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Les Actes des Apôtres : Sur la route de Damas

Les Actes des Apôtres : Sur la route de Damas

Si l'on connaît généralement assez bien l'apôtre Paul, on en sait souvent un peu moins sur le jeune Saul de Tarse. La ville de Tarse (située aujourd'hui en Turquie) était alors, après Rome, Alexandrie, Éphèse et Antioche, l'une des plus majestueuses cités de l'Empire. Capitale de la Cilicie sous Pompée, l'historien grec Strabon vante la vie intellectuelle de cette cité qui rivalise ainsi avec Athènes et Alexandrie. C'est à Tarse que l'on allait chercher les précepteurs des princes impériaux de Rome. Ville cosmopolite, à la croisée des voies commerciales, au carrefour de l'Orient et de l'Occident, célèbre pour sa toile de cilice dont on faisait des tentes réputées imperméables, elle fut également le théâtre de la rencontre entre le Général et consul Romain Marc-Antoine (le grand-père de l'empereur Claude dont fait mention le livre des Actes) avec la reine d'Égypte Cléopâtre, qu'il épousera vers l'an 40 avant notre ère. L'arrivée de la célèbre reine d'Égypte, à Tarse, a été immortalisée par le peintre Claude Gelée, dit "Le Lorrain", dont la toile est exposée au Musée du Louvre. Marc-Antoine fera de Tarse la capitale de l'empire romain oriental. Un monument subsiste encore de cette époque. Appelé "Porte de Cléopâtre", aux abord de ce qui fut autrefois le port de l'antique cité, il demeure un témoin de la rencontre entre le triumvir Romain et la plus célèbre des reines égyptiennes. Tarse est aussi une ville austère, attachée aux traditions et à la morale. À la lecture des écrits de l'évangéliste Luc, on peut constater l'influence que put avoir cette cité sur le caractère de ce jeune homme issu de bonne famille, à la foi citoyen romain et Juif, pratiquant zélé pour la foi de ses pères. Cependant, la diversité des peuples représentés dans sa ville natale préparera le jeune homme pour sa future mission en tant qu'apôtre des païens. 

Philippe

Alors que l'évangéliste Philippe poursuivait sa route d’Azot à Césarée en évangélisant les villes et villages qu'il traversait, Saul, le persécuteur des disciples de Jésus, se rendit auprès du Grand Sacrificateur à Jérusalem afin de se faire remettre des lettres de recommandation pour les synagogues de Damas, le zèle fanatique de l'inquisiteur le poussant à pourchasser les disciples qui pouvaient s'y trouver. Et alors qu'il était en chemin et qu'il se rapprochait de sa destination, il vit une lueur resplendissante. Lui et ses compagnons tombèrent à terre, mais Saul fut le seul à voir le Seigneur et à entendre sa voix. Devenu aveugle après la vision, Il demeura trois jours en prière à Damas, sans manger et sans boire. Le Seigneur s'adressa alors à un disciple nommé Ananias, résidant à Damas, lui demandant de se rendre auprès de celui qui était encore, à ses yeux, le persécuteur des frères. Ananias avait appris que Saul avait été mandaté par le Sanhédrin pour ramener à Jérusalem les disciples de Jésus, afin de les emprisonner. Il répondit au Seigneur en évoquant les motivations de Saul, mais l'Esprit du Seigneur eut raison de ses réticences. Ananias se rendit dans la maison où résidait Saul et il pria pour lui. Le futur apôtre recouvra alors la vue et fut rempli du Saint-Esprit. Saul fut baptisé (le baptême se faisant par immersion complète). Il se peut que la maison où se trouvait Saul possédait son propre mikvé (bain rituel). Il put à nouveau se nourrir et les forces lui revinrent. Ananias présenta "le nouveau Saul" aux disciples de Jésus qui vivaient à Damas, et après quelques jours "il prêcha dans les synagogues" (de ce qui était déjà, alors, une grande ville où résidaient beaucoup de Judéens). Ce revirement soudain en étonna beaucoup, et certains crurent à une ruse de l'inquisiteur pour gagner la confiance des disciples, mais son poignant témoignage confondait ses compatriotes. Saul leur démontrait, par les Ecritures, que ce Yeshoua était bien le Messie dont parlent celles-ci. Les Judéens projetèrent alors de le faire mourir, surveillant nuit et jour les portes de la ville. Pour lui permettre de quitter, de nuit, la ville, des disciples le firent descendre le long de la muraille dans une panier accroché à une corde.

