ceux qui en ont été les témoins oculaires depuis le début et qui sont devenus des serviteurs de la Parole de Dieu. J'ai donc décidé à mon tour de m'informer soigneusement sur tout ce qui est arrivé depuis le commencement et de te l'exposer par écrit de manière suivie… ainsi tu pourras reconnaître l'entière véracité des enseignements que tu as reçus" (Luc 1:1 à 4). Afin de pouvoir transmettre, à son ami Théophile, un récit conforme aux faits survenus, Luc a entrepris un travail de recherche, d'investigation. La qualité de son travail manifeste son souci du détail et la véracité des faits. En cela, Luc a suivi à la lettre ce que dit l'Ecriture : "Tu feras des recherches, tu examineras (chaqar), tu interrogeras avec soin. La chose est-elle vraie ? Le fait est-il établi ?..." (Deutéronome 13:14). C'est là un modèle à suivre pour tout étudiant sérieux de la Parole de Dieu. Le souci de l'exactitude ne peut avoir d'égale que l'attitude respectueuse due aux saintes Ecritures. Mais cependant, une telle démarche peut présenter de grandes difficultés. S'approcher au plus près du texte peut parfois provoquer une profonde perplexité. Sa richesse, sa profondeur, l’ambiguïté du sens d'une phrase, peuvent dresser de sérieux obstacles à sa compréhension. C'est en cela qu'une attitude humble et une recherche de la sagesse de Dieu par son Saint-Esprit s'avèrent indispensables. Le Psalmiste écrit : "Je publierai la sagesse des temps anciens" (Psaume 78:2). Le mot "sagesse" traduit ici l'hébreu "hidah" (énigme, chose obscure, difficile, complexe). Le Psalmiste projette de publier, de faire connaître des "énigmes, des choses difficiles à comprendre, des choses complexes". Il ne se laisse pas démonter par la difficulté mais après "avoir plongé ses regards dans la loi parfaite", il est en mesure d'en restituer la substance. Job écrit : "L'homme... explore (chaqar) jusque dans les endroits les plus profonds, les pierres cachées dans l'obscurité" (Job 28:3). Ce travail de recherches demeure un travail "en profondeur". Le Psalmiste écrit encore : "Éternel, tu me sondes (chaqar) et tu me connais…", car Dieu connaît les dispositions de celui qui entreprend ces recherches. A celui dont le cœur présente de bonnes dispositions, il répond : "Je me laisserai trouver par vous" (Jérémie 29:14). Quant à ceux que l'on aura "interrogé" au moyens des Ecritures, leur conclusion pourrait être celle-ci : "Voila ce que nous avons reconnu (chaqar), voila ce qui est, à toi d'entendre et de mettre à profit" (Job 5:27). 
 


Transmission fidèle  

Je me suis peut-être attardé un peu longuement sur ce sujet mais cela me paraissait utile car c'est grâce à cette transmission, orale tout d'abord, écrite ensuite, que nous avons accès aujourd'hui à ces "trésors cachés dans le sable". Si la Parole de Dieu est, aujourd'hui encore, ce qu'elle est, c'est grâce à ces hommes qui ont veillé à ce qu'elle soit transmise avec la plus grande rigueur, dans son intégralité. Nous sommes aujourd'hui les dépositaires de cet héritage. Leur ancêtre Adam (qui est également le nôtre) pourrait être fier du travail énorme qu'ils ont effectué. Car, qu'ont-ils transmis si ce n'est des faits avérés ? De même que l'Evangile n'a pas occulté le reniement de Pierre (Jean 13:38), de même l'Ecriture ne pouvait cacher la faute, commise par ceux qui furent à l'origine de l'humanité (Romains 3:23). Une fausse interprétation des Ecritures a perduré longtemps, durant des siècles d'obscurantisme, prétendant que "le péché originel" avait été celui de la sexualité. Adam et Eve, ayant consommé le "fruit défendu", furent "puni" et chassé du Jardin d'Eden. Mais cette interprétation, bien qu'erronée, relève cependant un fait exact. L'homme et la femme ont été créés êtres sexués. "Il les créa mâle et femelle".

Etre et humanité  

"Puis, Dieu dit : faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l'homme à son image, il le créa à l'image de Dieu, il créa l'homme et la femme" (Genèse 1:26, 7). 

"Voici le livre de la postérité d'Adam. Lorsque Dieu créa l'homme, il le fit à la ressemblance de Dieu. Il créa l'homme et la femme. Il les bénit et il les appela du nom d'homme lorsqu'ils furent créés" (Genèse 5:1, 2). 