Saul retourna ensuite à Jérusalem, mais les disciples de la capitale de la Judée ne le crurent pas et se méfiaient de lui. Barnabas décida de le prendre avec lui, il le conduisit devant les apôtres et leur raconta comment Saul avait rencontré Jésus sur la route de Damas et comment il avait prêché le Nom du Seigneur auprès des Judéens. Les apôtres le prirent alors avec eux et, dans tout Jérusalem, l'ancien inquisiteur parlait du Seigneur avec assurance et conviction. Les Juifs de culture grecque (les Hellénistes) cherchèrent alors à le faire mourir. L'ayant appris, les disciples décidèrent d'emmener Saul à Césarée, ville portuaire de Samarie, d'où il pourrait prendre un bateau pour la ville de Tarse, en Cilicie, dont il était originaire. Après la conversion de Saul de Tarse, l'Assemblée des disciples connut une période de tranquillité, le principal instigateur de la persécution ayant rejoint les rangs de ceux qu'il pourchassait auparavant. L'Assemblée s'édifiait, grandissant avec l'aide du Saint-Esprit. Quelques temps plus tard, Barnabas, qui avait pris sa défense devant les apôtres à Jérusalem, alla rechercher Saul à Tarse pour le ramener à Antioche où ils servirent ensemble le Seigneur (Actes 11:25, 26)

Deux écoles

Initialement, le récit ne contient pas de chapitrage. On peut donc lire : "Philippe se trouva dans Azot, d'où il alla jusqu'à Césarée, en évangélisant toutes les villes par lesquelles il passait. Cependant, Saul, respirant encore la menace et le meurtre contre les disciples du Seigneur, se rendit chez le Souverain sacrificateur (Actes 8:40 ; 9:1). Ce mot "cependant", qui introduit le début du chapitre 9, est directement lié à ce qui est dit à la fin du chapitre précédent et précise son contexte. Philippe évangélisait ouvertement, de ville en ville, de la Judée à la Samarie (Césarée se trouve tout au Nord de la plaine maritime du Saron) alors que la persécution faisait rage. Philippe l'ignorait encore, mais le principal inquisiteur de cette persécution s'apprêtait à partir pour la Syrie pour en ramener, par la force, les disciples de cette doctrine qu'il combattait férocement, "Saul respirant encore la menace et le meurtre...". Nous sommes quelque part entre l'an 31 et l'an 33 de notre ère, et une rencontre va bouleverser le cours de l'Histoire. 