Ces deux textes ont, entre eux, un point commun particulier, outre le thème. Dans le texte hébreu, l'homme et la femme sont appelés "mâle et femelle". Des termes que l'on utilise plus communément pour le monde animal. Or, justement, l'auteur vient de parler de la spécification des races dans le verset précédent (Genèse 1:25) avec cette expression "selon son espèce (miyn)". Par contre, pour ce qui est de l'homme, il est dit qu'il est "à la ressemblance" de Dieu. L'auteur souligne donc une différenciation dans la similitude. Par cela, l'auteur du livre de la Genèse souligne le fait que, à l'instar du monde animal, la race humaine est sexuée. Mais, à l'encontre de ce que prétend le Darwinisme, l'être humain n'est pas un animal. C'est un être créé à l'image de Dieu. Avant de poursuivre, il me faut souligner un détail. Détail qui a cependant son importance et qui touche à l'orthographe des mots. Ceux-ci ont toute leur importance dans ce qui va suivre. Cela concerne le mot "Adam", qui nous est familier et que l'on considère généralement comme le prénom du premier homme. Or, il n'en est rien. Ainsi, s'il nous faut aborder le sujet du genre humain, il nous faut préalablement considérer celui des mots. En effet, le mot "âdâm" n'est pas un prénom, c'est un nom commun. Ce mot hébreu désigne en effet "l'être humain" en général. Et comme la Bible aime jouer avec les mots, "âdâm" est tiré de l'hébreu "âdâmâ" qui signifie "le sol, la terre, la poussière, la substance de la terre". C'est pourquoi Chouraki traduit ce mot par "le glèbeux". Le mot "glèbe" désignant une terre qui est propre a être ensemencée. Par le choix de ce vocable fort judicieux, on se rapproche de l'idée de "semence" et de "procréation", rejoignant ainsi cette notion d'être sexué. Mais alors, pourquoi le texte mentionne-t-il que Dieu fit venir les animaux vers l'homme (ha âdâm) ? Adâm donna un nom aux animaux que Dieu lui présenta. Après le Déluge, les hommes se répandirent sur la terre. Chaque peuple donna, à son tour dans sa langue, un nom aux animaux qu'il côtoyait. C'est à cela que l'auteur biblique fait probablement référence à travers cet épisode de la vie d'Adâm le glébeux, tout en mentionnant scripturairement "l'être humain en général" (ha âdâm). Adam, l'individu, posait un acte fondateur, une "pierre de fondement". D'autres, après lui, réitéreraient cet acte dans toutes les langues qui allaient apparaître plus tard, sur toute la surface de la Terre. Il y a donc, dans cet acte, une préfiguration de quelque chose qui devait se produire après le Déluge. Le choix spécifique de ce vocable (ha âdâm) permet d'y discerner une projection dans un temps éloigné. Projection dont Adam ne pouvait avoir, bien évidemment, aucune notion. Mais derrière cet acte fondateur se profilaient déjà les peuples et les nations qui seraient issus de ses reins et qui, eux aussi un jour, leur "donneraient un nom" dans leur langue respective.   

D'autre part, les commentateurs rabbiniques ont fait remarquer que le mot "âdâmâ" comporte une question : "adâm ma ?", "qu'est-ce que l'homme ?". Et à celle-ci ils répondent : "Il n'y a que ceux qui craignent HaShem (Dieu), qui connaissent la réponse". Et enfin, ils concluent en disant : "C'est un 'sod' (un secret caché)". Certains commentateurs ont avancé l'idée qu'Adam pouvait être roux, en soulignant la similitude entre la couleur rougeâtre de la terre argileuse dont Adam a été tiré et le mot "Edom" (le roux). Effectivement, en hébreux, les deux mots s'écrivent de façon identique. Derrière cette énigme (hidah) que peut représenter l'être humain pour lui-même comme pour ses contemporains, il y a déjà, potentiellement, dans les reins d’Adam, toute l'humanité et son devenir, tout ce que l'homme produit de bon et de médiocre, de pire et de meilleur.