Si l'on connaît généralement assez bien Paul en tant qu'apôtre, on connaît peut-être un peu moins l'homme qu'il fut autrefois, avant de rencontrer le Seigneur Jésus. Bien qu'il soit né à Tarse, Saul a été élevé à Jérusalem. Il fut enseigné "aux pieds de Gamaliel dans la connaissance exacte de la loi (la Thora plus exactement) de nos pères, étant plein de zèle pour Dieu" (Actes 22:3). Gamaliel était à la fois Pharisien et membre du Sanhédrin (Actes 5:34), mais le récit biblique nous dit qu'il était également "docteur de la Thora, estimé de tout le peuple". Le judaïsme de cette époque avait, à sa tête, un binôme de deux "maîtres de Thora". À l'époque de Hillel, c'était Shammaï et ses disciples qui en constituaient le deuxième parti. Shammaï était un homme dur et colérique, intransigeant et strict. Hillel était un homme conciliant et doux. Son petit-fils Gamaliel héritera de sa personnalité. Mais Saul avait une personnalité qui correspondait plus à celle de Shammaï. Les Évangiles présentent différents membres de ces deux tendances opposées. Les Pharisiens avaient cependant tous cette croyance en l'au-delà et en la résurrection des morts (Actes 24:14, 15), ce en quoi ne croyaient aucunement les Sadducéens (Actes 4:1, 2 / 23:8), parti religieux dont étaient membres les scribes ainsi que les grands-prêtres Caïphe et Anne, en fonction à l'époque de Jésus. C'est pourtant auprès du Sanhédrin que Saul va aller chercher ses lettres de recommandation. Les principaux sacrificateurs, mis en place par le pouvoir romain, étaient des Juifs hellénisés, Sadducéens fortement influencés par la pensée grecque (Actes 17:32). Quant au Rabbam Shimon ben Gamliel (probablement le fils de celui dont il est fait mention dans le livre des Actes) il sera mis à mort par les Romains pour avoir participé à la grande révolte de l'an 66. C'était un descendant de la lignée du roi David. 

Saul l'inquisiteur

Avant de rencontrer le Seigneur Jésus ressuscité sur la route de Damas, Paul était "un blasphémateur, un persécuteur, un homme violent" (1 Timothée 1:13 ; Actes 26:10, 11), un véritable Torquemada* avant l'heure. Lui qui avait assisté au meurtre d'Étienne, ayant "donné son suffrage" à son exécution (Actes 26:10 ; 7:58 ; 8:1), reconnaît avoir ensuite persécuté les disciples de ce qu'il considérait alors comme une dangereuse secte hérétique. Il le fit avec la même virulence dont furent victimes les Cathares aux XIIe et XIIIe Siècles, ou les Huguenots au XVIe par l'Église romaine, reconnaissant lui-même que c'est avec l'aval des autorités religieuses de son époque, et avec des lettres de recommandation (Actes 22:5 ; 26:10) qu'il entreprit cette véritable "chasse aux sorcières", pourchassant, liant et persécutant à mort hommes et femmes suspectés de professer cette voie ou même d'appartenir à la secte des Nazaréens (Actes 8:3 ; 22:5) et cejusqu'aux régions alentours. Fervent défenseur de la foi et des traditions de ses pères (Galates 1:14), il crut bon de devoir les jeter en prison, les poussant à blasphémer le Nom de Jésus, se faisant ainsi lui-même un blasphémateur du Nom du Seigneur (1 Timothée 1:13 ; Actes 26:9 à 11). Rétrospectivement, il reconnaîtra avoir persécuté 'l'Église de Dieu" (1 Corinthiens 15:9). Il dira également : "J'ai persécuté à mort cette doctrine (littéralement "cette voie (en grec "hodos")" (Actes 22:4). Paul utilise ici une formulation par laquelle il désigne l'objet visé par ses actions contre les disciples de Yeshoua (on ne peut pas encore parler de "chrétiens" puisque ce mot n'est pas encore, alors, en usage). Une "doctrine" ne pouvant mourir physiquement, Saul s'en est pris à ceux qui la professaient. L'apôtre Pierre, dans son discours à la Pentecôte, citera un verset du Psaume 16 : "Tu m'as fait connaître les sentiers (hodos) de la vie" (Psaume 16:11 ; Actes 2:28). L'expression "la voie" était utilisée couramment par les disciples de Yeshoua comme par leurs adversaires pour définir la "doctrine" (hodos) à laquelle ils se référaient (Actes 19:23). L'équivalent hébreu (utilisé initialement par les apôtres, ceux -ci s'exprimant dans cette langue) est "orach" (C'est le mot utilisé dans le Psaume 16). "Orach" signifie "voie, chemin, sentier, route". Il désigne également "un voyageur" ou "une caravane". De façon métaphorique, ce mot désigne "une façon de vivre, le chemin de la vie, de l'existence". C'est justement cette "voie, ce chemin de la vie", cette "doctrine", que Saul "persécutait à mort". Paul rendant témoignage de cette rencontre décisive, dira : "Je me rendis (poreuomai) à Damas" (Actes 26:12). Il utilise pour cela le mot grec "poreuomai" qui signifie "continuer, poursuivre un voyage". De façon métaphorique, il signifie également "suivre quelqu'un, devenir son disciple, conduire sa propre vie". Paul, en allant à Damas, "trace sa route" et poursuit son objectif. Mais cette "voie", cette "façon de vivre" qui est la sienne va le conduire sur le "chemin de la vie" pour lui permettre ensuite de "suivre" le Seigneur et "devenir son disciple". Ananias parlera à Saul du "chemin (hodos) par lequel tu venais" (Actes 9:17). Plus tard, Barnabas racontera aux apôtres "comment, sur le chemin (hodos), Saul avait trouvé le Seigneur" (Actes 9:27). Sur ce "chemin" (poreuomai), Saul a trouvé "la voie (hodos) du salut" (Actes 16:27) en la Personne de Celui qui a dit de lui-même : "Je Suis le Chemin (hodos), la Vérité et la Vie" (Jean 14:6). Sur le chemin de Damas, il va faire une rencontre décisive qui va changer sa vie pour toujours...