"Dieu créa l'homme (ha âdâm) à son image, il le créa à l'image de Dieu. Il les créa mâle et femelle (zakar u neqeba)" (Genèse 1:27, Darby). L'être humain, s'il partage la notion de sexuation avec le genre animal, s'en différencie de par le fait qu'il est le seul être créé à l'image de Dieu. Mais une autre particularité vient se greffer dans le texte. La différence entre les vocable "âdâm" et "ha âdâm", car le texte biblique utilise l'un comme l'autre, et ce pour une raison bien précise. Le "premier adam" est à la fois le prototype du genre humain, mais aussi, et surtout, un être unique, doté d'une conscience, d'un libre-arbitre et d'une volonté propre, et capable de communiquer. Il est, en cela également, créé "à l'image de Dieu". C'est là que cette différence de vocable trouve tout son sens. L''existence d'un être le différencie automatiquement du reste du genre humain. L'homme n'est pas un clone. Il n'est pas le numéro d'une série. Il est véritablement un être unique, mais il demeure un membre à part entière de ce genre qui est le sien. C'est pourquoi l'expression "ha âdâm" désigne, quant à elle, "la race humaine" dans sa globalité. Ainsi, lorsque le texte hébreu fait mention de "âdâm", il est question du personnage du récit biblique. Lorsque le texte utilise l'expression "ha âdâm", il est question de l'humanité dans son ensemble. Cela est d'une importance considérable car cela signifie que ce texte fondateur n'est pas seulement le récit des deux premiers êtres vivants. Il préfigure déjà cette humanité naissante, issue de ce couple créé sexué. 

En donnant vie (hava) à l'être humain, le Créateur lui attribue du même coup cette dualité qui le constitue. L'homme est ainsi créé comme un être duel, sexué, et doté d'un libre-arbitre, d'une volonté propre, et d'autonomie. Mais il est également un être tripartite constitué d'un corps, d'une âme et d'un esprit (1 Thessaloniciens 5:23). En cela, il peut effectivement constituer une "énigme" (hidah) pour son semblable.  Ainsi, à la question : "Adâm ma ?", "Qu'est-ce que l'homme ?",  le Sage répond : "une énigme pour son semblable". Une énigme que l'Ecriture appellera "son prochain" (Matthieu 22:39). Mais lorsque le Psalmiste affirme : "Je publierai la sagesse (hidah) des temps anciens", il dit, en substance, "Je ferai connaître le secret de cette énigme, cette chose difficile à comprendre, obscure et complexe qu'est la nature humaine". Ainsi, face à cette interrogation de l'être humain sur sa propre nature comme sur son identité, la Bible propose… une énigme (hidah). Mais cette énigme est en réalité une manifestation d'un aspect de la "Sagesse infiniment variée de Dieu" (Ephésiens 3:10) qui se décline ici sous la forme d'une réflexion. Une réflexion qui se doit d'être nourrie par la méditation de la Parole de Dieu. Cette dernière fournira à l'homme (ha âdâm) toutes les réponses qui lui sont nécessaires. On comprend alors que cette "énigme" (hidah), cette déclinaison de la Sagesse de Dieu, est en réalité un appel que Dieu adresse à Sa créature pour l'inciter à chercher les réponses à ses interrogations les plus profondes. En réponse à cette recherche, Dieu s'engage à lui "faire connaître le secret de cette énigme, cette chose difficile à comprendre, obscure et complexe qu'est la nature humaine"

Il leur donna un nom  

"L’Eternel Dieu dit : il n'est pas bon que l'homme (ha âdâm) soit seul, je lui ferai une aide semblable à lui. L'Eternel Dieu forma de la terre tous les animaux des champs et tous les oiseaux du ciel et il les fit venir vers l'homme (ha âdâm) pour voir comment il les appellerait, et afin que tout être vivant portât le nom que lui donnerait l'homme. Et l'homme donna des noms à tout le bétail… et à tous les animaux des champs ; mais, pour l'homme (âdâm), il ne trouva pas d'aide semblable à lui" (Genèse 2:18 à 20). On peut voir ici que le texte biblique fait à la fois mention de la race humaine dans sa globalité, et du personnage biblique. En effet, pour ce qui est de nommer les animaux (puisque c'est d'eux qu'il s'agit ici), il est écrit "ha âdâm" et non "Adam". Ce sera donc à l'humanité toute entière de renommer ces mêmes animaux, chacun dans sa langue. Une lecture superficielle de ce texte pourrait cependant laisser supposer que Dieu, après avoir créé l'homme, fait un constat d'incomplétude. Pour palier à ce manque, le Créateur aurait alors envisagé de créer la femme. Bien évidemment, il n'en est rien. Ce que Dieu fait ne nécessite aucun réajustement : "cela était très bon" (Genèse 1:31). Le texte original montre bien que la réflexion divine ("Il n'est pas bon que l'être humain soit seul") concerne la race humaine et non l'homme âdâm que Dieu vient de créer. Il y a déjà, dans ce prototype humain sexué, "celle qui lui correspond", et par delà, toute une humanité à venir. Celle à qui, après avoir été chassé du jardin d'Eden, il donnera le nom de Hava (Eve), ce qui signifie "la Vie". Une fois le couple formé, c'est du ventre de la femme que sortira l'être humain (ha âdâm)

"Il souffla dans ses narines un souffle de vie et il devint un être humain (ha âdâm)" (Genèse 2:7). Ce souffle de vie dans les narines d'Adâm va se perpétuer au travers de toute la race humaine. J'ai parlé plus haut de transmission et de mémoire par le "zakar". Mais il en est une autre qui se fait par "neqeba" (la féminité). La capacité de transmettre la vie à une petite fille qui, devenue femme, sera mère à son tour. Mais bien plus encore, tout ce qui est propre à la féminité. Tout ce qui fait d'elle "une aide semblable à lui". Différente, complémentaire et, elle aussi, sexuée. 