*Torquemada : moine dominicain espagnol et grand inquisiteur du quinzième Siècle.   

Le cheval de Paul

Alors qu'il se rend à Damas avec ses compagnons (Actes 9:3 ; 26:12 ; 22:6), avec la ferme intention d'en ramener de force les disciples hérétiques à Jérusalem, "tout à coup une lumière venant du ciel resplendit autour de lui" (Actes 9:3 ; Actes 22:6 ; 26:13). Paul dit qu'il était alors midi. Le soleil était à son zénith. Malgré la forte luminosité de ce moment de la journée, Paul dit avoir vu une "grande lumière venant du ciel" (Actes 9:3 ; 22:6 ; 26:13), une lumière qui "surpassait l'éclat du soleil" (Actes 26:13). Le texte nous dit : "je tombai par terre" (Actes 9:4 ; 22:7). Au chapitre 26, devant le roi Agrippa, devant qui il comparaît, Paul ajoute un détail. Il associe à sa chute ses compagnons de route : "Nous tombâmes par terre" (Actes 26:14)

L'iconographie biblique représente généralement Saul tombant de cheval lorsqu'il rencontra le Seigneur sur la route de Damas. Mais le texte biblique ne mentionne nullement ce détail. Nombre de personnes, influencées par ces illustrations picturales ajoutées au fil des siècles, se sont représentées Saul tombant de sa monture, mais cela ne correspond en rien à la réalité de ce qui s'est produit. Pourquoi ? Parce que seuls les Romains étaient autorisés à monter à cheval. Partout dans l'Empire, l'usage du cheval était réservé à l'envahisseur. C'était même un privilège réservé à une certaine aristocratie. Cela pourrait paraître n'être qu'un détail, mais il met en lumière un fait récurrent qu'il me semble important de souligner.

Il m'est arrivé de constater, au cours de conversations touchant aux Écritures, que bien des lecteurs de la Bible n'attachent que peu, voire pas du tout, d'intérêt aux détails fournis par les textes, privilégiant un sens général qu'ils pensent y discerner. Mais une juste compréhension des textes bibliques (pourtant censés être inspirés par le Saint-Esprit de Dieu) passe, prioritairement, par une lecture attentive. Celle-ci étant censée tenir compte des informations fournies par les textes lus. Cette propension naturelle à "ajouter" (comme le prétendu "cheval de Paul") peut parfois même nous induire en erreur. La parole de Dieu nous met d'ailleurs en garde contre ce qui peut s'avérer être d'une extrême gravité. Ainsi, il est écrit (parlant des Écritures) : "Vous n'y ajouterez rien et vous n'en retrancherez rien" (Deutéronome 12:32). Faisant référence à ce texte de la loi mosaïque, l'apôtre Jean reprend le même avertissement en l'appliquant au livre de l'Apocalypse, en mentionnant d'éventuelles sanctions pour ceux qui tenteraient de le modifier de quelconque façon que ce soit. Pourtant, ces "modifications" sont généralement involontaires. Elles proviennent de notre "grille de lecture" qui nous fait voir des informations supplémentaires, alors que celles-ci n'y sont pas mentionnées. À l'inverse, cette même "grille de lecture" peut "opacifier", voire occulter d'autres choses, nous pousser à "interpréter" tel ou tel verset ou passage en fonction de ce que nous croyons en savoir. J'ai entendu un jour cette réflexion : "J'ai bien relu le texte ! C'est bien ce qui est écrit !". En réalité, la personne en question l'avait relu avec l'intention d'y voir ce dont elle était préalablement convaincue. Sa lecture, fortement teintée de son apriori, l'a confortée dans une opinion déjà bien ancrée. Pourtant, le texte en question n'affirmait nullement ce qu'elle croyait y lire. Preuve en est, une fois de plus, que notre "grille de lecture" des Écritures nous fait "lire" des choses qui n'y sont pourtant pas mentionnées. Ce fait nous force à constater que, bien souvent, nous "interprétons" ce que nous lisons. Nous "prêtons" parfois aux textes des détails ou un sens que ceux-ci n'ont pas. D'où la nécessité d'en prendre connaissance en tenant compte des informations explicites qu'ils contiennent et qu'ils fournissent, et ce, afin de ne pas "coller" sur les textes une "interprétation" erronée, même si celle-ci paraît, au demeurant, conforme et légitime. La présence de ce "cheval" imaginaire est bien évidemment sans conséquences, mais dans d'autres circonstances, l'ajout d'un élément étranger peut s'avérer bien plus grave. 

Ananias 

la conversion de Saul le persécuteur, envoyé à Damas pour y ramener les membres de la secte des Nazaréens, va bouleverser le déroulement des événements à venir. Saul, rendu aveugle par sa rencontre avec le Messie, est miraculeusement guéri par la prière d'un certain Ananias que le Seigneur lui avait envoyé. Ananias était également "un homme pieux selon la loi, et de qui tous les Juifs demeurant à Damas (qui était déjà une grande ville à l'époque !) rendaient un bon témoignage" (Actes 22:12 ; 9:10). Il est donc possible que cet Ananias, qui s'était rendu auprès de celui qui était censé persécuter les disciples de Yeshoua, était peut-être un personnage important et reconnu au sein de la communauté juive de Damas. Quelqu'un d'apprécié et d'estimé, malgré ses positions messianiques. Mais Paul venait avec l'assentiment des autorités religieuses centrales de Jérusalem (Actes 9:14). Quelle serait la réaction des autres notables de la communauté juive ? Allaient-ils le livrer où le protéger ? Se tourneraient-ils contre lui, malgré l'estime qu'ils lui portaient auparavant, soucieux de se soumettre au pouvoir religieux dont Saul était investi ? Mais après avoir été convaincu par le Seigneur du revirement survenu chez l'inquisiteur, Ananias se rendit auprès de lui, pria pour lui, et Saul devint un homme nouveau.