Mais la construction de ce texte ci-plus haut présente une étrangeté. Pourquoi intégrer la dénomination des animaux au sein de cette réflexion sur la création de la femme ? Il faut se rappeler que, dans le Jardin d'Eden, et ce jusqu'au Déluge, la prédation animale n'existe pas. L'animal ne crains pas l'homme et vit en bonne harmonie avec lui. La notion de nourriture carnée n'apparaît qu'après que Noé et sa famille soient sortis de l'Arche. "Dieu bénit Noé et ses fils et leur dit : soyez féconds, multipliez et remplissez la terre. Vous serez un sujet de crainte et d'effroi pour tout animal… ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut servira de nourriture. Je vous donne cela comme l'herbe verte…. Je redemanderai le sang de vos âmes, je le redemanderai à tout animal… Dieu a fait l'homme à son image. Et vous, soyez féconds, multipliez, répandez-vous sur la terre et multipliez sur elle" (Genèse 9:1 à 7). La notion de procréation, suggérée dans le précédent passage, est ici clairement énoncée. Ici encore, la perpétuation de la race humaine est mêlée à un énoncé sur les nouveaux rapports de l'homme avec le monde animal. Comme un rappel que l'être humain fut créé "mâle et femelle". Les animaux, mêmes les prédateurs les plus féroces, sont capables de se manifester beaucoup de tendresse lorsqu'ils sont en couple ou avec leur progéniture. Peut-être que ce jeune célibataire d'Adam en retira quelques leçons qui lui furent, plus tard, bien utiles. "Mais pour l'homme, il ne trouva pas d'aide semblable à lui (ezer kenegdo)" (Genèse 2:20). Le mot "ezer" signifie "aide, secours". Il a pour origine "azar", qui veut dire "aider, secourir, soutenir". Quant au mot "kenegdo", il signifie "en face, devant, vis-à-vis, en présence de, sous le regard, correspondant à"Celle qui est en face de lui (parfois pour lui tenir tête) est bien souvent un secours, une aide précieuse. Elle se tient en sa présence dans un vis-à-vis pour l'écouter, le comprendre, le soutenir. C'est dans ce faces à faces dont j'ai parlé plus haut que l'homme et la femme, dans leur complémentarité, tous deux réunis, incarnent tout à nouveau cet être humain "créé à l'image de Dieu". 
 


L'homme et sa postérité  

En Adâm c'est donc toute l'humanité qui s'éveille à la vie. Il est un peu le "Big Bang" de l'Humanité. Il en porte l'ADN. Tout est déjà contenu en lui. Toutes les potentialités sont déjà présentes en germe. Les races, les peuples, les nations. Toutes les familles de la Terre ne demandent qu'à s'éveiller à l'existence. Jamais personne ne lui sera semblable. Avant que, de sa côte, ne soit tirée son vis-vis. Adam, dans sa complétude, est présent au monde. Mais il est seul. Hava (Eve) viendra combler ce manque. Adam est, comme le sera plus tard Melkisédek, "sans père, sans mère, sans généalogie" (Hébreux 7:3). En procréant, il enclenchera un processus qui perdure depuis et dont nous sommes les fruits. Nous qui, en ce vingt-et-unième Siècle, pouvons lire le récit de ce lointain ancêtre. Nous sommes inscrits dans ces livres, ces "cefer toldoth" qui contiennent les noms de tous les êtres humains, fils et filles d'Adâm qui ont vécus sur cette Terre. "Voici le livre de la postérité (cefer toldoth) d'Adam. Lorsque Dieu créa l'homme, il le fit à la ressemblance de Dieu. Il créa l'homme et la femme, il les bénit et il les appela du nom d'homme lorsqu'ils furent créés" (Genèse 5:1, 2).