Saul demeura avec ceux qu'il était venu persécuter et se rendit ensuite dans les synagogues de la ville pour annoncer que ce Yeshoua, dont il persécutait il y a peu les disciples, était véritablement le Massiah (Actes 9:18 à 22). Désormais convaincu que Jésus était bien le Messie, il se mit à l'annoncer à ses frères judéens de la ville de Damas avec la même ferveur qu'il mettait autrefois à combattre les disciples du Seigneur. Menacé de mort par les Juifs de la ville, il devint ainsi lui-même la cible de la part de ceux dont il espérait, peu avant, la collaboration pour exécuter sa mission (Actes 9:23, 24). Et ce furent ceux-là mêmes qu'il était venu pourchasser qui l'aidèrent à fuir ceux qui projetaient de l'assassiner (Actes 9:25). Saul partit alors pour Jérusalem où il rencontra cependant certaines réticences de la part des disciples, craignant une ruse de l'inquisiteur, mais Barnabas le prit sous son aile. À nouveau menacé par des Judéens de culture grecque, les disciples l'emmenèrent à Césarée et le firent partir pour sa ville natale, à Tarse qui, selon les dires du futur apôtre, "n'était pas une ville sans importance" (Actes 21:39).

L'Eglise : Unie et diversifiée

"L'Eglise était en paix dans toute la Judée, la Galilée et la Samarie" (Actes 9:31). L'Eglise avait dépassé les frontières de la Judée pour s'étendre jusqu'au pays des Samaritains (Actes 8:5 à 8 et 12 à 17). Ces communautés, principalement citadines, se revendiquaient toutes comme faisant partie de "l'Eglise" (Actes 9:31). Judéens, Galiléens et Samaritains partageaient une foi commune dans la Thora de Moïse et dans les Patriarches. Les Samaritains n'étaient pas du peuple d'Israël, mais ils n'étaient pas non plus des païens au même titre que les autres nations. Ce lointain "cousinage" avait favorisé l'introduction des Samaritains dans l'Eglise. "Et elle (l'Eglise composée de ces communautés diverses) grandissait par l'assistance du Saint-Esprit" (Actes 9:31). Ces trois communautés ne s'appréciaient pas toujours, mais les disciples de Jésus avaient réussi à gommer ces différences et à créer une véritable communion d'esprit pour ne plus former qu'une seule et même communauté de disciples, "s'édifiant et marchant dans la crainte du Seigneur" (Actes 9:31). L'Evangile allait bientôt atteindre les païens en la personne du centurion romain Cornélius (Corneille), non sans réticences de la part de certains disciples. L'apôtre Pierre lui-même reconnaîtra avoir eu quelques difficultés à admettre cela possible. Une telle nouveauté allait provoquer un petit séisme au sein de la communauté. 

Un brillant avenir

Si, dans son épître aux Romains, celui qui est devenu l'apôtre Paul fait mention de la mère d'un certain Rufus (Romains 16:13) qu'il considère comme la sienne, le nom de son père n'est jamais évoqué. Il est fort probable que, à Tarse, son adhésion à la voie de ce rabbi Yeshoua ne fut pas du goût de tout le monde. Particulièrement aux yeux de celui qui avait financé les études de son fils dans la plus prestigieuse université de l'époque : aux pieds du savant Gamaliel, l'un des maîtres les plus respectés et des plus influents de sa génération. Son père devait disposer de sérieuses relations pour avoir pu le faire entrer dans une si prestigieuse école. Il y a donc de fortes chances que Saul, devenu Paul, ait renoncé à l'usage de son patronyme (un Juif s'identifiait toujours en mentionnant le nom de son père (Untel fils de...). Luc fait pourtant mention de sa sœur et de son neveu qui demeuraient tous deux à Jérusalem (Actes 23:16). C'est son propre neveu qui l'avertit d'un complot fomenté contre lui avant d'en faire lui-même un rapport détaillé au tribun romain (Actes 23:17 à 22)

On peut s'interroger sur le zèle inquisiteur de sa jeunesse qui ne correspondait pas du tout à la vision de Gamaliel. Ce trait de caractère relevait-il plutôt du caractère paternel ? Si tel est le cas, son revirement soudain a très certainement suscité une violente réaction de la part de son géniteur. Mais, fort heureusement, il se savait devenu fils de Son Père qui est dans les Cieux (Matthieu 5:45). La solide formation que Saul avait reçue aux pieds de Gamaliel lui permit rapidement d'exercer la fonction de "docteur" (enseignant) comme Zénas (Tite 3:13) et d'autres, exerçant au sein des communautés (Actes 13:1 / 1 Corinthiens 12:28), avant d'exercer le ministère auquel il était appelé, celui d'apôtre des païens (Romains 11:13 / Galates 2:8 / 2 Timothée 1:11).

Les années passées aux pieds de son maître lui permettaient de "préparer une thèse de Doctorat". Il aurait pu, de nos jours, occuper une place de "maître de conférences". Ses compétences font de lui un grand lettré, mais refusant d'utiliser les artifices du langage, les subtilités de la rhétorique pour convaincre son public (comme par exemple à l'Aéropage d'Athènes, face aux philosophes grecs). Il choisit de ne s'appuyer que sur la puissance persuasive de l'Esprit de Dieu qui seul peut convaincre "de péché, de justice et de jugement" (Jean 16:8). La sagacité de Paul transparaît cependant dans ses écrits. La richesse de sa pensée, de son vocabulaire, et sa capacité à structurer ses idées et de les présenter de façon claire et compréhensible, malgré leur profondeur, font de lui un écrivain hors pair. Mais ses écrits témoignent également d'une profonde tendresse et d'un amour envers tous ceux qu'il a amenés au Seigneur, faisant autant preuve de compassion que de sévérité. En cela, il leur prodiguait à tous, à la fois l'amour d'une mère (Galates 4:19) et celui d'un père (Philippiens 2:22), conscient de l'héritage qu'il détenait des siens. Animé du même zèle que ses frères avec qui il partageait sa judaïté (Actes 21:39 / 22:3). Judaïté souvent occultée par ceux qui ont fait de lui un "ancien Juif, converti". On ne peut cependant cerner toute la richesse de sa personnalité si l'on omet de prendre en compte cette dimension, pourtant incontournable, de la stature de ce personnage hors du commun. Ce même Paul, auquel beaucoup se réfèrent comme étant "l'apôtre des Gentils" (des païens), n'écrit-il pas pas aux disciples de Yeshoua, à Rome : "Je voudrais moi-même être anathème et séparé de Christ pour mes frères, mes parents selon la chair, qui sont israélites, à qui (rappelle-t-il) appartiennent l'adoption, la gloire, les Alliances (Ancienne et Nouvelle : Jérémie 31:31 / Hébreux 9:15), la Loi, le culte, les promesses, les Patriarches, et de qui est issu, selon la chair, le Christ qui est au dessus de toutes choses (qui viennent d'être évoquées)" (Romains 9:3 à 5).

Lorsque Paul et Barnabas se rendirent à Chypre (la patrie de Barnabas), ils s'adressèrent tout d'abord aux Juifs, mais ceux-ci repoussèrent la Parole de Dieu, se jugeant "indignes, selon Paul, de la vie éternelle" (Actes 13:46). Paul et Barnabas se tournèrent vers les païens (Actes 13:46 à 48). Aux Galates, Paul écrira, en parlant de ces "colonnes" de l'Église apostolique que furent "Jacques, Céphas (Pierre) et Jean" : "(Ils) me donnèrent, à moi et à Barnabas, la main d'association, afin que nous allions, nous vers les païens, et eux vers les circoncis" (Galates 2:9). Cependant, tout comme eux, Paul gardera, toute sa vie, un pied dans l'Église et un autre dans la synagogue (Actes 13:5,14 ; 14:1 ; 17:1, 2 ; 17:17 ; 18:4 ; 18:19 ; 19:8), mais c'était pour y annoncer le Messie en la personne de Yeshoua (Actes 13:15 à 44). Occulter cet aspect de son identité, ce serait l'amputer de ce qui fit de lui ce grand homme, ce qu'il est d'ailleurs encore aujourd'hui pour tous ceux qui lisent ou découvrent ses écrits dans lesquels transparaît sa foi dans le Messie de son peuple. 

 

JiDé

Les Actes des Apôtres : Sur la route de Damas
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