"Toldoth" est un mot qui signifie à la fois "généalogies, descendants", mais aussi "le cours de l'Histoire". Voici "le cours de l'histoire" d'Adâm, le "père" de l'humanité. Ces généalogies, on les retrouve en divers endroits dans les Ecritures. Elles témoignent d'une filiation. Sans elles, les lévites ne pouvaient accéder au service du Temple car il leur fallait prouver leur filiation directe pour être admis au service de Dieu (Exode 6:16, 19). Ces "toldoth" commencent, étonnement, dans les cieux. "Voici les origines (toldoth) des cieux et de la Terre quand ils furent créés. Lorsque l'Eternel Dieu fit une terre et des cieux" (Genèse 2:4). Quelques millénaires après que ces quelques lignes eurent été écrites, deux des descendants d'Adâm mirent le pied sur la Lune. "Un petit pas pour l'homme, un grand pas pour l'humanité"

Et tout au long des Ecritures, on retrouve ces longues listes de noms. "Voici les toldoth de *Sem... de Térach... d'Ishmaël… des fils d'Ishmaël par leurs noms, selon leurs toldoth... voici les toldoth d'Isaac… voici la toldoth d'Edom (dont le nom s'écrit comme celui d'Adâm)... d'Esav, père d'Edom…". Viennent ensuite les toldoth des fils de Jacob : Ruben, Siméon, Gad, Juda... celles d'Aaron et de Moïse au temps où l'Eternel parla à Moïse sur la montagne... jusqu'aux chefs de familles qui habitèrent Jérusalem. Afin d'authentifier l'identité de Jésus, Luc, dont j'ai parlé plus haut, a rédigé scrupuleusement sa généalogie qu'il a inclue dans son livre. Il écrit : "Jésus avait environ trente ans lorsqu'il commença son ministère, étant, comme on le croyait, fils de Joseph... fils de Juda, fils de Jacob, fils d'Isaac, fils d'Abraham… fils de Seth, fils d'Adam, fils de Dieu" (Luc 3:23 à 38). 

J'en reviens à cette toute première mention : "Voici les origines (toldoth) des cieux et de la Terre quand ils furent créés. Lorsque l'Eternel Dieu fit une terre et des cieux" (Genèse 2:4). De longues généalogies qui semblent trouver leurs origines aux confins de l'Univers. Mais là où ça devient vraiment intéressant, c'est lorsque l'on reprend le texte en hébreu.

La postérité d'Abraham  

"Voici les origines (toldoth) des cieux et de la Terre quand ils furent créés" se dit : "êleh towldoth ha shamaïym we ha aretz be hib brar "am". Ce mot de cinq lettres s'écrit de la même façon que le nom du Patriarche AbrahamSeules les lettres "hé" et "aleph" sont inversées. La lettre Beth qui se trouve devant le mot signifie "en, dans". On peut donc également lire (si on lit le texte sans la ponctuation, c'est à dire dans le texte plus ancien) : "Voici les origines des cieux et de la Terre en Abraham". On retrouve cette particularité un peu plus loin dans le récit de la Genèse lorsqu'il est écrit : "C'est ici le livre des générations d'Adam. Au jour où Dieu créa Adam, il le fit à la ressemblance de Dieu. Il les créa mâle et femelle, et les bénit, et il appela leur nom Adam, au jour qu'ils furent créés" (Genèse 5:1, 2, Darby). Le texte dit : "zèh cepher towldoth âdâm beyom barô elohîm âdâm bidmout elohîm asah otow". Littéralement : "c'est là le livre de généalogies d'âdâm dans les jours où créa Dieu âdâm à la ressemblance de Dieu il fit lui".

Et le texte se poursuit : "zakar ounekebah bera'am way ba rek otam wayikra eth semâm âdâm beyom hib bar'am". "Mâle et femelle il les créa et il les bénit eux et appelle eux homme dans les jours où ils furent créés". Une telle coïncidence ne passa pas inaperçue et les Sages d'Israël s'interrogèrent sur la signification de ces passages où semblaient émerger comme la pointe d'un mystère. La clef de celui-ci est peut-être là, quelque part dans cette généalogie produite par l'évangéliste Luc. Se pourrait-il que cette longue liste de noms nous apporte quelques lumières ? "Abraham, fils de thara, fils de Nachor, de Seruch, de Ragau, de Phalek, d'Eber, de Sala, de Kaïnam, d'Aphaxad, de Sem, de Noé, de Lamech, de Mathusala, d'Enoch, de Jared, de Maléléel, de Kaïnan, d'Enos, fils de Seth, fils d'adam, fils de Dieu" (Luc 3:34 à 38). L'un d'entre eux aurait-il été le détenteur de cette clef ? 

Le nom du Patriarche est écrit là, comme en filigrane, au cœur du texte de la Genèse. Comme s'il en annonçait déjà d'avance la venue. Alors que Dieu donnait vie au premier couple de l'humanité, leur récit contient déjà, en germe, le patriarche dont descendrait, en droite ligne, le Massiah, le Sauveur du Monde. Bien avant qu'ils n'eurent péché, le Salut se profilait déjà à l'horizon de l'humanité. 

Ainsi, il est écrit : Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge. Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes" (Sara était ménopausée) (Genèse 18:11, Darby). La version Segond donne : "Abraham et Sara étaient vieux et ne pouvaient avoir d'enfant (orah ishsha)", ce qui semble, ici, être le plus littéral, mais la version Darby souligne un autre aspect de la situation. "Orah ishsha", que l'on pourrait traduire par "la voie des femmes". "Orah", c'est "la voie, le chemin, la route". De façon figurative : "une manière de vivre, de se comporter". Sara s'était faite à cette idée. Elle avait parcouru les routes et les chemins et elle y avait vu nombre de femmes avec des enfants. Mais pour elle, c'était une voie sans issue. On retrouve, ici aussi, le couple "Ish et ishsha". "Ishsha", c'est l'épouse, la femme de son mari. Et "la voie" de l'épouse est d'avoir des enfants, mais Sara n'a pas d'enfant. Cependant, "Sara devint enceinte et elle enfanta un fils à Abraham dans sa vieillesse, au temps fixé dont Dieu lui avait parlé" (Genèse 21:2). Sara avait douté. "Elle rit en elle-même en disant : maintenant que je suis vieille, aurais-je encore des désirs (eden) ?". Et il y eut Ishmaël. Dieu avait dit à Abraham : "Accorde à Sara tout ce qu'elle te demandera (concernant Ishmaël), car c'est d'Isaac que sortira une postérité qui te sera propre" (Genèse 21:12). Ce qui fait dire à l'auteur de l'Epître aux Hébreux : "C'est par la foi que Sara elle-même, malgré son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une postérité, parce qu’elle crut à la fidélité de celui qui avait fait la promesse" (Hébreux 11:11).

"Elle rit en elle-même (qereb) en disant…". "Qereb", c'est "être au milieu de". Ce peut être également "le siège des pensées, des émotions", mais également "dans le sein, dans le ventre, les entrailles". Sara est alors dans une profonde "introspection utérine" qui touche à ses émotions les plus profondes, à son identité de femme, à sa nature la plus profonde et la plus intime. "Aurais-je encore des désirs (eden) ?" se demande-t-elle. Comme le souligne Darby, dans sa traduction : "Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes" et qui devait lui permettre, physiologiquement, d'avoir des enfants. Mais ses paroles font écho à ce que Dieu avait dit à ishsha (qui ne s'appelle pas encore Hava, Eve) : "tes désirs se porteront vers ton mari (Genèse 3:16). Lorsqu'il est dit de Rebecca qu'elle était stérile, il est dit plus loin que "Rebecca devint enceinte. Les enfants se heurtaient dans son sein (qereb). "L'Eternel lui dit (à Rebecca) : deux nations sont dans ton ventre" (Genèse 25:21 à 23). Deux nations naîtront d'Abraham : Isaac et Ishmaël. Deux nations naîtront de Rebecca : Edom et Israël. 

"Sara elle-même, malgré son âge avancé, fut rendue capable d'avoir une postérité". Le texte grec donne "sperma katabole tikto". Cette expression est riche de sens. "Sperma", c'est à la fois "la semence, la descendance, les enfants, la progéniture, la famille, la race, ce qui possède la force vitale qui donne la vie". De façon figurative, c'est "un reliquat, un reste, les survivants qui vont redonner vie à un peuple""Katabole"c'est "l'injection de la semence dans la matrice", mais aussi "une création en posant une fondation". Et "Tikto" : c'est "la capacité qu'une terre a de produire des fruits". De façon métaphorique, cela signifie "enfanter, accoucher, avoir une postérité"
 


Sara serait en mesure d'être féconde, de mener à terme sa grossesse, d'enfanter un fils qui engendrerait un peuple, qui redonnerait vie à la vieillesse d'Abraham et de Sara, de "ish" et "ishsha". De cet enfantement naîtrait une longue lignée de rois. C'est ce que nous dit Matthieu, dans l'introduction de son Evangile. "Généalogie de Jésus-Christ, fils de David, fils d'Abraham. Abraham engendra Isaac, Isaac engendra Jacob, Jacob engendra Juda et ses frères. Juda engendra Pharès et Zara. Pharès engendra Esrom, Aram, Aminadab, Naason, Salmon engendra Boaz de Rahab, Boaz engendra Obed de Ruth, Obed engendra Isaï. Isaï engendra David". Dieu avait fait cette promesse à Abraham : "Je te rendrai fécond à l'infini, je ferai de toi des nations, et des rois sortiront de toi. J'établirai mon alliance entre moi et toi, et tes descendants après toi selon leurs générations. Ce sera une alliance perpétuelle en vertu de laquelle je serai ton Dieu et celui de ta postérité après toi. Je te donnerai, et à tes descendants après toi, le pays que tu habites comme étranger, tout le pays de Canaan, en possession perpétuelle, et je serai ton Dieu. Dieu à Abraham : Toi, tu garderas mon alliance, toi et tes descendants après toi, selon leurs générations" (Genèse 17:6 à 10). Et Matthieu poursuit : "Le roi David engendra Salomon de la femme d'Urie. Salomon engendra Roboam, Abia, Asa, Josaphat, Joram, Ozias, Joatham, Achaz, Ézéchias, Manassé, Amon, Josias, Jéchonnias et ses frères, au temps de la déportation à Babylone (ce qui met fin à la dynastie royale). Après la déportation à Babylone, Jéchonias engendra Salthiel, Zorobabel, Abiud, Eliakim, Azor, Sadok, Achim, Eliud, Eleazar, Matthan, et Matthan engendra Jacob, Jacob engendra Joseph, l'époux de Marie, de laquelle est né Jésus, qui est le Messie" (Matthieu 1:1 à 16). C'est là la postérité d'Abraham jusqu'au Massiah, Yeshoua. Il y a en tout soixante-dix-sept noms de Jésus à Adam. Jésus, de par son ascendance (et de par son humanité), est la soixante-dix-septième génération après le premier homme. Le Massiah Yeshoua, le Seigneur Jésus-Christ, lui qui est "le dernier Adam" (1 Corinthiens 15:45), est venu "au temps fixé" (Genèse 18:14), dans cette soixante-dix septième génération après "le premier Adam"

La mère de tous les vivants  

Sara s'était donc posée cette question : "Maintenant que je suis vieille, aurais-je encore des désirs ?" A quoi elle ajoute : "Mon mari est vieux". Une question intéressante qui pourrait amener une réflexion sur l'intimité du couple dans sa vieillesse. "Aurais-je encore des désirs (eden) ?". Comme le souligne Darby, dans sa traduction : "Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes" et qui devait lui permettre, physiologiquement, d'avoir des enfants. Mais ses paroles font écho à ce que Dieu avait dit à ishsha (qui ne s'appelle pas encore Hava, Eve) : "Tes désirs (teshouwqah) se porteront vers ton mari" (Genèse 3:16). Le mot "teshouwqah" apparaît à trois reprises dans les Ecritures. Lorsqu'il est fait mention des désirs d'un homme vers une femme (Cantique des Cantiques 7:10), d'une femme vers un homme (Genèse 3:16), mais également du péché à l'égard de l'homme (Genèse 4:7). Mais ce mot peut également désigner ce qui pousse un animal à dévorer sa proie. On retrouve, ici encore, une corrélation entre le genre animal et la relation de couple. Cela laisse matière à réflexion mais je ne développerai pas plus loin. Les mots parlent d'eux-mêmes. 

J'en reviens donc ici à Sara. Il n'est pas fait mention, pour l'épouse d'Abraham, de "teshouwqah" mais "d'eden". Mais une fois encore, le mot est riche de sens. Il signifie "luxe, délicat, délices, parure". Il est généralement traduit par "désirs, délices, précieux, magnifique". Ce que dit le texte "On vous revêtait magnifiquement (eden) de cramoisi et l'on vous mettait des ornements d'or sur vos parures" (2 Samuel 1:24). Abraham était un homme riche. Et si un Pharaon a posé ses regards sur Sara au point de la convoiter, ce n'est pas seulement parce que elle était encore d'une grande beauté dans son grand âge, mais elle devait également être "vêtue et parée magnifiquement". D'ailleurs, le mot "eden" vient de "adan", qui signifie "vivre dans l'abondance, faire ses délices de" (Néhémie 9:25). Le Psalmiste dit encore : "Éternel, tu soutiens les hommes et les bêtes. Combien est précieuse (eden) ta bonté" (Psaume 36:7, 8). Lorsque Dieu couvrit Sara de ce somptueux manteau de bonté, celle-ci fut en mesure d'enfanter. 

Mais le mot Eden, s'il fait directement allusion au Jardin du même nom, aux délices et à l'intimité du couple, il peut également revêtir un aspect beaucoup moins attrayant. Car ce mot apparaît également dans un texte qui ne reflète que l'effroi, la violence et la mort. "Nabucadnetsar, roi de Babylone, m'a dévorée, m'a détruite, il a fait de moi un vase vide. Tel un dragon, il m'a engloutie. Il a rempli son ventre de ce que j'avais de plus précieux (eden), il m'a chassée. Que la violence envers moi et ma chair déchirée retombent sur Babylone, dit l'habitante de Sion, que mon sang retombe sur les habitants de Chaldée ! dit Jérusalem" (Jérémie 51:34, 35). C'est donc "Jérusalem, l'habitante de Sion" qui parle. Jérusalem, "dévorée, détruite" par les Babyloniens qui avaient cette horrible pratique d'éventrer les femmes enceintes pour arracher l'enfant du ventre de leur mère, sans compter les viols perpétrés par la soldatesque. La voix de "l'habitante de Sion" s'élève comme un cri déchirant. Elle qui se sent comme un "vase vide", elle dont "les chairs sont déchirées" par les viols répétés. Elle prie "que son sang retombe sur les habitants de Chaldée". Et lorsqu'elle dit : "tel un dragon, il m'a engloutie, il a rempli son ventre de ce que j'avais de plus précieux", peut-être fait-elle allusion à cette horrible pratique idolâtre qui consistait à jeter des petits enfants dans la bouche du dieu Moloch, une fournaise ardente brûlant à l'intérieur de la statue. A chaque génération, le cri d'une mère est monté vers le ciel. "C'est Rachel qui pleure ses enfants" disent les Sages d'Israël (Jérémie 31:15 / Matthieu 2:18).  

J'ai parlé plus haut du désir (teshouwqah) qui pousse un animal à dévorer sa proie. On retrouve en cela toute la bestialité dont l'homme peut faire preuve à l'égard de son semblable. Le lion de Babylone n'est-il pas la première des quatre "bêtes" vues en songe par le prophète Daniel ? Le meurtre et la violence étaient présents dans le cœur de l'homme depuis l'aube de l'humanité. "Adam connut Eve, sa femme, elle conçut et enfanta Caïn et elle dit : j'ai formé un homme avec l'aide de l'Eternel. Et l'Eternel dit à Cain : … si tu agis mal, le péché couche à ta porte, et ses désirs (eden) se portent vers toi, mais toi, domines sur lui…. Caïn adressa la parole à son frère Abel… Caïn se jeta sur son frère et le tua… Et Dieu dit : qu'as-tu fait ? La voix du sang de ton frère crie de la terre jusqu'à moi" (Genèse 4:1 à 10). Hava devint ainsi la mère du meurtrier de son fils, ainsi que de la victime de celui-ci. A travers les âges, l'homme fut, à chaque génération, "le meurtrier de son frère". Et ce, jusqu'à nos jours. "Puis, sur le même sol, d'autres s'élèvent après lui" (Job 8:19). Et comme dit le Psalmiste : "L'Eternel aussi accordera le bonheur, et notre terre donnera ses fruits. La justice marchera devant lui, et il imprimera ses pas dans le chemin" (Psaume 85:13, 14). 

Tout avait commencé avec un homme et une femme. Un homme, une femme, toute l'humanité. Une Histoire qui s'écoule jusqu'à cette heure tardive où j'écris les dernières lignes de cet article. Une Histoire et un mystère aussi. "Voici le livre de la postérité d'Adam. Lorsque Dieu créa l'homme, il le fit à la ressemblance de Dieu. Il créa l'homme et la femme. Il les bénit et il les appela du nom d'homme, lorsqu'ils furent créés. Adam, âgé de cent trente ans, engendra un fils à sa ressemblance, selon son image, et il lui donna le nom de Seth. Les jours d'Adam, après la naissance de Seth, furent de huit cents ans, et il engendra des fils et des filles. Tous les jours qu'Adam vécut furent de neuf cent trente ans, puis il mourut" (Genèse 5:1 à 5). Bien des hommes et des femmes ont, depuis Adam, foulé ce sol où, pour la première fois et il y a bien longtemps, un homme a marché sur la Terre. 

 

JiDé
 

Notes

(1) Parole prononcée par Neil Armstrong, le premier astronaute à poser le pied sur la Lune le 11 Juillet 1969. 

(2) Les reins. Dans la pensée hébraïque : le lieu de la procréation (Hébreux 7:5,10). 

(3) "Parce que c'était lui, parce que c'était moi". 

(4) Ce texte est une contraction des versions Darby, Semeur et Segond. Toutes trois apportant un aspect du texte qu'il me semblait nécessaire de souligner. 

Il les créa mâle et femelle
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